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Hebdo n° 40/2018
22 octobre 2018
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Dans l’un des volets de l’affaire du cartel des stabilisants thermiques, le Tribunal de l’Union annule pour violation du principe d’égalité de traitement et excès de pouvoir une décision ré-adoptée après une première annulation

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Dans une affaire néerlandaise d’aide relatif à l’acquisition subventionnée de zones naturelles, le Tribunal, estimant que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, annule la décision concluant à la compatibilité de la mesure

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission rend publiques deux décisions d'autorisation concernant le secteur des télécommunications sur le marché italien et autrichien

INFOS : L’Autorité de la concurrence dresse un premier bilan de son enquête sectorielle sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale et lance une consultation publique


EN BREF : La Cour de cassation saisie d’une QPC sur la constitutionnalité de l’article L. 420-6 du code de commerce au regard du principe de la légalité des délits et des peines

JURISPRUDENCE UE : Dans l’un des volets de l’affaire du cartel des stabilisants thermiques, le Tribunal de l’Union annule pour violation du principe d’égalité de traitement et excès de pouvoir une décision ré-adoptée après une première annulation


Le 18 octobre 2018, le Tribunal de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire T-640/16 (GEA Group contre Commission). Il y conclut à l’annulation de la décision de la Commission européenne adopté le 29 juin 2016.

Le 29 juin 2016, la Commission européenne avait ré-adopté une décision de modification, datée du 11 novembre 2009, concernant le cartel des stabilisants thermiques, à la suite de l'annulation par le Tribunal de l'Union européenne.

En 2009, la Commission avait
infligé une amende de 173 millions € à dix producteurs de stabilisants thermiques pour avoir fixé les prix, partagé les clients, réparti les marchés et échangé des informations commerciales sensibles. Dans la décision de 2009, ACW, Chemson et GEA avaient été tenues solidairement responsables d’une partie de l’amende infligée. À la suite d'une erreur de calcul, l'amende infligée à ACW, une filiale de la requérante, a dépassé le plafond fixé par la réglementation antitrust de l'UE, à savoir 10 % du chiffre d'affaires de l'entreprise concernée. Pour corriger cette erreur, la Commission a adopté une décision modificative en 2010, sans modifier le montant total de l'amende infligée à Chemson (1 913 971 euros) et à GEA (3 346 200 euros). En juillet 2015, le Tribunal de l'Union européenne a annulé la décision de modification de 2010 pour GEA car il avait constaté que celle-ci n'était pas en mesure de faire connaître son point de vue avant que la Commission ait adopté la décision de modification. À la suite de cet arrêt, la Commission, qui estimait avoir donné à toutes les entreprises la possibilité de présenter leurs points de vue, a réadopté la décision de modification de 2010 sans modification aucune.

Pour bien comprendre la présente affaire, il est nécessaire de rappeler que la décision de 2009 a tenu la requérante pour responsable au titre des infractions commises sur le marché du secteur ESBO/esters du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000. Sa responsabilité a été retenue pour l’intégralité de la période infractionnelle, pour les infractions commises, du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000, par sa filiale ACW et, du 13 mars 1997 au 17 mai 2000, par sa filiale CPA. Par ailleurs, ACW a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction durant l’intégralité de la période infractionnelle, c’est-à-dire du 11 septembre 1991 au 17 mai 2000, et, d’autre part, pour l’infraction commise par CPA du 30 septembre 1999 au 17 mai 2000, alors que les parts de cette dernière étaient détenues à 100 % par ACW. Enfin, CPA a été sanctionnée, d’une part, pour l’infraction commise du 13 mars 1997 au 17 mai 2000 et, d’autre part, pour l’infraction commise par ACW du 30 septembre 1995 au 30 septembre 1999, alors que les parts de cette dernière étaient détenues à 100 % par CPA.

Au soutien du recours, la requérante invoquait cinq moyens. Seuls les quatrième moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement et le cinquième moyen tiré d’un excès de pouvoir et d’un défaut de motivation sont examinés par le Tribunal.

S’agissant du quatrième moyen tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, la requérante fait valoir en l’espèce deux inégalités de traitement. La première concerne le traitement différent de sa situation et de celle d’ACW et la seconde concerne le traitement différent de sa situation et de celle de CPA.

Si le Tribunal ne constate aucune inégalité de traitement entre la requérante et ACW (pt. 103), il estime que la Commission a violé le principe d’égalité de traitement, sans aucune justification objective, en traitant de façon différente la situation de la requérante et celle de sa filiale CPA.

À cet égard, la requérante faisait valoir que la modification des rapports de solidarité entre CPA, ACW et elle-même avait été faite au seul bénéfice de CPA, dans la mesure où la requérante se trouvait tenue de supporter seule une partie de l’amende solidaire. Elle aurait ainsi perdu tout codébiteur solidaire, dans la mesure où la Commission a réduit de 100 % la part d’ACW dans l’amende au paiement de laquelle elle était tenue solidairement avec cette dernière alors qu’elle a réduit de seulement 43 % la part d’ACW dans l’amende au paiement de laquelle elle était solidairement tenue avec celle-ci et CPA. Ce choix aurait avantagé CPA, qui n’avait pas à supporter une part plus élevée du montant de l’amende, contrairement à la requérante, laquelle se voyait imposer une charge plus élevée, en tant que codébiteur solidaire, mais aussi en tant que débiteur unique (pts. 86-87). La Commission aurait dû répartir différemment entre les codébiteurs solidaires la réduction de la part de l’amende au paiement de laquelle ACW était initialement tenue ?

Observant que la requérante et CPA sont dans une situation comparable, en ce sens qu’elles sont toutes les deux des sociétés solidairement tenues au paiement d’une amende avec ACW (pt. 107), le Tribunal rappelle que l’égalité de traitement, à laquelle est tenue de procéder la Commission devait se vérifier en tenant compte non seulement de l’amende infligée solidairement à ACW, à CPA et à la requérante, mais aussi de l’amende infligée solidairement à ACW et à la requérante. Estimant que tel n’a pas été le cas, le Tribunal considère que, en l’espèce, la Commission n’a pas respecté ses obligations en vertu du principe d’égalité de traitement (pt. 106). Pour le Tribunal, la Commission aurait dû procéder différemment, en répartissant la réduction du montant de l’amende d’ACW de manière proportionnelle dans les deux rapports de solidarité en cause (pt. 109). Ce faisant, le montant total des amendes dont ACW pouvait être redevable n’aurait pas excédé 10 % de son chiffre d’affaires et cette réduction aurait été équitablement répartie entre l’amende infligée solidairement à ACW et à la requérante et l’amende infligée solidairement à la requérante, à ACW et à CPA. Ainsi, en imputant la réduction du montant de l’amende faite au bénéfice d’ACW uniquement sur l’amende solidairement infligée à la requérante, à CPA et à ACW, la Commission a violé le principe d’égalité de traitement, sans aucune justification objective (pt. 111).

S’agissant à présent du cinquième moyen, la requérante soutenait que l’article 2 de la décision attaquée, lequel fixe la date d’exigibilité des amendes au 10 mai 2010, est entaché d’un excès de pouvoir. En clair, la Commission considère que la décision de 2009 demeure le fondement des amendes. Toutefois, ces dispositions de l’article 2, points 31 et 32, de la décision de 2009, fixant le montant des amendes dont la requérante, CPA et ACW étaient solidairement responsables, d’abord remplacées puis réactivées, ont finalement a été de nouveau remplacée par celle résultant de l’article 1er de la décision attaquée, de sorte que les dispositions litigieuses de la décision initiale de 2009 ne sauraient servir de fondement juridique tant à l’obligation pour la requérante de payer les amendes en cause qu’à la détermination de la date de leur exigibilité (pt. 124). Ce faisant, l’obligation de payer les amendes résultait uniquement de l’article 1er de la décision attaquée et le délai d’exigibilité de ces amendes ne pouvait être déterminé qu’à compter de la date de réception de la notification de cette décision (pt. 126). Dès lors, le Tribunal accueille le cinquième moyen et prononce l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Dans une affaire néerlandaise d’aide relatif à l’acquisition subventionnée de zones naturelles, le Tribunal, estimant que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen, annule la décision concluant à la compatibilité de la mesure

 

Le 15 octobre 2018, le Tribunal de l’Union européenne a rendu un arrêt dans l’affaire d’aides d’État T-79/16 (Vereniging Gelijkberechtiging Grondbezitters e.a. contre Commission).

Il y conclut à l’annulation de
décision de la Commission du 2 septembre 2015, aux termes de laquelle la Commission a conclu au caractère illégal mais compatible d’une aide d’État avec le marché intérieur et, partant, a refusé implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE. Le Tribunal, qui retient qu’une des requérantes au moins a démontré sa qualité de partie intéressée au sens de l’article 108, § 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement n° 659/1999 (pt. 76), considère que tant le déroulement de la procédure préliminaire d’examen que le contenu même de la décision attaquée confirme l’existence de difficultés sérieuses, lesquelles aurait dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen (pt. 140).

En 2008, l’État néerlandais a octroyé des subventions, pour l’acquisition des zones naturelles, à treize organisations de protection de la nature, une au niveau national, et douze fondations provinciales. Ce régime permettait l’acquisition de terrains de valeur écologique, la résiliation de droits de bail à ferme et la vente ou l’échange de terrains nécessaires pour la création d’une structure écologique principale et d’un réseau « Natura 2000 » pour la protection de la biodiversité par le biais du financement de l’acquisition de zones naturelles. Comme les treize organisations exerçaient, outre leur activité principale de nature non économique de gestion de la nature, des activités secondaires de nature économique, telles l’acquisition de terrains, la sylviculture, la vente de bois et de viande, la location des droits de chasse et de pêche ou des activités touristiques, qui généraient des recettes, source de financement de leur activité principale et utilisées pour couvrir les coûts de gestion, le Commission a considéré que la cession à titre gratuit de terrains et les subventions à l’acquisition et à la gestion de ces derniers, au moyen des ressources étatiques, conféraient un avantage économique aux bénéficiaires du régime, que le régime était sélectif dès lors que seules les treize organisations désignées en étaient bénéficiaires et que ledit régime ne remplissait pas la quatrième condition de l’arrêt Altmark Trans, dès lors que la compensation des bénéficiaires du régime n’avait pas été déterminée selon une procédure adéquate (pt. 14). Toutefois, après avoir conclu à l’illégalité de l’aide, la Commission a considéré que le régime pouvait être qualifié d’aide d’État, mais qu’il constituait la compensation d’un véritable SIEG, global et atypique composé d’un service d’intérêt général de conservation de la nature et de certaines activités secondaires de nature économique, liées à ce dernier, qui pouvaient être considérées comme une compensation du SIEG, dès lors que que le montant de compensation octroyé n’était pas excessif, dans la mesure où les recettes générées par l’exercice des activités économiques secondaires et les éventuelles recettes découlant de la revente autorisée des terrains avaient toujours été réinvesties ou déduites des subventions à la gestion, et qu’il n’y avait donc pas de risque de surcompensation (pt. 16). Et donc, que la mesure d’aide en cause était compatible avec le marché intérieur (pt. 17).

Les requérantes, deux fondations privées sans but lucratif de droit néerlandais, qui gèrent des terrains et exercent des activités de conservation de la nature et de gestion du patrimoine culturel ainsi que des activités économiques, telles que l’affermage de terres, l’agriculture, la sylviculture et le tourisme, soutenaient en substance que la Commission avait violé leurs droits procéduraux en n’ayant pas ouvert la procédure formelle d’examen, malgré l’existence de difficultés sérieuses quant à la compatibilité de la mesure d’aide en cause, qui auraient justifié l’ouverture d’une telle procédure. Elles invoquaient pêle-mêle les circonstances et la durée de la procédure préliminaire d’examen et, d’autre part, le contenu de la décision attaquée.

s’agissant en premier lieu de la durée de la phase préliminaire d’examen, le Tribunal, relevant que la plainte des requérantes avait été introduite le 23 décembre 2008 et que la décision attaquée avaient été adoptée le 2 septembre 2015, soit environ six ans et huit mois après, relève qu’une telle durée dépasse notablement ce qui peut être considéré comme raisonnable pour un examen préliminaire d’un régime d’aide (pt. 107). Par ailleurs, il observe que l’une des causes de retard tenait au fait que la Commission a notamment attendu les conclusions d’une affaire pendant devant le Tribunal concernant le régime d’aide allemand similaire à celui en cause en l’espèce et en tire la conclusion que la Commission faisait face à des incertitudes juridiques nécessitant à son avis une clarification de la part du juge de l’Union, indice que cette question présentait une difficulté ou une complexité particulière, qui aurait dû conduire la Commission à prolonger la phase préliminaire d’examen et à ouvrir la procédure formelle d’examen afin de permettre aux parties concernées de présenter leurs observations, pendant que la procédure juridictionnelle suivait son cours (pt. 104).

S’agissant en second lieu des indices liés au contenu de la décision attaquée, le Tribunal observe que la Commission a considéré qu’en l’espèce, si les biens et les services offerts par des organisation de protection de l’environnement dans le cadre de leurs activités secondaires résultaient de leur activité principale de protection de l’environnement, ils n’étaient pas rendus obligatoires par cette activité principale. Il relève également que la Commission n’a pas examiné si les activités secondaires à caractère économique des OGT pouvaient être assurées correctement à des conditions de marché ou revêtaient un intérêt général, comme elle y était tenue (pt. 126). Dans ces conditions, estime-t-il, bien que les recettes que les activités secondaires généraient visaient à couvrir une partie des coûts de l’activité principale de conservation de la nature et qu’elles étaient étroitement liées à la mission d’intérêt général de ladite activité principale, les éléments que possédait la Commission ne lui permettaient pas, sur cette seule base, de conclure que les activités secondaires étaient nécessaires au fonctionnement du SIEG au sens du paragraphe 11 de l’encadrement de 2012, qu’elle a appliqué dans la décision attaquée, ou que les activités secondaires revêtaient un intérêt économique général au sens de la jurisprudence (pt. 128), ce qui n’est pas automatique. Il en découle, en revanche, l’exigence qu’une telle entreprise respecte les obligations de transparence financière et de tenue d’une comptabilité séparée afin d’éviter tout risque de surcompensation (pt. 129).

Dès lors, conclut le Tribunal, la qualification opérée par la Commission de SIEG « global » ou « atypique » de la mesure d’aide en cause révèle l’existence d’une difficulté sérieuse, s’agissant des activités qui peuvent être considérées comme faisant partie intégrante du SIEG, et, in fine, du degré de connexité entre les activités économiques secondaires et l’activité principale de conservation de la nature.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission rend publiques deux décisions d'autorisation concernant le secteur des télécommunications sur le marché italien et autrichien

 

Le 16 octobre 2018, la Commission a rendu publiques deux décisions concernant le secteur des télécommunications sur le marché italien et autrichien.

Commençons par la
décision qu’elle a adoptée le 31 août 2018 autorisant, sous conditions, le passage d’un contrôle conjoint par Hutchison et VEON de Wind Tre — le premier opérateur de téléphonie mobile italien avec environ 29 millions de clients mobiles et le deuxième opérateur de téléphonie fixe transalpin avec plus de 2,7 millions de clients — à un contrôle exclusif par le seul Hutchison.

Lors de la création de Wind Tre en 2016, laquelle entreprise commune regroupait les activités de Wind, filiale de VEON, et celles de H3G, filiale de Hutchison, respectivement les troisième et quatrième opérateurs sur le marché italien de la téléphonie mobile de détail, la Commission avait exprimé la crainte que l’opération n’entraîne d’abord des effets anticoncurrentiels non coordonnés sur ce marché en raison de la réduction du nombre d'opérateurs de réseau mobile de quatre à trois sur un marché très concentré avec des barrières à l'entrée très élevées et la sortie du marché d’un concurrent important, H3G, ainsi que la disparition de la contrainte concurrentielle exercée par Wind. En outre, avait-elle estimé, les MVNO n’auraient pas été en mesure de remplacer la contrainte concurrentielle exercée par H3G et Wind l’un sur l’autre et sur les deux autres opérateurs de réseau mobile — TIM et Vodafone (pt. 8). Par ailleurs, la Commission avait exprimé la crainte que l’opération n’engendre des  effets anticoncurrentiels coordonnés sur le marché en accroissant la probabilité que les trois opérateurs restants coordonnent leur comportement et augmentent leurs prix de manière durable, même sans passer un accord ni recourir à une pratique concertée au sens de l'article 101 du TFUE (pt. 9). Enfin, elle a estimé que l’opération présentaient des risques d’effets anticoncurrentiels sur le marché de gros en éliminant les importantes contraintes concurrentielles exercées par H3G et Wind sur un marché oligopolistique comportant un nombre limité d’acteurs et de fortes barrières à l’entrée (pt. 10).

Afin de dissiper les préoccupations de concurrence de la Commission, les parties notifiantes avaient proposé des mesures correctives structurelles, qui ont notamment permis l'entrée sur le marché de l'opérateur français de télécommunications Iliad en tant que nouvel opérateur de réseau mobile en Italie. Au moment où la présente opération a été examinée par la Commission, ces mesures étaient toujours en cours. Il s’agissait principalement de transférer à un nouveau opérateurs de réseau mobile un spectre total de 2x35 MHz, appartenant à différentes bandes de fréquences, et à mettre à la disposition du nouvel entrant un certain nombre de sites (pt. 12). À l’époque, les remèdes avaient été présentés comme une solution fix-it-first dans la mesure où les parties étaient arrivées avec le nom du nouvel opérateur de réseau mobile : Iliad (pt. 16).

Dans la présente décision, la Commission constate que, hormis la création de Wind Tre, l’entrée consécutive d’Iliad sur le marché et la réaction de TIM et Vodafone à cette arrivée via le lancement d’offre low cost, aucun changement significatif n'est intervenu sur le marché italien de la téléphonie mobile depuis 2016 (pts. 52-54), de sorte que le passage d’un contrôle conjoint à un contrôle exclusif de Wind Tre ne modifiait pas la situation concurrentielle existante résultant de la première opération et qu'aucun problème de concurrence supplémentaire n'avait été constaté (pt. 60). Après l'annonce de l'entrée d'Iliad et de la mise en œuvre des engagements de 2016 jusqu'à la date d'adoption de la présente décision, les prix des services de téléphonie mobile ont continué de baisser et la concurrence entre opérateurs s'est intensifiée (pt. 61). En deux mois, Iliad est parvenu à convaincre un million de consommateurs (pt. 66). Ainsi, les conditions de concurrence sur le marché de la téléphonie mobile de détail en Italie ne semblent pas s'être dégradées au cours de la mise en œuvre des engagements de 2016 jusqu'à la date d'adoption de la présente décision (pt. 67). La Commission écarte notamment tout risque d’effets coordonnés, que ce soit sur le marché italien des télécommunications mobiles de détail (pts. 69-71) ou que ce soit plus largement sur les autres marchés européens (pt. 72).

Toutefois, comme les remèdes initiés en 2016 sont toujours en cours de mise en œuvre, la Commission a estimé qu’en cas d’abandon prématuré de ces remèdes, la nouvelle opération susciterait les mêmes craintes que celles soulevées par la Commission dans la décision d'autorisation de 2016 (pt. 85). Pour dissiper les nouvelles craintes de la Commission, Hutchison a proposé de reprendre seule à son compte l’intégralité des engagements souscrits avec VEON en 2016, à savoir l'achèvement de la cession de spectre et de la cession de sites, ainsi que la mise en oeuvre de l'accord d'itinérance nationale avant que le réseau d'Iliad ne soit pleinement déployé.
 
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de la Commission.

 



Après l’Italie, l’Autriche.

Passons à la
décision adoptée le 9 juillet 2018 autorisant sans condition l'acquisition d'UPC Austria par T-Mobile Austria (TMA), filiale de Deutsche Telekom. Pour parvenir à la conclusion que l'opération ne posait pas de problèmes de concurrence, la Commission a fait le constat que les activités et les actifs des entreprises étant en grande partie complémentaires, dès lors que la cible est principalement actives dans la téléphonie fixe, là où T-Mobile Austria l’est essentiellement dans la téléphonie mobile.

Même sur les quelques marchés autrichiens des services d'accès à l'internet à une clientèle résidentielle sur lesquels les activités de TMA et d'UPC se chevauchent, du fait que l’accès à l'internet à domicile est souvent fourni en Autriche au moyen d'un routeur connecté à un réseau mobile, la Commission a constaté que l’offre d'accès à l'internet fixe d'UPC différaient considérablement de celle de TMA passant par le haut débit mobile pour ce qui est de la technologie sous-jacente et des caractéristiques. UPC utilise son réseau de câbles coaxiaux ce qui lui permet de garantir aux clients une vitesse de téléchargement minimale élevée, de l’ordre de 300 Mbits, là où TMA ne peut garantir à ses clients qu’une vitesse de téléchargement de l’ordre de [0-5] Mbps, la vitesse réelle des services Internet mobiles pouvant varier considérablement en fonction du nombre d'utilisateurs simultanés. Ces différences en termes de vitesse de téléchargement garantie se traduisent dans les modes d'utilisation. Et ces différences en termes d'expérience utilisateur donnent à penser que les produits des parties sont différenciés, de sorte que le degré de substituabilité entre les principaux produits des parties serait limité, en particulier par rapport au degré de substituabilité entre les produits large bande mobiles (assez similaires) des trois MNO autrichiens (pts. 240-245). Par suite, les deux opérateurs n’apparaissent pas comme de proches concurrents (pt. 254).

Sans trancher la question de l’existence d’un marché unique des services d'accès à Internet fixe et mobile, la Commission a tout de même fait porter son analyse concurrentielle sur un marché potentiel pour les services d'accès Internet de détail pour les clients résidentiels en Autriche, intégrant les connexions haut débit fixes et mobiles (pt. 220).

Par ailleurs, la Commission a constaté que la nouvelle entité resterait confrontée à la concurrence importante d’A1 Telekom Austria, l'opérateur historique, et de Hutchison Drei Austria (H3A) (pt. 263). En outre, elle considère que les barrières à l'entrée sur le marché des services d'accès Internet à domicile sont suffisamment limités pour contraindre dans une certaine mesure le comportement de la nouvelle entité en Autriche (pt. 279).

La Commission écarte également le risque d’effets coordonnés après l’opération, ne jugeant pas plus probables une coordination entre la nouvelle entité et A1 Telekom Austria, qu’une coordination entre l’entité issue de la concentration et H3A (pt. 302).

La Commission a examiné plusieurs relations verticales. À cet égard, elle considère que, compte tenu du faible incrément induit par la présente opération sur les marchés aval et du fait que les marchés en amont sont largement réglementés, celle-ci ne soulève pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en ce qui concerne le marché vertical (pt. 326).


Quant aux risques tenant aux effets congloméraux résultant de l'opération sur les marchés autrichiens des télécommunications fixes et mobiles, la Commission s’est particulièrement penchée sur l’incitation de la nouvelle entité à proposer des offres couplées de services d'accès multiples. La principale crainte tient à ce que l'entité issue de la concentration puisse tirer parti de ses forte position du marché sur le haut débit fixe et sur les services mobiles pour étendre et sécuriser ses positions en proposant des offres couplées fixes et mobiles basées sur sa propre infrastructure de réseau fixe et mobile. À cet égard, la Commission observe que la cible disposait déjà, avant l’opération, de la possibilité de procéder à un tel couplage (pt. 379). Par ailleurs, elle note que la part de marché de la nouvelle entité sera inférieure à 30%, et sur le marché des services de télécommunications mobiles de détail en Autriche, et sur les trois marchés de détail des composants fixes simples (pt. 382). Le seul marché potentiel sur lequel UPC détient une part de marché non négligeable est l'offre triple play fixe (Internet, téléphonie et télévision), avec une part estimée à [50-60]%. La Commission note toutefois que les clients autrichiens disposent d'alternatives pertinentes sur le marché de la télévision : les offres triple play, y compris la télévision, représentent à peu près 15 % de l'ensemble des foyers équipés de télévision en Autriche. En outre, A1 Telekom Austria propose aussi des offres triple play. Par ailleurs, les consommateurs conservent la possibilité d’acheter séparément la télévision, l’Internet et la téléphonie fixe, de sorte que les incitations à augmenter les prix sont limités et pourraient se traduire par une augmentation des taux de churn (pt. 386). Au final, la Commission estime que l’opération ne peut conférer à la nouvelle entité qu’une capacité limitée d’exploiter sa position sur le marché du triple play fixe pour exclure des concurrents mobiles (pt. 390).

Parvenant à la conclusion que l'entité issue de la concentration ne serait pas à même d'utiliser son pouvoir de marché pour évincer ou marginaliser ses concurrents dans le domaine des télécommunications fixes ou mobiles en groupant les produits fixes et mobiles, la Commission a pu conclure, à l'issue de la première phase de son enquête, que l'opération ne poserait aucun problème de concurrence sur l'un ou l'autre des marchés des télécommunications concernés.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de la Commission.

INFOS : L’Autorité de la concurrence dresse un premier bilan de son enquête sectorielle sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale et lance une consultation publique

 

Après plusieurs avis rendus ces dernières années sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament, avec le succès mitigé que l’on sait, l’Autorité, on s’en souvient, avait décidé de lancer  en novembre 2017, une enquête sectorielle sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale. Cette enquête en cours porte sur deux axes : le fonctionnement de la chaîne de distribution du médicament et les conditions de fixation du prix des médicaments.

Parvenue à un
premier bilan d’étape s’agissant du fonctionnement de la chaîne de distribution du médicament, l’Autorité de la concurrence lance le 18 octobre 2018, une consultation publique d’un mois ouverte à tous, mais avant tout destinée à recueillir les contributions des professionnels concernés — pharmaciens, intermédiaires de la distribution du médicament en ville (grossiste-répartiteur, dépositaire, CAP, SRA, etc.), entreprises de la grande distribution et/ou de la parapharmacie, laboratoires de biologie médicale, médecins ou infirmiers, chacun disposant d’un formulaire dédié.

À la suite de la présente consultation, l’Autorité devrait adopter un premier avis final d’ici le début de l’année 2019 portant sur la distribution du médicament en ville et de la biologie médicale. Il sera suivi, à l’été 2019, d’un second avis sur la formation des prix des médicaments.

L’Autorité de la concurrence présente donc un bilan intermédiaire du fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale, ou plutôt plusieurs bilans intermédiaires, dans la mesure où chaque problématique — au nombre de sept — fait l’objet d’un bilan spécifique. À ce stade, les bilans proposés sont davantage descriptifs que programmatiques. Ils font la part belle, à chaque fois que c’est utile, à la législation comparée.

Ainsi, à propos de la vente en ligne de médicaments, l’Autorité observe que ces nouveaux services, qui sont pour certains déjà arrivés à maturité dans de nombreux pays voisins, peinent à se développer efficacement en France. Ils répondent pourtant à une demande de plus en plus affirmée des patients, notamment ceux situés dans des régions où l’offre médicale tend à se raréfier ou ceux dont la mobilité est réduite. À l’heure actuelle, les acteurs nationaux de la pharmacie et de la biologie médicale sont trop souvent désavantagés par rapport à leurs homologues étrangers, qui bénéficient de législations plus souples et d’un accès plus large à des sources de financement, qui facilitent leur expansion dans d’autres États membres, notamment en France. Un tel constat s’impose par exemple pour ce qui concerne l’activité de vente en ligne de médicaments, où le leader du marché français est actuellement une entreprise belge, mais aussi dans le secteur de la biologie médicale, où les laboratoires les plus importants sont souvent détenus par des entreprises étrangères.

Sur fond de difficultés de financement du secteur de la santé en général, l’Autorité pointe deux principaux obstacles au développement économique des acteurs de la santé.

En premier lieu, un obstacle de nature économique résultant notamment de l’incapacité de certains acteurs à trouver les fonds nécessaires pour s’adapter à ces évolutions et moderniser leur activité. L’Autorité note également à cet égard que les intermédiaires de la distribution du médicament en ville, dépourvus de puissance compensatrice à l’achat, peinent à s’imposer vis-à-vis des laboratoires pharmaceutiques, au détriment des officines et des patients, notamment sur le segment des médicaments non remboursables. Ils ne peuvent ainsi pas présenter une offre attractive aux officines, qui privilégient alors la vente directe. Les grossistes-répartiteurs se contentent sur ce segment de jouer un rôle d’approvisionneur d’appoint pour quelques officines.

En second lieu, déplorant la persistance d’un cadre réglementaire parfois trop ancien et inadapté, l’Autorité s’attache à identifier les freins réglementaires au développement de la concurrence dans chacun de ces secteurs de la santé et plaide pour la recherche d’un mode de régulation sectorielle plus agile.

Les différents bilans intermédiaires concernent :

La vente en ligne de médicaments ;

La publicité émise par les officines ;

L’élargissement du rôle du pharmacien ;

Le capital de l’officine ;

Le monopole officinal ;

Les intermédiaires de la distribution du médicament ;
 
Les laboratoires de biologie médicale.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

EN BREF : La Cour de cassation saisie d’une QPC sur la constitutionnalité de l’article L. 420-6 du code de commerce au regard du principe de la légalité des délits et des peines

 

Le 15 octobre 2018, la Cour de cassation a été saisie d’une QPC dans le cadre d’un pourvoi formé contre un arrêt rendu le 19 mars 2018 par la 6e chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Douai

La QPC est rédigée comme suit : L’
article L. 420-6 du code de commerce en ce qu’il incrimine l’abus de position dominante visé à l’article L. 420-2 alinéa 1er dudit code, lequel ne précise ni quelles sont les pratiques qui peuvent être abusives, se contentant d’en donner des illustrations, ni si l’abus doit avoir pour objet ou pour effet d’entraver la concurrence, et ne permet pas de savoir si la tromperie constitue un élément constitutif de l’infraction, méconnait-il le principe de la légalité des délits et des peines tel que garanti par l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ?

À suivre…

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