JURISPRUDENCE : La Cour de cassation confirme en tous points l’arrêt de la Cour de Paris annulant les services de coopération commerciale de Système U et soumet au Conseil constitutionnel une QPC portant sur sa propre interprétation de la notion de déséquilibre significatif comme autorisant un contrôle judiciaire du prix
Ces derniers jours, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu deux arrêts dans des affaires de pratiques restrictives de concurrence.
Le premier arrêt, rendu le 26 septembre 2018 dans l’affaire Système U, concerne la coopération commerciale. Il vient confirmer en tous points l’arrêt rendu le 29 juin 2016 par la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris qui avait annulé, à la demande du ministre de l’économie, les contrats de coopération commerciale conclus par la société Système U centrale nationale avec ses fournisseurs Danone, Nestlé, Yoplait et Lavazza, mais aussi ordonné la cessation des pratiques et le remboursement au trésor public d'une certaine somme et l’avait condamné à une amende civile.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation retient en substance que l’exercice par le ministre de l'obligation qui lui est faite par le Conseil constitutionnel aux termes de sa décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011 d'informer les fournisseurs de l'action qu'il engage sur le fondement de l'article L. 442-6, III, alinéa 2, du code de commerce est suffisamment exécutée lorsque ladite information n’a été donnée qu’en cause d'appel dès lors qu'elle a permis aux fournisseurs d'intervenir à l'instance afin de défendre leurs intérêts.
Par ailleurs, elle approuve la conclusion de la Cour d’appel selon laquelle le service de coopération commerciale en cause, intitulé « Action de construction et de diffusion du Tronc d’Assortiment Commun (TAC) » ne correspondait à aucun service commercial effectivement rendu, en ce sens, était fictif et que la société Système U ne pouvait demander aux fournisseurs le prix d’un service qu'ils assuraient eux-mêmes. Enfin, elle approuve l’annulation par la Cour d’appel des contrats litigieux, ainsi que la restitutions des fonds que Système U avait ainsi perçus sans contrepartie.
Le second arrêt, rendu le 27 septembre 2018, porte une nouvelle fois sur la notion de déséquilibre significatif.
Il fait suite au jugement rendu le 2 juillet 2018 par le Tribunal de commerce de Paris transmettant à la Cour de cassation deux questions prioritaires de constitutionnalité.
Seule la seconde partie de la première question est jugée suffisamment nouvelle et sérieuse pour être renvoyée au Conseil constitutionnel. En fait, la Chambre commerciale de la Cour de cassation, elle-même, interroge ce dernier sur sa propre interprétation — la plus récente — de la notion de déséquilibre significatif.
On se souvient que par décision n° 2010-85 QPC du 13 janvier 2011, le Conseil constitutionnel avait jugé que la notion de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties figurant au 2° du paragraphe I de l'article L. 442-6 du code de commerce était définie en des termes suffisamment clairs et précis pour permettre au juge de se prononcer sans que son interprétation puisse encourir la critique d’arbitraire.
Toutefois, entre-temps, la Chambre commerciale de la Cour de cassation était venu préciser son interprétation de la notion de déséquilibre significatif à la faveur d’un arrêt du 25 janvier 2017, pourvoi n° 15-23.547, Bull. 2017, IV, n° 13), lequel avait énoncé que l'article L. 442-6, I, 2° du code de commerce n'exclut pas, contrairement à l'article L. 212-1 du code de la consommation, que le déséquilibre significatif puisse résulter d'une inadéquation du prix au bien vendu et, partant, que cette disposition autorise un contrôle judiciaire du prix dès lors que celui-ci ne résulte pas d'une libre négociation et caractérise un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. Or, estime la Cour de cassation, cette interprétation de la notion confère une portée nouvelle à cette disposition.
Dès lors, en permettant au juge d'exercer un contrôle sur les prix, l’article L. 442-6, I, 2° du code de commerce qui, tel qu'il est désormais interprété par la Cour de cassation, porte-t-il atteinte à la présomption d'innocence, au principe de légalité des délits et des peines, ainsi qu'à la liberté contractuelle et à la liberté d'entreprendre, respectivement garantis par les articles 8, 9, 2 et 4 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 reprises dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, ainsi qu'au principe d'égalité garanti par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 reprise dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 1er de la Constitution ? »
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