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SOMMAIRE
INFOS : Le président de la Polynésie française démet d’office Jacques Mérot, le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence
JURISPRUDENCE : Confirmant le caractère de juridiction de l’Autorité de la concurrence et assimilant les rapporteurs à des « juges », le premier président de la Cour d’appel de Paris déclare irrecevable, pour cause de demande tardive, la requête en récusation d’un rapporteur de l’Autorité, qui a successivement exercé des fonctions de poursuite au sein de la DNECCRF et des fonctions d’instruction au sein de l’Autorité
JURISPRUDENCE CONCENTRATION : Estimant que la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot ne constitue pas une opération de concentration sur l’île de Mayotte, le juge des référés du Conseil d’État rejette une nouvelle demande de référé suspension de la décision de l’Autorité
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INFOS : Le président de la Polynésie française démet d’office Jacques Mérot, le président de l’Autorité polynésienne de la concurrence
Par arrêté n° 1168 CM du 3 août 2020, le président de la Polynésie française, Édouard Fritch, a mis fin, après que l’intéressé a été entendu, aux fonctions de M. Jacques Mérot en qualité de président de l’Autorité polynésienne de la concurrence, et ce, à compter du 4 août 2020.
Saisi le 12 juin 2020 par les membres non permanents du collège de l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) d’une demande de démission d’office du président de cette autorité administrative indépendante, faisant état d’un certain nombre de manquements du président au regard des obligations des règles déontologiques et de son devoir de réserve, le président de la Polynésie française a décidé de donner suite à la demande du collège.
Le compte rendu du Conseil des ministres du 3 août 2020 fait également état de l’arrêt du 29 juillet 2020, à la faveur duquel la Cour d’appel de Paris a fait droit à la requête en suspicion légitime déposée par un groupe commercial polynésien en raison du comportement du président de l’APC.
Par arrêté n° 1169 CM du 3 août 2020, l’intérim de la présidence sera assuré par Christian Montet, plus ancien membre du collège dans la fonction.
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JURISPRUDENCE : Confirmant le caractère de juridiction de l’Autorité de la concurrence et assimilant les rapporteurs à des « juges », le premier président de la Cour d’appel de Paris déclare irrecevable, pour cause de demande tardive, la requête en récusation d’un rapporteur de l’Autorité, qui a successivement exercé des fonctions de poursuite au sein de la DNECCRF, et des fonctions d’instruction au sein de l’Autorité
Après l’Autorité polynésienne de la concurrence, c’est à présent à l’autorité métropolitaine de la concurrence — l’Autorité de la concurrence — de faire face à une requête en suspicion légitime.
Cette fois, ce n’est pas le président de l’institution qui est visé, mais un rapporteur de l’Autorité.
Cette action s’inscrit également dans le cadre d’une saga, celle de possibles pratiques anticoncurrentielles intervenues dans le secteur des isolants minces multicouches réfléchissants, dont l’affaire est pendante devant l’Autorité. Celle-ci a été saisie par l’un des principaux fabricants d’isolants minces multicouches réfléchissants, dénonçant des pratiques prétendument anticoncurrentielles destinées à lui interdire l’accès au marché de l’isolation thermique au profit des industriels fabricant des produits isolants traditionnels à base de laine minérale.
Cette affaire est surtout connue pour ses développements concernant la protection du secret des affaires. Pour mémoire, le FILMM, qui est le Syndicat des fabricants d’isolants en laines minérales manufacturées, a obtenu devant le Conseil d’État, par arrêt du 10 octobre 2014, que l’État instaure une procédure spécifique de recours contre les décisions de refus de classement au titre du secret des affaires (ou de déclassement de certains documents). On se souvient également que le FILMM a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme afin de faire constater la violation par l’État de l’article 6, § 1, de la CEDH en ce qu’aucune possibilité de recours effectif n’était organisée à l’encontre de ces décisions en matière de de secret des affaires jusqu’en 2014.
C’est donc sur le même fondement — les articles 341 et suivants du code de procédure civile — que le FILMM et deux autres mises en cause, ont déposé fin juin 2020 une requête en récusation à l’encontre d’un rapporteur de l’Autorité. Cette requête en récusation est motivée par le fait que, dans la même affaire, ce rapporteur a successivement exercé des fonctions de poursuite au sein de la DNECCRF, puis des fonctions d’instruction en tant que rapporteur de l’Autorité. Les parties soutiennent que ce cumul entraîne un problème de défaut d’impartialité objective et fonctionnelle et viole donc les articles 6, § 1, et 13 de la CEDH qui octroient à chaque justiciable le droit à un juge impartial et à un recours effectif.
Les ordonnances rendues par le premier président de la Cour d’appel de Paris sont très instructives à plus d'un titre.
La première date du 1er juillet 2020 et ordonne, semble-t-il pour la première fois, à l’Autorité de surseoir à statuer jusqu’à la décision du premier président sur cette requête en récusation. En effet, dans cette affaire, la séance devant le Collège de l’Autorité était initialement prévue le 2 juillet 2020. Cette dernière a donc dû être reportée afin de laisser au premier président le temps de statuer sur la requête en récusation.
Le premier Président a ensuite statué le 24 juillet 2020, à travers trois ordonnances rédigées sensiblement dans les mêmes termes. Ces dernières confirment que, conformément à l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 4 juin 2020 dans l’affaire relative à l’Autorité polynésienne de la concurrence, l’Autorité de la concurrence est une juridiction au sens des articles 6, § 1, de la CEDH et L. 111-8 du code de l’organisation judiciaire et qu’à ce titre, il est possible de déposer une requête en récusation devant le premier président de la Cour d’appel de Paris.
Les ordonnances du 24 juillet 2020 reconnaissent par ailleurs qu’une requête en récusation peut valablement viser un rapporteur de l’Autorité, lequel est donc assimilé à un juge au sens des articles 341 et suivants du code de procédure civile. En effet, la magistrat déléguée estime que la requête tendant à la récusation du rapporteur à l’Autorité de la concurrence, distincte de la remise en cause de la régularité de la procédure suivie devant l’Autorité, relève de la compétence du premier président de la Cour d’appel en application de l’article 344 du code de procédure civile.
Précisément, les mises en cause demandent la récusation du rapporteur de l’Autorité pour défaut d’impartialité, en ce qu’il a précédemment exercé les fonctions de poursuite dans la même affaire en tant qu’agent de la DNECCRF, et a eu connaissance, à ce titre, de correspondances avocat-client dont l’annulation de la saisie a été prononcée, en ce qu’il a communiqué à la partie saisissante des pièces confidentielles lors de la première notification de grief du 28 juillet 2014, en ce qu’il a dans la seconde notification de grief du 10 octobre 2018 pris part dans le débat scientifique et en ce qu’il a sollicité tardivement les observations de la DHUP.
En revanche, les trois ordonnances du 24 juillet 2020 rejettent in fine la requête en récusation en la considérant irrecevable, mais sur une question purement procédurale : selon la magistrate déléguée, qui fait là une lecture pour le moins restrictive de l’article 342 du code de procédure civile, la requête aurait dû être déposée dès que les parties ont eu connaissance de la cause de récusation, c’est-à-dire dès 2014. Il reste qu’en 2014, une telle requête en récusation à l’encontre d’un rapporteur était assurément vouée à l’échec puisqu’aussi bien, à l’époque, l’Autorité de la concurrence était considérée comme une autorité administrative et non comme une juridiction, comme en atteste encore la position prise par le premier président de la Cour de Paris dans son ordonnance du 1er mars 2019 rendue dans l’affaire de l’Autorité polynésienne de la concurrence. Ce n’est que depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2020 que l’Autorité est assimilée à une juridiction. C’est donc ce dernier arrêt qui a ouvert la voie à de possibles requêtes en récusation à l’encontre de rapporteurs de l’Autorité. Et c’est sans désemparer que les mises en cause ont déposé dès la fin du mois de juin 2020 une requête en récusation à l’encontre du rapporteur de l’Autorité…
Selon nos informations, un pourvoi en cassation a été déposé par le FILMM à l’encontre de l’ordonnance du 24 juillet 2020 du premier président le concernant.
De sorte que le premier président de la Cour d’appel de Paris ne se prononce pas sur le fond de la requête et sur la question du défaut d’impartialité du rapporteur. Pour l’heure, la thèse des services d’instruction de l’Autorité selon laquelle le cumul des fonctions de poursuite au sein d’une administration étatique et celles d’instruction en tant que rapporteur dans une même affaire ne constituent pas un défaut d’impartialité n’a pas été validée.
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JURISPRUDENCE CONCENTRATION : Estimant que la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot ne constitue pas une opération de concentration sur l’île de Mayotte, le juge des référés du Conseil d’État rejette une nouvelle demande de référé suspension de la décision de l’Autorité
Le 9 juillet 2020, le juge des référés du Conseil d’État a rendu une ordonnance aux termes de laquelle il rejette la demande de référé suspension introduite par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) Mayotte de la décision n° 20-DCC-072 du 26 mai 2020, l’Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle exclusif de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot, sous réserve de la mise en œuvre de divers engagements structurels et comportementaux.
Rappelons que le 17 juin 2020, le juge des référés du Conseil d’État avait déjà rendu une ordonnance aux termes de laquelle il rejetait la demande de référé suspension introduite par plusieurs acteurs de la distribution alimentaire à La Réunion de trois décisions concernant la prise de contrôle exclusif, sous conditions de cessions de magasins, de la société Vindémia Group par la société Groupe Bernard Hayot. En effet, par deux décisions n° 20-DCC-069 et n° 20-DCC-074 des 19 et 26 mai 2020, l’Autorité avait, dans le cadre de la même opération, autorisé d’une part, la prise de contrôle conjoint par les sociétés Aram Financial et Victor Bellier Participation de quatre magasins de commerce de détail à dominante alimentaire et, d’autre part, la prise de contrôle exclusif de deux fonds de commerce à dominante alimentaire par la société Ah-Tak.
Pour justifier de l’urgence à prononcer la suspension demandée, la CPME Mayotte faisait valoir que la prise de contrôle de la société Vindémia par la société GBH portait une atteinte grave et immédiate au maintien d’une concurrence effective sur le marché de la distribution à Mayotte, eu égard à l’insuffisance des engagements pris par GBH et à la circonstance que la décision contestée, qui permettra à GBH d’être horizontalement et verticalement présente à Mayotte, pourrait aboutir à une stratégie de verrouillage du marché par les intrants.
S’agissant en premier lieu des effets horizontaux de l’opération à Mayotte, le juge des référés du Conseil d’État rappelle que la société GBH n’était pas, à la date de la décision contestée, présente sur le marché de la distribution à Mayotte de sorte que l’opération autorisée par l’Autorité de la concurrence aboutit, pour ce qui concerne le territoire mahorais, à la substitution d’un opérateur à un autre et non à une opération de concentration. Dès lors, l’Autorité n’était pas tenue de solliciter de GBH des engagements concernant ce marché. D’autant que les activités exercées par les opérateurs intéressés ne s’y chevauchent pas et que l’opération contestée n’a pas pour conséquence de modifier l’importance respective des surfaces de vente des différents opérateurs.
S’agissant en second lieu du caractère verticalement intégré de la société GBH, le juge des référés du Conseil d’État retient que la réalisation de l’opération contestée permet seulement à la société GBH, qui n’était pas présente sur le marché de la distribution en amont à Mayotte, d’exercer une activité de grossiste-importateur similaire à celle qu’exerçait la société Vindémia via l’intermédiaire de la société SDCOM, de sorte que, en l’absence d’atteinte à la concurrence sur le marché mahorais, la circonstance qu’aucun engagement structurel n’ait été exigé de la société GBH n’est pas de nature à caractériser une situation d’urgence.
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