Copy
L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
Voir cet e-mail dans votre navigateur
Hebdo n° 17/2021
3 mai 2021
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Précisant les conditions à remplir pour constater l’existence d’une continuité économique justifiant l’extension, au cessionnaire, de l’obligation de récupération de l’aide versée au cédant, la Cour de justice de l’Union confirme que l’autorisation donnée par l’État slovaque à une entreprise en faillite, qualifiée de société stratégique, de poursuivre son exploitation, constitue une aide d’État

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme l’analyse du Tribunal dans l’affaire du terminal GNL destiné à garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Lituanie

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Invitant la Cour à préciser la portée de la notion de « partie intéressée », l’avocat général Pitruzzella estime que l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire de la vente des actifs du circuit automobile du Nürburgring est entaché d’un défaut de motivation sous différents aspects

INFOS : L’Autorité rend publiques les conclusions de son enquête sectorielle Fintech

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : L’Autorité rend publique la décision autorisant le groupe Beaumanoir à prendre de contrôle exclusif de 366 magasins exploités sous enseigne La Halle, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire (+ 24 décisions dont 23 simplifiées)

EN BREF : Publication par le Conseil constitutionnel de son « commentaire » de la décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021 prononçant la non-conformité totale du second alinéa du paragraphe V de l'article L. 464-2 du code de commerce qui permet à l’Autorité de la concurrence de sanctionner les pratiques d’obstruction


EN BREF : En raison de la crise sanitaire, l’Autorité modère ses ardeurs sur la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires

INFOS : Bertrand Rohmer succède à Mathias Pigeat au poste de directeur de cabinet de la présidente de l’Autorité de la concurrence

ANNONCE WEBINAIRES : « Le droit de la concurrence, vingt ans après la NRE », — 19 et 25 mai 2021, 18h [message de Muriel Chagny]

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Précisant les conditions à remplir pour constater l’existence d’une continuité économique justifiant l’extension, au cessionnaire, de l’obligation de récupération de l’aide versée au cédant, la Cour de justice de l’Union confirme que l’autorisation donnée par l’État slovaque à une entreprise en faillite, qualifiée de société stratégique, de poursuivre son exploitation, constitue une aide d’État

 

Le 29 avril 2021, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-890/19 (Fortischem a.s. contre Commission européenne).

La Cour y rejette le pourvoi introduit par l’opérateur auquel a été cédé l’essentiel des actifs d’une entreprise en faillite ayant obtenu l’autorisation par l’État slovaque, en application de la loi sur les sociétés stratégiques, de poursuivre l’exploitation de la fabrication de produits chimiques.

Dans cette affaire, la Commission avait considéré, aux termes d’une décision du 15 octobre 2014, que l’attribution du statut de société stratégique à l’entreprise en difficulté constituait un avantage sélectif au profit de celle-ci, était imputable à l’État, avait conduit à l’utilisation de ressources d’État et avait faussé la concurrence sur un marché ouvert aux échanges entre les États membres. Elle en avait conclu que cette mesure constituait une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE et que cette aide était illégale et incompatible avec le marché intérieur. Après avoir estimé le montant de l’aide d’État à 4 783 424,10 euros, elle en avait exigé la récupération notamment auprès de la requérante, liée à la principale bénéficiaire dans le cadre d’une continuité économique. En revanche, la Commission avait considéré que la poursuite de l’exploitation, en elle-même, ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, § 1, TFUE.

Par arrêt du 24 septembre 2019 rendu dans l'affaire T-121/15 (Fortischem a.s. contre Commission européenne), le Tribunal de l’Union avait rejeté le recours introduit par la réquérante contre la décision de la Commission.

Aux termes du présent arrêt, la Cour de justice de l’Union confirme en premier lieu, en réponse au sixième moyen, que l’interdiction des licenciements collectifs dont a pu bénéficier l’entreprise en faillite constituait un avantage pour celle-ci. Rappelant que la qualification de NCHZ de « société stratégique », au sens de la loi sur les sociétés stratégiques, a conduit, d’une part, à la poursuite de l’activité de cette entreprise, indépendamment de toute prise en considération de sa situation économique et de sa capacité d’honorer ses dettes, notamment publiques, ainsi que, d’autre part, au maintien de son personnel, du fait de l’entrave aux licenciements collectifs, ce qui a permis à ladite entreprise de poursuivre son activité avec la certitude donnée à ses clients et à ses fournisseurs que son activité serait maintenue jusqu’à la fin de l’année 2010, et que, dans des circonstances qui correspondent aux conditions normales du marché, NCHZ n’aurait pas pu obtenir le même avantage que celui qui a été mis à sa disposition, et ce au moyen de ressources d’État (pts. 34-35), la Cour considère que le Tribunal a pu, sans commettre d’erreur de droit, rejeter l’argument de la requérante selon lequel l’interdiction des licenciements collectifs ne constituait pas un avantage économique pour NCHZ (pt. 44). De fait, estime-t-elle, si, pour une entreprise qui n’est pas en situation de cessation de paiements, le fait de ne pas pouvoir licencier une partie de son personnel pour réduire les coûts d’exploitation constitue un désavantage, il en va différemment d’une entreprise qui a été déclarée en faillite, telle que NCHZ (pt. 42).

Pour le reste, la Cour confirme en tous points (ou presque…) l’analyse du Tribunal concluant à l’existence d’une continuité économique entre NCHZ, l’entreprise en faillite et la requérante, de telle sorte que l’ordre de récupération de l’aide devait être étendu à cette dernière. Il est vrai que l’ensemble des actifs de NCHZ a été vendu à Via Chem, dans le cadre d’une procédure d’appel d’offres menée par l’administrateur de faillite, sous le contrôle du tribunal de la faillite et que, dès le lendemain de la finalisation de cette vente, Via Chem a vendu à la requérante la division chimique de NCHZ, à l’exception des biens immobiliers, lesquels ont été mis à la disposition de la requérante en vertu d’un contrat de location.

Pour parvenir à cette conclusion, la Cour de justice de l’Union a d’abord retenu, en réponse au troisième moyen, qu’il n’existait aucune présomption d’application générale selon laquelle, si des actifs ont été vendus dans le cadre d’une procédure de faillite menée par un administrateur de faillite personnellement responsable, agissant sous le contrôle d’un tribunal de la faillite et dans le seul intérêt des créanciers, il devrait être considéré que ces actifs ont été vendus au prix du marché (pts. 64-65). Elle rappelle ensuite, en réponse au deuxième moyen, que le prix du transfert n’est qu’un des éléments à prendre en considération pour apprécier l’existence d’une continuité économique, des sorte que la Commission n’est pas tenu de prouver l’absence d’un prix de vente au prix du marché afin de conclure à une continuité économique (pts. 78-79). Elle indique par ailleurs, en réponse au quatrième moyen, que le critère de la « logique économique de l’opération » est l’un des critères utilisés pour apprécier l’existence d’une continuité économique entre les sociétés parties à un transfert d’actifs, laquelle pourrait justifier la récupération d’une aide illégale auprès de la société qui a acquis les actifs du bénéficiaire de cette aide et poursuit l’activité économique de celui–ci (pt. 86) ; que ce critère ne vise pas exclusivement l’identification des tentatives de contournement de la récupération de l’aide en cause (pt. 87) et que, partant, c’est sans méconnaître le sens dudit critère ni commettre d’erreur de droit que le Tribunal a pu considérer que le fait que la requérante utilisait les actifs qu’elle avait acquis de la même façon que NCHZ, sans changement de stratégie commerciale, mène à la conclusion selon laquelle la logique économique de l’opération d’achat par la requérante était, pour celle-ci, la poursuite des activités précédemment conduites par NCHZ, ce qui constituait l’indice d’une continuité économique entre cette dernière et la requérante (pt. 88). De la même façon, le Tribunal était en droit de considérer que l’ampleur de l’opération d’acquisition des actifs de NCHZ par la requérante, au sens de l’objet du transfert, militait en faveur de l’existence d’une continuité économique entre NCHZ et celle-ci (pt. 90). En effet, il s’agissait d’un transfert complet de NCHZ à la requérante ce qui plaide en faveur de l’existence d’une continuité économique entre ces deux entreprises (pt. 91).

Enfin, la Cour écarte le cinquième moyen, tiré d’une erreur de droit, en ce que le Tribunal aurait considéré, sur la seule base des critères de l’ampleur et de la logique économique de l’opération, que la Commission pouvait conclure à l’existence d’une continuité économique. À cet égard, la Cour relève d’abord que la Commission ne s’est pas limitée, dans la décision litigieuse, à examiner les seuls critères de l’ampleur et de la logique économique de l’opération de transfert des actifs de NCHZ à la requérante, mais a aussi analysé d’autres critères, à savoir le prix de vente, l’éventuelle intention d’échapper à la décision de récupération, les éventuels liens entre le propriétaire initial et le nouveau ainsi que le moment de la vente (pt. 96) ; que le Tribunal, qui a confirmé l’appréciation de la Commission selon laquelle, en substance, aucun des critères analysés ne permettait d’exclure définitivement l’existence d’une continuité économique entre NCHZ et la requérante (pt. 98), a pu, sans commettre d’erreur de droit, juger que la Commission était en droit de constater, dans le cadre d’une appréciation globale, l’existence d’une continuité économique entre NCHZ et la requérante, laquelle justifiait l’extension, à cette dernière, de l’obligation de récupération de l’aide versée à la première et visée par la décision litigieuse (pt. 99). En effet, l’extension de l’obligation de récupération d’aides illégales dépend de la question de savoir si la société qui poursuit les activités du bénéficiaire de ces aides conserve la jouissance effective de celles–ci, ce qui est le cas s’il existe une continuité économique entre ce bénéficiaire et ladite société. Le critère de la logique économique de l’opération est expressément visé par cette jurisprudence, alors que le critère de l’ampleur de l’opération correspond à celui de l’objet du transfert. Or, comme l’a, en substance, jugé le Tribunal, ces deux critères plaidaient clairement en faveur d’une continuité économique entre NCHZ et la requérante (pt. 100).

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : La Cour de justice de l’Union confirme l’analyse du Tribunal dans l’affaire du terminal GNL destiné à garantir la sécurité de l’approvisionnement énergétique de la Lituanie

 

Le 29 avril 2021, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-847/19 (Achemos Grupė UAB e.a. contre Commission européenne).

Aux termes de cet arrêt, la Cour confirme en tous points l’arrêt rendu le 12 septembre 2019 par le Tribunal de l’Union européenne dans l’affaire T‑417/16 (Achemos Grupė UAB e.a.) concernant un recours introduit par le plus gros consommateur de gaz naturel en Lituanie contre la décision du 20 novembre 2013 au terme de laquelle la Commission avait déclaré compatibles avec le marché intérieur et conformes à l’encadrement SIEG les trois mesures d’aides mises en place par la République de Lituanie pour le financement du terminal méthanier, à savoir, d’une part, les mesures d’aide à l’investissement — garantie d’État et supplément GNL —, dans la mesure où elles couvraient les coûts d’investissement, et, d’autre part, les mesures d’aide au fonctionnement — obligation d’achat et supplément GNL —, dans la mesure où elles couvraient les coûts d’exploitation fixes du terminal GNL.

Les requérantes soulevaient trois moyens à l’appui de leur recours.

Par leur premier moyen, tiré d’une violation des règles de procédure figurant dans l’article 108, § 2, TFUE et l’article 4, § 4, du règlement (CE) n° 659/1999 ainsi que des règles de bonne administration, les requérantes reprochaient au Tribunal d’avoir jugé que la Commission pouvait se fonder, dans la décision attaquée, uniquement sur des informations fournies par les autorités lituaniennes, sans entreprendre les démarches requises pour acquérir une vue complète et impartiale du marché pertinent en Lituanie.

Sur ce point, la Cour estime qu’il n’incombe pas à la Commission, de sa propre initiative et à défaut de tout indice en ce sens, de procéder à des recherches de toutes les informations se trouvant dans le domaine public qui pourraient présenter un lien avec l’affaire dont elle est saisie (pt. 50). Dès lors, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé que la Commission pouvait valablement considérer disposer, lors de l’adoption de la décision litigieuse, des éléments les plus complets et fiables possibles (pt. 53).

Par leur troisième moyen, les requérantes invoquaient, en substance, une violation de l’obligation de motivation. Plus précisément, elles reprochaient au Tribunal de ne pas avoir exposé de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles le projet de terminal GNL faisant l’objet des mesures d’aide en cause pouvait être soustrait à l’application de l’article 14 de la directive 2004/18 et sa réalisation pouvait être confiée directement à Klaipėdos Nafta, sans mise en concurrence préalable. Sur quoi la Cour estime que la motivation de l’arrêt attaqué fait apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (pt. 66). À cet égard, elle relève que le Tribunal a considéré que, si certaines des solutions alternatives proposées par les requérantes étaient de nature à assurer qu’un soumissionnaire, choisi dans le cadre d’une procédure de marché public de services conforme à la directive 2004/18 pour gérer le terminal GNL, serait à l’abri de l’influence actuelle du fournisseur unique de gaz sur le marché en Lituanie, aucune de ces solutions ne permettait d’exclure le risque que ce gestionnaire tombe, dans un futur plus ou moins proche, sous l’influence de ce fournisseur (pt. 64). Le Tribunal a pu, dès lors, estimé, en tenant compte de la marge d’appréciation laissée aux États membres en vertu l’article 14 de la directive 2004/18 pour décider des mesures jugées nécessaires à la protection des intérêts essentiels de leur sécurité, qu’aucune des mesures alternatives proposées par les requérantes n’aurait permis à l’État lituanien de se protéger de manière efficace contre un tel risque (pt. 65).

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Invitant la Cour à préciser la portée de la notion de « partie intéressée », l’avocat général Pitruzzella estime que l’arrêt rendu par le Tribunal dans l’affaire de la vente des actifs du circuit automobile du Nürburgring est entaché d’un défaut de motivation sous différents aspects

 

Le 29 avril 2021, l’avocat général Giovanni Pitruzzella a présenté ses conclusions dans l'affaire C-647/19 (Ja zum Nürburgring eV contre Commission européenne) et dans l’affaire C-665/19 (NeXovation Inc. contre Commission européenne) concernant la cession en 2013 du complexe du Nürburgring à une entreprise de Rhénanie-Palatinat.

Malgré les mesures de soutien pour la construction d’un parc de loisirs, d’hôtels et de restaurants et l’organisation de courses de Formule 1 versées par le Land de Rhénanie-Palatinat entre 2002 et 2012, les entreprises publiques propriétaires du Nürburgring ont connu des difficultés qui a conduit le tribunal de district de Bad Neuenahr-Ahrweiler à prononcer leur faillite et à procéder à la cession de leurs actifs. Pour ce faire, une procédure d’appel d’offres a été lancée le 15 mai 2013. À l’issue de cette procédure, les actifs ont été cédés à un soumissionnaire local, Capricorn Nürburgring Besitzgesellschaft GmbH (Capricorn).

Dans un premier temps, une association allemande de sport automobile ayant pour objet le rétablissement et la promotion d’un circuit de course automobile au Nürburgring, qui avait manifesté son intérêt pour la reprise des actifs au début du processus d’appel d’offres, a déposé deux plaintes auprès de la Commission, la première portant sur des aides versées entre 2002 et 2012 par l’Allemagne en faveur du circuit du Nürburgring et la seconde soutenant que la procédure d’appel d’offres qui a conduit à la cession des actifs à Capricorn n’avait été ni transparente ni non discriminatoire.

Dans un second temps, une société américaine, soumissionnaire évincé de l’appel d’offres, a déposé une plainte auprès de la Commission, au motif que la procédure d’appel d’offres n’avait été ni ouverte, ni transparente, ni non discriminatoire ni inconditionnelle et n’avait pas abouti à la vente des actifs du Nürburgring à un prix de marché, dans la mesure où ils avaient été cédés à un soumissionnaire dont l’offre était inférieure à la sienne et qui avait été favorisé dans le cadre de la procédure d’appel d’offres.

Le 1er octobre 2014, la Commission a adopté une décision relative à l’aide d’État mise à exécution par l’Allemagne en faveur du Nürburgring, aux termes de laquelle elle a constaté l’illégalité et l’incompatibilité avec le marché intérieur de certaines des mesures de soutien en faveur des vendeurs. Elle a considéré toutefois que le cessionnaire des actifs n’assurait pas la continuité économique des vendeurs et, partant, n’étaient pas concernées par une éventuelle récupération des aides auprès des vendeurs. Selon la Commission, la vente des actifs du Nürburgring à Capricorn ne constituait pas une aide d’État, dès lors que la procédure d’appel d’offres avait été menée de manière ouverte, transparente et non discriminatoire, que cette procédure avait abouti à un prix de vente conforme au marché et qu’il n’y avait pas de continuité économique entre les vendeurs et l’acquéreur.

L’association allemande et le soumissionnaire évincée ont alors introduit chacun de leur côté un recours devant le Tribunal de l’Union européenne en annulation de la décision de la Commission.

Par deux arrêts rendus le 19 juin 2019, respectivement dans les affaires T-353/15, (NeXovation Inc. contre Commission européenne) et T-373/15 (Ja zum Nürburgring eV contre Commission européenne), le Tribunal de l’Union européenne n’a décelé aucun indice d’aide d’État lors de la vente des actifs du circuit automobile du Nürburgring de nature à justifier l’ouverture de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, § 2, TFUE et, partant, a rejeté les deux recours comme étant, pour partie, irrecevables et, pour le reste, non fondés.

La présente affaire soulève des questions concernant la portée de la notion de « partie intéressée », au sens de l’article 1, sous h), du règlement n° 659/1999, ainsi que la portée de l’obligation de motivation des arrêts incombant au Tribunal.

S’agissant en premier lieu de la portée de la notion de « partie intéressée », l’avocat général Pitruzzella rappelle dans l’affaire C-647/19 (Ja zum Nürburgring eV contre Commission européenne) que la notion de « parties intéressées » est définie comme « les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l’octroi d’une aide, c’est‑à‑dire notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles » (pt. 29). Selon lui, une telle définition n’exclut pas qu’une entreprise qui n’est pas concurrent direct du bénéficiaire de l’aide puisse être qualifiée de partie intéressée, pour autant qu’elle fasse valoir que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide. Si une entreprise concurrente du bénéficiaire d’une mesure d’aide figure incontestablement parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, § 2, TFUE, l’organisme qui n’est pas concurrent du bénéficiaire de l’aide peut être qualifié de « partie intéressée », pour autant qu’il ait démontré que ses intérêts pourraient être affectés par l’octroi de l’aide, ce qui, selon la jurisprudence, exige qu’il démontre que l’aide risque d’avoir une incidence concrète sur sa situation. Dès lors, la qualité de « partie intéressée », ne suppose pas nécessairement l’existence d’une relation de concurrence qui serait faussée par les mesures d’aide, de sorte qu’il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en ayant qualifié la requérante de partie intéressée, alors qu’il avait précédemment constaté que la requérante n’était en aucune façon active sur les marchés visés par les mesures en cause (pts. 30-31). En revanche, il estime que le simple fait qu’une personne dispose d’informations qui pourraient être pertinentes dans le cadre d’une procédure formelle d’examen n’est pas suffisant pour qualifier cette personne de « partie intéressée » (pt. 33). Une interprétation de la notion de « partie intéressée » aussi large n’est pas compatible, en effet, avec le fait que la reconnaissance de cette qualité dépend d’une possible atteinte aux intérêts de la personne en question découlant de l’octroi des aides, et suppose des répercussions concrètes sur sa situation (pt. 34).

L’avocat général Pitruzzella relève toutefois que la requérante est une association qui défend depuis plus de 40 ans les intérêts de l’ensemble du sport automobile allemand, spécifiquement dans le cadre du circuit du Nürburgring et que son objectif fondamental est de garantir la gestion de ce circuit dans des conditions économiques tournées vers l’intérêt général de manière à assurer l’accès audit circuit également aux sportifs. À cet effet, elle a, entre autres, développé un concept d’utilisation du circuit basé sur l’intérêt général et elle a entretenu des contacts et a négocié avec les autorités fédérales et du Land de Rhénanie-Palatinat compétentes, ainsi qu’avec d’autres personnes concernées. La requérante avait également soutenu que la Capricorn, acquéreur des actifs du Nürburgring, poursuivait, au contraire, un concept opposé tendant à la maximisation des profits, totalement incompatible avec les objectifs propres de la requérante. Dès lors, il estime que l’octroi allégué d’une aide à la Capricorn dans le cadre de l’acquisition des actifs du Nürburgring est propre à porter atteinte aux intérêts de la requérante, dont le but et l’existence sont spécifiquement liés au circuit du Nürburgring, ainsi qu’à ceux de ses membres, pour lesquels l’octroi de l’aide prétendument illicite risque d’avoir des répercussions concrètes (pts. 36-37).

S’agissant en second lieu de la portée de l’obligation de motivation incombant au Tribunal, l’avocat général Pitruzzella constate dans l’affaire C-647/19 (Ja zum Nürburgring eV contre Commission européenne) un défaut de motivation concernant la question de savoir si la vente des actifs du Nürburgring à la Capricorn constituait ou non une aide d’État nouvelle. Sur ce point, l’avocat général estime que le Tribunal n’a pas répondu aux arguments de la requérante, mais s’est borné à renvoyer au raisonnement précédemment énoncé selon lequel il n’y avait pas lieu de considérer que la Commission aurait dû avoir des doutes quant au caractère transparent et non discriminatoire de la procédure d’appel d’offres » dès lors que l’examen effectué par la Commission ayant mené à l’adoption de la seconde décision attaquée était de nature à écarter la présence de doutes quant à l’existence d’un avantage conféré à l’acquéreur dans le cadre du contrat de bail portant sur les actifs du Nürburgring ou des autres modalités de paiement du prix de vente desdits actifs ». Selon lui, il est douteux qu’une motivation de ce genre, fondée sur un simple renvoi aussi générique à d’autres parties de l’arrêt, sans la moindre explication supplémentaire, soit, à tout le moins dans le présent cas, compatible avec l’obligation qui incombe au Tribunal en vertu de la jurisprudence. Une telle motivation, en effet, ne permet pas de comprendre, fût-ce implicitement, le raisonnement suivi par le Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (pts. 114-115). Il invite donc la Cour à accueillir la cinquième branche du quatrième moyen du pourvoi (pt. 117).

Dans l’affaire C-665/19 (NeXovation Inc. contre Commission européenne) concernant le soumissionnaire évincée l’avocat général Pitruzzella parvient également à la conclusion que le Tribunal n’a pas correctement motivé ses réponses aux arguments avancés par la requérante  (pt. 53). Il en va ainsi arguments soulevés dans son recours portant sur les délais pour la soumission des offres. À cet égard, la requérante avait fait valoir en droit que l’approche suivie dans le cadre de la procédure d’appel d’offres en ce qui concerne les délais n’était pas conforme aux exigences de transparence et qu’aucun investisseur privé n’aurait suivi une telle approche. En l’espèce, aucun véritable délai pour soumissionner à l’appel d’offres n’avait pas été fixé, de sorte que les vendeurs étaient habilités à sélectionner les soumissionnaires qualifiés peu de temps après la date indiquée à titre de délai et qu’il n’était pas interdit aux soumissionnaires remplissant les conditions requises de modifier leur offre ou de fournir leur preuve de financement, même après l’expiration de ce délai. Or, selon l’avocat général, le Tribunal n’a pas pris soin de répondre à cet argument juridique. Et aucune réponse à cet argument ne ressort non plus implicitement du raisonnement du Tribunal. À cet égard, estime-t-il, le Tribunal ne pouvait se contenter de constater en fait que tous les soumissionnaires avaient connaissance de la possibilité de déposer une offre même après l’expiration du délai prorogé (pt. 52).

L’avocat général Pitruzzella estime que l’arrêt attaqué est aussi entaché d’un défaut de motivation, dans la mesure où le Tribunal n’a pris en considération ni explicitement ni implicitement plusieurs arguments avancés par la requérante à l’appui du grief tiré du caractère prétendument non transparent de la procédure d’appel d’offres et où la motivation de l’arrêt attaqué ne permet pas aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas accueilli ce grief et ne permet pas non plus à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (pt. 62). Il dresse le même constat à propos de la réponse du Tribunal à l’argument avancé par la requérante à l’appui du grief tiré du caractère prétendument discriminatoire de ladite procédure (pts. 66-67).

L’avocat général Pitruzzella en conclut que l’arrêt attaqué est entaché d’un défaut de motivation sous différents aspects et invite en conséquence, la Cour à accueillir les deuxième, troisième et quatrième branches du deuxième moyen du pourvoi.

INFOS : L’Autorité rend publiques les conclusions de son enquête sectorielle Fintech

 

Le 29 avril 2021, l’Autorité de la concurrence a rendu publiques, à la faveur d’un avis n° 21-A-05, les conclusions de son enquête sectorielle Fintech.

L’Autorité s’est saisie d’office pour avis, le 13 janvier 2020, pour évaluer la situation concurrentielle dans le secteur des nouvelles technologies appliquées aux activités financières et, plus particulièrement, aux activités de paiement.

Le constat

Au terme de son enquête, l’Autorité dresse le constat que l’innovation technologique et les changements apportés à la réglementation ont permis l’arrivée, dans le secteur des paiements, de nouveaux acteurs. D’abord, les FinTech, qui regroupent une myriade d’entités aux profils et modèles économiques très variés : il peut s’agir de petites entreprises innovantes de type « start-up », sans activité préexistante, et connaissant pour certaines un essor européen, voire international, comme N26 par exemple, mais aussi d’acteurs bien établis, issus d’autres secteurs d’activités et disposant d’une base de clientèle déjà constituée, comme Orange ou Carrefour. Ensuite les BigTech, tant les GAFAM, en Europe ou aux États-Unis, que leur équivalents asiatiques, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi). Les uns et les autres ont développé, aux côtés des acteurs bancaires traditionnels, des modes de paiement novateurs pour les consommateurs, et des nouveaux services diversifiés (gestion de compte, aide au paiement de la TVA pour les PME, etc). Le Présent avis fait également le constat que les acteurs bancaires traditionnels recourent à différentes stratégies pour rester en prise avec les segments les plus innovants du marché : prise de contrôle via des acquisitions, prises de participation, développement en interne.

L’un des principaux phénomènes mis en lumière par l’Autorité dans son enquête est l’arrivée des grandes plateformes BigTech dans le secteur des paiements, avec le développement des services de paiement utilisant le nom de l’entreprise (Apple Pay, Google Pay, Amazon Pay notamment), dont le paiement sans contact par carte bancaire, par téléphone mobile et par montre connectée et sans doute demain le paiement par reconnaissance faciale, dans un contexte caractérisé par la consolidation du paiement à distance sur internet. Ces différentes évolutions reposent sur deux technologies récentes : le cloud computing et la blockchain, qui, bien que ne lui étant pas spécifiques, sont susceptibles de modifier en profondeur et durablement son fonctionnement.

Ce développement semble particulièrement significatif, car les acteurs de type plateforme disposent d’avantages considérables à faire valoir : ils contrôlent des écosystèmes s’appuyant sur de vastes communautés d’utilisateurs, ont accès à de vastes ensembles de données et ont la capacité technique de les mettre à profit. En outre, en s’appuyant, pour la réalisation du paiement, sur les acteurs bancaires traditionnels et les groupements de cartes bancaires, les grandes plateformes ont la capacité de retirer des bénéfices significatifs, sans être pour autant soumises aux contraintes réglementaires qui pèsent sur les acteurs bancaires.

À la suite de ce constat, l’Autorité analyse l’impact de ces évolutions sur l’équilibre concurrentiel du secteur des paiements, en se concentrant sur l’examen du rapport concurrentiel des produits et services concernés (substituabilité ou complémentarité) et sur l’identification des barrières à l’entrée et à l’expansion ainsi que des avantages concurrentiels détenus par les différentes catégories d’acteurs présents dans le secteur. De fait, les évolutions décrites dans l’enquête sectorielle ont la capacité de bouleverser les équilibres concurrentiels jusqu’alors en place.

Observant que certains marchés du secteur des paiements sont de nature biface, l’Autorité souligne notamment l’existence de risques concurrentiels liés au renforcement du pouvoir de marché des grandes plateformes numériques ou au verrouillage des consommateurs dans un écosystème ainsi que le risque de marginalisation, à terme, des acteurs bancaires traditionnels.

S’agissant, ensuite, des barrières à l’entrée et à l’expansion, l’Autorité constate la présence, en plus des barrières d’origine réglementaire et économique de celles liées à l’accès à certaines infrastructures et données, à l’instar de  l’ouverture ou la fermeture de l’accès effectif à l’antenne NFC (near field communication) des smartphones qui a une véritable incidence sur la capacité des acteurs ayant développé des solutions de paiement mobile sans contact reposant sur la technologie NFC, la plus largement utilisée en France, à pouvoir proposer leurs services sur les appareils équipés d’une telle antenne.

Si les banques disposent de plusieurs avantages concurrentiels, liés à leur position historique et à l’expérience acquise depuis plusieurs décennies dans la conception et la gestion opérationnelle des solutions de paiement, les FinTech, y compris les néobanques, supportent des coûts fixes moins élevés, ce qui constitue un avantage concurrentiel et peuvent ainsi faire preuve d’agilité. Quant aux grands acteurs du numérique, ils disposent d’avantages concurrentiels considérables, tenant d’abord à une très large communauté d’utilisateurs, mais aussi à l’accès qu’ils ont à d’importants volumes de données concernant les utilisateurs de leurs services non financiers, sans parler de leur puissance financière considérable

Les points de vigilance

En premier lieu, l’Autorité a identifié certains risques concurrentiels liés, d’une part, à certains avantages concurrentiels détenus par les BigTech et à ceux détenus par les banques et, d’autre part, à l’utilisation de la technologie blockchain.

Les données récoltées par les BigTech dans le cadre de leurs activités de cœur de métier pourraient leur procurer un avantage non négligeable dans le secteur des paiements et, réciproquement, les données collectées via les services de paiement qu’elles proposent pourraient leur permettre de renforcer l’attractivité de leur plateforme respective. Par ailleurs, au-delà des éventuelles barrières pouvant découler des modalités d’accès effectives aux antennes NFC des smartphones, certaines pratiques relatives aux solutions de paiement sans contact mobile, dont la préinstallation dans certains téléphones de solutions ou la mise en place de raccourcis ergonomiques facilitant l’accès à une solution donnée, pourraient présenter des risques pour la concurrence, par exemple si elles conduisaient au verrouillage des consommateurs dans un écosystème donné ou pouvaient être regardées, plus généralement, comme des abus de position dominante. Suivez mon regard…

Dans le cadre de la mise en œuvre des obligations découlant de la DSP2 et du règlement délégué 2018/389 de la Commission européenne5, il ressort de l’instruction qu’il convient d’être vigilant sur le comportement des PSPGC, lié à la détention des données des comptes de paiement accessibles en ligne et, surtout, aux conditions de leur mise à disposition, et de veiller notamment à ce qu’il n’entrave le développement des activités exercées par les prestataires de services d’initiation de paiement et d’information sur les comptes.

S’agissant des risques concurrentiels susceptibles de découler de l’utilisation de la technologie blockchain, non spécifiques au secteur des paiements mais susceptibles de s’y matérialiser, ceux-ci peuvent relever aussi bien des règles prohibant les ententes anticoncurrentielles que de celles interdisant les abus de position dominante et être le fait du (ou des) acteur(s) contrôlant l’accès à la chaîne de blocs, des utilisateurs de la chaîne de blocs ou encore des « mineurs ».

En second lieu, l’Autorité craint la remise en cause du modèle de la banque universelle, qui permet d’assurer certains services, comme le dépôt et l’encaissement des chèques et espèces, jugés « non-rentables » si offerts isolément.

Pour conclure, s’il apparaît improbable aujourd’hui d’envisager un scénario dans lequel les FinTech s’émanciperaient entièrement du système bancaire en créant leurs propres infrastructures, il apparaît que, sans disposer de l’expérience des banques dans le secteur des paiements, les BigTech maîtrisent, voire contrôlent, certaines technologies innovantes pouvant, à l’avenir, jouer un rôle déterminant dans la chaîne de services. Leur présence dans le secteur des paiements pourrait ainsi être renforcée, notamment via la conclusion de nouveaux partenariats avec les acteurs bancaires.
 
Il existe ainsi un risque pour les acteurs bancaires traditionnels qu’ils se trouvent cantonnés à des tâches d’exécution comportant pour eux des coûts fixes importants (charges réglementaires, réseau physique, infrastructures de paiement), tout en étant marginalisés dans la chaîne de répartition de la valeur.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : L’Autorité rend publique la décision autorisant le groupe Beaumanoir à prendre de contrôle exclusif de 366 magasins exploités sous enseigne La Halle, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire (+ 24 décisions dont 23 simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 25 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 23 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la décision n° 21-DCC-43 du 24 mars 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, sans conditions, le groupe Beaumanoir, qui distribue des vêtements, essentiellement à destination d’une clientèle féminine,
sous les enseignes Cache Cache, Bonobo, Bréal, Morgan et Vib’s, à prendre de contrôle exclusif de 366 magasins exploités sous enseigne La Halle, et ce, dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire ouverte par le Tribunal de commerce de Paris au bénéfice du groupe Beaumanoir, qui a par ailleurs bénéficié d’une dérogation lui permettant de procéder à la réalisation de l’opération, sans attendre la décision finale de l’Autorité.

Renonçant à délimiter précisément les marchés de la distribution au détail de vêtements, d’une part, et de chaussures, d’autre part, l’Autorité, faisant le constat d’un certain continuum entre les enseignes considérées comme relevant de la moyenne gamme et les marques positionnées en haut du segment de l’entrée de gamme, a considéré que certaines marques positionnées au début du segment de moyenne gamme subissent en réalité une pression concurrentielle plus forte de la part des marques positionnées en haut du segment de l’entrée de gamme plutôt que des marques positionnées dans le haut du segment de moyenne gamme, d’autant que, les enseignes d’une même gamme de prix peuvent cibler des clientèles différentes. Ainsi, le test de marché a révélé que les enseignes Bréal et Morgan n’exerçaient pas de pression concurrentielle sur les points de vente d’entrée de gamme sous enseigne La Halle, à la différence des magasins des enseignes Cache Cache, Bonobo et des points de vente Vib’s, qui pratiquent des prix et qui visent une clientèle proches de ceux de La Halle.

Elle a alors appliqué cette analyse en distinguant les zones dans lesquelles les points de vente cibles continueront d’être exploités sous enseigne La Halle, c’est-à-dire avec un positionnement d’entrée de gamme, et les zones dans lesquelles les points de vente cibles seront exploités sous une des enseignes du groupe Beaumanoir, donc avec un positionnement de moyenne gamme.

S’agissant des zones dans lesquelles les points de ventes cibles seront exploités sous enseigne La Halle, l’Autorité a considéré, aux termes d’une analyse qu’elle qualifie de « conservatrice », non seulement que les enseignes Bonobo, Cache Cache et Vib’s sont en concurrence avec l’enseigne La Halle, mais également que les autres enseignes présentes sur l’entrée de gamme comme les autres enseignes positionnées au début du segment de moyenne gamme sont des concurrents de La Halle.

À ce stade, l’Autorité a identifié 8 zones locales, dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité serait supérieure à 45 % ou dans lesquelles la nouvelle entité aurait une part de marché inférieure à 45 % et comportant moins de trois groupes concurrents. Sur ces zones, l’Autorité a pu écarter tout risque d’atteinte à la concurrence, compte tenu de différent facteurs dont notamment la persistance d’une offre diversifiée dans la zone, la pression concurrentielle exercée par les ventes en ligne, l’existence de surfaces commerciales disponibles et la présence d’opérateurs indépendants.

S’agissant des zones dans lesquelles les points de ventes cibles seront exploités sous une enseigne du groupe Beaumanoir, l’Autorité a focalisé l’analyse concurrentielle sur la catégorie de moyenne gamme et plus précisément sur les enseignes positionnées au début du segment de moyenne gamme, dans la mesure où, dans ces zones, l’enseigne La Halle, et les produits d’entrée de gamme distribués aujourd’hui par cette enseigne, disparaîtront au profit d’enseignes du groupe Beaumanoir — Vib’s, Cache Cache et Bonobo — et des produits de moyenne gamme distribués par ces dernières.

À ce stade, l’Autorité, après avoir identifié 7 zones locales, dans lesquelles la part de marché de la nouvelle entité sera supérieure à 45 % a pu écarter tout risque d’atteinte à la concurrence, compte tenu notamment du fait que l’opération aura pour effet d’augmenter l’offre de vêtements de moyenne gamme dans chacune de ces zones et du fait de la concurrence des ventes en ligne.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

 



On verra encore la décision n° 21-DCC-34 du 1er mars 2021 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé sans condition la prise de contrôle conjoint du groupe Carglass Maison, qui propose des travaux de dépannage, de réparation et de rénovation et intervient dans tous les corps d’état auprès de clients particuliers et professionnels, par la société d’investissement allemande Mutares, spécialisée dans la reprise et la restructuration d’entreprises en difficulté, et par le groupe anglais Homeserve, qui offre en France des contrats d’assistance habitation ainsi que des services d’installation, de maintenance et de réparation de matériel de chauffage, de ventilation, de climatisation et de réfrigération.

La présente opération intervient alors que la cible fait l’objet d’une procédure de conciliation devant le Tribunal du commerce de Nanterre ouverte le 24 décembre 2020.

À la faveur de la présente décision, l’Autorité analyse pour la première fois le marché du dépannage, de la réparation et de l’entretien à domicile réalisées à la demande d’un consommateur ayant un besoin ponctuel, urgent ou non, de dépannage par un prestataire spécialisé sur un ou plusieurs corps de métiers.

Sur ce marché, l’Autorité a envisagé deux segments principaux : l’un relatif aux interventions dans le secteur du bâtiment, l’autre relatif aux interventions sur l’équipement de la maison.

Les parties ont en outre suggéré un certain nombre de segmentations en fonction du type de clientèle et du caractère urgent ou non des prestations. Comme pour les autres secteurs d’activité de prestations de services à des clients finaux, l’Autorité a envisagé une dimension du marché au moins infranationale. Toutefois, la délimitation précise de ces marchés a été laissées ouvertes, l’analyse concurrentielle demeurant inchangée, quelle que soit la délimitation retenue.
 
À l’issue de son analyse concurrentielle, l’Autorité a constaté que l’opération conduisait à des chevauchements d’activités très limités entre Homeserve et Carglass sur les marchés du dépannage, de la réparation et de l’entretien à domicile, en tout état de cause inférieurs à 25 %. Elle a également constaté l’existence de liens verticaux entre l’activité de Carglass sur ces marchés et celle d’Homeserve sur le marché de l’assistance habitation, dans la mesure où Homeserve est susceptible de faire appel aux services de Carglass Maison dans le cadre des contrats d’assistance qu’elle commercialise. Toutefois, la part de marché cumulée des parties à l’issue de l’opération sur les marchés du dépannage, de la réparation et de l’entretien à domicile sera inférieure à 25 %, de sorte qu’à cet égard, l’opération ne soulève pas de doutes sérieux d’atteinte à la concurrence par le biais d’effets verticaux.

Enfin, l’instruction a révélé un lien entre les activités d’Homeserve sur le marché du génie climatique et celles de Carglass Maison sur les marchés de travaux de travaux du second œuvre dans le secteur du bâtiment susceptible de caractériser des effets de nature conglomérale, ce lien résultant notamment de l’identité des clients susceptibles d’acheter ces différents types de prestations. L’Autorité a néanmoins écarté tout risque d’effet congloméral compte tenu des parts de marché modestes des parties sur les marchés concernés et du fait que les parties ne proposent pas de produits ou d’offres qui seraient considérées comme incontournables sur ces marchés et sont confrontées à de nombreux concurrents d’ores et déjà capables de proposer l’ensemble de ces types de services combinés.

 



Par ailleurs, on verra la décision simplifiée n° 21-DCC-35 du 3 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cosmeurop par le groupe Superga Invest, que l’Autorité de la concurrence a autorisée sans conditions et à propos de laquelle s’est quand même fendue d’un communiqué.

Le groupe Superga Invest est actif, via sa filiale Superga Beauty, dans le secteur des parfums et des cosmétiques de luxe. Superga Beauty est spécialisée dans la fabrication et le conditionnement, en sous-traitance, de parfums et de cosmétiques de luxe, ainsi que dans la fabrication d’objets promotionnels en relation avec les produits cosmétiques (coffrets, pinceaux, etc.). Elle exerce ses activités à travers l’exploitation de 5 sites de production situés dans la région des Hauts-de-France.

Cosmeurop, filiale du groupe L’Oréal depuis le rachat du pôle fragrance du groupe Clarins, dispose d’un site de production près de Strasbourg où sont fabriqués les parfums sous marques Azzaro et Mugler et leurs produits dérivés (déodorants, etc.).

 



Les 22 autres décisions simplifiées :

Décision n° 21-DCC-24 du 18 février 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de deux fonds de commerce de concession automobile par la société Vauban Automobile SAS ;

Décision n° 21-DCC-28 du 23 février 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société ADE Holding SAS par la société Ardian France ;

Décision n° 21-DCC-29 du 24 février 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Lapeyre S.A.S. par la société Mutares ;

Décision n° 21-DCC-30 du 22 février 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe La Centrale par la société PVIII Lux Holding ;

Décision n° 21-DCC-31 du 22 février 2021 relative à la prise de contrôle conjoint d’actifs immobiliers par la Caisse des dépôts et consignations, le groupe BPCE et la SEM Var Aménagement Développement ;

Décision n° 21-DCC-32 du 24 février 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Lisasud par la société EUREA ;

Décision n° 21-DCC-33 du 24 février 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société BTP Consultants par la société Apax Partners ;

Décision n° 21-DCC-35 du 3 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Cosmeurop par le groupe Superga Invest ;

Décision n° 21-DCC-36 du 5 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Cruiseline par la société Tikehau Capital ;

Décision n° 21-DCC-37 du 03 mars 2021 relative à la prise de contrôle conjoint d’un portefeuille immobilier constitué de neuf centres d’hôtellerie en plein air par les sociétés Primonial et Atland ;

Décision n° 21-DCC-38 du 03 Mars 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Nathalex par les sociétés CMAH et ITM Entreprises ;

Décision n° 21-DCC-39 du 5 mars 2021 relative à la prise de contrôle conjoint du groupe Cancé par le groupe Briand et la société Cancé Développement ;

Décision n° 21-DCC-40 du 15 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Ginouves par le groupe M-Energy ;

Décision n° 21-DCC-41 du 12 mars 2020 relative à la prise de contrôle exclusif de la société GETAC SAS par le groupe Delisle ;

Décision n° 21-DCC-42 du 12 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Alliance Etiquettes SAS par la société Chequers Partenaires SA ;

Décision n° 21-DCC-44 du 11 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Mac Liphe, Twelve, Platynum et SAM Garage de la Frontière par BPM Group ;

Décision n° 21-DCC-47 du 26 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société LP Groupe par la société François Grafton ;

Décision n° 21-DCC-48 du 24 mars 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Grétour par les sociétés La Micheline et ITM Entreprises ;

Décision n° 21-DCC-49 du 24 mars 2021 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Degenève par la société JMD Conseil ;

Décision n° 21-DCC-51 du 25 mars 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Hyppojack par les sociétés Cilia et ITM Entreprises   ;

Décision n° 21-DCC-52 du 25 mars 2021 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Blanche Tache par les sociétés Cilia et ITM Entreprises ;

Décision n° 21-DCC-54 du 1er avril 2021 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Nutrisens par la société Sagard.

EN BREF : Publication par le Conseil constitutionnel de son « commentaire » de la décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021 prononçant la non-conformité totale du second alinéa du paragraphe V de l'article L. 464-2 du code de commerce qui permet à l’Autorité de la concurrence de sanctionner les pratiques d’obstruction

 

Presque un mois après avoir rendu sa décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021 prononçant la non-conformité totale du second alinéa du paragraphe V de l'article L. 464-2 du code de commerce qui permet à l’Autorité de la concurrence de sanctionner les pratiques d’obstruction, le Conseil constitutionnel a enfin publié son « commentaire » de cette décision.

L’intérêt principal de ce document est de replacer la présente décision dans le fil de la jurisprudence du Conseil interdisant le cumul de poursuites de nature similaire. S’agissant en revanche des effets de la décision, les auteurs du commentaire s’en tiennent au strict minimum : dès lors que le Conseil constitutionnel a constaté que « les dispositions déclarées contraires à la Constitution, dans leur rédaction contestée, ne sont plus en vigueur », [il] n’avait donc pas à décider ou non d’un report de sa déclaration d’inconstitutionnalité. Bref, le Conseil pouvait laisser en vigueur une disposition manifestement contraire à la Constitution, par cela seul qu’il s’est considéré comme étant saisi des seules dispositions applicables au litige à l’occasion duquel elle a été posée, lesquelles ne sont plus en vigueur. Quelle curieuse application du principe de bonne administration de la justice ?!?

Quant à l’invocabilité de sa déclaration d’inconstitutionnalité dans les procédures en cours, à propos de laquelle le commentaire parle d’une invocabilité « asymétrique », limitée au cas où le cumul résulte de l’engagement de nouvelles poursuites sur le fondement de l’infraction administrative après que de premières poursuites sur le fondement du délit ont déjà été engagées, elle laisse à tout le poins sur sa faim…

Sur cette même affaire, le Club des juristes a publié un commentaire de cette décision sous la plume de Jacques-Henri Robert, qui nous semble, dans ses conclusions sur les conséquences de la décision n° 2021-892 QPC du 26 mars 2021, exagérément optimiste. Pour cet auteur, le second alinéa du paragraphe V de l'article L. 464-2 du code de commerce est abrogé et à compter de la publication de cette décision, aucune nouvelle poursuite devant l’Autorité la concurrence ne pourra plus être engagée pour obstacle aux fonctions de ses agents…

EN BREF : En raison de la crise sanitaire, l’Autorité modère ses ardeurs sur la liberté d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires

 

En application de la loi Macron de 2015, l’Autorité de la concurrence a proposé aux ministres de la justice et de l’économie des nouvelles cartes des zones d’installation des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires, assorties de recommandations sur le rythme de création de nouveaux offices pour la période 2021-2023.

Tenant compte de la crise sanitaire, l’Autorité modère ses ardeurs en se contentant de recommander l’installation, d’ici 2023, de 250 nouveaux notaires (au lieu des 1 650 et 733 nominations respectivement proposées lors de deux premières campagnes), de 50 nouveaux huissiers de justice (au lieu des 202 et 100 nominations respectivement proposées lors de deux premières campagnes) et d’aucun commissaire-priseur judiciaire (au lieu des 42 et 3 nominations respectivement proposées lors de deux premières campagnes), cette dernière profession ayant été la plus sévèrement affectée des trois par la crise sanitaire.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS : Bertrand Rohmer succède à Mathias Pigeat au poste de directeur de cabinet de la présidente de l’Autorité de la concurrence

 

Bertrand Rohmer a été nommé, à compter du 26 avril 2021, directeur de cabinet de la présidente de l’Autorité de la concurrence. Il succède à Mathias Pigeat qui a pris ses fonctions de directeur juridique de l’Autorité. Il était jusque-là conseiller aux affaires institutionnelles et européennes au sein du cabinet.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l’Autorité.

Le droit de la concurrence, vingt ans après la NRE

19 et 25 mai 2021, 18h

 

 

Bonjour à tous,

Le master 2 de droit de la concurrence et des contrats de l’UVSQ - Paris Saclay organise, en partenariat avec le laboratoire DANTE, l’Association Française d’Etude de la Concurrence et l’Association Française des Juristes d'Entreprises, une webconférence sur « Le droit de la concurrence, vingt ans après la NRE » en deux parties.

Le premier webinaire, consacré aux acteurs et mesures de la régulation concurrentielle, aura lieu le 19 mai 2021 de 18h à 19h30.

Le second webinaire, consacré à la régulation concurrentielle des structures et des pratiques, aura lieu le 25 mai 2021 de 18h à 19h30.

Ces deux panels réuniront Laurence Borrel-Prat, Avocat associé (Cabinet Borrel), Membre non permanent du collège de l’Autorité de la concurrence, Guillaume Daieff, Sous-directeur de la concurrence, de la consommation et des affaires juridiques à la DGCCRF, Daniel Diot, Secrétaire général de l’ILEC et Laurent Binet, Juriste concurrence à EDF, Mathilde Boudou, Avocat au barreau de Paris (Cabinet JC Coulon& associés), et Jean-Louis Fourgoux, Avocat associé (Cabinet FIDAL), tous deux membres du bureau de l’AFEC, Hakim Hadj Aissa, Maitre de conférences à l’Université de Versailles-Paris-Saclay.

L’animation sera assurée par Benoit Dubost et Coline Rigoigne, étudiants du master 2 de droit de la concurrence et des contrats et membres de l’AFEC Jeunes.

— Célébrer cet anniversaire sera surtout l’occasion d’interroger droits et acteurs de la concurrence en 2021 et au-delà, en considération des réformes en cours.

Le programme complet est consultable en ligne ; l’accès est gratuit mais sur inscription via le formulaire.

Bien cordialement,

Muriel Chagny
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur du master de droit de la concurrence et de droit des contrats
Directeur du laboratoire de droit des affaires et des nouvelles technologie

S'ABONNER                     ARCHIVES       
RECHERCHER            MENTIONS LÉGALES
Website
Email
LinkedIn
Twitter
 
Cet e-mail a été envoyé à <<Adresse e-mail>>

Notre adresse postale est :
L'actu-droit
83 rue Colmet Lepinay
Montreuil 93100
France

Add us to your address book