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Hebdo n° 19/2021
25 mai 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit qu’une mesure nationale prévoyant le versement d’une indemnisation aux agriculteurs pour l’abattage d’animaux malades et se fondant sur une loi adoptée antérieurement constitue une aide nouvelle, susceptible toutefois, après vérification par la juridiction de renvoi, de bénéficier de l’exemption de notification, voire de constituer une aide de minimis

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que le régime d’aides aux entreprises stratégiques espagnoles adoptés en réponse à la pandémie de Covid-19, proportionné et non discriminatoire, ne méconnaît pas le principe de non-discrimination ni l’article 18 TFUE, le Tribunal de l’Union confirme la légalité dudit régime d’aide

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal annule pour insuffisance de motivation les décisions de la Commission déclarant compatibles les aides accordées par les Pays-Bas en faveur de KLM et par le Portugal en faveur de TAP pour apporter une réponse aux conséquences de la pandémie de Covid-19, mais suspend les effets de l’annulation jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que la Commission aurait dû ouvrir une procédure formelle d’examen, le Tribunal de l’Union accueille le recours de Lufthansa contre la décision de ne pas soulever d’objection à propos de l’aide au fonctionnement accordée à l’aéroport de Francfort-Hahn


JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de paris estime ne pas être compétente pour connaître des contestations adressées à la politique de communication de l’Autorité de la concurrence

INFOS Digital Markets Act (DMA) : Le Conseil de l’UE rend public son rapport d’étape sur la proposition de DMA de la Commission… tandis que la Commission des affaires économiques du Parlement européen désigne Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée Renew, comme rapporteure pour ECON sur le Digital Markets Act

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : l’Autorité rend publique la décision autorisant, sous conditions, la société LDC Volaille à prendre le contrôle exclusif du groupe Ronsard

INFOS UE : Guillaume Loriot, nouveau directeur général adjoint de la DG concurrence

ANNONCE WEBINAIRE : « Un an de droit de la concurrence : les principales décisions rendues en 2020 » — 1er juin 2021, 8h30-11h30 [Message d’Anne-Laure-Hélène des Ylouses]

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit qu’une mesure nationale prévoyant le versement d’une indemnisation aux agriculteurs pour l’abattage d’animaux malades et se fondant sur une loi adoptée antérieurement constitue une aide nouvelle, susceptible toutefois, après vérification par la juridiction de renvoi, de bénéficier de l’exemption de notification, voire de constituer une aide de minimis

 



Le 20 mai 2021, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire d’aide d’État C-128/19 (Azienda Sanitaria Provinciale di Catania contre Assessorato della Salute della Regione Siciliana), et ce, à la suite de la demande de décision préjudicielle de la Cour de cassation italienne.

Le litige au principal trouve son origine dans une mesure législative adoptée en 1989 par la Région de Sicile, qui prévoyait le versement d’une indemnisation aux propriétaires d’animaux abattus parce qu’atteints de certaines maladies. AU, un éleveur sicilien, a saisi les juridictions nationales d’une demande en versement de cette indemnisation en se fondant sur une loi adoptée par la Région de Sicile en 2005, la dernière mesure à avoir financé l’indemnisation.

La question dont est saisie la Cour est celle de savoir si cette indemnisation constitue une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE et, si tel est le cas, si elle a été mise à exécution en violation de l’article 108, § 3, TFUE.

Si la loi initiale de 1989, ainsi que plusieurs autres lois ultérieures ont fait l’objet d’une décision d’autorisation de la Commission, il n’en va pas de même de la loi adoptée en 2005, de sorte que se pose la question de savoir si cette dernière est couverte par l’autorisation donnée par la Commission à la mise à exécution des lois de financement antérieures. Est-on en présence d’une aide nouvelle, qui aurait dû être notifiée à la Commission avant d’être mise en œuvre, ou en présence d’une aide existante, dispensée d’une semblable notification en ce qu’elle modifie, dans une mesure limitée, une aide déjà autorisée ?

Après une première attribution par ordonnance de l’aide à l’éleveur sicilien, suivi d’une annulation à la demande de l’Autorité sanitaire de la province de Catane, cette dernière, débouté par la Cour d’appel de Catane, a formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour si l’indemnisation en cause, prévue par loi régionale de 1989, mais financée par l’article 25, § 16, de la loi régionale de Sicile n° 19/2005 constitue une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE.

Par sa seconde question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 108, § 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une mesure instaurée par un État membre, destinée à financer, pour une période s’étalant sur plusieurs années et à hauteur d’un montant de 20 millions d’euros, d’une part, une indemnisation en faveur des éleveurs ayant été contraints d’abattre des animaux atteints de maladies infectieuses et, d’autre part, les honoraires dus aux vétérinaires d’exercice libéral ayant participé aux mesures d’assainissement, doit être soumise à la procédure de contrôle préalable prévue à cette disposition, y compris dans l’hypothèse où la Commission avait autorisé des mesures similaires.

La Cour commence par répondre à la seconde question posée.

À cet égard, elle s’attache d’abord à déterminer si l’on est en présence d’une aide existante ne nécessitant pas de notification préalable de la mesure ou en présence d’une aide nouvelle requérant une telle notification préalable. Au cas d’espèce, la Cour estime que l’on est en présence d’une aide nouvelle (pt. 37). En effet, la mesure litigieuse de 2005, si son objectif coïncide avec celui des mesures de 1997 et 1999, prévoit à la fois une augmentation de 20 millions d’euros du budget affecté au régime d’aides autorisé par la Commission, dans sa décision de 2002, et une prolongation de la période de refinancement de l’indemnisation de l’année 2000 à l’année 2006 (pt. 35). Or, de tels changements apportés au régime d’aides autorisé ne sauraient être considérés comme étant de caractère purement formel ou administratif, au sens de l’article 4, paragraphe 1, première phrase, du règlement n° 794/2004. Ils sont, au contraire, constitutifs d’une modification d’une aide existante, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999 (pt. 36).

Par suite, un État membre ayant l’intention d’instituer une telle aide est donc, en principe, tenu de respecter l’obligation de notification préalable de cette aide à la Commission et celle de s’abstenir de la mettre à exécution avant que la procédure à laquelle elle est soumise n’ait abouti à une décision finale, prévues à l’article 108, § 3, TFUE, à moins que… les aides individuelles octroyées en application de ce régime d’aide ne puissent être exemptées de l’obligation de notification, soit en application des articles 3 et 26 du règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission, du 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur (pts. 43-50), soit parce qu’elle constitue une aide de minimis, au sens du règlement n° 1408/2013 (pt. 51), dont la Cour rappelle que l’application est suspendue notamment à la condition que le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique n’excède pas 15 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux (pt. 52).

En fin de compte, la Cour dit pour droit, sans qu’il soit besoin d’examiner la première question posée par la Cour de renvoi, que l’article 108, § 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’une mesure instaurée par un État membre, destinée à financer, pour une période s’étalant sur plusieurs années et à hauteur d’un montant de 20 millions d’euros, d’une part, une indemnisation en faveur des éleveurs ayant été contraints d’abattre des animaux atteints de maladies infectieuses et, d’autre part, les honoraires dus aux vétérinaires d’exercice libéral ayant participé aux mesures d’assainissement, doit être soumise à la procédure de contrôle préalable prévue à cette disposition, lorsque cette mesure n’est pas couverte par une décision d’autorisation de la Commission européenne, sauf si elle remplit les conditions prévues par le règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission, du 25 juin 2014, déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 [TFUE], ou les conditions prévues par le règlement (UE) n° 1408/2013 de la Commission, du 18 décembre 2013, relatif à l’application des articles 107 et 108 [TFUE] aux aides de minimis dans le secteur de l’agriculture.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que le régime d’aides aux entreprises stratégiques espagnoles adoptés en réponse à la pandémie de Covid-19, proportionné et non discriminatoire, ne méconnaît pas le principe de non-discrimination ni l’article 18 TFUE, le Tribunal de l’Union confirme la légalité dudit régime d’aide

 

Le 20 juillet 2020, le Royaume d’Espagne a notifié à la Commission un régime d’aides visant la création du Fonds de soutien à la solvabilité des entreprises stratégiques, doté d’un budget de 10 milliards d’euros, pour soutenir la solvabilité des entreprises viables, considérées comme systémiques ou stratégiques pour l’économie espagnole, qui connaissent des difficultés temporaires en raison de la pandémie de COVID-19. Pour pouvoir en bénéficier, les entreprises devaient en outre satisfaire à plusieurs autres conditions cumulatives concernant la réalité des difficultés rencontrées du fait de la crise sanitaire.

Par décision du 31 juillet 2020, la Commission a déclaré le régime notifié, examiné à l’aune de l’« Encadrement temporaire des mesures d’aide d’État visant à soutenir l’économie dans le contexte actuel de la flambée de Covid-19 » du 19 mars 2020, compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, § 3, sous b), TFUE, en vertu duquel les aides destinées à remédier à une perturbation grave de l’économie d’un État membre peuvent, sous certaines conditions, être considérées comme compatibles avec le marché intérieur.

Quoique la première compagnie aérienne en Espagne avec une part de marché de 20 %, Ryanair, n’était pas éligible audit régime d’aide, dont le bénéfice est réservé aux seules entreprises revêtant une importance systémique ou stratégique pour l’économie espagnole, établies en Espagne et ayant leurs principaux centres d’activité sur son territoire, en raison des liens stables et réciproques qui les rattachent à son économie. Elle a dès lors introduit un recours tendant à l’annulation de cette décision.

Par arrêt du 19 mai 2021 rendu dans l’affaire T-628/20 (Ryanair DAC contre Commission européenne), le Tribunal de l’Union européenne, estimant que le régime d’aides aux entreprises stratégiques espagnoles adoptés en réponse à la pandémie de Covid-19, proportionné et non discriminatoire, ne méconnaissait pas le principe de non-discrimination ni l’article 18 TFUE, a rejeté le recours de Ryanair et confirmé la légalité dudit régime d’aide.

Ryanair faisait principalement valoir une violation du principe de non-discrimination, donnant ainsi l’occasion au Tribunal de préciser l’articulation entre les règles relatives aux aides d’État et le principe de non-discrimination en raison de la nationalité au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE. Selon elle, la mesure en cause serait discriminatoire à l’égard des entreprises non établies et n’ayant pas leurs principaux centres d’activité en Espagne, lesquelles seraient exclues du bénéfice de l’aide, alors même qu’elles pourraient également revêtir une importance systémique et stratégique pour l’économie espagnole, comme cela serait le cas de la requérante. Or, une telle différence de traitement ne serait ni nécessaire ni proportionnée à l’objectif poursuivi, dans la mesure où les entreprises non établies et n’ayant pas leurs principaux centres d’activité en Espagne, mais qui opèrent dans cet État membre, auraient rencontré les mêmes difficultés causées par la pandémie de COVID-19, où leur sortie du marché espagnol entraînerait des difficultés sociales et perturberait sérieusement l’économie espagnole et où une mesure alternative et non discriminatoire consisterait dans l’octroi de l’aide en fonction des parts de marché des entreprises concernées (pt. 22).
 
Dans la présente affaire, observe le Tribunal, force est de constater que l’un des critères d’éligibilité au bénéfice du régime d’aides en cause, à savoir celui relatif à l’établissement des bénéficiaires en Espagne et à ce que leurs principaux centres d’activité se situent sur le territoire de cet État membre, a pour conséquence un traitement différent des entreprises établies et ayant leurs principaux centres d’activité en Espagne, à même de bénéficier dudit régime d’aides si elles remplissent par ailleurs les autres critères d’éligibilité, de celles étant établies ou ayant leurs principaux centres d’activité dans un autre État membre, qui ne peuvent pas y prétendre (pt. 26).

Dès lors, le Tribunal s’attache à vérifier si cette différence de traitement est justifiée par un objectif légitime et si elle est nécessaire, appropriée et proportionnée pour l’atteindre.

S’agissant de l’objectif du régime d’aides en cause, celui-ci vise à remédier à la perturbation grave de l’économie espagnole occasionnée par la pandémie de COVID-19. Il fait en sorte que les entreprises considérées comme systémiques ou stratégiques pour l’économie espagnole disposent d’un financement externe suffisant pour leur permettre de rétablir leur structure de capital pendant que le fonctionnement des marchés de crédit et de capitaux est sérieusement perturbé par la pandémie de COVID-19 (pt. 28). À cet égard, le Tribunal constate que l’existence tant d’une perturbation grave de l’économie espagnole du fait de la pandémie de COVID-19 que des effets négatifs majeurs de cette dernière sur l’économie espagnole sont établis à suffisance de droit dans la décision attaquée, l’objectif du régime d’aides en cause satisfait aux conditions posées par l’article 107, paragraphe 3, sous b), TFUE (pt. 29). Il en va de même du critère de l’importance stratégique et systémique (pt. 30).

Quant au caractère nécessaire pour atteindre l’objectif du régime d’aides en cause, le Tribunal observe que, compte tenu de la nature des mesures de recapitalisation en cause, il est légitime que l’État membre concerné cherche à s’assurer d’une présence stable des entreprises susceptibles de bénéficier dudit régime sur son territoire et d’un lien de rattachement durable entre celles-ci et son économie. En effet, les autorités de cet État membre doivent pouvoir contrôler, de manière continue et efficace, la façon dont l’aide est utilisée ainsi que le respect des clauses de gouvernance et de toutes les autres mesures imposées pour limiter les distorsions de concurrence. Elles doivent, en outre, pouvoir organiser et surveiller la sortie ordonnée ultérieure de l’État espagnol du capital de ces entreprises. À cette fin, l’État membre concerné doit avoir la compétence d’intervenir, en cas de besoin, afin d’imposer le respect des conditions et des engagements entourant l’octroi du financement public en cause (pt. 35). Ce critère traduit la nécessité, pour l’État membre, de s’assurer d’une certaine stabilité de la présence de ceux-ci et de leur ancrage durable dans l’économie espagnole. Ce faisant, le régime d’aides en cause vise à soutenir les entreprises qui sont véritablement et durablement ancrées dans l’économie espagnole, ce qui est cohérent avec l’objectif du régime qui vise à remédier à la perturbation grave de cette économie (pt. 36). En effet, un tel lien de rattachement stable et durable à l’économie espagnole est, en principe, moins probable en ce qui concerne tant les simples prestataires de services, dont la prestation peut, par définition, cesser à très bref délai, pour ne pas dire immédiatement, que les entreprises établies en Espagne, mais ayant leurs principaux centres d’activité en dehors du territoire de cet État (pt. 37). De même, le Royaume d’Espagne a choisi de ne soutenir que les entreprises qui jouent un rôle essentiel pour son économie, étant donné que leurs difficultés affecteraient sérieusement, en raison de leur importance systémique et stratégique, l’état général de l’économie espagnole (pt. 39).

Par ailleurs, le Tribunal note que le régime d’aides en cause comporte aussi une série de restrictions ex post visant à limiter les distorsions de concurrence et à garantir la gouvernance saine des bénéficiaires ainsi que la manière dont l’aide est utilisée, et impose des obligations de transparence et de reddition de comptes aux autorités nationales sur l’utilisation de l’aide en cause (pt. 41). De sorte que, en conjuguant les critères d’éligibilité et les restrictions ex post, le Royaume d’Espagne a cherché, en substance, à s’assurer de l’existence d’un lien pérenne et réciproque entre les bénéficiaires de l’aide et son économie, s’inscrivant dans une perspective de développement économique à moyen et à long terme (pt. 42).

S’agissant à présent du caractère proportionné du régime d’aides en cause, la requérante soutenait, en substance, qu’une entreprise peut également revêtir une importance systémique et stratégique pour l’économie espagnole, même si elle n’est pas établie en Espagne, de sorte que l’objectif poursuivi par ledit régime pourrait être atteint en retenant comme critère d’éligibilité non pas celui de l’État membre d’établissement, mais un autre critère relatif aux parts de marché des entreprises concernées.

Sur quoi le Tribunal lui répond que la nécessité d’un ancrage stable et durable des bénéficiaires de l’aide dans l’économie espagnole, qui sous-tend le régime d’aides en cause, ferait défaut ou serait à tout le moins affaiblie si le Royaume d’Espagne avait ouvert le régime d’aides aux entreprises opérant sur le territoire espagnol en tant que simples prestataires de services, à l’instar de la requérante, une prestation de services pouvant, par définition, cesser à très bref délai, pour ne pas dire immédiatement (pt. 46). Relevant que le régime d’aides en cause vise à soutenir toute l’économie espagnole, sans distinction du secteur économique concerné, de sorte que le Royaume d’Espagne a tenu compte de l’état global de son économie et des perspectives de développement économique à moyen et à long terme, et non de la situation spécifique de telle ou telle entreprise, le Tribunal estime qu’en prévoyant des modalités d’octroi du bénéfice d’un régime d’aides de portée générale et multisectorielles, l’État membre en cause pouvait légitimement se fonder sur des critères d’éligibilité visant à identifier des entreprises présentant à la fois une importance systémique ou stratégique pour son économie et un lien pérenne et stable avec cette dernière (pts. 47-48).

Quant aux arguments tirées d’une violation des principes de libre prestation des services et de liberté d’établissement, le Tribunal relève que le régime d’aides en cause ne vise pas spécifiquement le secteur de transport aérien, et qu’en tout état de cause, l’article 56 TFUE, qui consacre la libre prestation des services, ne s’applique pas tel quel au domaine de la navigation aérienne (pt. 59). Or, ajoute-t-il, s’il est vrai que, du fait de la définition du périmètre du régime d’aides en cause, la requérante se trouve privée de l’accès à des mesures de recapitalisation octroyées par le Royaume d’Espagne, elle n’établit pas en quoi cette exclusion est de nature à la dissuader de s’établir en Espagne ou d’effectuer des prestations de services depuis l’Espagne et à destination de l’Espagne. La requérante reste notamment en défaut d’identifier les éléments de fait ou de droit qui feraient que le régime d’aides en cause produit des effets restrictifs qui iraient au-delà de ceux qui déclenchent l’interdiction prévue à l’article 107, § 1, TFUE, mais qui sont néanmoins nécessaires et proportionnés pour remédier à la perturbation grave de l’économie espagnole causée par la pandémie de COVID-19, conformément aux exigences de l’article 107, § 3, sous b), TFUE (pt. 61).

Pour le reste, le Tribunal confirme que la mesure en cause constitue bien un régime d’aides. En effet, la base juridique de la mesure en cause est constituée de deux actes de portée générale qui régissent toutes les caractéristiques de l’aide en cause (pts. 82-83). En outre, relève le Tribunal, les dispositions querellées permettent l’octroi individuel des aides, « sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires », à des entreprises en ayant fait la demande (pt. 90). Elles définissent aussi d’une manière générale et abstraite les bénéficiaires de l’aide sur la base d’une liste exhaustive de treize critères cumulatifs d’application générale (pt. 91). Par conséquent, le Tribunal conclut que les conditions prévues par l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 sont remplies, de sorte que la Commission a pu qualifier, sans commettre d’erreur de droit, l’aide en cause de régime d’aides (pt. 94).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal annule pour insuffisance de motivation les décisions de la Commission déclarant compatibles les aides accordées par les Pays-Bas en faveur de KLM et par le Portugal en faveur de TAP pour apporter une réponse aux conséquences de la pandémie de Covid-19, mais suspend les effets de l’annulation jusqu’à l’adoption d’une nouvelle décision par la Commission

 

Au-delà de la contestation du régime d’aide mis en œuvre par l’Espagne dans le cadre de la crise sanitaire, Ryanair remettait également en cause la légalité de mesures d’aide individuelles adoptées en vue d’apporter une réponse aux conséquences de la pandémie de Covid-19 au regard de l’article 107, § 2, sous b), TFUE, et en particulier les aides individuelles mises en œuvre par les Pays-Bas en faveur de KLM et par le Portugal en faveur de TAP.

Ce n’est pas la première fois que le Tribunal était appelé à se prononcer sur la légalité de mesures d’aide individuelles adoptées en vue d’apporter une réponse aux conséquences de la pandémie de Covid-19 au regard de l’article 107, § 2, sous b), TFUE. Déjà, à la faveur de deux arrêts rendus le 14 avril 2021 dans les affaires T-378/20 et T‑379/20, le Tribunal avait confirmé, pour la première fois, la légalité de deux mesures d’aide individuelles accordées par le Danemark et par la Suède à la compagnie Scandinavian Airlines (SAS).

Les mesures d’aide individuelles aujourd’hui querellées, celles mises en œuvre par les Pays-Bas en faveur de KLM et par le Portugal en faveur de TAP, dûment notifiées à la Commission, ont été déclarés compatibles avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 107, § 2, sous b), TFUE par celle-ci respectivement par décision du 10 juin 2020 concernant l’aide d’État SA.57369 mise en œuvre par le Portugal en faveur de TAP, et par décision du 13 juillet 2020, sur l’aide d’État SA.57116 mise en œuvre par les Pays-Bas en faveur de KLM, filiale de la société holding Air France-KLM.

Sur quoi Ryanair, compagnie aérienne low cost sous licence irlandaise, et qui n’a pu bénéficier des deux aides, a introduit deux recours tendant à l’annulation des deux décisions de la Commission.

Par deux arrêts rendus le 19 mai 2021 respectivement dans les affaires T-643/20 (Ryanair DAC contre Commission européenne — KLM — Covid-19) et T-465/20 (Ryanair DAC contre Commission européenne — TAP — Covid-19), le Tribunal de l’Union conclut, dans les deux affaires, à l’annulation de la décision de la Commission pour cause de motivation insuffisante. Toutefois, eu égard aux effets particulièrement préjudiciables de la pandémie pour les économies néerlandaise et portugaise, le Tribunal suspend les effets de l’annulation jusqu’à l’adoption de nouvelles décisions par la Commission.

Au soutien de ses deux recours, Ryanair invoquait respectivement cinq moyens. Seul le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, est examiné par le tribunal dans les deux affaires.

S’agissant en premier lieu de l’aide en faveur de KLM, Ryanair soutenait que la Commission avait omis d’exposer les raisons pour lesquelles elle n’avait pas tenu compte de l’impact de l’aide accordée deux mois plus tôt à Air France, alors même que cette dernière ferait partie, à l’instar de KLM, du groupe Air France-KLM.

Dans sa décision, la Commission avait constaté, d’une part, que KLM était le bénéficiaire de la mesure d’aide en cause et, d’autre part, que les autorités néerlandaises avaient confirmé qu’Air France, filiale de la société holding Air France-KLM, n’était pas le bénéficiaire de la mesure d’aide en cause. En revanche, elle n’avait pas examiné la question de savoir si l’aide précédemment accordée à « la société Air France via la société Air France-KLM, holding du groupe » pouvait également être utilisée, ne serait-ce qu’en partie, pour les besoins en liquidités de KLM, le cas échéant par l’intermédiaire de la société holding Air France-KLM, dont tant Air France que KLM sont des filiales (pt. 43).

Rappelant que la décision Air France, laquelle concerne l’aide d’État accordée environ deux mois auparavant à Air France, société faisant partie, avec KLM, du même groupe d’entreprises, constitue un élément de contexte devant être pris en considération aux fins d’examiner si la motivation de la décision attaquée satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE, le Tribunal indique qu’il incombe à la Commission d’examiner avec une vigilance particulière les liens entre les sociétés appartenant au même groupe, lorsqu’il y a lieu de craindre les effets sur la concurrence d’un cumul d’aides d’État au sein du même groupe (pt. 48). On sait que, lorsque des personnes physiques ou morales juridiquement distinctes constituent une unité économique, il y a lieu de les traiter comme une seule entreprise au regard de l’application des règles de concurrence de l’Union. Or, dans le domaine des aides d’État, la question de savoir s’il existe une unité économique se pose notamment lorsqu’il s’agit d’identifier le bénéficiaire d’une aide. Au cas d’espèce, se posait donc la question de savoir si, du fait de la structure capitalistique du groupe Air France-KLM, KLM n’avait pas pu bénéficier de l’aide accordée deux mois plus tôt à Air France et si cette dernière n’avait pas pu bénéficier de l’aide accordée deux mois plus tard à KLM.

Or, relève le Tribunal, si Air France et KLM sont deux sociétés faisant partie du même groupe, à la tête duquel se trouve la société holding Air France-KLM (pt. 50), la décision attaquée ne contient aucun élément concernant la composition de l’actionnariat de ses deux filiales, Air France et KLM (pt. 51), ni aucune information quant aux liens fonctionnels, économiques et organiques entre la société holding Air France-KLM et ses filiales Air France et KLM (pt. 55).

De même, déplore le Tribunal, regrettant l’insuffisance et du caractère fragmentaire des informations dont il dispose (pt. 65), s’il ne fait aucun doute que la société holding Air France-KLM a été impliquée dans l’octroi tant de la mesure d’aide en cause que de celle ayant fait l’objet de la décision Air France (pt. 61), il lui est impossible d’appréhender les rôles, les droits et les obligations respectifs, dans l’octroi des mesures d’aide en question, de la société holding Air France-KLM et de ses filiales, à savoir KLM, d’une part, et Air France, d’autre part (pt. 62).

Ce faisant, la Commission ne pouvait pas conclure que l’aide précédemment accordée à Air France par le biais de la société holding Air France-KLM ne pouvait en aucun cas être utilisée pour les besoins en liquidités de KLM, le cas échéant par l’intermédiaire de la société holding Air France-KLM, sans exposer de manière claire et non équivoque son appréciation en fonction de l’ensemble des éléments du dossier (pt. 67). Par suite, la décision attaquée n’expose pas de manière suffisamment claire et précise l’ensemble des éléments de fait et droit pertinents à cet égard. Cette obligation vaut d’autant plus dans un cas de figure, tel que celui en l’espèce, caractérisé par l’octroi parallèle de deux aides d’État à deux filiales d’une même société holding, laquelle est, de surcroît, impliquée dans l’octroi et l’administration desdites aides et a assumé des droits et des obligations contractuels en rapport avec celles-ci (pt. 71). Partant, en se limitant à constater que, d’une part, KLM était le bénéficiaire de la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée et que, d’autre part, les autorités néerlandaises auraient « confirmé » que le financement accordé à KLM ne serait pas utilisé par Air France, alors même que ces deux sociétés faisaient partie du même groupe et que certains éléments figurant dans la décision attaquée et dans la décision Air France faisaient apparaître que la société holding Air France-KLM jouait un certain rôle dans l’octroi et l’administration de ces aides), la Commission a omis de motiver à suffisance de droit la décision attaquée (pt. 72).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

S’agissant en second lieu de l’aide en faveur de TAP, l’insuffisance de motivation portait, s’agissant d’une aide au sauvetage, sur l’appartenance de la compagnie aérienne portugaise à un groupe. À cet égard, la requérante soutenait que la Commission n’avait pas examiné si les difficultés du bénéficiaire étaient trop graves pour être résolues par le groupe lui-même au sens du point 22 des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté. En outre, la Commission n’aurait pas établi que les difficultés du bénéficiaire lui étaient spécifiques et ne résultaient pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, au sens de cette disposition. Enfin, la décision attaquée n’indiquerait pas si une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe avait contribué aux difficultés rencontrées par TAP.

Rappelant que, au sens du point 22 des lignes directrices, une société qui fait partie d’un groupe ou est reprise par un groupe ne peut en principe pas bénéficier d’aides au titre des présentes lignes directrices, sauf s’il peut être démontré que ses difficultés lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe, et que ces difficultés sont trop graves pour être résolues par le groupe lui-même, l’objectif de cette interdiction étant d’empêcher un groupe d’entreprises de faire supporter à l’État le coût d’une opération de sauvetage d’une des entreprises qui le composent, lorsque cette entreprise est en difficulté et que le groupe est lui-même à l’origine de ces difficultés ou qu’il a les moyens de faire face seul à celles-ci (pts. 38-39), le Tribunal indique qu’il incombe dès lors à la Commission d’examiner, premièrement, si le bénéficiaire de l’aide fait partie d’un groupe et, le cas échéant, la composition de celui-ci, deuxièmement, si les difficultés auxquelles le bénéficiaire fait face lui sont spécifiques et ne résultent pas d’une répartition arbitraire des coûts au sein du groupe et, troisièmement, si ces difficultés sont trop graves pour être résolues par ledit groupe lui-même (pt. 40).

Or, au cas d’espèce, relève le Tribunal, aucun passage de la décision attaquée ne contient un constat ou une analyse relatifs à l’existence ou à l’absence d’un groupe d’entreprises, au sens du point 22 des lignes directrices, et encore moins à la composition d’un tel groupe d’entreprises. La Commission se bornant à fournir des informations sur les sociétés contrôlées par le bénéficiaire, la décision attaquée ne contient pas d’information sur les rapports entre ledit bénéficiaire et les sociétés actionnaires, notamment AGW (pt. 47). En outre, déplore le Tribunal, la Commission n’a pas suffisamment expliqué pourquoi elle considérait que les deuxième et troisième conditions prévues au point 22 des lignes directrices étaient remplies. À cet égard, la Commission s’est bornée à affirmer respectivement, que les difficultés du bénéficiaire lui étaient spécifiques et « ne résultaient pas d’une répartition arbitraire des coûts au profit de ses actionnaires ou d’autres filiales » et que lesdites difficultés étaient « trop graves pour être résolues par ses actionnaires de contrôle ou par les autres actionnaires », sans toutefois étayer ces affirmations de quelque manière que ce soit (pt. 51). De sorte qu’il était impossible pour le Tribunal de contrôler si les conditions posées au point 22 des lignes directrices étaient réunies en l’espèce et si elles s’opposaient à l’éligibilité du bénéficiaire à l’octroi d’une aide au sauvetage. Ainsi, la décision attaquée ne contient pas les raisons pour lesquelles la Commission a estimé ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur (pt. 53).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que la Commission aurait dû ouvrir une procédure formelle d’examen, le Tribunal de l’Union accueille le recours de Lufthansa contre la décision de ne pas soulever d’objection à propos de l’aide au fonctionnement accordée à l’aéroport de Francfort-Hahn

 

Le 19 mai 2021, le Tribunal de l’Union européenne a rendu son arrêt dans l’affaire T-218/18 (Deutsche Lufthansa contre Commission européenne).

Décidément, l’aéroport de Francfort-Hahn situé dans le Land de Rhénanie-Palatinat, à quelques 115 km de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, et dont les installations sont utilisées principalement par Ryanair, la compagnie irlandaise à bas coût, suscite bien du contentieux. Il s’agit en effet de la quatrième affaire d’aides d’État engagée à propos de. Celle-ci concerne l’aide au fonctionnement à l’aéroport de Francfort-Hahn que la République fédérale d’Allemagne a notifié à la Commission.

Par décision du 31 juillet 2017, la Commission a estimé qu’il n’y avait pas lieu d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE, dès lors que, bien que la mesure en cause constituât une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE, elle était compatible avec le marché intérieur au titre du paragraphe 3, sous c), du même article. En substance, la Commission a considéré qu’il n’y avait pas d’autres aéroports dans la même zone d’attraction de l’aéroport de Francfort-Hahn et que les aéroports les plus proches, ceux de Luxembourg et de Francfort-sur-le-Main, avaient des modèles d’exploitation très différents du modèle d’exploitation à bas coût de l’aéroport de Francfort-Hahn, de sorte que les effets négatifs non désirés sur la concurrence et les échanges dus à l’octroi de l’aide litigieuse étaient minimes.

Deutsche Lufthansa AG, compagnie aérienne établie sur l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, estimant que l’octroi de l’aide litigieuse risquait d’avoir une incidence concrète sur sa situation en ce qui concerne, d’une part, le fonctionnement de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main et, d’autre part, la concurrence au regard des destinations des vols qu’elle propose au départ dudit aéroport, a introduit un recours devant le Tribunal, reprochant à la Commission d’avoir adopté sa décision prise sans ouverture préalable de la procédure formelle d’examen.

Estimant non seulement que la requérante est une « partie intéressée » au sens de la jurisprudence de la Cour (pt. 56), mais en outre qu’elle invoque par son recours portant sur l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections, une violation de ses droits procéduraux (pt. 62), le Tribunal conclut à la recevabilité du recours.  

Sur le fond, le Tribunal observe que, dans la décision attaquée, la Commission a fondé son analyse de la zone d’attraction de l’aéroport de Francfort-Hahn sur seulement deux critères, à savoir sur sa localisation et sur son modèle d’exploitation (pt. 187), là où les lignes directrices sur les aides à l’aviation requiert trois critères pour définir la zone d’attraction d’un aéroport (pt. 186).

S’agissant en premier lieu de la localisation de l’aéroport de Francfort-Hahn, le Tribunal constate que la distance fixée par les lignes directrices sur les aides à l’aviation est approximative, et que le fait que la distance entre l’aéroport de Francfort-Hahn et celui de Francfort-sur-le-Main soit de 115 km et que le temps de trajet soit de 70 minutes ne saurait suffire, à lui seul, pour exclure l’aéroport de Francfort-sur-le-Main de la zone d’attraction de celui de Francfort-Hahn (pt. 188).

S’agissant en deuxième lieu du modèle d’exploitation de l’aéroport de Francfort-sur-le-Main, très différent par rapport au modèle à bas coût de celui de Francfort-Hahn, le Tribunal constate un défaut de motivation (pt. 190).

Quant au troisième critère que la Commission aurait dû examiné, le Tribunal suggère celui concernant les destinations desservies par l’aéroport. Or, constate-t-il, la Commission a omis de tenir compte, dans la décision attaquée, de la question de savoir si l’aéroport de Francfort-sur-le-Main proposait, comme l’affirme la requérante, des vols vers les mêmes destinations. Alors même qu’il existe, semble-t-il, une forte concurrence quant aux lignes aériennes entre l’aéroport de Francfort-Hahn et celui de Francfort-sur-le-Main (pts. 192-193).

Il en résulte que la Commission s’est limitée à analyser la localisation des aéroports et leurs modèles d’exploitation, des facteurs qui, dans le cas d’espèce, ne lui permettaient pas de tirer une conclusion concernant la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur, étant donné que la distance entre les aéroports de Francfort-Hahn et de Francfort-sur-le-Main n’était pas de beaucoup supérieure à celle fixée par les lignes directrices sur les aides à l’aviation et que les modèles d’exploitation n’était analysé dans la décision attaquée que d’une manière très succincte, de sorte que l’analyse par la Commission d’autres facteurs tels que les destinations s’avérait ainsi nécessaire (pt. 195). Dès lors, l’absence d’analyse exhaustive par la Commission, dans la décision attaquée, de l’ensemble des spécificités de l’aéroport de Francfort-Hahn pour définir sa zone d’attraction est un indice de nature à démontrer le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure préliminaire d’examen. Cela est de nature à indiquer que la Commission aurait dû éprouver des doutes quant à la question de savoir s’il existait d’autres aéroports situés dans la même zone d’attraction et tend à révéler l’existence de difficultés sérieuses (pt. 196). Ainsi, l’examen effectué dans la décision attaquée au regard de la compatibilité de l’aide litigieuse avec le marché intérieur ne permettait pas d’exclure l’existence de difficultés sérieuses en ce qui concerne cette question. La Commission aurait donc dû ouvrir une procédure formelle d’examen.

Par suite, la décision litigieuse est annulée.

JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de paris estime ne pas être compétente pour connaître des contestations adressées à la politique de communication de l’Autorité de la concurrence

 

Quand l’Autorité de la concurrence pratique le « name and shame »,… la Cour d’appel de Paris se déclare incompétente pour en connaître.

Jusqu’où l’Autorité de la concurrence peut-elle aller pour communiquer sur les décisions qu'elle rend ? Telle est en filigrane la question posée par la présente affaire.

À la suite de l’adoption le 9 septembre 2020 de sa décision n° 20-D-11 par laquelle elle est venue sanctionner à hauteur de 444 millions d’euros le groupe Novartis et le groupe Roche/Genentech (385 millions € pour Novartis et 59,7 millions € au groupe Roche) pour avoir abusé de leur position dominante collective sur le marché français du traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), en mettant en œuvre deux pratiques distinctes quoique proches et en tout état de cause participant à la même finalité, à l’attention, d’une part, des professionnels de santé, des autorités du secteur de la santé, des patients et du grand public et, d’autre part, des responsables politiques et des autorités de santé, l’Autorité de la concurrence ne s’en est pas tenue là et a décidé de communiquer tous azimuts.

Alors qu’elle n’a pas usé de la faculté que lui offre l'article L. 464-2, I, du code de commerce d’ordonner, à titre de sanction complémentaire, la publication dans des organes de presse d’un résumé de sa décision, l’Autorité n’a pas hésité — au-delà de la publication du texte intégral de la décision et de celle d’un communiqué en résumant le contenu — à diffuser sur les réseaux sociaux et dans différents médias une vidéo de 1mn 40s, publié en français et en anglais, censée résumer le contenu de cette décision. Par ailleurs, l’Autorité a adressé au LEEM, le syndicat représentatif des entreprises du médicament un courrier visant à porter à son attention la teneur de sa décision.

Cette communication tous azimuts qui s’apparente à une espèce de pratique de « name and shame » n’est pas du goût de l’une des entreprises sanctionnées et ainsi clouées au pilori, la société Roche, qui, estimant que la vidéo comportait de nombreux raccourcis et approximations et omettait des éléments essentiels à la bonne compréhension par le public de la portée de la décision, a mis en demeure l’Autorité de retirer la vidéo, ce que cette dernière a refusé de faire. Par ailleurs, la société Roche reproche à l’Autorité d’avoir laissé entendre, dans  son courrier adressé au LEEM, que les pratiques visées se poursuivraient encore aujourd’hui, alors qu’elles ont pris fin en novembre 2013, avec l’arrivée sur le marché de la spécialité concurrente Eylea, commercialisée par le laboratoire Bayer en Europe, qui a mis un terme à la position dominante de l’entité collective sanctionnée.

Aux yeux de la société Roche, la communication de l'Autorité constitue une sanction complémentaire dépourvue de toute base légale. En choisissant de ne recourir à la faculté prévue par l'article L. 462- 2, I, du code de commerce, l’Autorité a, en revanche, relayé dans la presse traditionnelle et spécialisée ainsi que sur les réseaux sociaux et directement auprès de tiers pourtant non concernés par les pratiques en cause, le contenu de la décision, en en présentant, de surcroît, certains aspects de manière tronquée ou incomplète. Bref, elle aurait substitué une communication « sauvage » à une communication encadrée par la loi. Par ailleurs, la demanderesse estime que la communication de l'Autorité est disproportionnée et lui cause un préjudice grave. À cet égard, il est à noter qu’aucune des communications en question de l'Autorité ne mentionne le fait que cette décision est frappée d'un appel, ni, semble-t-il, ne renvoient davantage vers la page du site de l'Autorité qui, seule, fait mention de l'existence du recours.

Si tel est effectivement le cas, il y a là un défaut manifeste dans le parallélisme des formes. Si la mention de l’existence d’un recours figure naturellement sur la page web renvoyant au texte intégral de la décision, ainsi qu’au communiqué officiel de l’Autorité, il y aurait une certaine logique à ce que toutes autres communications de l’Autorité sur la même affaire précisent de la même façon l’existence d’un recours, ne serait-ce que pour ménager la présomption d’innocence de l’entreprise, auteure du recours.

Enfin, la société Roche estime que l'Autorité a violé son obligation de discrétion et son devoir de réserve, portant atteinte à ses droits de la défense.

Souhaitant faire cesser ce qu’elle considère comme un trouble grave et manifestement illicite découlant de la communication biaisée et trompeuse — sans précédent à ce jour — mise en œuvre par l’Autorité de la concurrence à son détriment, la société Roche a assigné cette dernière en référé pour qu’il lui soit enjoint de cesser toute publication relative à sa décision n° 20-D-11 en date du 9 septembre 2020 et, à titre subsidiaire, qu'il lui soit enjoint, d'une part, de mentionner dans toute déclaration relative à cette décision l'existence d'un recours pendant devant la Cour d'appel de Paris et, d'autre part, de s'abstenir d'initier toute démarche, courrier ou autre forme de communication adressée à des tiers spécifiquement ciblés.

Ces demandes ont été formulées non seulement au visa des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce mais également au visa des articles 834 à 837 du code de procédure civile.

La société Roche estime qu’à la suite de la décision du Tribunal des conflits en date du 5 octobre 2020, laquelle a confirmé la compétence de la Cour d’appel de Paris pour connaitre de la demande tendant à enjoindre à l'Autorité de republier sa décision de mesures conservatoires à l’encontre de Google afin d'occulter des secrets d’affaires, au motif que « La décision prise par l'Autorité de la concurrence, sur le fondement des dispositions précitées de l'article D. 464-8-1 du code de commerce, de limiter ou non la publicité d'une décision prise sur le fondement de l'article L. 464-1 du code est indissociable de cette décision elle-même, la Cour d'appel de Paris est a fortiori compétente pour connaître de toute question concernant une difficulté d'exécution suivant l'adoption et la publication par l'Autorité d'une décision de sanction.

Telle n’est pas la lecture de la magistrate déléguée par le premier président de la Cour d’appel de Paris pour exercer les attributions résultant de l'article L. 464-8 du code de commerce. Aux termes d’une ordonnance du 12 mai 2021, celle-ci décline la compétence de la Cour, invitant la requérante à mieux se pourvoir, au motif en premier lieu que la demande formée sur le fondement des articles L. 464-8 et R. 464-22 du code de commerce, soit sur le fondement d’une demande de sursis à exécution d’une décision de l’Autorité de la concurrence, ne sollicite à aucun moment le sursis à exécution d’une injonction prévue dans la décision du 9 septembre 2020, d’où il suit, selon elle, que cette demande est irrecevable.

Quant à la même demande de la société Roche SAS, mais introduite sur le fondement de l’article 835 du code de procédure civile, la déléguée du premier président de la Cour de Paris estime que la communication organisée par l'Autorité, sur une décision qu'elle a rendue, ne peut être assimilée à la décision par laquelle l'Autorité décide de soumettre une entreprise à une injonction de publication, qui constitue une sanction complémentaire infligée à une entreprise, que la mise en œuvre par l'Autorité elle-même de sa politique de communication ne peut être considérée sur le plan juridique comme une décision portant injonction de publication, que les modalités de communication portant sur la décision obéissent à un régime juridique propre rappelé par l’Autorité et le ministère public et ne sont pas indissociables de la décision elle- même, que ce contentieux ne relève donc pas de la compétence du juge judiciaire mais relève de la compétence du juge administratif.

Si, dans le cadre du présent recours, la société demanderesse n'attaque aucune décision relevant des catégories dont la loi attribue expressément la compétence au juge judiciaire, pour autant peut-on en déduire qu’elle ne conteste pas une décision qui serait indissociable d'une autre décision dont le contentieux relève de la compétence de ce dernier ? En d’autres termes, la communication organisée par l'Autorité, sur une décision qu'elle a rendue, ne peut-elle être assimilée à la décision par laquelle l'Autorité décide de soumettre une entreprise à une injonction de publication, laquelle constitue une sanction complémentaire infligée à une entreprise. Cette communication, ciblant spécifiquement une décision donnée de l’Autorité et utilisant largement la puissance et l’effet possiblement viral des réseaux sociaux, n’est-elle pas de nature à atteindre plus largement encore le public que la décision par laquelle l'Autorité décide de soumettre une entreprise à une injonction de publication limité à quelques quotidiens nationaux ou régionaux, voire à quelques revues professionnelles, et, par suite, n’est-elle pas davantage encore de nature à porter atteinte aux entreprises mentionnées et à leur réputation, alors même que la décision au fond a fait l’objet d’un recours encore pendant ?

Nul doute que la présente affaire ne devrait pas en rester là. La logique voudrait que la société Roche saisisse à présent, comme elle y est invitée, le Conseil d’État et que, le cas échéant, si ce dernier venait à son tour à décliner sa compétence, il ne soit renvoyé au Tribunal des conflits le soin de désigner la juridiction compétente pour connaître de l’affaire.

INFOS Digital Markets Act (DMA) : Le Conseil de l’UE rend public son rapport d’étape sur la proposition de DMA de la Commission… tandis que la Commission des affaires économiques du Parlement européen désigne Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée Renew, comme rapporteure pour ECON sur le Digital Markets Act

 

Le 17 mai 2021, le Conseil de l’Union européenne, actuellement présidé par le Portugal, a rendu public son rapport d’étape sur la proposition de Digital Markets Act (DMA) présentée par la Commission le 15 décembre 2020, et ce dans la perspective d’une présentation dudit rapport d’étape lors du Conseil Compétitivité qui doit se tenir le 27 mai 2021.

Aux termes du présent rapport d’étape, si les États membres apportent un soutien général à l’initiative de la Commission, ils suggèrent également une évolution du texte sur un certain nombre de points. Globalement, ils s’inquiètent de la place que s’est réservée la Commission dans le pilotage du dispositif de régulation des plateformes structurantes.

Ainsi, ils souhaiteraient, sans toutefois remettre en cause le rôle central de la Commission, jouer un plus grand rôle, notamment par le biais de leur autorité nationale de concurrence, dans la mise en oeuvre du dispositif, s’agissant par exemple de l'ouverture des enquêtes de marché, de la surveillance du marché et dans la procédure décisionnelle.

Par ailleurs, les États membres s’inquiètent de la possibilité offerte par la proposition à la Commission d’adopter des actes délégués, notamment pour adapter régulièrement les seuils quantitatifs applicables pour la désignation des contrôleurs d'accès (gatekeepers) au titre de l'article 3, ou encore pour mettre à jour les obligations pesant sur les gatekeepers en vertu des articles 5 et 6 de la proposition de DMA.

Sur l’articulation du DMA avec d’autres réglementations, certains États membres appellent la Commission à clarifier la question de la coordination du Digital Markets Act avec les règles de concurrence de l’UE.

Sur la désignation des contrôleurs d'accès (gatekeepers), certains États membres suggèrent une évolution des critères présidant à cette désignation, à l’instar de la prise en compte de stratégies conglomérales.

Enfin, plusieurs États membres ont appelé à un texte plus ambitieux sur les opérations de concentrations réalisées à l’initiative des plateformes structurantes, le DMA se contentant de requérir des contrôleurs d'accès (gatekeepers) une simple information de la Commission sur ces opérations. À tout le moins, ils demandent une clarification concernant l’articulation avec le mécanisme de renvoi des opérations situées en dessous des seuils de notification au titre de l’article 22 du règlement concentrations récemment revivifié.

 



Par ailleurs, et toujours sur le front du DMA, la Commission des affaires économiques du Parlement européen ont désigné Stéphanie Yon-Courtin, eurodéputée Renew, comme rapporteure pour ECON sur le Digital Markets Act.

Compte tenu de la proximité ou du moins de la complémentarité du DMA avec les règles de concurrence, on aurait pu s’attendre à ce que le dossier échoit naturellement à la Commission des affaires économiques (ECON). Il n’en est rien. C’est la Commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs (IMCO) qui est à la manoeuvre : elle a été désigné par la Conférence des présidents comme la « commission compétente ». Et c’est Andreas Schwab (PPE, DE) qui a été désigné comme rapporteur pour la proposition de Digital Markets Act. Toutefois, les commissions des affaires économiques (ECON) et de l'industrie, de la recherche et de l'énergie (ITRE) ont réussi à obtenir de la Conférence des présidents le statut de commissions associées au sens de l’article 57 du règlement intérieur du Parlement européen, en vertu duquel la commission compétente doit respecter les prérogatives de la commission associée, notamment le principe de coopération loyale au sujet du calendrier et le droit de la commission associée de déterminer les amendements qui sont soumis au Parlement dans le champ de sa compétence exclusive.

Dans un entretien accordé à la revue Contexte, Andreas Schwab a indiqué qu’il souhait que le DMA se focalise sur les seuls GAFA, en remontant les seuils de désignation des plateformes structurantes, que la Commission respecte la séparation des pouvoirs, qu’elle accorde une place au Parlement européen et aux autorités nationales de concurrence. Il propose aussi de revoir les obligations (articles 5 et 6) du règlement en introduisant une clause générale de « fairness ».

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : l’Autorité rend publique la décision autorisant, sous conditions, la société LDC Volaille à prendre le contrôle exclusif du groupe Ronsard

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 12 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 9 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la décision n° 21-DCC-65 du 14 avril 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé la société LDC Volaille à prendre le contrôle exclusif du groupe Ronsard, l’une et l’autre actifs dans les secteurs de l’abattage de volailles et de la commercialisation de viande de volaille et de produits élaborés.

Le groupe LDC, qui réalise un chiffre d’affaire est de 4,4 milliards d’euros en 2020, détient les marques Le Gaulois, Maître Coq, Marie et Loué. Le groupe Ronsard, qui réalise un chiffre d’affaires de 170 millions d’euros, dispose de deux abattoirs dans le Morbihan, de deux abattoirs dans l’Ain, d’un abattoir dans l’Eure-et-Loir et d’un autre dans les Landes. Il est également actif en matière de commercialisation de produits de volaille (viande de volaille et produits élaborés à base de volaille, en particulier).

S’agissant des effets horizontaux de l’opération sur les marchés de la collecte de volailles vivantes en vue de l’abattage, ainsi que sur ceux de la commercialisation de viande de volaille et des produits élaborés, l’Autorité n’a pas déceler de problème de concurrence dans le Morbihan et dans les Landes. Si, sur les marchés locaux de la collecte de volailles vivantes en vue de l’abattage, l’opération entraîne un chevauchement d’activité dans le Morbihan, les Landes et l’Ain, tout risque d’atteinte à la concurrence a pu être exclu dans le Morbihan et dans les Landes, compte tenu de l’existence d’autres abattoirs, qui constituent des débouchés alternatifs pour les éleveurs. En revanche, dans  l’Ain, l’opération conduit au renforcement de la position de LDC, qui était déjà un acheteur majeur de la zone, privant ainsi les éleveurs de débouchés alternatifs dans la zone.

Afin de remédier à ce risque, le groupe LDC a souscrit des engagements structurels de cession de deux abattoirs, ainsi qu’un atelier de découpe du groupe Ronsard situés dans l’Ain. La cession d’un de ces deux abattoirs l’a été dans le cadre d’un mécanisme de type règlement préalable ou « fix–it-first », qui permet à l’Autorité d’agréer directement le repreneur de l’actif cédé dans le cadre de la décision d’autorisation. Le groupe S2M, spécialisé dans la commercialisation de viandes casher, reprendra ainsi l’abattoir Ronsard Bresse. Les engagements proposés par la partie notifiante permettent d’éviter tout risque d’atteinte à la concurrence, dans la mesure où elles suppriment les chevauchements identifiés précédemment sur les marchés de la collecte de volailles.

Sur les marchés nationaux de la commercialisation de viande de volaille et de produits élaborés, l’Autorité a exclu tout risque d’atteinte à la concurrence, compte tenu notamment des parts de marché généralement limitées du groupe Ronsard sur les différents marchés de la commercialisation de viande fraîche et de produits élaborés à base de viande volaille, de l’existence de groupes concurrents puissants et du contre-pouvoir des acheteurs (acteurs de la grande distribution, de la restauration hors foyer et de l’industrie agroalimentaire).

S’agissant des effets verticaux de l’opération, l’Autorité a identifié un autre problème de concurrence sur le marché de l’abattage de dindes standards pour compte de tiers. En effet, avant l’opération, le groupe Ronsard, qui réalise des prestations d’abattage de dindes standard pour des opérateurs tiers, était près peu présent sur les marchés aval de la commercialisation de viande de dinde standard. Son acquisition par LDC Volaille, qui est lui présent sur ces marchés aval, change radicalement la donne. La crainte de l’Autorité est que LDC, en acquérant le contrôle de l’abattoir CADF, puisse développer une stratégie de verrouillage par les intrants, en refusant de fournir des prestations d’abattage à ses concurrents en aval. LDC pourrait encore dégrader les conditions d’accès aux prestations de l’abattoir cible ou augmenter les tarifs de ses prestations. Dès lors, en entravant l’accès de ses concurrents à cet abattoir ces derniers ne seraient plus en mesure de concurrencer la nouvelle entité à l’aval sur les marchés de la commercialisation. Ainsi, l’opération serait de nature à porter atteinte à la concurrence, par le biais d’effets verticaux entre le marché de l’abattage de dindes standards pour compte de tiers et ceux situés en aval de la commercialisation de viande de volaille et de produits élaborés.

Afin de remédier à ce risque, le groupe LDC s’est engagé à ne pas acquérir ni reprendre ultérieurement le contrôle de l’abattoir situé dans le Morbihan. Ainsi, le groupe Eureden, qui était jusqu’ici propriétaire du groupe Ronsard, restera ainsi propriétaire de l’abattoir CADF, supprimant ainsi tout risque de dégradation de l’accès à cet abattoir.
 
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



Toujours dans le secteur agroalimentaire, l’Autorité de la concurrence a rendu publique la décision n° 21-DCC-69 du 20 avril 2021 à la faveur de laquelle elle a autorisé sans condition la prise de contrôle exclusif des actifs du groupe Arcadie Sud-Ouest par le groupe Bigard.

Alors que le groupe Bigard est actif à tous les stades de la transformation des viandes, de la collecte en vue de l’abattage de l’animal, du désossage et de la découpe des carcasses, jusqu’à la mise sous barquettes de viande prête à cuire et la fabrication de produits élaborés à base de viande, la cible n’est active que sur le marché de la première et de la deuxième transformation de bovins, d’ovins et de porc. De plus, si les parties sont amenées à traiter de la viande de bovins et d’ovins avec des signes officiels d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO), elles ne sont pas pour autant actives sur les mêmes SIQO.

À l’issue de son analyse, l’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence de nature horizontale, compte tenu des parts de marchés limitées de la nouvelle entité ou de la faible addition de parts de marché consécutive à l’opération. En effet, la part de marché de la nouvelle entité dépassera 25 % sur un nombre réduit de marchés. Pour la collecte d’ovins SIQO, le poids des parties sur les marchés de la collecte et sur celui de la vente de carcasses reste limité (moins de 30 % de parts de marché) et elles font face à de nombreux concurrents. Pour la vente de viande fraîche de veaux SIQO à destination des GMS, la part de marché de la nouvelle entité s’élève à 55 % avec une addition liée à l’opération qui reste limitée (2 % seulement). En outre, il est apparu lors de l’instruction que l’essentiel de l’activité de l’acquéreur sur ce marché résulte d’un partenariat conclu entre le groupe Bigard et une enseigne de grande distribution, qui ne confère à la nouvelle entité aucune garantie d’activité et qui peut être renégocié chaque année. Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, l’Autorité a également écarté tout risque de nature verticale résultant de la présence simultanée des parties sur les marchés de la première et de la deuxième transformation de la viande.

L’Autorité a également écarté tout risque d’atteinte à la concurrence de nature verticale entre les marchés de la deuxième transformation de la viande d’une part, et ceux de la troisième et quatrième transformation d’autre part, sur lesquels seul le groupe Bigard est actif. L’Autorité a notamment considéré qu’il n’existe pas de risque de verrouillage de clientèle, malgré le poids de l’acquéreur sur certains marchés aval, dans la mesure où il est confronté à la concurrence d’opérateurs eux-mêmes verticalement intégrés en aval, disposant ainsi de débouchés garantis. En outre, l’Autorité a constaté que le renforcement de l’intégration verticale de la nouvelle entité permet d’écarter ce type de risque puisque Bigard s’approvisionne déjà, avant l’opération, prioritairement en interne et que la cible n’est elle-même pas active sur les marchés de la troisième et quatrième transformation.

 



Enfin, on verra la décision n° 21-DCC-60 du 6 avril 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé la prise de contrôle conjoint de la Société d’économie mixte de construction du département de l’Ain par la société Action Logement Immobilier, la société Adestia et le département de l’Ain.

La présente opération se traduit par le passage d’un contrôle exclusif, exercé par le département de l’Ain, à un contrôle conjoint, exercé par ce dernier aux côtés d’Action Logement et de la CDC. En outre, la cible est bien une entreprise commune de plein exercice, de sorte que l’opération notifiée constitue une concentration au sens de l’article L. 430-1 du code de commerce.

Les parties sont simultanément actives sur le marché des services immobiliers et sur le marché de l’hébergement de longue durée à destination des personnes âgées autonomes et dépendantes.

S’agissant en premier lieu des effets horizontaux de l’opération, des préoccupations de concurrence n’apparaissent que sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logements à usage social, sur lequel la nouvelle entité occupera des parts de marché importantes.

Compte tenu de ces niveaux de part de marché élevés, qui peuvent laisser présumer la détention d’un pouvoir de marché important, l’Autorité s’est attaché aux effets de l’opération au regard notamment des caractéristiques économiques et réglementaires des marchés concerné. Il est vrai que l’attribution des logements sociaux par les bailleurs est encadrée par un corpus de règles dont le respect est garanti par un contrôle des autorités publiques. Toutefois, tant pour ce qui concerne le niveau de loyers que la qualité des prestations offertes aux locataires, le cadre réglementaire applicable fixe un standard de référence. Il est donc loisible aux opérateurs de fixer les loyers des logements à un niveau inférieur au plafond ou d’offrir des services améliorés par rapport au standard de qualité résultant des CUS, notamment sous l’influence de la pression exercée par des opérateurs concurrents. Dès lors, l’Autorité estime que le cadre réglementaire applicable au secteur du logement social n’est pas, à lui seul, de nature à écarter tout risque d’effet anticoncurrentiel lié à l’opération.

Elle s’interroge alors sur la possibilité pour les candidats locataires d’arbitrer entre les offres des bailleurs sociaux. À cet égard, l’Autorité a relevé qu’un tel scénario était peu probable dans les zones particulièrement « tendues », caractérisées par un déséquilibre important entre le volume de l’offre disponible et la demande. Or, il apparaît que, dans les zones concernées par l’opération, l’arbitrage des demandeurs de logements sociaux est limité par le faible volume d’offre disponible. Le changement de la structure du marché après l’opération n’aura pas de conséquence spécifique sur les incitations d’Action Logement à modifier les conditions de l’offre de ses logements au regard de la disparition de la pression concurrentielle qu’exerçait sur elle l’offre de la cible. Par suite, l’opération notifiée n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur le marché de la détention et de la gestion pour compte propre de logement à usage social.

Quant aux effets verticaux de l’opération tenant en particulier à ce que la CDC exerce une activité de financement du logement social, qui se situe en amont du marché de la gestion pour compte propre de logements sociaux, sur lequel l’ensemble des parties sont active, se pose la question des risques qui pourraient résulter de la prise de contrôle de la SEMCODA par la CDC à l’aval, sur les marchés de la gestion pour compte propre d’immeubles résidentiels à usage social : la CDC pourrait-elle refuser de financer les bailleurs de logements sociaux concurrents de la SEMCODA, ou du moins rendre plus difficile leur accès au crédit ? En fait, le risque d’une éviction des concurrents sur les marchés locaux de la gestion pour compte propre d’immeubles résidentiels à usage social peut être exclu, dans la mesure où la CDC est tenue d’accorder des prêts de long terme à des conditions identiques sur l’ensemble du territoire. Tout bailleur social qui remplit les conditions d’agrément et obtient un agrément auprès de l’État est éligible à ces prêts réglementés auprès de la CDC. En sorte que l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux entre l’activité de financement du logement social et celle de la gestion pour compte propre d’immeubles résidentiels à usage social.

 



Les 9 décisions simplifiées :

Décision n° 21-DCC-55 du 6 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Sandaya par le groupe InfraVia ;

Décision n° 21-DCC-56 du 6 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Hapos par la société Groupe JM ;

Décision n° 21-DCC-57 du 6 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif d’Axéria Prévoyance par Malakoff Humanis ;

Décision n° 21-DCC-58 du 6 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Esterel Distribution Automobile et Établissements Bacchi-Bouteille par la société ECL ;

Décision n° 21-DCC-59 du 6 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Clada par la société ITM Alimentaire Centre Ouest ;

Décision n° 21-DCC-61 du 8 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Delpeyrat-Chevallier et Salaisons Pyrénéennes par le groupe Fipso ;

Décision n° 21-DCC-62 du 15 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société RDM La Rochette par la société Mutares ;

Décision n° 21-DCC-63 du 9 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société GDI Groupe par la société MML Capital ;

Décision n° 21-DCC-66 du 15 avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Jivago par le groupe BNP Paribas.

INFOS UE : Guillaume Loriot, nouveau directeur général adjoint de la DG concurrence

 

Le 16 mai 2021, Guillaume Loriot a été nommé directeur général adjoint de la Direction générale de la concurrence, chargé des concentrations, aux côtés de Linsey McCallum, également directeur général adjoint de la DG comp., mais chargée, quant à elle, de l’antitrust.

L’ancien directeur de cabinet adjoint du commissaire à la concurrence Joaquín Almunia jusqu’en 2014, était depuis lors en charge de la direction « information, communication et médias » de la DG Comp. chargé des dossiers cartel et des opérations de concentration des plateformes numériques, du e-commerce et des télécoms. Il est entré à la Commission en 2002 après un passage de 5 ans au Tribunal de l’Union en tant que référendaire.

Un an de droit de la concurrence

les principales décisions rendues en 2020

1er juin 2021, 8h30-11h30

 

Bonjour,

L'institut Droit Dauphine, le Centre de Recherche Droit Dauphine et l'École Droit Dauphine organisent le 1er juin 2021 de 8h30 à 11h30 un webinaire intitulé : « Un an de droit de la concurrence : les principales décisions rendues en 2020 ».

Ce webinaire réunira les rédacteurs de la chronique éponyme publiée au JCP Edition Entreprises. Vous trouverez ICI le programme du webinaire et sa présentation, ainsi que les modalités d’inscription.

Bien cordialement,

Anne-Laure-Hélène des Ylouses
Avocat au Barreau de Paris, Partner cabinet Fieldfisher

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