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Actualités de la semaine du 14 au 18 novembre 2022
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SOMMAIRE
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Rappelant le rôle et les conditions de mise en œuvre du principe de l’opérateur privé en économie de marché dans le domaine des aides d’État, et précisant la méthode à appliquer, la Cour de justice de l’Union annule et l’arrêt du Tribunal confirmant le caractère illégal des mesures en faveur du développement du transport aérien en Sardaigne et la décision de la Commission
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme que la Commission n’a pas rencontré de difficultés sérieuses qui auraient dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, § 2, TFUE dans l’affaire du lobby des exploitants indépendants de parcs éoliens en Irlande
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la Commission, en se prononçant sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le marché intérieur sans avoir établi au préalable que cette mesure constituait une aide d’État, a agi au-delà de ses compétences et violé le principe de sécurité juridique, le Tribunal de l’Union annule la décision validant la compensation pour la fermeture d’une centrale au charbon néerlandaise
INFOS : Mettant en œuvre — sauf erreur — pour la première fois les nouveaux plafonds de sanction applicables aux associations d’entreprises depuis la transposition de la directive ECN+, l’Autorité sanctionne à hauteur de 60 000 € une association interprofessionnelle réunionnaise pour avoir organisé une entente entre ses membres portant sur la fixation des prix de vente du poisson et le contrôle de la production et des débouchés
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JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Rappelant le rôle et les conditions de mise en œuvre du principe de l’opérateur privé en économie de marché dans le domaine des aides d’État, et précisant la méthode à appliquer, la Cour de justice de l’Union annule et l’arrêt du Tribunal confirmant le caractère illégal des mesures en faveur du développement du transport aérien en Sardaigne et la décision de la Commission
Le 17 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans les affaires jointes C-331/20 (Volotea contre Commission européenne) et C-343/20 (easyJet Airline contre Commission européenne).
Afin de réduire la saisonnalité des liaisons aériennes en augmentant la fréquence des vols pendant la moyenne saison et la saison hivernale ainsi qu’en ouvrant de nouvelles liaisons aériennes, l’Italie a adopté en 2010 une loi régionale, notifiée à la Commission, en application de l’article 108, § 3, TFUE, autorisant le financement des aéroports de l’île en vue du développement du transport aérien. Cette loi a été mise en œuvre par une série de mesures adoptées par l’exécutif de la Région sarde permettant aux exploitants des principaux aéroports sardes de subventionner les compagnies aériennes au nom et pour le compte de la Région sarde et prévoyant des actions marketing. En outre, les dispositions prises par la Région pour l’application de la loi déterminaient les conditions et modalités de remboursement, par la Région, aux exploitants aéroportuaires des sommes versées par ces derniers aux compagnies aériennes au titre de ces accords.
Au terme d’une procédure formelle d’examen, la Commission a adopté une décision le 29 juillet 2016, à la faveur de laquelle elle a considéré que les mesures de soutien en cause constituait un régime d’aides mis en œuvre par la Région autonome de Sardaigne en vue du développement du transport aérien et qu’elle constituait une aide d’État octroyée non pas aux exploitants des principaux aéroports sardes, mais, en réalité, aux compagnies aériennes elles-mêmes.
La présente affaire fait suite d’une part au pourvoi formé par Volotea SA contre l’arrêt du Tribunal rendu le 13 mai 2020 dans l’affaire T-607/17 (Volotea contre Commission européenne) et d’autre part au pourvoi formé par easyJet Airline contre l’arrêt du Tribunal rendu le 13 mai 2020 dans l’affaire T-8/18 (easyJet Airline contre Commission européenne). Par ces arrêts rendus sur recours des deux compagnies aériennes low cost contre la décision de la Commission du 29 juillet 2016, le Tribunal de l’Union européenne a rejeté lesdits recours dans leur intégralité.
Aux termes du présent arrêt, la Cour de justice de l’Union annule non seulement les arrêts du Tribunal mais également la décision de la Commission pour autant qu’elle concerne ces deux compagnies. Ce faisant, la Cour rappelle le rôle et les conditions de mise en œuvre du principe de l’opérateur privé en économie de marché dans le domaine des aides d’État, avant de préciser la méthode à appliquer pour examiner, sous l’angle de l’article 107, § 1, TFUE, l’existence d’un avantage résultant de l’allocation, par un État membre, de fonds publics à des opérateurs privés en vue de financer des contrats de prestation de services conclus par ces derniers avec d’autres opérateurs privés.
En premier lieu, la Cour constate que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 107, § 1, TFUE en considérant, dans les arrêts attaqués, que la question de savoir si Volotea et easyJet avaient bénéficié d’un avantage accordé par la Région ne devait pas être examinée à l’aune du principe de l’opérateur privé en économie de marché, et ce, aux motifs tenant en substance, le premier, à la circonstance que les exploitants aéroportuaires visés par la décision litigieuse n’étaient pas des entités détenues par l’État, le deuxième, à la circonstance que le régime d’aides instituant les mesures litigieuses poursuivait des objectifs de politique publique et, le troisième, à la circonstance que ces exploitants aéroportuaires s’étaient limités à mettre en œuvre ce régime et ces mesures sans disposer d’une autonomie significative par rapport à la Région autonome dans ce cadre (pt. 117). En effet, aucun de ces motifs, conclut la Cour n’était de nature à exclure l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché (pt. 118). Ainsi, ce principe est également susceptible de trouver à s’appliquer lorsqu’un avantage est accordé à une ou à plusieurs entreprises par l’État directement ou par l’intermédiaire d’entreprises privées placées sous son contrôle ou sous son influence (pt. 119). De même, la poursuite d’objectifs de politique publique est inhérente à la plupart des mesures étatiques qui sont susceptibles d’être qualifiées d’« aide d’État » et d’être examinées, à cette fin, au regard de ce principe (pt. 120).
À cet égard, la Cour rappelle que ce sont essentiellement les effets de la mesure étatique qui est en cause, dans un cas donné, sur l’entreprise ou sur les entreprises qui en sont bénéficiaires qu’il y a lieu de prendre en considération pour établir l’existence d’un avantage, que celui-ci soit accordé directement par l’État ou par une entité publique ou privée qu’il aurait instituée ou désignée à cette fin (pt. 105). En revanche, ajoute-t-il, l’article 107, § 1, TFUE ne distinguant pas selon les causes ou les objectifs des mesures étatiques, la nature des objectifs poursuivis par l’État membre qui est l’auteur de ces mesures ou auquel celles-ci sont imputables est dépourvue de toute incidence sur la question de savoir si elles accordent un avantage à une ou à plusieurs entreprises et, plus largement, sur leur qualification en tant qu’aide d’État (pt. 106). En conséquence, doit être considérée comme remplissant la condition tenant à l’existence d’un avantage sélectif toute mesure étatique qui, quels qu’en soient la forme et les objectifs, est susceptible de favoriser directement ou indirectement une ou plusieurs entreprises, ou qui accorde à celles-ci un avantage qu’elles n’auraient pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (pt. 107).
Par ailleurs, la Cour rappelle que la caractérisation de l’existence d’un tel avantage s’effectue, en principe, par application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, à moins qu’il n’existe aucune possibilité de comparer le comportement étatique qui est en cause dans un cas donné à celui d’un opérateur privé, notamment parce que ce comportement est indissociablement lié à l’existence d’une infrastructure qu’aucun opérateur privé n’aurait jamais pu constituer ou que l’État ait agi en sa qualité de puissance publique. À ce dernier égard, il y a lieu, toutefois, d’observer que la seule mise en œuvre de prérogatives de puissance publique, comme le recours à des moyens de nature législative ou fiscale, n’entraîne pas, en elle-même, l’inapplicabilité de ce principe (pt. 108).
Quant aux modalités d’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, la Cour précise qu’elles impliquent elles-mêmes de recourir au cas par cas à différents critères concrets qui visent, chacun, à comparer de la façon la plus adaptée et adéquate possible la mesure étatique qui est en cause dans un cas donné, compte tenu notamment de la nature de celle-ci, à celle qui aurait pu être adoptée par un opérateur privé se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché (pt. 109). Ainsi, le critère de l’investisseur privé trouve à s’appliquer en présence de mesures étatiques telles que des apports de capitaux, celui du créancier privé trouve à s’appliquer en présence de mesures telles que des facilités de paiement pour le remboursement d’une dette, celui du débiteur privé ou encore celui du vendeur privé trouvent à s’appliquer en présence de mesures se rapportant à la fourniture, directement ou par l’intermédiaire d’entités publiques ou d’entreprises privées se trouvant sous le contrôle ou sous l’influence de l’État, de biens ou de services ainsi qu’à la fixation de leurs conditions de vente, comme le prix (pt. 110). À cet égard, la Cour rappelle encore que c’est à la Commission qu’incombe de démontrer, au terme d’une appréciation globale prenant en considération tous les éléments pertinents du cas d’espèce, que l’entreprise ou les entreprises bénéficiaires de la mesure étatique en cause n’auraient manifestement pas obtenu un avantage comparable de la part d’un opérateur privé normalement prudent et diligent se trouvant dans une situation aussi proche que possible et agissant dans des conditions normales de marché. Dans le cadre de cette appréciation globale, la Commission doit tenir compte de l’ensemble des options qu’un tel opérateur aurait raisonnablement envisagées, de tout élément d’information disponible et susceptible d’influencer de façon significative sa décision ainsi que des évolutions prévisibles à la date où la décision d’accorder un avantage a été prise (pt. 113).
En deuxième lieu, dans la mesure où, en dépit de sa conclusion quant à l’inapplicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché, le Tribunal a néanmoins examiné si la Région s’était comportée comme un acquéreur privé de biens ou de services avant de conclure à l’existence d’un avantage conféré par les mesures litigieuses, la Cour examine si ce raisonnement additionnel du Tribunal est susceptible de fonder le dispositif des arrêts attaqués malgré les erreurs de droit précédemment relevées.
Après avoir précisé que le critère de l’acquéreur privé constitue, comme celui du vendeur privé dont il est le pendant, l’un des différents critères concrétisant le principe de l’opérateur privé en économie de marché (pt. 125), la Cour observe, en particulier, que, en application de ce critère, le Tribunal a considéré que Volotea et easyJet avaient bénéficié d’un avantage au titre des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing et de publicité conclus avec les exploitants aéroportuaires, au motif que ces contrats n’avaient pas été précédés par la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres ou d’une procédure équivalente (pt. 131).
Or, s’il découle de la jurisprudence établie de la Cour que, dans le cas où un État ou une autre entité publique décide de vendre ou, par symétrie, d’acquérir des biens ou des services directement auprès d’une ou de plusieurs entreprises privées, la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres organisée selon des modalités garantissant son caractère ouvert, impartial et non discriminatoire permet, sous certaines conditions, de présumer que les contrats ou autres actes qui sont conclus à cette fin à l’issue de cette procédure, et la rémunération qu’ils stipulent, reflètent des conditions normales de marché et, en particulier, un prix normal ou une valeur normale de marché excluant l’existence d’un « avantage », au sens de l’article 107, § 1, TFUE (pt. 126), il ressort également de cette jurisprudence que la mise en œuvre d’une telle procédure n’est pas toujours obligatoire aux fins d’une telle opération de vente ou d’achat et qu’il est loisible de recourir à d’autres moyens, comme la réalisation d’une expertise indépendante ou d’une évaluation fiable, rigoureuse et complète des coûts pertinents, pour s’assurer que l’opération à laquelle il est ainsi procédé constitue une opération normale de marché aboutissant à la fixation d’un prix normal ou d’une valeur normale de marché (pt. 127). À plus forte raison, la mise en œuvre d’une procédure d’appel d’offres ne saurait constituer le seul moyen d’exclure l’existence d’un « avantage », au sens de l’article 107, § 1, TFUE, dans le cas où l’État procède à la vente ou à l’acquisition de biens ou de services auprès d’entreprises privées non pas directement, mais par l’intermédiaire d’autres entreprises privées, qui ne sont pas soumises à l’obligation de recourir à une telle procédure. Quel que soit le moyen auquel il est recouru, la question de savoir si l’existence d’un tel avantage doit être exclue ou, au contraire, retenue impose donc, en tout état de cause, d’apprécier si les contrats ou les autres actes prévoyant cette vente ou cette acquisition reflètent ou non des conditions normales de marché (pt. 128).
Par suite, relève la Cour, en estimant que les compagnies aériennes ayant conclu des contrats de prestations de services de transport aérien, de marketing et de publicité avec les exploitants des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia devaient être considérées comme ayant bénéficié d’un « avantage », au sens de l’article 107, § 1, TFUE, au motif que la rémunération qui leur avait été versée en application de ces contrats ne constituait pas la contrepartie de services satisfaisant de véritables besoins dans le chef de la Région autonome et que lesdits contrats avaient par ailleurs été conclus par les exploitants aéroportuaires en cause sans la mise en œuvre préalable d’une procédure d’appel d’offres ou d’une procédure équivalente, le Tribunal a commis une erreur de droit (pt. 135). De même, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la Commission avait pu, à juste titre, conclure que le financement que la Région autonome, agissant par l’intermédiaire desdits exploitants aéroportuaires, avait accordé à Volotea et à easyJet, en contrepartie des services de transport, de marketing et de publicité fournis par celles-ci, leur avait conféré un avantage qu’elles n’auraient pas obtenu dans des conditions normales de marché (pt. 136), dès lors qu’il n’a pas cherché, dans les arrêts attaqués, à contrôler si la Commission s’était acquittée, dans la décision litigieuse, de l’obligation qui lui incombait de déterminer si les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes constituaient des opérations normales de marché (pt. 134).
Pour ces motifs, la Cour accueille les griefs de Volotea et d’easyJet tirés d’une violation de l’article 107, § 1, TFUE et annule les arrêts attaqués (pts. 137-138).
Estimant que les litiges étaient en état d’être jugés, la Cour les évoque et procède, en troisième lieu, à l’examen des griefs avancés par Volotea et easyJet au soutien de leur recours en annulation respectif de la décision litigieuse.
À cet égard, la Cour relève que la Commission a commis une première erreur de droit en écartant, pour des motifs tirés des objectifs de politique publique poursuivis par la Région, du caractère privé des exploitants aéroportuaires et de la forme des mesures litigieuses, l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché en vue d’examiner l’existence d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Ensuite, elle observe que, en retenant l’existence d’un tel avantage sans apprécier, de façon globale et concrète, si la Région et les exploitants aéroportuaires avaient cherché à acquérir les services en cause dans des conditions normales de marché, la Commission a commis une seconde erreur de droit.
Au regard de ces considérations, la Cour annule également, pour cause de violation de l’article 107, § 1, TFUE, la décision litigieuse en tant qu’elle concerne Volotea et easyJet.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.
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JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme que la Commission n’a pas rencontré de difficultés sérieuses qui auraient dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen prévue par l’article 108, § 2, TFUE dans l’affaire du lobby des exploitants indépendants de parcs éoliens en Irlande
Le 17 novembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-578/21 (Irish Wind Farmers’ Association Clg e.a. contre Commission européenne).
À l’origine de la présente affaire, on trouve la plainte introduite par l’Irish Wind Farmers’ Association (IWFA), dénonçant les méthodes de calcul de l’impôt foncier des entreprises en Irlande. En substance, le lobby soutenait que le calcul de l’impôt foncier, assis sur le montant annuel du loyer qui peut raisonnablement être attendu de la location d’un bien, avantageait les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles, auxquelles était appliquée la « méthode du coût de remplacement », au détriment des parcs éoliens, auxquels était appliquée la « méthode des recettes et dépenses ». L’IWFA faisait valoir à cet égard que les exploitants d’installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles avaient payé, en 2015, un impôt foncier approximativement trois fois inférieur à celui payé par les autres producteurs d’électricité.
Par décision du 9 juillet 2019, la Commission a considéré que la mesure contestée ne comportait pas d’avantage sélectif et, partant, ne constituait pas une aide d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE. Pour ce faire, la Commission a estimé, d’une part, qu’il n’était pas établi que la mesure contestée avait procuré un avantage aux exploitants d’installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles et, d’autre part, que, à supposer même qu’un avantage ait pu découler pour ces exploitants du choix de la méthode d’évaluation appliquée, cet avantage n’était pas de nature sélective, mais s’expliquait par la disponibilité ou non d’informations financières détaillées et fiables nécessaires pour appliquer telle ou telle méthode d’évaluation.
Le lobby des exploitants indépendants de parcs éoliens en Irlande a alors introduit un recours contre la décision de la Commission, à la faveur duquel les requérantes faisaient valoir, en substance, que la décision attaquée avait violé l’article 108, § 2, TFUE, et l’article 4, § 4, du règlement 2015/1589 ainsi que, partant, leurs droits procéduraux, au motif que, en l’espèce, la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen, dès lors qu’elle avait éprouvé, selon les requérantes, des difficultés sérieuses pour apprécier si la mesure était ou non constitutive d’une aide d’État.
Par arrêt rendu le 7 juillet 2021 dans l’affaire T-680/19 (Irish Wind Farmers’ Association Clg e.a. contre Commission), le Tribunal de l’Union a rejeté ledit recours, estimant en substance que les requérantes n’avaient pas démontré l’existence de doutes de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen.
Les requérantes ont donc formé un pourvoi devant la Cour de justice de l’Union, que celle-ci rejette au terme du présent arrêt.
À l’appui de leur pourvoi, les requérantes soulèvent deux moyens, tirés, le premier, d’une violation de l’article 108, paragraphes 2 et 3, TFUE et de l’article 4, paragraphes 2 et 4, du règlement 2015/1589 en tant que, dans l’arrêt attaqué, le Tribunal a conclu à l’absence de difficultés sérieuses obligeant la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen, et, le second, d’une dénaturation par le Tribunal des éléments de preuve présentés devant lui.
Sur le premier moyen, la Cour relève d’emblée que le Tribunal n’a, à bon droit, pas censuré la Commission pour avoir méconnu les obligations qui, selon une jurisprudence constante de la Cour, s’imposent à elle dans le cadre de la procédure d’examen préliminaire visée à l’article 108, § 3, TFUE, et, en particulier, celle d’examiner de manière diligente et impartiale les mesures en cause qui implique que, si cette institution peut être tenue de demander la production, au cours de la procédure administrative, des éléments qui apparaissent pertinents, il ne lui incombe pas de rechercher, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, toutes les informations qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie (pt. 67).
S’agissant de la durée de la procédure d’examen préliminaire en tant qu’indice de l’existence de difficultés sérieuses, la Cour estime que le Tribunal a pu juger, sans commettre d’erreur de droit, en substance, que l’intensité des échanges entre la Commission et la plaignante expliquait, dans une certaine mesure, la durée de l’examen préliminaire, mais que la teneur de ceux‑ci n’attestait pas de l’existence de difficultés sérieuses (pt. 78).
S’agissant de la complexité technique des questions posées par la méthode d’évaluation de la valeur annuelle nette (VAN) des installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles quant à l’avantage sélectif qu’elle induirait, qui aurait dû conduire, selon les requérantes, le Tribunal à considérer que cette complexité constituait une preuve de l’existence de difficultés sérieuses justifiant l’ouverture d’une procédure formelle d’examen, la Cour répond que, si la complexité d’une mesure d’aide fait partie des circonstances propres à une affaire, susceptibles de justifier une durée importante de la phase préliminaire d’examen, une telle complexité ne signifie pas que la Commission doive, en toute hypothèse, ouvrir la procédure formelle d’examen, cette institution pouvant discuter de questions techniques avec les États membres durant l’examen préliminaire afin de surmonter les difficultés éventuellement rencontrées (pt. 88).
Sur le second moyen, portant allégation d’une dénaturation des faits ou des éléments de preuve par le Tribunal, la Cour constate d’une part que, dès lors que les requérantes n’ont pas indiqué de façon précise les éléments de preuve qui auraient été dénaturés par le Tribunal, mais se sont limitées à se référer, vaguement, aux preuves et aux explications fournies au cours de la procédure, celles-ci n’ont pas démontré à suffisance de droit l’existence d’une dénaturation ressortant de façon manifeste des pièces du dossier (pt. 104).
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JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la Commission, en se prononçant sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le marché intérieur sans avoir établi au préalable que cette mesure constituait une aide d’État, a agi au-delà de ses compétences et violé le principe de sécurité juridique, le Tribunal de l’Union annule la décision validant la compensation pour la fermeture d’une centrale au charbon néerlandaise
Le 16 novembre 2022, le Tribunal de l'Union a rendu un arrêt dans l’affaire T-469/20 (Pays-Bas contre Commission européenne) à propos de la décision de la Commission du 12 mai 2020 à la faveur de laquelle elle avait autorisé une indemnité pour la fermeture anticipée d'une centrale au charbon aux Pays-Bas.
Dans cette affaire, la Commission avait entrepris, de sa propre initiative, d’examiner une loi néerlandaise interdisant l’utilisation du charbon pour la production d’électricité à l’horizon 2030. Dans ce contexte, la plus vétuste des cinq centrales au charbon que comptaient les Pays-Bas a été contrainte de fermer à la fin de l’année 2019. En application de cette loi, le gouvernement néerlandais a accordé une indemnité de 52,5 millions d’euros au propriétaire de la centrale d’Hemweg, la société Vattenfall, afin de compenser le préjudice subi du fait de sa fermeture anticipée. Sa centrale au charbon n’ayant pas bénéficié, à l’inverse des quatre autres, d’une période transitoire, Vattenfall était affectée, de manière disproportionnée, par l’interdiction de l’utilisation du charbon pour la production d’électricité.
Aux termes de sa décision du 12 mai 2020, la Commission européenne a déclaré la mesure en cause compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, § 3, sous c), TFUE, sans toutefois avoir examiné si cette mesure conférait un avantage à Vattenfall et constituait donc une aide d’État.
Sur quoi, les Pays-Bas ont introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision, soutenant principalement que, en déclarant la mesure en cause compatible avec le marché intérieur sans se prononcer au préalable sur la question de sa qualification d’aide d’État, la Commission a agi au-delà de ses compétences et violé le principe de sécurité juridique.
Par son arrêt de ce jour, le Tribunal de l’Union accueille, sur ces deux points, le recours des Pays-Bas et annule en conséquence la décision de la Commission.
Au préalable, le Tribunal déclare le recours recevable, dans la mesure, à l’instar d’une décision de la Commission qualifiant la mesure en cause d’aide d’État, tout en la déclarant compatible avec le marché intérieur, la décision attaquée a eu pour conséquence que la mesure en cause, laquelle est uniquement considérée comme compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, § 3, sous c), TFUE, est autorisée par la Commission et peut, dès lors, être mise à exécution conformément à l’article 108, § 3 dudit traité, de sorte que, par la décision attaquée, adoptée sur la base de l’article 4, § 3, du règlement 2015/1589, la Commission a décidé de mettre fin à la procédure d’examen préliminaire qu’elle avait déclenchée et a implicitement refusé d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE et, partant, a adopté une position définitive sur la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, ce qui emporte des effets juridiques obligatoires, contrairement à ce que soutenait la Commission.
Sur le fond, le Tribunal commence par faire l’exégèse de l’article 107 TFUE et de l’article l’article 4 du règlement 2015/1589 portant modalités d’application de l’article 108 TFUE.
Il en résulte en premier lieu qu’en vertu de l’article 107, § 3, sous c), TFUE, par dérogation à l’interdiction édictée à l’article 107, § 1, TFUE, peuvent être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les « aides » destinées à faciliter le développement de certaines activités ou certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun (pt. 52). Il en déduit que l’emploi du terme « aide », à l’article 107, § 3, TFUE, implique que la compatibilité d’une mesure nationale avec le marché intérieur ne puisse être examinée qu’après que cette mesure a été qualifiée d’aide (pt. 53). De plus, précise-t-il, lorsque la Commission ne peut pas acquérir la conviction, à l’issue de la phase préliminaire d’examen, qu’une mesure étatique soit ne constitue pas une « aide » au sens de l’article 107, § 1, TFUE, soit, si elle est qualifiée d’aide, est compatible avec le traité, ou lorsque cette procédure ne lui a pas permis de surmonter toutes les difficultés soulevées par l’appréciation de la compatibilité de la mesure considérée, cette institution est dans l’obligation d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, § 2, TFUE sans disposer à cet égard d’une marge d’appréciation (pt. 54).
Il en résulte, selon le Tribunal, que seule une mesure entrant dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, c’est-à-dire une mesure qualifiée d’aide d’État, peut être considérée par la Commission comme étant compatible avec le marché intérieur (pt. 54).
Par ailleurs, ajoute-t-il, cette conclusion est confortée par les dispositions pertinentes du règlement 2015/1589 (pt. 56), et notamment par son article 4 d’où il résulte que cette disposition fixe une liste exhaustive des décisions que la Commission peut adopter à l’issue de l’examen préliminaire de la mesure nationale en cause, au nombre desquelles ne figure pas la possibilité d’adopter une décision déclarant une mesure nationale compatible avec le marché intérieur sans que la Commission se soit au préalable prononcée sur la qualification d’aide d’État de cette mesure. En particulier, précise le Tribunal, l’article 4, § 3, du règlement 2015/1589 prévoit que la Commission peut déclarer une mesure compatible avec le marché intérieur, « pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 107, § 1, TFUE » (pt. 56), bref qu’elle ait été d’abord qualifiée d’aide.
Sur quoi, le Tribunal juge qu’en considérant, dans la décision attaquée, que la mesure en cause était compatible avec le marché intérieur, sans se prononcer préalablement sur la question de savoir si une telle mesure constituait une aide, la Commission a outrepassé ses compétences (pt. 62). Ce faisant, elle a adopté une décision contraire tant à l’article 107, § 3, TFUE qu’à l’article 4, § 3, du règlement 2015/1589 (pt. 61).
En second lieu, le Tribunal recherche si la décision querellée a enfreint le principe de sécurité juridique. À cet égard, il observe d’abord qu’en présence d’une décision de la Commission concluant à la compatibilité avec le marché intérieur d’une aide illégale, le juge national est tenu, en application du droit de l’Union, d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité de cette aide. Ainsi, dans l’hypothèse où des concurrents de Vattenfall engageraient une procédure devant les juridictions nationales sur la légalité de la mesure en cause et si ces dernières la qualifiaient d’aide d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE, il en résulterait que l’article 108, § 3, TFUE aurait été enfreint en raison de l’absence de notification de la mesure en cause à la Commission et qu’il incomberait au Royaume des Pays-Bas de réclamer à Vattenfall des intérêts au titre de la période d’illégalité (pt. 65).
En outre, l’absence de qualification de la mesure en cause a laissé le Royaume des Pays-Bas dans une situation incertaine quant à l’octroi d’une nouvelle aide au regard des règles relatives au cumul d’aides, en application des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie pour la période 2014-2020 (pt. 66). Comme ce dispositif fixe des plafonds d’aide qui ne peuvent être franchis (pt. 68), les Pays-Bas pourrait être affecté par les règles de cumul en vigueur, dans l’hypothèse où il envisagerait d’octroyer une aide à Vattenfall pour réutiliser le site Hemweg (pt. 69). Il en résulte que la décision attaquée ne permettait pas au Royaume des Pays-Bas, destinataire de la décision attaquée, de connaître avec exactitude ses droits et obligations et d’agir en conséquence (pt. 70).
Dès lors, conclut le Tribunal, la Commission, en décidant de ne pas se prononcer sur la question de savoir si la mesure en cause devait être qualifiée d’aide d’État, au sens de l’article 107, § 1, TFUE, a enfreint le principe de sécurité juridique (pt. 71).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.
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INFOS : Mettant en œuvre — sauf erreur — pour la première fois les nouveaux plafonds de sanction applicables aux associations d’entreprises depuis la transposition de la directive ECN+, l’Autorité sanctionne à hauteur de 60 000 € une association interprofessionnelle réunionnaise pour avoir organisé une entente entre ses membres portant sur la fixation des prix de vente du poisson et le contrôle de la production et des débouchés
À la faveur d’une décision n° 22-D-21 rendue le 16 novembre 2022, l’Autorité de la concurrence est venue sanctionner, à hauteur de 60 000 euros une pratique strictement locale à La Réunion, au point qu’il n’a pas été fait application dans cette affaire du droit de l’Union (pt. 113).
Saisie en 2018 par deux entités, dont le Comité régional des pêches maritimes et des élevages marins (CRPMEM) de La Réunion , et deux entreprises de pêche, l’Autorité sanctionne donc le promoteur et l’organisateur d’une entente sur le prix du poisson aux stades de la production et de la transformation —l’Association réunionnaise interprofessionnelle de la pêche et de l’aquaculture (l’ARIPA) — dont les membres ont fixé en commun le prix du poisson sous la forme de grilles d’orientation de prix applicables à tous les échelons de la chaîne de valeur, hormis – sauf quelques exceptions – celui du consommateur final.
En outre, l’ARIPA, agissant comme une entité normative (pt. 127), a entrepris de réguler le marché réunionnais du poisson, en imposant à ses membres une série de contraintes qu’elle qualifie de mesures de structuration. Ces mesures consistent en particulier en une définition stricte des transactions autorisées selon la famille professionnelle — production, transformation et distribution au détail — à laquelle les opérateurs appartiennent, en une concertation préalable et une mise en œuvre collective des opérations promotionnelles, et en différentes catégories d’aides interprofessionnelles accordées aux opérateurs membres destinées, selon le cas, à restreindre ou à promouvoir l’écoulement du poisson débarqué sur le marché local.
Considérant que les pratiques en cause consistant à coordonner les prix d’entreprises concurrentes, considérées en elle-mêmes comme relevant des pratiques les plus graves, le sont d’autant plus en l’espèce que les concertations sur les prix se combinent avec d’autres pratiques anticoncurrentielles visant à limiter la liberté de vendre ou d’acheter des membres de l’ARIPA. Ainsi, la règle dite de « l’apport total », en vertu de laquelle l’opérateur qui rejoint l’ARIPA doit s’engager, selon la nature de son activité, soit à s’approvisionner exclusivement auprès des opérateurs membres de l’ARIPA, soit à vendre la totalité de sa production à un autre membre de l’ARIPA, enferme les échanges dans certains circuits déterminés et conduit à un cloisonnement du marché (pt. 182).
L’Autorité a considéré que l’ensemble de ces mesures constituait non seulement une restriction de concurrence par objet (pt. 153), mais également une infraction complexe et continue, ayant pour objet de restreindre l’autonomie commerciale des opérateurs de ce secteur (pt. 164). Selon l’Autorité, les pratiques ont duré 11 ans et 1 mois (pt. 170).
L’ARIPA a sollicité le bénéfice de la procédure de transaction. En conséquence, l’Autorité a écarté l’application du communiqué sanctions (pt. 178) pour privilégier une nouvelle fois la méthode de fixation forfaitaire et a prononcé une sanction de 60 000 euros, ce montant étant compris dans la fourchette figurant dans le procès-verbal de transaction.
Quoique l’article L. 464-2 du code de commerce dans sa version en vigueur depuis le 28 mai 2021 issue de la transposition de la directive ECN+, celle-là même qui a considérablement augmenté le montant des sanctions encourues par les associations d’entreprises qui enfreignent le droit de la concurrence, était applicable au cas d’espèce (pt. 176), il est difficile de se faire une idée de la sévérité de la sanction, dans la mesure où la somme des chiffres d’affaires des entreprises membres de l’ARIPA n’est pas, sauf erreur de notre part, indiquée dans la présente décision. Pour rappel, alors que jusqu’en 2021 le montant de l’amende infligé à une association d’entreprises par l’Autorité ne pouvait excéder 3 millions d’euros, le montant maximal de la sanction pécuniaire est désormais égal à 10 % de la somme du chiffre d'affaires mondial total réalisé par chaque membre actif sur le marché affecté par l'infraction de l’association, lorsque, comme au cas d’espèce, l'infraction de l’association d'entreprises a trait aux activités de ses membres.
En tout état de cause, l’Autorité rappelle qu’elle pourra, s’il s’avérait que l’organisme professionnel n’est pas solvable, enjoindre à l’ARIPA de lancer à ses membres un appel à contributions pour couvrir le montant de la sanction pécuniaire et, au surplus, qu’elle pourra, en cas de défaut de paiement intégral à l’issue de l’appel à contributions, exiger directement le paiement de la sanction pécuniaire auprès des membres de l’ARIPA dans les conditions prévues par les 2ème et 3ème alinéas du VI de l’article L. 464-2 du code de commerce (pt. 191).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.
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Un bilan de l’action en indemnisation en matière de PAC
9 décembre 2022
Bonjour,
Le prochain atelier de la DGCCRF, qui se tiendra en visioconférence, vendredi 9 décembre de 9 à 11h, est intitulé « Un bilan de l’action en indemnisation en matière de PAC ».
Madame Virginie Beaumeunier ouvrira l’atelier, qui sera coordonné par Me Loraine Donnedieu de Vabres-Tranié.
Les intervenants sont :
Muriel Chagny — professeur de droit, présidente de l’AFEC (Association française d’étude de la concurrence) ;
Carole Champalaune — conseillère à la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation ;
Juan-Pablo Correa — avocat au Barreau de Barcelone, La Guard, contributeur pour l’Espagne à l’« ICC Compendium of Antitrust damages actions » (2021) ;
David Sevy — Compass Lexecon ;
Jean-François Laborde - Laborde Advisory, Expert près la Cour d’appel de Paris
Le programme de l’atelier (avec le lien d’inscription) est disponible ICI.
Bien cordialement,
Florent Vever
Avocat à la Cour
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