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SOMMAIRE
JURISPRUDENCE UE : Rejetant l’intégralité des recours dans l’affaire du cartel des condensateurs, le Tribunal confirme les amendes infligées par la Commission
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Approuvant l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché aux relations entre aéroports et compagnies aériennes, le Tribunal de l’Union confirme les décisions de la Commission déclarant les aides octroyées par la République d’Autriche en faveur de Ryanair, TUIfly et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Klagenfurt incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur récupération
INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission propose la suppression progressive de l’aide accordée sur le fondement de l'encadrement temporaire des aides d’État
INFOS TEST DE MARCHÉ : La Commission veut savoir si les opérateurs de télécommunication présents en République tchèque seront incités à investir unilatéralement dans des infrastructures de réseau et, partant, à affronter la concurrence sur les marchés de détail et de gros
ANNONCE WEBINAIRE : « The Commission’s tax ruling investigations and recent Court judgment » — 11 octobre 2021, 15:30-17:00 [Message de Hendrik Viaene et Romain Desmonts]
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JURISPRUDENCE UE : Rejetant l’intégralité des recours dans l’affaire du cartel des condensateurs, le Tribunal confirme les amendes infligées par la Commission
Le 29 septembre 2021, le Tribunal de l’Union a rendu cinq arrêts dans les affaires T-341/18 (NEC contre Commission européenne), T-342/18 (Nichicon Corporation contre Commission européenne), T-343/18(Tokin Corporation contre Commission européenne), T-344/18(Rubycon Corporation contre Commission européenne) et T-363/18 (Nippon Chemi-Con Corporation contre Commission européenne).
Il y rejette l’intégralité des cinq recours introduits par NEC, Nichicon, Tokin, Rubycon et Nippon Chemi-Con, en annulation de la décision du 21 mars 2018, à la faveur de laquelle la Commission avait infligé à huit entreprises japonaises — Elna, Hitachi Chemical, Holy Stone, Matsuo, NEC Tokin, Nichicon, Nippon Chemi-Con et Rubycon — des amendes d'un montant total de près de 254 millions d’euros pour avoir participé à une entente à l'échelle internationale sur le marché des condensateurs électrolytiques au tantale et à l'aluminium entre 1998 et 2012, consistant en des accords et/ou pratiques concertés qui avaient pour objet de coordonner les prix établis à l’occasion de réunions multilatérales au cours desquelles s'échangeaient des informations sensibles sur le plan commercial, notamment sur leurs futurs prix et sur les intentions tarifaires de chaque participants, dans le bit de limiter la concurrence par les prix. Ces composants électriques qui stockent l'énergie de manière électrostatique, sont largement utilisés dans la fabrication des produits électriques et électroniques. Sanyo et sa société mère Panasonic Corporation, qui ont dénoncé l’entente, ont bénéficié d'une immunité totale d’amende, économisant par là plus de 32 millions d’euros.
Ce faisant, le Tribunal confirme les amendes infligées par la Commission.
Dans l’affaire T-341/18 (NEC contre Commission européenne), la Commission a retenu la responsabilité de NEC, non à raison de sa participation personnelle à l’infraction, mais en sa qualité de société mère, détenant la totalité du capital de Tokin pour la période allant du 1er août 2009 au 23 avril 2012 (pt. 63). Lors du calcul du montant de l’amende, elle a retenu, à l’égard de la seule société mère — NEC — la circonstance aggravante de la récidive, et ce, en raison de sa condamnation par une précédente décision de la Commission — la décision DRAM du 19 mai 2010 —, pour une infraction commise entre le 1er juillet 1998 et le 15 juin 2002.
À l’appui de son recours, la requérante faisait valoir trois arguments : en premier lieu, elle soutenait que cette majoration du montant de l’amende pour récidive serait contraire au caractère dérivé de la responsabilité de la requérante, dès lors que la responsabilité de la société mère ne pourrait excéder celle de sa filiale. Ainsi, comme sa filiale n’était pas, elle-même, en état de récidive, aucune majoration pour récidive ne saurait être appliquée à la filiale ou à la société mère, dont la responsabilité est dérivée de celle de sa filiale.
En deuxième lieu, la requérante soutenait que, dans la mesure où la majoration du montant de l’amende pour récidive couvrait toute la période infractionnelle du 1er août 2009 au 23 avril 2012 et, par conséquent, couvrait une période antérieure à la décision DRAM, cette majoration serait entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle serait contraire à la visée dissuasive de la notion de récidive. En l’espèce, la requérante n’aurait pas eu l’opportunité de changer son comportement avant que la décision DRAM ne soit rendue.
En troisième lieu, la requérante soutenait que, dans la mesure où la majoration du montant de l’amende pour récidive couvrait une période antérieure à la décision DRAM, cette majoration violait le principe de proportionnalité. En effet, NEC ne serait tenue pour responsable de l’infraction qu’à raison de l’acquisition d’une filiale pour une courte période de deux ans et neuf mois, alors même que cette filiale participait déjà à la présente entente depuis de nombreuses années avant son acquisition par NEC. De plus, la requérante aurait déjà été punie pour l’infraction en cause, dans la mesure où elle est conjointement et solidairement responsable avec sa filiale de l’amende qui leur a été infligée. En outre, la décision DRAM ayant été adoptée seulement neuf mois après que Tokin est devenue filiale de la requérante, cette dernière n’aurait pas été en mesure d’éviter la participation de sa filiale à l’entente.
Sur quoi, le Tribunal applique au cas d’espèce la logique implacable de la notion d’entreprise.
D’une part, le Tribunal relève que la Commission a retenu la responsabilité de la requérante uniquement en tant que société mère, pour l’infraction au droit de la concurrence commise par sa filiale, avec laquelle elle formait une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE. D’autre part, la Commission a retenu une majoration pour récidive à l’égard de la seule requérante, à l’exclusion donc de sa filiale, au motif que, par la décision DRAM, seule la société mère avait déjà été tenue pour responsable d’un comportement anticoncurrentiel similaire. En sorte que la Commission a bien apprécié la responsabilité de la mère et celle de la filiale d’une manière différenciée, conduisant à un montant d’amende différencié de celui de la filiale, puisque la récidive peut constituer un facteur caractérisant individuellement le comportement d’une société mère, justifiant que l’étendue de sa responsabilité excède celle de sa filiale dont elle est entièrement dérivée (pts. 88-90).
Par ailleurs, le Tribunal approuve la Commission d’avoir retenu que la majoration du montant de l’amende pour récidive ne devrait pas être calculée uniquement sur la base de la période pendant laquelle cette circonstance aggravante persistait, mais que la majoration de 50 % résultant de la récidive devait être appliqué à l’intégralité de la période pendant laquelle la mère a été responsable du comportement de sa filiale. Peu importe à cet égard que la décision DRAM ait été adoptée neuf mois après que Tokin soit devenue filiale de la requérante. Ce qui compte, pour le Tribunal, c’est que la requérante détenait la totalité des actions de Tokin du 1er août 2009 au 31 janvier 2013, qu’elle était présumée exercer une influence déterminante sur cette filiale pendant ladite période, de sorte que la requérante et sa filiale formaient une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, mais qu’en dépit de cette circonstance, elle a continué, pendant la période allant du 19 mai 2010 au 23 avril 2012, à participer à l’entente après que la décision qui constate la première infraction lui a été notifiée (pt. 107). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a conclu que la poursuite, par la requérante, d’un comportement infractionnel après qu’une première sanction lui a été infligée témoignait de sa propension à ne pas tirer les conséquences appropriées d’un constat à son égard d’une infraction aux règles de concurrence. En effet, ayant déjà fait l’objet de mesures antérieures de la Commission par la décision DRAM, la requérante a continué pendant près de deux ans à participer à l’entente en cause après que cette décision lui a été notifiée. Cette conclusion n’est pas contredite par la seule circonstance que la requérante, conjointement avec Tokin, a présenté auprès de la Commission une demande de réduction du montant de l’amende au titre de la communication sur la coopération de 2006, dans la mesure où cette circonstance n’écarte pas le fait que la requérante, après qu’une première sanction lui a été infligée, s’est impliquée dans une seconde infraction (pt. 108).
Enfin, le Tribunal écarte toute violation du principe de proportionnalité au motif qu’ayant constaté une propension de la requérante à s’affranchir des règles de concurrence, la majoration pour récidive pouvant alors entraîner une augmentation jusqu’à 100 % du montant de base de l’amende, conformément au § 28 des lignes directrices de 2006, la Commission s’est contentée de fixer à 50 % la majoration du montant de base de l’amende à infliger à la requérante (pt. 124).
Dans l’affaire T-342/18 (Nichicon Corporation contre Commission européenne), la requérante contestait la compétence territoriale de la Commission au motif que le comportement anticoncurrentiel était axé sur l’Asie et n’avait pas été mis en oeuvre ni n’avait eu d’effet significatif dans l’EEE. Selon elle, la Commission était tenue de démontrer que, d’une part, les discussions couvraient l’EEE et, d’autre part, les produits concernés avaient été achetés par des clients établis dans l’EEE. De sorte que, à tout le moins en ce qui concerne les échanges pour lesquels il n’existe pas de lien pertinent avec l’EEE, la Commission n’était, en tout état de cause, pas compétente.
À cet égard, le Tribunal confirme la compétence de la Commission à connaître de la présente entente anticoncurrentielle. Il rappelle d’abord que, lorsque des entreprises, établies en dehors de l’EEE, mais qui produisent des biens qui sont vendus dans l’EEE à des tiers, se concertent sur les prix qu’elles consentent à leurs clients établis dans l’EEE et mettent en œuvre cette concertation en vendant à des prix effectivement coordonnés, elles participent à une concertation qui a pour objet et pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur le marché intérieur, au sens de l’article 101 TFUE, et que la Commission est territorialement compétente pour les poursuivre (pt. 434). Il rappelle ensuite qu’une infraction à l’article 101 TFUE implique deux éléments de comportement, à savoir la formation de l’entente, mais aussi sa mise en œuvre, dans la mesure où faire dépendre l’applicabilité des interdictions édictées par le droit de la concurrence du seul lieu de formation de l’entente permettrait aux entreprises de se soustraire auxdites interdictions. Ce qui compte est donc le lieu où l’entente est mise en œuvre (pt. 435). Ainsi, dès lors que la condition relative à la mise en œuvre est satisfaite, la compétence de la Commission pour appliquer les règles de concurrence de l’Union à l’égard de tels comportements est couverte par le principe de territorialité qui est universellement reconnu en droit international public (pt. 436). En pratique, le critère de la mise en œuvre de l’entente en tant qu’élément de rattachement de celle-ci au territoire de l’Union est satisfait par la simple vente dans l’Union du produit cartellisé, indépendamment de la localisation des sources d’approvisionnement et des installations de production (pt. 437). Au cas d’espèce, observe le Tribunal, la Commission a considéré, à bon droit, d’une part, que, bien que les échanges anticoncurrentiels aient eu lieu au Japon, ces derniers soit avaient une portée mondiale, de sorte qu’ils incluaient l’EEE, soit concernaient directement l’EEE et, d’autre part, que les échanges anticoncurrentiels étaient constitutifs d’une infraction unique et continue, qui couvrait toutes les ventes de condensateurs électrolytiques à l’aluminium et au tantale dans l’EEE. De sorte que la Commission s’est, à bon droit, estimée compétente en l’espèce, aux fins de l’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (pts. 438-440).
Dans cette même affaire, la requérante soutenait encore que, du fait que les participants à l’entente s’étaient déjà vu imposer des amendes substantielles dans des pays tiers, qui tenaient compte des aspects mondiaux de l’infraction ainsi que d’un effet de dissuasion, la Commission avait violé le principe ne bis in idem et le principe de proportionnalité, en imposant également un montant additionnel de 16 % au montant de base aux fins de dissuader les participants à l’entente de s’engager à l’avenir dans d’éventuelles ententes illicites.
Sur quoi le Tribunal considère que le principe ne bis in idem ne peut trouver à s’appliquer dans un cas comme celui de l’espèce, où les procédures diligentées et les sanctions infligées par la Commission, d’une part, et par les autorités d’États tiers, d’autre part, ne poursuivent pas, à l’évidence, les mêmes objectifs. Si, dans le premier cas, il s’agit de préserver une concurrence non faussée au sein de l’EEE, la protection recherchée, dans le second cas, concerne le marché de pays tiers, de sorte que la condition de l’identité de l’intérêt juridique protégé, nécessaire pour que trouve à s’appliquer le principe ne bis in idem, fait ainsi défaut (pts. 514-515).
Quant à la violation alléguée du principe de proportionnalité, le Tribunal observe que toute considération tirée de l’existence d’amendes infligées par les autorités d’un État tiers ne saurait entrer en ligne de compte que dans le cadre du pouvoir d’appréciation dont jouit la Commission en matière de fixation d’amendes pour les infractions au droit de la concurrence de l’Union. Par conséquent, s’il ne saurait être exclu que la Commission prenne en compte des amendes antérieurement infligées par les autorités d’États tiers, elle ne saurait toutefois y être tenue. En effet, l’objectif de dissuasion que la Commission est en droit de poursuivre, lors de la fixation du montant d’une amende, vise à assurer le respect, par les entreprises, des règles de concurrence établies par le traité FUE pour la conduite de leurs activités au sein du marché intérieur. Par conséquent, en appréciant le caractère dissuasif d’une amende à infliger en raison d’une violation desdites règles, la Commission n’est pas tenue de prendre en compte d’éventuelles sanctions infligées à l’encontre d’une entreprise en raison de violations des règles de concurrence d’États tiers (pts. 518-519).
Dans l’affaire T-344/18 (Rubycon Corporation contre Commission européenne), les requérantes soutenaient, en substance, que la Commission avait à tort refusé de leur accorder une immunité partielle d’amende au titre du § 26 de la communication sur la coopération de 2006, dans la mesure où les preuves qu’elles avaient fournies concernant les réunions ECC et CUP auraient permis à la Commission de renforcer la gravité de l’infraction.
À cet égard, le Tribunal commence par rappeler que le bénéfice de l’immunité partielle d’amende prévue au § 26, al. 3, de la communication sur la coopération de 2006 exige que plusieurs conditions soient cumulativement remplies, à savoir que l’entreprise en cause ait été la première à fournir des preuves déterminantes, que ces preuves doivent permettre d’établir des éléments de fait supplémentaires par rapport à ceux que la Commission est en mesure d’établir et que ces éléments de fait supplémentaires renforcent la gravité ou la durée de l’infraction (pt. 94).
Au cas d’espèce, la Commission a estimé que la première requérante avait été la seule à fournir des preuves concernant les réunions ECC et que les requérantes ont été les premières à fournir des preuves concernant les réunions CUP et que les preuves fournies par la première requérante concernant les réunions ECC lui avaient permis d’augmenter la durée de l’infraction. Elle lui a donc accordé une immunité partielle d’amende pour la période allant du 26 juin 1998 au 28 août 2003. En revanche, elle a considéré que lesdites preuves, notamment celles concernant les réunions CUP, ne lui avaient pas permis d’établir des éléments de fait supplémentaires renforçant la gravité de l’infraction. Par suite, elle a refusé d’accorder aux requérantes une immunité partielle d’amende relative à la gravité de l’infraction (pts. 96-97).
Sur quoi, le Tribunal vient confirmer la conclusion de la Commission selon laquelle les preuves fournies par les requérantes n’avaient pas eu d’incidence sur la gravité de l’infraction. En substance, le Tribunal observe que, ni les réunions ECC ni les réunions CUP n’avaient une nature différente des autres manifestations du comportement collusoire en l’espèce, qui constituaient toutes des pratiques concertées et/ou des accords sur les prix qui s’inscrivaient dans la même violation grave de l’article 101, § 1, TFUE. De même, à propos de la surveillance assurée dans le cadre des réunions CUP, la Commission a pu considérer que cette surveillance n’était pas une particularité de l’entente de nature à influer sur la gravité de l’infraction, étant donné notamment que les entreprises surveillaient leur comportement réciproque de façon générale ainsi qu’en dehors des réunions CUP (pts. 100-101). Relevant encore qu’une distinction entre une prétendue gravité accrue des « accords » par rapport à une gravité plus faible des « pratiques concertées » ne saurait être établie en l’espèce, dans la mesure où les comportements infractionnels ont été qualifiés sans distinction d’accords « et/ou » de pratiques concertées, chacun d’entre eux corroborant l’existence d’une infraction complexe, unique et continue à l’article 101 TFUE, a fortiori, une qualification précise de ces comportements d’accords ou de pratiques concertées ne saurait être de nature à établir une différence entre la gravité de chaque comportement (pt. 113), le Tribunal conclut que c’est sans commettre d’erreur que la Commission a estimé que les requérantes n’avaient pas produit d’éléments de preuve permettant d’établir des faits supplémentaires qui renforçaient la gravité de l’infraction (pt. 119).
Les requérantes invoquaient encore une violation par la Commission du principe d’égalité de traitement, en ce qu’elle avait refusé de leur accorder une réduction du montant de base de l’amende d’au moins 3 %, équivalant à la réduction qu’elle avait octroyée aux entreprises dont la participation à certains groupes de réunions n’avait pas été établie, et ce, alors même qu’elles avaient divulgué l’existence de quelques-unes de ces réunions. Sur point, le Tribunal retient que la situation des requérantes n’est pas comparable, sur le plan factuel, à celle des autres participants à l’entente (pt. 135), non plus que sur le plan juridique (pt. 140). L’argument des requérantes repose, selon lui, sur une comparaison erronée entre la notion d’immunité partielle d’amende, telle que prévue au § 26, al. 3, de la communication sur la coopération de 2006, et les circonstances atténuantes dont doit tenir compte la Commission, telles que celles énumérées au paragraphe 29 des lignes directrices de 2006 (pt. 134).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.
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JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Approuvant l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché aux relations entre aéroports et compagnies aériennes, le Tribunal de l’Union confirme les décisions de la Commission déclarant les aides octroyées par la République d’Autriche en faveur de Ryanair, TUIfly et d’autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport de Klagenfurt incompatibles avec le marché intérieur et ordonnant leur récupération
Le 29 septembre 2021, le Tribunal de l’Union a rendu deux arrêts dans les affaires d’aides d’État T-447/18 (TUIfly GmbH contre Commission européenne) et T-448/18(Ryanair e.a. contre Commission européenne) concernant les mesures octroyées par l’Autriche à l’aéroport de Klagenfurt, ainsi qu’à Ryanair, TUIfly et aux autres compagnies aériennes qui l’utilisent.
Dans ces affaires, les requérants demandaient au Tribunal d’annuler la décision du 11 novembre 2016, à la faveur de laquelle la Commission avait ordonné, tout en autorisant une aide en faveur de l'aéroport autrichien de Klagenfurt lui-même, la récupération d'aides incompatibles auprès de Ryanair et de Tuifly découlant de plusieurs accords bilatéraux conclus entre le gestionnaire de l’aéroport et chaque compagnie aérienne. À cet égard, la Commission a constaté que ces accords de prestation de services aéroportuaires et de commercialisation conclus entre l'exploitant aéroportuaire et les compagnies aériennes Ryanair, HLX et Tuifly conféraient à ces dernières un avantage qui ne saurait être justifié à la lumière des règles de l'UE en matière d'aides d’État.
En substance, la Commission a considéré qu’au moment où ont été conclus les accords sur la prestation de services aéroportuaires et la commercialisation avec Ryanair, Tuifly et HLX, on ne pouvait s'attendre à ce que les recettes générées soient supérieures aux coûts supplémentaires induits. Appliquant le critère de l’investisseur privé en économie de marché aux relations entre aéroports et compagnies aériennes, la Commission a donc estimé qu'aucun exploitant d'aéroport souhaitant réaliser un profit n'aurait conclu de tels accords non rentables, ceux-ci constituent nécessairement une aide d'État en faveur des compagnies aériennes. En outre, elle a estimé que les accords ne faisaient que réduire les coûts d'exploitation des compagnies aériennes, sans contribuer aux objectifs communs en matière de transport, de sorte qu’ils faussaient la concurrence dans le marché unique en violation des règles de l'UE en matière d'aides d'État. Estimés à quelque 2 millions d'euros pour Ryanair, 1,1 million d'euros pour Tuifly et 9,6 millions d'euros pour HLX, les montants des aides d'État incompatibles avec le marché intérieur devaient dès lors être remboursés à l’Autriche.
À la faveur des deux arrêts rendus ce jour, le Tribunal confirme en tous points le raisonnement suivi par la Commission, notamment en ce qui concerne l’application du critère de l’investisseur privé en économie de marché aux relations entre aéroports et compagnies aériennes.
Ainsi, dans l’affaire T-448/18 (Ryanair e.a. contre Commission européenne), le Tribunal, après avoir établi que les accords de prestation de services aéroportuaires et de commercialisation de 2002 étaient inextricablement liés et que c’est à bon droit que la Commission les avaient examinés comme une transaction unique (pts. 75-79) et confirmé que les mesures en cause étaient imputable à la République d’Autriche (pts. 148-150), s’est attaché à vérifier que la condition de sélectivité était bien remplie au cas d’espèce.
Estimant, à l’instar de la Commission, que les accords litigieux comportaient des aides individuelles, le Tribunal relève, s’agissant tant des accords de 2002 que de ceux de 2006, que l’avantage économique avait été octroyé de manière sélective, puisqu’une seule compagnie aérienne, à savoir Ryanair, en avait profité. En outre, les différents accords avec Ryanair s’écartaient du barème des redevances, mais aussi des accords avec d’autres compagnies aériennes et qu’ils contenaient donc des conditions convenues individuellement (pts. 159-160). Dès lors, le critère de la comparaison du bénéficiaire avec d’autres opérateurs se trouvant dans une situation factuelle et juridique comparable au regard de l’objectif poursuivi par la mesure n’est pas pertinent puisqu’il s’agissait en l’espèce d’apprécier le caractère sélectif d’une mesure ad hoc, qui ne concerne qu’une seule entreprise et qui vise à modifier certaines contraintes concurrentielles qui lui sont spécifiques (pt. 164).
Restait à savoir si la Commission avait pu conclure que les accords litigieux conféraient un avantage aux requérantes. Estimant que la Commission était en droit d’appliquer le critère de l’investisseur privé en économie de marché aux mesures en cause (pt. 184), le Tribunal approuve le recours à la méthode de l’analyse de rentabilité incrémentale, de préférence à celle l’analyse comparative, en ce que la première vise précisément à vérifier si, par la conclusion d’un tel accord, l’autorité publique, agissant comme un opérateur en économie de marché se trouvant, dans la mesure du possible, dans la même situation, a fait bénéficier l’autre partie à l’accord d’un avantage économique que celle-ci n’aurait pas pu obtenir dans des conditions normales de marché (pt. 200). De fait, estime-t-il, le fait que la structure des coûts et de recettes tend à différer sensiblement d’un aéroport à l’autre était une considération qui justifiait de s’écarter de l’analyse comparative (pt. 276), et ce d’autant plus que les preuves fournies par les requérantes ne démontraient pas que les autres aéroports sélectionnés étaient suffisamment comparables à celui de KLU (pt. 278). En outre, l’analyse comparative ne permettait pas de démontrer qu’aucun avantage n’avait été conféré au moyen des accords litigieux (pt. 287).
Confirmant l’horizon temporel retenu par la Commission aux fins de l’analyse de rentabilité incrémentale, lorsqu’elle a considéré qu’un investisseur privé en économie de marché n’aurait pas retenu, au moment de la conclusion des accords de 2006, un durée excédant celle prévue par lesdits accords, le Tribunal retient que la Commission a pu estimer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, qu’un investisseur privé en économie de marché avisé, agissant à la place du gestionnaire de l’aéroport de Klagenfurt, ne compterait pas sur le fait que la relation commerciale avec Ryanair se serait étendue au-delà de l’exploitation des liaisons aériennes visées par les contrats en cause, de sorte qu’un investisseur agissant en qualité de gestionnaire d’aéroport normalement prudent et diligent n’aurait pas établi ses calculs des recettes et des coûts sur la base d’un plus grand nombre de passagers provenant d’une fréquence accrue des liaisons aériennes existantes ou de la mise en place de liaisons supplémentaires par Ryanair (pt. 404). D’autant que les requérantes n’établissent pas que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en fondant l’analyse de rentabilité incrémentale sur l’hypothèse qu’un investisseur privé en économie de marché ne prendrait en considération les accords de commercialisation que pour l’effet positif sur le nombre de passagers utilisant la liaison aérienne assurée par Ryanair et, partant, sur les recettes incrémentales supplémentaires liées au trafic de passagers sur cette liaison, tout en considérant le prix d’achat des services de commercialisation à payer à AMS comme un coût incrémental pour KLU à déduire des recettes incrémentales, et non comme étant compensé par la valeur des services de commercialisation (pt. 372). Ainsi, au moment de la conclusion des accords litigieux, le gestionnaire de l’aéroport pouvait s’attendre à ce qu’ils engendrent des coûts incrémentaux supérieurs aux recettes incrémentales, ce qui vient confirmer l’existence d’un avantage tenant à ce qu’un opérateur en économie de marché se trouvant, dans la mesure du possible, dans la même situation, aurai fait bénéficier les compagnies aériennes d’un avantage économique que celles-ci n’auraient pas pu obtenir dans des conditions normales de marché.
Quant à l’obligation de récupérer l’aide indûment octroyé, le Tribunal estime que la Commission s’est acquittée de son obligation de calculer la valeur des aides dont les requérantes ont bénéficié au titre des accords litigieux, en procédant à une analyse de rentabilité ex ante approfondie pour calculer l’avantage procuré par les aides illégales à leur bénéficiaire (pt. 429), de sorte qu’elle a respecté son obligation d’examen diligent et impartial d’un dossier dans le cadre de l’article 108 TFUE, afin de déterminer, d’une façon aussi précise que les circonstances de l’affaire le permettent, la valeur de l’aide dont l’entreprise a bénéficié (pt. 416).
On verra dans le contexte de la présente affaire un autre arrêt rendu dans l’affaire T‑619/18 (TUIfly GmbH) par le même Tribunal de l’Union à propos de l’accès par le bénéficiaire d’une aides aux documents afférents à la procédure de contrôle des aides d’État en vertu du règlement (CE) n° 1049/2001.
Le Tribunal y confirme la validité du refus d’accès opposé par la Commission à ce bénéficiaire de l’aide au motif que sa divulgation porterait atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête et qu’il n’y avait aucun intérêt public supérieur permettant la divulgation du dossier.
Rappelant l’existence d’une présomption générale selon laquelle la divulgation des documents du dossier administratif de la Commission dans les procédures de contrôle des aides d’État porterait, en principe, atteinte à la protection des objectifs des activités d’enquête (pt. 42), le Tribunal confirme que les intéressés, à l’exception de l’État membre responsable de l’octroi de l’aide, ne disposent pas, dans le cadre de la procédure de contrôle des aides d’État, du droit de consulter les documents du dossier administratif de la Commission, au regard de l’exception prévue à l’article 4, § 2, troisième tiret, du règlement n° 1049/2001. En effet, si ces intéressés étaient en mesure d’obtenir l’accès, sur le fondement du règlement n° 1049/2001, aux documents du dossier administratif de la Commission, le régime de contrôle des aides d’État serait mis en cause (pt. 45). La divulgation des documents concernés est susceptible de porter atteinte à la protection des activités d’enquête relatives à une procédure d’application de l’article 108 TFUE, même close, lorsqu’un recours juridictionnel dirigé contre la décision au fond est pendant, ce qui est le cas en l’espèce (pts. 50-52). Par ailleurs, le Tribunal estime que la Commission a, à juste titre, considéré qu’il n’y avait aucun motif justifiant de l’existence d’un intérêt public supérieur au sens de l’article 4, § 2, du règlement n° 1049/2001.
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INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission propose la suppression progressive de l’aide accordée sur le fondement de l'encadrement temporaire des aides d’État
Le 30 octobre 2021, la Commission a indiqué qu’elle avait lancé une consultation des États membres en vue d’une prolongation limitée des mesures existantes au titre de l'encadrement temporaire des aides d’État.
Il s’agit surtout de préparer la suppression progressive coordonnée de l’aide accordée, sur le fondement de l'encadrement temporaire des aides d’État adopté le 19 mars 2020, pour lutter contre les effets sur l’économie de la crise sanitaire du Covid-19.
Estimant que l’essentiel de la crise sanitaire est à présent derrière nous et que les perspectives de croissance plaident pour une évolution favorable de la situation économique, la Commission envisage désormais la suppression progressive des mesures de soutien en situation de crise.
Toutefois, afin que les entreprises encore touchées par la crise ne soient pas soudainement privées du soutien nécessaire, la Commission propose aux États membres que la suppression envisagée des mesures d’aides soit progressive et coordonnée. En pratique, l'encadrement temporaire des aides d’État serait prolongée jusqu’au 30 juin 2022.
Par ailleurs, la Commission propose d'étendre le champ d'application de l'encadrement temporaire afin de soutenir et d'accélérer la reprise économique en cours, en permettant aux États membres d'accorder, pour une période limitée allant au-delà du 30 juin 2022, d’une part des mesures de soutien à l'investissement en vue d'une reprise durable, afin d'aider les États membres à combler le retard d'investissement engendré par la crise. Il s’agit d’autre part de mesures de soutien à la solvabilité visant à attirer des fonds et des investissements privés dans les entreprises, en particulier les PME, en leur permettant d'accéder au financement sur fonds propres, en passant par des intermédiaires privés, qu'il leur est souvent difficile d'attirer individuellement.
Les États membres doivent à présent se prononcer sur les propositions de la Commission.
À suivre…
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INFOS TEST DE MARCHÉ : La Commission veut savoir si les opérateurs de télécommunication présents en République tchèque seront incités à investir unilatéralement dans des infrastructures de réseau et, partant, à affronter la concurrence sur les marchés de détail et de gros
Le 1er octobre 2021 est paru au JOUE n° C 398 une communication à la faveur de laquelle la Commission sollicite l’avis des acteurs du marché sur la proposition d’engagements formulée par T-Mobile CZ, CETIN, O2 CZ et leurs sociétés mères respectives, Deutsche Telekom et le groupe financier tchèque PPF, pour répondre aux préoccupations en matière de concurrence liées aux accords de partage de réseau (APR) entre T-Mobile CZ, O2 CZ et CETIN, ainsi qu'à l'accord sur les services de réseau mobile (ASRM) entre O2 CZ et CETIN.
En 2019, la Commission a exposé dans des communications des griefs ses préoccupations préliminaires de concurrence. Elle faisait valoir que ces accords de réseau étaient susceptibles de réduire la capacité et l'incitation de T-Mobile CZ, CETIN et O2 CZ à investir unilatéralement dans des infrastructures de réseau tchèque et peuvaient donc nuire à la capacité et à l'incitation de T-Mobile CZ et d'O2 CZ à se livrer concurrence sur les marchés de détail et de gros des services de télécommunications mobiles en Tchéquie.
Quoique les parties en cause contestent l’évaluation préliminaire de la Commission, elles ont néanmoins proposé, en application de l’article 9 du règlement (CE) n° 1/2003, des engagements visant à répondre aux préoccupations de la Commission. T-Mobile CZ, CETIN et O2 CZ, ainsi que leurs sociétés mères respectives, propose : i) de moderniser le réseau mobile ; ii) de réviser les conditions financières relatives aux déploiements unilatéraux, afin d'établir des prix fondés sur les coûts pour tout investissement ou service fourni par l'opérateur responsable du réseau partagé dans cette partie du pays pour le compte de l'autre opérateur ; iii) de limiter les échanges d'informations à ce qui est absolument nécessaire pour le fonctionnement du réseau partagé ; iv) mettre en œuvre des mesures empêchant la transmission d'informations entre T-Mobile CZ et O2 CZ.
Les parties intéressées ont un mois pour présenter leurs observations sur les engagements proposés.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.
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Bonjour,
Le cabinet McDermott Will & Emery, en partenariat avec la Revue Concurrences, a le plaisir de vous inviter au prochain wébinaire « Droit et économie de la concurrence » dédié aux aides d'État et fiscalité.
Julia Rapp, Chef d'unité adjoint (Aides d'État) à la DG COMP, interviendra à cette occasion.
Ce webinaire aura lieu le lundi 11 octobre de 15h30 à 17h via Zoom. Les interventions se dérouleront en anglais.
Les inscriptions, gratuites et ouvertes à tous, se font sur le site dédié.
Bien cordialement,
Hendrik Viaene
Avocat associé, McDermott Will & Emery, Paris/Bruxelles
Romain Desmonts
Counsel, McDermott Will & Emery, Paris
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