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SOMMAIRE
JURISPRUDENCE UE : À la faveur d’une demande préjudicielle concernant les suites espagnoles du cartel des camions, l’avocat général Rantos invite la Cour de justice à préciser le champ d’application temporel de la directive « dommage »
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que les modifications apportées aux critères de répartition des quotas de produit bénéficiant d’un taux d’accise privilégié n’affecte pas les éléments constitutifs du régime d’aides concerné, tels qu’ils ont été appréciés par la Commission aux fins de son évaluation de la compatibilité des versions précédentes dudit régime avec le marché intérieur, la Cour de justice de l’Union dit pour droit que les modifications du régime fiscal préférentiel pour le biodiesel mis en oeuvre par la République italienne et autorisé par la Commission ne doivent pas être considérées comme une aide nouvelle soumise à l’obligation de notification
JURISPRUDENCE OVS : Rappelant que l'administration n’est pas tenue, lorsqu’elle sollicite une autorisation de procéder à des opérations de visite et saisie, de communiquer au JLD l’ensemble des éléments d'information en sa possession, mais seulement les pièces dont elle estime qu’elles sont de nature à justifier la visite demandée, la Chambre criminelle de la Cour de cassation annule l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Paris annulant l’ordonnance d’autorisation du JLD dans l’affaire des OVS pratiquées dans les locaux des sociétés du groupe Swarovski
INFOS : Le président par intérim de l'Autorité de la concurrence défend l’indépendance du Collège dans une tribune parue dans Les Échos
INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission adopte des mesures provisoires afin de neutraliser l’éventuelle acquisition anticipée de Grail par Illumina
INFOS UE : Rapport de Thibault Schrepel sur l'environnement juridique des smart contracts
ANNONCE WEBINAIRE : « Towards an effective DMA » — 10 novembre 2021, 15.30 CET [Message de Nicolas Charbit et Sarah Baharon]
ANNONCE COLLOQUE : « La place de l'arbitrage dans l’indemnisation des pratiques anticoncurrentielles en Europe », Paris — 16 novembre 2021 [Message de Jean-François Laborde]
ANNONCE COLLOQUE : « Concentrations : Préparation du Day 1 et risques de Gun jumping », Paris — 24 novembre 2021 [Message de Gildas de Muizon et Pascal Wilhelm]
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JURISPRUDENCE UE : À la faveur d’une demande préjudicielle concernant les suites espagnoles du cartel des camions, l’avocat général Rantos invite la Cour de justice à préciser le champ d’application temporel de la directive « dommage »
À la suite de la décision du 19 juillet 2016, à la faveur de laquelle la Commission a sanctionné plusieurs fabricants de camions, parmi lesquels AB Volvo et DAF Trucks, pour avoir participé, de 1997 à 2011, à une entente sur les prix des camions, l’acquéreur de trois camions fabriqués par ces deux sociétés a obtenu devant une juridiction espagnole une réparation de son préjudice, estimé à 15 % du prix d’acquisition des camions.
Pour ce faire, le juge a écarté le moyen des constructeurs tiré de la prescription de l’action, concluant à l’applicabilité du délai de cinq ans prévu dans la législation espagnole qui a transposé la directive « dommages » de 2014.
Les deux sociétés ont alors fait appel de ce jugement devant la Cour provinciale de Léon, en faisant valoir, d’une part, que l’action était prescrite car le délai d’un an prévu par le régime de responsabilité extracontractuelle du code civil aurait commencé à courir à compter de la publication du communiqué de presse de la commission, le 19 juillet 2016. D’autre part, elles contestent l’existence d’un lien de causalité entre l’entente et l’augmentation du prix des camions.
La Cour provinciale de Léon a alors décidé de poser à la Cour de justice de l’Union des questions préjudicielles sur le champ d’application temporelle de certaines dispositions de la directive concernant le délai de prescription applicable et l’évaluation du préjudice ainsi que la compatibilité de la législation nationale applicable aux actions en dommages et intérêts résultant d’infractions au droit de la concurrence au vu de l’article 101 TFUE et du principe d’effectivité.
Dans ses conclusions présentées ce jour, l’avocat général Athanasios Rantos souligne, à titre liminaire, que la présente affaire porte sur le régime juridique applicable, d’une part, à la prescription de l’action introduite par le requérant (et plus particulièrement sur la durée et la date de prise de cours du délai de prescription) et, d’autre part, à l’évaluation et à la quantification du préjudice subi (pt. 28).
À cet égard, il rappelle que la directive 2014/104 contient des règles spécifiques relatives à ses conditions d’application dans le temps. Ainsi, le champ d’application temporel de cette directive est limité par son article 22 qui établit une distinction entre les « dispositions substantielles », qui ne s’appliquent pas rétroactivement, et les « dispositions procédurales », qui s’appliquent dans le cadre de recours qui ont pour leur part été introduits après l’entrée en vigueur de ladite directive (pt. 36). À l’image des sanctions du droit de la concurrence de l’Union imposées dans le cadre de la mise en œuvre de l’article 101 TFUE par la sphère publique, la non-rétroactivité des nouvelles règles substantielles relatives aux actions en dommages et intérêts a pour but d’assurer que l’auteur de l’infraction puisse prévoir les conséquences de la commission de l’acte illicite et, en particulier, l’étendue possible de sa responsabilité en vertu des règles substantielles en vigueur au moment de l’infraction (pt. 48). Estimant que la détermination de la nature, substantielle ou procédurale, des dispositions de la directive est une question régie par le droit de l’Union (pt. 63), l’avocat général Rantos conclut que, si les dispositions « procédurales » de la directive 2014/104 trouvent à s’appliquer à l’affaire au principal, les dispositions qualifiées comme « substantielles » sont privées d’effet rétroactif et ne trouvent pas à s’appliquer.
Reste à savoir ce qui relève des « dispositions substantielles », non rétroactives, et des « dispositions procédurales », applicables à tous recours introduits après l’entrée en vigueur de ladite directive. Sur ce point, l’avocat général Rantos, observant que la question du délai de prescription relève du droit matériel dans la plupart des droits nationaux et que, de ce fait, l’article 10 de la directive 2014/104 a été transposé comme disposition substantielle dans la plupart des États membres, suggère à la Cour de répondre à la deuxième question préjudicielle que l’article 22, § 2, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens que l’article 10 de cette directive ne trouve pas à s’appliquer à une action en dommages et intérêts qui, bien qu’introduite après l’entrée en vigueur de ladite directive et des dispositions nationales de transposition, porte sur des faits et des sanctions antérieurs à l’entrée en vigueur de ces dispositions (pt. 66).
S’agissant en revanche du pouvoir d’évaluation judiciaire et de quantification du préjudice prévu à l’article 17, § 1, de la directive 2014/104, l’avocat général Rantos, considérant que cet outil ne fait que renforcer ce qui est par ailleurs la mission naturelle du juge dans le cadre d’une action en dommages et intérêts, c’est-à-dire la détermination du montant du préjudice subi, invite la Cour à répondre que l’article 17, § 1, de la directive 2014/104 pourrait être considéré comme une disposition « procédurale » au sens de l’article 22 de cette directive et, en tant que telle, s’applique à une action en dommages et intérêts telle que celle en cause au principal qui, bien qu’introduite après l’entrée en vigueur de ladite directive et des dispositions nationales de transposition, porte sur une infraction qui a pris fin avant l’entrée en vigueur tant de la même directive que de ces dispositions nationales (pts. 76-77).
Quant à la présomption du préjudice résultant d’une infraction au droit de la concurrence prévue à l’article 17, § 2, de la directive 2014/104, l’avocat général Rantos relève que cette présomption n’a pas une finalité purement probatoire. En revanche, en attribuant la charge de la preuve à l’auteur de l’infraction et en dispensant la personne lésée de l’obligation de prouver l’existence d’un préjudice subi en raison de l’entente ou d’un lien de causalité entre ce préjudice et cette entente, cette présomption est directement liée à l’attribution de la responsabilité civile extracontractuelle à l’auteur de l’infraction concernée et, en conséquence, affecte directement sa situation juridique, de sorte qu’elle constitue une règle étroitement liée à la naissance, à l’attribution et à l’étendue de la responsabilité extracontractuelle des entreprises qui ont enfreint l’article 101 TFUE par leur participation à une entente. Or, il peut être déduit de la jurisprudence que de telles règles peuvent être qualifiées de « règles de fond » (pt. 81). Estimant dès lors que l’article 17, § 2, de cette directive peut être qualifié de disposition « substantielle » au sens de l’article 22, § 1, de ladite directive et, par conséquent, que la législation nationale adoptée afin de se conformer à cette disposition ne doit pas s’appliquer à des faits constitutifs de responsabilité accomplis avant l’entrée en vigueur de ces normes nationales de transposition (pt. 84), l’avocat général Rantos suggère à la Cour de répondre à la troisième question préjudicielle que l’article 22, § 1, de la directive 2014/104 doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à l’application de dispositions nationales de transposition adoptées pour se conformer à l’article 17, § 1, de cette directive, sur l’habilitation des juridictions nationales à estimer le montant du préjudice, à des préjudices subis par une infraction au droit de la concurrence qui a pris fin avant l’entrée en vigueur de la législation nationale de transposition dans le cadre d’une action en dommages et intérêts exercée après l’entrée en vigueur de la disposition nationale de transposition. L’article 22, § 1, de ladite directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application des législations nationales adoptées pour mettre en œuvre l’article 17, § 2, de la même directive, qui prévoit une présomption réfragable de préjudice causé par les ententes aux infractions commises avant l’entrée en vigueur de la législation nationale de transposition dans le cadre d’une action en dommages et intérêts exercée après l’entrée en vigueur de la disposition nationale de transposition.
Plus précisément, la règle de la directive en matière de délai de prescription relève du droit matériel, puisque celui-ci a pour fonction de protéger tant la personne lésée – celle-ci devant disposer de suffisamment de temps pour rassembler des informations appropriées en vue d’un recours éventuel –, que la personne responsable du dommage, en évitant que la personne lésée puisse retarder indéfiniment l’exercice de son droit à dommages et intérêts (pt. 86).
L’avocat général examine ensuite la compatibilité du régime de responsabilité extracontractuelle prévu par le code civil espagnol avec le principe d’effectivité, selon lequel toute personne ayant subi un préjudice doit pouvoir demander réparation du dommage.
S’agissant de la durée du délai de prescription, l’avocat général souligne, tout en admettant que le délai d’un an prévu par la législation espagnole est considérablement plus court que le délai de cinq ans prévu par la directive (pt. 100), que la juridiction de renvoi devra, sur ce point, prendre en considération l’ensemble des éléments du régime de prescription en cause (pt. 101).
Concernant le point de départ du délai de prescription d’un an prévu par le code civil espagnol, l’avocat général estime qu’il ne peut commence à courir qu’à partir du jour de la publication du résumé de la décision de la Commission au Journal officiel de l’Union européenne, à savoir le 6 avril 2017, et non comme le soutenaient les requérantes au jour de la publication du communiqué de presse de la Commission, c’est-à-dire le jour de l’adoption de la décision de la commission, 19 juillet 2016. En effet, rappelle-t-il, le point de départ du calcul du délai de prescription est subordonné à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir, d’une part, la cessation de l’infraction au droit de la concurrence et, d’autre part, la connaissance de certaines informations indispensables à l’exercice de l’action en dommages et intérêts (pt. 107). Et comme il n’existe pas, selon lui, de devoir général de diligence de la part des victimes d’infractions de la concurrence leur imposant de suivre la publication de tels communiqués de presse (pt. 118), il estime que le droit pour une partie lésée d’introduire une action en dommages et intérêts consécutive à un comportement anticoncurrentiel naît lors de l’adoption de la décision de la Commission qui constate ce comportement, et plus précisément lors de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne (pt. 123). De fait, il ne saurait être présumé que, à la suite d’une simple publication d’un communiqué de presse de la Commission sur son site Internet, la personne lésée concernée ait pris connaissance de toutes les informations indispensables à l’exercice de son droit à un recours en dommages et intérêts (pt. 120). À l’inverse, dans le cadre des actions en responsabilité de type « follow-on », le rattachement à un élément objectif tel que la publication d’une décision de la Commission constatant cette infraction au Journal officiel de l’Union européenne — qui constitue la phase ultime de la mise en œuvre de l’article 101 TFUE par la sphère publique — permet d’établir de manière claire, précise et transparente le moment à partir duquel le délai de la prescription commence à courir, tant pour les entreprises ayant participé à une entente que pour les parties lésées. Ainsi, le droit pour une partie lésée d’introduire une action en dommages et intérêts consécutive à un comportement anticoncurrentiel naît lors de l’adoption de la décision de la Commission qui constate ce comportement, et plus précisément lors de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne (pt. 123). Par suite, l’avocat général Rantos estime donc que, dans une affaire telle que celle au principal, l’action n’est pas prescrite (pt. 135), puisque le point de départ du délai de prescription d’un an se situe à la date de publication au JORF du résumé de la décision de la Commission, soit le 6 avril 2017, alors qu’au cas d’espèce l’action en réparation du dommage concurrentiel a été introduite le 1er avril 2018.
Enfin, l’avocat général souligne que le fait que la présomption de préjudice prévue par la directive ne trouve pas à s’appliquer dans la présente affaire n’empêcherait pas les juridictions nationales d’appliquer des présomptions relatives à la charge de la preuve concernant la présence d’un préjudice qui existaient antérieurement aux normes nationales de transposition respectives, dont la conformité avec les exigences du droit de l’Union doit être évaluée en tenant compte notamment des principes généraux d’effectivité et d’équivalence (pt. 139).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.
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JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que les modifications apportées aux critères de répartition des quotas de produit bénéficiant d’un taux d’accise privilégié n’affecte pas les éléments constitutifs du régime d’aides concerné, tels qu’ils ont été appréciés par la Commission aux fins de son évaluation de la compatibilité des versions précédentes dudit régime avec le marché intérieur, la Cour de justice de l’Union dit pour droit que les modifications du régime fiscal préférentiel pour le biodiesel mis en oeuvre par la République italienne et autorisé par la Commission ne doivent pas être considérées comme une aide nouvelle soumise à l’obligation de notification
Le 28 octobre 2021, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt dans les affaires jointes C-915/19 à C-917/19 (Eco Fox Srl e.a.), et ce, à la suite des demandes de décision préjudicielle introduites par le Conseil d’État italien.
Les présentes demandes de décision préjudicielle portaient sur l’interprétation des articles 107 et 108 TFUE, du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, tel que modifié par le règlement (UE) n° 734/2013 du Conseil, du 22 juillet 2013, et du règlement (CE) n° 794/2004 de la Commission, du 21 avril 2004.
Dans le but de faciliter l’ouverture d’un marché national du biodiesel, la République italienne a, par des actes législatifs successifs, prévu trois programmes différents de mesures d’une durée pluriannuelle. Ces programmes ont reçu l’approbation préalable de la Commission, au titre de l’article 108, § 3, TFUE. Par la suite, le Conseil d’État a, par deux arrêts, annulé certaines dispositions de ces actes législatifs concernant l’une et l’autre les critères d’attribution aux producteurs de biodiesel des quantités de produit exonérées de l’accise. Afin de se conformer à ces arrêts, le ministre de l’Économie s a adopté un nouveau décret, qui n’a pas été notifié à la Commission.
Eco Fox, l’une des bénéficiaires des quotas privilégiés de biodiesel dans le cadre des programmes concernés a alors formé un recours tendant à l’annulation du décret ministériel n° 37/2015 devant le Tribunal administratif régional du Latium en faisant valoir que ce décret ministériel prévoyait une nouvelle aide d’État et, partant, aurait dû être notifié à la Commission. Estimant que le décret querellé n’instituait pas un nouveau programme d’aides d’État, mais fixait rétroactivement, sans modifier la durée des programmes, certains coefficients d’attribution des quotas de biodiesel fiscalement aidés, cette juridiction a rejeté le recours. Eco Fox a alors interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, laquelle demande, en substance, à la Cour de justice de l’Union si les articles 107 et 108 TFUE ainsi que les dispositions des règlements n° 659/1999 et 794/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’une modification d’un régime fiscal préférentiel pour le biodiesel autorisé par la Commission doit être considérée comme une aide nouvelle soumise à l’obligation de notification, au titre de l’article 108, § 3, TFUE, lorsque cette modification consiste à changer, avec effet rétroactif, les critères de répartition des quotas de biodiesel bénéficiant d’un taux d’accise privilégié au titre de ce régime.
Ainsi, la Commission a adopté chacune de ces décisions après avoir reçu une notification préalable de la part de la République italienne, au titre de l’article 108, § 3, TFUE, de la version du régime d’aides concernée. En revanche, il est constant que la réglementation nationale dont la légalité fait l’objet des litiges au principal a eu pour effet de modifier les critères de répartition de l’avantage octroyé au titre de ce régime sans que cette modification ait été notifiée préalablement à la Commission au titre de cette disposition. Si la République italienne a considéré que ladite modification ne devait pas faire l’objet d’une telle notification, les requérantes au principal, toutes productrices de biodiesel, soutiennent devant la juridiction de renvoi que cette dernière modification est illégale dès lors que, eu égard à son caractère significatif, elle aurait dû être notifiée à la Commission avant sa mise en exécution.
Sur quoi la Cour de justice, après avoir rappelé les critères retenus par la jurisprudence pour distinguer les aides nouvelles des aides existantes, relève qu’au cas d’espèce, la réglementation nationale en cause au principal a modifié, avec effet rétroactif, les critères d’attribution, entre les entreprises bénéficiaires du régime, des quantités de biodiesel auxquelles s’applique le taux préférentiel d’accise pour les exercices 2006 à 2009 (pt. 43). En pratique, c’est l’attribution d’un poids supérieur au critère de l’historique de la production de chaque entreprise concernée qui a été affecté à la suite de l’annulation par le Conseil d’État des dispositions nationales prévoyant les critères d’attribution des quantités de biodiesel fiscalement privilégiées. Le législateur italien a alors introduit la réglementation nationale en cause au principal, par laquelle les critères de l’historique de la production de chaque entreprise concernée et de sa capacité productive sont pondérés par le même coefficient, à savoir 0,5 pour chaque critère (pt. 44). En revanche, observe la Cour, ni le cercle de bénéficiaires, ni le budget du régime d’aides autorisé par la Commission, ni la durée de ce régime ni la définition du produit bénéficiant d’un taux préférentiel d’accise ni ce taux lui–même n’ont été affecté par la réglementation querellée. Or, c’est précisément sur ces différents éléments que la Commission s’est prononcée afin d’approuver les versions précédentes du régime d’aides en cause au principal. En revanche, les critères d’attribution, entre les entreprises bénéficiaires du régime, des quantités de produit auxquelles s’applique le taux préférentiel d’accise n’ont pas constitués un élément sur lequel la Commission a fondé son approbation (pt. 48). Si les critères d’attribution des quantités de biodiesel bénéficiant du régime fiscal préférentiel ont bien été communiqués à la Commission, ces critères n’ont été examinés expressément dans aucune des décisions d’approbation concernées (pt. 49).
Il en ressort que la modification des critères de répartition de l’aide octroyée en vertu du régime d’aides en cause au principal n’a pas affecté les éléments constitutifs de ce régime, tels qu’ils ont été appréciés par la Commission dans le cadre des décisions d’approbation concernées, aux fins de son évaluation de la compatibilité dudit régime avec le marché intérieur, de sorte que cette modification ne constitue pas une « modification d’une aide existante », au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999 et de l’article 4, § 1, première phrase, du règlement n° 794/2004, et n’est, dès lors, pas une « aide nouvelle » soumise à l’obligation de notification prévue à l’article 108, § 3, TFUE. Il s’ensuit que sa mise en exécution ne saurait être considérée comme étant illégale au seul motif qu’elle n’a pas été préalablement notifiée à la Commission (pt. 58).
Et la Cour de justice de l’Union de répondre à la demande préjudicielle que les articles 107 et 108 TFUE ainsi que les dispositions des règlements n° 659/1999 et 794/2004 doivent être interprétés en ce sens qu’une modification d’un régime fiscal préférentiel pour le biodiesel autorisé par la Commission ne doit pas être considérée comme une aide nouvelle soumise à l’obligation de notification, au titre de l’article 108, § 3, TFUE, lorsque cette modification consiste à changer, avec effet rétroactif, les critères de répartition des quotas de biodiesel bénéficiant d’un taux d’accise privilégié au titre de ce régime, dans la mesure où ladite modification n’affecte pas les éléments constitutifs du régime d’aides concerné, tels qu’ils ont été appréciés par la Commission aux fins de son évaluation de la compatibilité des versions précédentes dudit régime avec le marché intérieur (pt. 59).
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JURISPRUDENCE OVS : Rappelant que l'administration n’est pas tenue, lorsqu’elle sollicite une autorisation de procéder à des opérations de visite et saisie, de communiquer au JLD l’ensemble des éléments d'information en sa possession, mais seulement les pièces dont elle estime qu’elles sont de nature à justifier la visite demandée, la Chambre criminelle de la Cour de cassation annule l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Paris annulant l’ordonnance d’autorisation du JLD dans l’affaire des OVS pratiquées dans les locaux des sociétés du groupe Swarovski
La solution était attendue. À la faveur d'un arrêt rendu le 19 octobre 2021, la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue censurer l’ordonnance rendue le 7 octobre 2020 par le délégué du premier président de la Cour d’appel de Paris, qui avait annulé l'ordonnance rendue le 1er juillet 2019 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Paris autorisant le rapporteur général de l’Autorité de la concurrence à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques anticoncurrentielles dans les locaux des sociétés du groupe Swarovski France.
Pour annuler l’ordonnance du JLD autorisant les opérations de visite et de saisie, le délégué du premier président de la Cour d’appel de Paris avait retenu en premier lieu que les pièces versées par l'Autorité de la concurrence au soutien de sa requête étaient incomplètes, en ce que d'une part les procès-verbaux communiqués faisaient référence à des annexes qui, pour certaines, n'avaient pas été transmises, d'autre part avait été produit un document en langue anglaise dont une seule page a été traduite en français. Le délégué du premier président de la Cour d’appel de Paris avait par ailleurs considéré que l'impossibilité pour la société Swarovski de consulter les pièces manquantes dans le cadre de son recours contre l'ordonnance d'autorisation constituait une violation des droits de la défense.
À l’appui du premier moyen de son pourvoi, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence soutenait à l’inverse qu’il n’était tenu de communiquer au JLD que les éléments d'information en sa possession de nature à justifier la demande d'autorisation de procéder à des visites et saisies, et uniquement ces éléments de nature à justifier la visite et aucun cas tous les éléments en sa possession.
Sur quoi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle, au visa de l'article L. 450-4, alinéa 2, du code de commerce, que, dès lors que la demande de l'administration tendant à être autorisée à effectuer des opérations de visite et de saisie doit comporter tous les éléments d'information en possession du demandeur de nature à justifier la visite, il s'en déduit que l'administration n'est pas tenue de transmettre au juge chargé de vérifier le bien-fondé de sa demande l'ensemble des pièces en sa possession, fussent-elles annexées à des procès-verbaux faisant l'objet d'une transmission (pts. 7-8). De sorte qu’en statuant comme il l’a fait, le premier président a méconnu l'article L. 450-4, alinéa 2, du code de commerce et les principes ci-dessus énoncés.
D'une part, le JLD devait se prononcer, en considération des seules pièces produites devant lui, sur le point de savoir si était ou non établie l'existence de présomptions de pratiques anticoncurrentielles. D'autre part, estime la Chambre criminelle de la Cour de cassation, l'accès au complet dossier et la discussion des pièces produites pourra s'exercer en cas d'engagement des poursuites pendant la phase juridictionnelle, lors de laquelle le principe du contradictoire est garanti (pts. 11-12).
Pour annuler l’ordonnance du JLD autorisant les opérations de visite et de saisie, le délégué du premier président de la Cour d’appel de Paris avait considéré en second lieu qu'il ne se déduisait des études économiques produites par l'Autorité de la concurrence aucune situation de position dominante de la société Swarovski France sur le marché des composants en cristal, que la légalité de la production, par l'Autorité de la concurrence, des contrats entre les sociétés Swarovski France et un de ses distributeurs interrogeait dès lors que ces documents comportaient une clause de confidentialité, et enfin que les autres documents produits par l'administration, notamment constitués d'échanges de courriels peu précis tirés de leur contexte et de la plainte de ce distributeur en litige avec la société Swarovski, n’étaient pas de nature à corroborer les présomptions de pratiques anticoncurrentielles invoquées au soutien de la requête.
À l’appui des deuxième et troisième moyens de son pourvoi, le rapporteur général de l'Autorité de la concurrence soutenait qu'un seul indice des pratiques anticoncurrentielles présumées était suffisant pour confirmer l'autorisation délivrée, de même que la simple suspicion d'une position dominante était suffisante, et qu’enfin, une clause de confidentialité d'un contrat ne peut faire obstacle à la transmission du contrat aux autorités pour préserver les droits de la défense de l'un des cocontractants, a fortiori lorsque ledit contrat est présumé constituer la mise en œuvre d'un abus de position dominante prohibé.
Sur quoi, la Chambre criminelle de la Cour de cassation énonce, toujours au visa de l'article L. 450-4 du code de commerce, que c'est à tort que le délégué du premier président de la Cour d’appel de Paris a estimé que la position dominante de la société Swarovski France sur le marché des composants en cristal aurait dû résulter des éléments produits par l'Autorité de la concurrence, quand il suffisait, à ce stade, que soit caractérisée la présomption d'une telle position sur le marché concerné (pt. 22). En second lieu, la Chambre criminelle de la Cour de cassation répond que le juge ne pouvait s'abstenir d'analyser les contrats de distribution entre la société Swarovski France et son distributeur au seul motif qu'ils contenaient une clause de confidentialité, dès lors que ces documents ont été régulièrement obtenus par l'Autorité de la concurrence dans le cadre des pouvoirs d'enquête qu'elle tient de l'article L. 450-3 du code de commerce (pt. 23). Enfin, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère qu’il ne résulte pas de la motivation de l'ordonnance que le premier président ait procédé lui-même à une réelle analyse des pièces produites par l'Autorité de la concurrence au soutien de sa requête, en particulier des courriels à partir desquels le juge des libertés et de la détention avait retenu l'existence de présomptions d'ententes prohibées sur les prix, présomptions sur lesquelles l'ordonnance attaquée omet en outre de prononcer (pt. 24), de sorte que le délégué du premier président a méconnu son office.
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INFOS : Le président par intérim de l'Autorité de la concurrence défend l’indépendance du Collège dans une tribune parue dans Les Échos
Bonjour,
Je ne saurais trop vous conseiller la lecture d’une tribune parue dans le numéro du quotidien Les Échos datés du 25 octobre 2021 (p. 12), sobrement intitulée « M6-TF1 : les principes de l’Autorité de la concurrence », mais signée du président par intérim de l'Autorité de la concurrence.
Dans le contexte actuel, et dans l’attente du nom de la personne qui sera proposée à la fonction de président de l’Autorité de la concurrence, la tribune d’Emmanuel Combe peut également se lire comme une espèce de lettre, à la façon : « Monsieur le président, je vous fais une lettre… ».
Assurément, cette tribune marque une continuité certaine — dont on peut se réjouir — avec la position défendue par Isabelle de Silva. En tous cas, elle fait largement échos à l’interview que cette dernière a donnée au FT voici une quinzaine de jours.
À cet égard, la lecture de son quatrième point est fort instructive. C’est une défense et illustration de l’indépendance de Collège de l’Autorité. Le message est clair : « Qui que vous nommiez au poste de président de l’Autorité, cela ne suffira pas à infléchir la position qu’adoptera le Collège, aux termes d’une décision collective, et donc celle de l’Autorité sur le dossier TF1/M6 à l’horizon de l’automne 2021 ». Le président par intérim de l'Autorité de la concurrence y rappelle en dernier lieu que le ministre de l’économie dispose d’un pouvoir d’évocation… pour le cas où la décision de l’Autorité n’aurait finalement pas l’heur de plaire. Bref, « Monsieur le président, à chacun ses responsabilités ! »
Vous pouvez également lire la forte intéressante tribune qui suit, intitulée « Des Français très peu exposés au prix du marché de l’électricité, que l’on doit au toujours très pédagogue François Lévêque, et à Félix Michelet.
Bonne lecture !
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INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission adopte des mesures provisoires afin de neutraliser l’éventuelle acquisition anticipée de Grail par Illumina
Nouveau cran dans le bras de fer qui oppose Illumina à la Commission.
Cette dernière a annoncé, le 29 octobre 2021, qu’elle avait adopté, après avoir entendu les parties, des mesures provisoires visant à neutraliser les effets de l'acquisition anticipée de Grail par Illumina.
On se souvient que la société américaine Illumina avait confirmé publiquement le 18 août 2021 qu’elle envisageait de procéder à l'acquisition de Grail, alors même que la Commission s’était déclarée compétente pour examiner l’opération de concentration en acceptant, à la faveur d’une décision du 19 avril 2021 (non encore publiée), la demande de renvoi du 9 mars 2021 au titre de l’article 22, § 1, du règlement CE sur les concentrations formulée par l’Autorité de la concurrence française. Il s’agit là en effet de la première opération de concentration en-dessous des seuils de notification à être examinée par la Commission sur le fondement du règlement concentration de 2004 et donc de la « clause hollandaise » introduite à l’article 22 dudit règlement depuis le revirement dans la mise en oeuvre de cette disposition annoncée le 11 septembre 2020 par la vice-présidente exécutif de la Commission, chargée de la politique de la concurrence, Margrethe Vestager. Rappelons également qu’un recours contre cette décision a été introduit devant le Tribunal de l’Union.
Visiblement convaincue que la décision d'Illumina de procéder à l'acquisition de Grail, alors que son enquête approfondie sur l'opération envisagée est toujours en cours, constitue une violation de l’« obligation de suspension » en vertu de l'article 7 du règlement sur les concentrations, la Commission, qui insiste sur le fait que c'est la première fois que des entreprises mettent en œuvre ouvertement leur opération alors qu’elle mène une enquête approfondie, et qu’elle est ainsi conduite à adopter — également pour la première fois — des mesures provisoires à la suite de la réalisation anticipée inédite d'une concentration soumise à son examen, entend à tout le moins maintenir Grail comme une entité distincte d’Illumina.
Ainsi, les mesures provisoires adoptées aujourd'hui prévoient que :
Grail restera distincte d'Illumina et sera gérée par un ou plusieurs gestionnaires indépendants chargés de garantir la séparation des activités, exclusivement dans l'intérêt de Grail (et non d'Illumina).
Par ailleurs, il est interdit à Illumina et à Grail de s'échanger des informations commerciales confidentielles, sauf lorsque la divulgation de celles-ci est requise par la loi ou s'impose dans le cadre normal de leurs relations fournisseur-client. En revanche, Illumina est tenue d'apporter les fonds supplémentaires nécessaires en vue de l'exploitation et du développement de Grail.
Les parties devront interagir sur le plan commercial dans des conditions de concurrence normales, conformément aux pratiques du secteur et donc, sans favoriser indûment Grail au détriment de ses concurrents. Enfin, Grail est fermement invitée à envisager d'autres solutions que le rapprochement avec Illumina, pour le cas où cette dernière opération serait interdite parce que non compatible avec le marché intérieur.
Les mesures, légalement contraignantes tant pour Illumina que pour Grail, sont provisoires, en attendant l'issue de l'enquête approfondie de la Commission. Leur mise en œuvre sera supervisée par un mandataire agréé par la Commission.
Parallèlement à l’examen de phase II en cours et dans l’attente de la décision de la Commission sur le fond qui doit intervenir au plus tard le 4 février 2022, la Commission continuera à rechercher s’il y a eu gun jumping en infraction aux règles de l'UE sur les concentrations.
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INFOS UE : Rapport de Thibault Schrepel sur l'environnement juridique des smart contracts
À la demande initiale du Parlement européen, la Commission européenne a sollicité Thibault Schrepel, professeur associé à l’Université libre d'Amsterdam et au CodeX Center de l’Université de Stanford, professeur invité à Sciences Po Paris & à l’Université Paris 1 (Panthéon-Sorbonne), afin qu’il rédige un rapport sur l'environnement juridique des smart contracts.
Il apparaît que le déploiement des smart contracts au sein de la zone européenne pourrait en en effet fluidifier les transactions économiques. Il pourrait également fragmenter le marché unique numérique (« MUN »). Selon l’auteur du rapport, cette dualité appelle une réponse constructive afin de préserver les bénéfices apportés par les smart contracts et un MUN robuste.
Dans ce contexte, le présent rapport adopte une approche « droit + technologie ». Il suggère de combiner le droit et la technologie pour développer des solutions qui encouragent l'évolution des smart contracts (plutôt que de l'entraver) dans une direction qui préserve et renforce le MUN. À cette fin, Thibault Schrepel explore — à travers 20 propositions — quelles réglementations doivent être modifiées, suggère de nouvelles pistes législatives, et montre la façon dont la technologie (comme l'IA) pourrait aider les consommateurs.
Le rapport est librement accessible ICI.
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Bonjour,
Concurrences a le plaisir de vous inviter à la prochaine conférence « Droit et économie de la concurrence » :
Towards an effective DMA: discussing Member States reactions and proposals while addressing the fragmentation and governance risks
Catherine Batchelor (Director, Digital Markets Unit, UK Competition and Markets Authority), Olivier Fréget (Associé, Fréget & Associés) et Torsten Körber (Professeur, Université de Cologne) interviendront à cette occasion, en anglais.
Ce webinaire aura lieu le mercredi 10 novembre 2021, à partir de 17:00 CET, en ligne.
Inscription libre et gratuite ICI.
Pour toute question, merci de nous contacter par E-MAIL.
Nous espérons vous accueillir nombreux à cette conférence.
Bien cordialement,
Nicolas Charbit - Sarah Baharon
Directeur - Responsable événements
Concurrences
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La place de l'arbitrage dans l’indemnisation
des pratiques anticoncurrentielles en Europe
Paris — 16 novembre 2021
Bonjour,
La Société de législation comparée organise le mardi 16 novembre 2021
de 17 h 30 à 19 h 30, une conférence, en présence et en ligne, sur :
La place de l'arbitrage dans l’indemnisation des pratiques anticoncurrentielles en Europe
Le programme complet de la manifestation, ainsi que les modalités d’inscription sont disponibles ICI.
Bien cordialement,
Jean-François Laborde
Expert près la Cour d'appel de Paris, Expert près les Cours administratives d'appel de Paris et de Versailles
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Bonjour,
Les cabinets Deloitte et Wilhelm & Associés, en partenariat avec la Revue Concurrences, ont le plaisir de vous inviter au prochain séminaire « Droit et économie de la concurrence » sur le thème des concentrations.
À cette occasion, nous aurons le plaisir d'accueillir Étienne Chantrel, Rapporteur général adjoint, Chef du service des concentrations à l'Autorité de la concurrence, ainsi que Simon Genevaz, Deputy Head of Mergers Case Support & Policy Unit à la DG COMP.
Ce séminaire aura lieu en présentiel et à distance le mercredi 24 novembre à l'Hôtel du Louvre. Le séminaire commencera par une réception-déjeuner de 12h30 à 13h00. La table-ronde et le live-streaming commenceront à 13h00.
Les inscriptions, gratuites et ouvertes à tous, se font sur le site dédié.
Bien cordialement,
Gildas de Muizon
Associé - Economic Advisory, Deloitte, Paris
Pascal Wilhelm
Associé gérant, Wilhelm & Associés, Paris
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