Copy
L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
Voir cet e-mail dans votre navigateur
Hebdo n° 48/2018
24 décembre 2018
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice de l’Union siffle la fin de la partie dans le contentieux de la réparation des préjudices dus à la durée excessive des procédures devant le Tribunal

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Refusant de qualifier de « mesure générale » l’exonération de l’impôt allemand sur les acquisitions immobilières au profit de certaines opérations de transformation au sein d’un groupe de sociétés, la Cour de justice retient cependant que ce dispositif ne remplit pas la condition relative à la sélectivité de l’avantage concerné et, par suite, ne constitue pas une aide d’État, dès lors que la différenciation qu’il introduit est justifiée au regard de l’objectif lié au fonctionnement propre du régime fiscal général en cause, visant à éviter une double imposition et, partant, une taxation excessive

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : L’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à dire pour droit que les articles 107 et 108 TFUE s’opposent à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité d’une condition de résidence d’un régime d’aides existant avec le droit à la libre circulation des capitaux de l’article 63 TFUE, si cette condition est indissolublement liée au régime d’aides


JURISPRUDENCE : Confirmant l’approche de l’Autorité et de la Cour de cassation visant à limiter l’application de la réduction d’amende pour cause d’activité « mono-produit », la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris réforme à la marge la décision sanctionnant des échanges d'informations dans le secteur du papier peint en France, et rejette les recours contre la décision sanctionnant une PAC locale à la suite du refus d’une transaction ministérielle et contre la décision relative aux pratiques mises en œuvre par l’ordre national des infirmiers

JURISPRUDENCE : La Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris confirme l’absence d’abus de position dominante de la société Coyote sur le marché des boîtiers avertisseurs de radars et retient une entente verticale localisée de prix imposés dans le secteur de la distribution de matériels de plongée

INFOS : L'Autorité sanctionne, à hauteur de 365 000 euros, plusieurs producteurs et revendeurs-grossistes de fertilisants liquides pour une entente sur les prix


INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : Publication de la décision autorisant, moyennant la cession d’actifs de Bayer pour plus de 6 milliards d’euros, le rachat de Monsanto par Bayer

EN BREF : Appel à candidature pour participer aux travaux de l’ICN en tant que  représentant non gouvernemental

EN BREF : Le Sénat examinera le projet de loi PACTE en séance publique fin janvier, début février 2019

EN BREF : Francis Amand nommé délégué à la concurrence en outre-mer

ANNONCE COLLOQUE : « Conformité au droit de la concurrence dans le secteur pharmaceutique », Paris — 15 janvier 2019 [message de Romain Maulin]

JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice de l’Union siffle la fin de la partie dans le contentieux de la réparation des préjudices dus à la durée excessive des procédures devant le Tribunal

Le 13 décembre 2018, la Cour de justice de l'Union européenne a rendu trois arrêts dans les affaires jointes C-138/17 (Union européenne/Gascogne Sack Deutschland et Gascogne) et C-146/17 (Gascogne Sack Deutschland et Gascogne/Union européenne), dans l’affaire C-150/17 (Union européenne/Kendrion) et dans les affaires jointes C-174/17 (Union européenne/ASPLA et Armando Álvarez) et C-222/17 (ASPLA et Armando Álvarez/Union européenne), qui devrait définitivement achever de désespérer les entreprises ayant eu à subir les conséquences de la durée excessive de procédures engagées devant les juridictions de l’Union de demander à cette dernière réparation de leur préjudice.

Certes, aux termes des présents arrêts, qui marque le terme définitif des procédures engagées, l’Union européenne est condamnée à verser à trois des cinq requérantes des dommages-intérêts à raison de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal de l’UE. Toutefois, les sommes allouées en réparation du seul préjudice immatériel — pour l’état d’incertitude dans laquelle les entreprises se sont retrouvées) — s’avèrent dérisoires — 5 000 € à deux d’entre elles et 6 000 € à la troisième…

Dans la présente affaire, les sociétés requérantes, qui s'étaient vues infliger par la Commission, à la faveur d'une décision adoptée le 30 novembre 2005, plusieurs dizaines de millions d’euros d’amendes pour leur participation à une entente portant sur des sacs industriels, ont saisi le 23 février 2006 le Tribunal de l’Union européenne afin que ce dernier annule ladite décision. Après 5 ans et 9 mois de procédure, le Tribunal avait rejeté ces recours par cinq arrêts du 16 novembre 2011. Saisie de pourvois, la Cour de justice a, par cinq arrêts du 26 novembre 2013 et du 22 mai 2014, confirmé les arrêts du Tribunal et, partant, les  amendes infligées aux cinq sociétés.

Au cas d'espèce, l'action en réparation des requérantes était intentée contre l'Union européenne et non contre le Tribunal, laquelle Union européenne était représentée par la Cour de justice de l’Union européenne, et non par le Tribunal de l'Union qui n'est pas considéré comme l'une des institutions de l'Union. Dans un premier temps, les requérantes avaient introduit leur recours en indemnité auprès de la Cour de justice. La Grande Chambre de la Cour avait alors décliné sa compétence et renvoyé les requérantes à introduire des recours en indemnité visant à réparer les préjudices éventuels causés par la durée excessive de la procédure devant le Tribunal de l'Union autrement formé puisqu'aussi bien le reproche de durée excessive de la procédure était adressé au seul Tribunal, à l'exclusion donc de toute mise en cause pour ce motif de la Commission ou de la Cour de justice de l'Union.

Sur quoi, les cinq sociétés ont alors demandé au Tribunal de condamner l’Union européenne au paiement de dommages-intérêts pour le préjudice matériel et pour le préjudice immatériel qu’elles prétendaient avoir subis en raison de la durée excessive de la procédure devant le Tribunal. Le 10 janvier 2017, au terme d’une série de trois arrêts rendus dans les affaires
T‑577/14, T-479/14 et T-40/15, le Tribunal de l’Union a considéré que le droit de voir juger une affaire dans un délai raisonnable, consacré dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE, avait été violé en raison de la durée excessive de la procédure. Elle a en conséquence condamné l’Union européenne à indemniser les sociétés pour, d’une part, les préjudices matériels résultant du fait que celles-ci avaient dû maintenir pendant plus longtemps qu’initialement prévu la garantie bancaire offerte à la Commission pour le paiement futur des amendes qui leur avaient été imposées en raison de l’entente précitée et, d’autre part, les préjudices immatériels liés à l’état d’incertitude dans laquelle ces sociétés se sont retrouvées à cause du retard par le Tribunal de statuer dans leurs affaires.

À la faveur des présents arrêts, la Cour de justice de l’Union écartant d’abord le risque de conflit d’intérêts soulevé par Kendrion tenant au fait que l’Union européenne est dans la présente instance représentée par la Cour de justice de l’Union et qu’elle a décidé de se saisir elle‑même de l’affaire par un pourvoi, de sorte que ce dernier violerait l’article 47 de la Charte, qui garantit le droit à une procédure devant une juridiction impartiale et indépendante (aff. C-150/17, pt. 22). Sur quoi, la Cour, appelant à faire le départ entre, d’une part, l’institution « Cour de justice de l’Union européenne » qui, en tant qu’institution de l’Union est réputée être à l’origine du préjudice allégué, et possède donc la qualité de défenderesse en première instance et, le cas échéant, de requérante au pourvoi, et, d’autre part, le Tribunal et la Cour, qui sont les juridictions qui la composent, compétentes pour connaître, respectivement, de ces recours (aff. C-150/17, pt. 34), relève que la circonstance selon laquelle, en l’occurrence, la requérante au pourvoi principal est l’Union européenne, représentée par l’institution « Cour de justice de l’Union européenne », et, dans le même temps, la juridiction saisie du pourvoi est la Cour résulte non pas d’un choix de ladite requérante, mais de l’application stricte des règles du droit de l’Union en la matière (aff. C-150/17, pt. 35).

Pour le reste, la Cour de justice de l’Union accueille le grief principal de la requérante — l’Union européenne — tiré de l’absence de lien de causalité entre, d’une part, la violation du délai raisonnable de jugement dans les présentes affaires et, d’autre part, la perte subie par les entreprises en raison du paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période correspondant au dépassement dudit délai (aff. C-138/17, pt. 16). Pour ce faire, elle transpose sa propre jurisprudence relative aux recours en indemnité introduits contre la Commission, en vertu de laquelle le préjudice consistant dans les frais de garantie résulte non pas de la décision, qui, imposant le paiement d’une amende, est assortie de la faculté de constituer une caution destinée à garantir ce paiement et les intérêts de retard, mais du propre choix de l’entreprise mise en cause de constituer une garantie plutôt que d’exécuter immédiatement l’obligation de paiement (aff. C-138/17, pt. 24). Dès lors, en estimant qu’il existe un lien de causalité suffisamment direct entre la violation du délai raisonnable de jugement dans les affaires en cause et la perte subie par les entreprises en raison du paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période correspondant au dépassement de ce délai, le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « lien de causalité ».

Peu importe à cet égard que, au moment où les entreprises mises en cause ont constitué une garantie bancaire, la violation du délai raisonnable de jugement était imprévisible et que cette société pouvait légitimement s’attendre à ce que lesdits recours soient traités dans un délai raisonnable. De même, il importe peu, aux yeux de la Cour, que le dépassement du délai raisonnable de jugement soit intervenu postérieurement au choix initial de Gascogne de constituer ladite garantie (aff. C-138/17, pt. 27). Pour la Cour de justice de l’union, ce n’est que si le maintien de la garantie bancaire revêtait un caractère obligatoire, de telle sorte que l’entreprise ayant introduit un recours contre une décision de la Commission lui infligeant une amende, et ayant choisi de constituer une garantie bancaire afin de ne pas exécuter immédiatement cette décision, n’avait pas le droit, avant la date du prononcé de l’arrêt dans le cadre de ce recours, de payer ladite amende et de mettre un terme à la garantie bancaire qu’elle aurait constituée, que pourrait être retenu un lien de causalité suffisamment direct entre la violation du délai raisonnable de jugement dans les affaires en cause et la perte subie par les entreprises (aff. C-138/17, pt. 28).

En somme, les entreprises avaient le choix au début de la procédure judiciaire soit de payer l’amende soit de constituer une garantie bancaire, et, ont eu la possibilité, ultérieurement, lorsque la violation du délai raisonnable de la procédure est devenue une évidence, de mettre fin à la garantie en payant l’amende. De sorte que la Cour estime que les entreprises mises en cause ont rompu, par les choix qu’elles ont faits, le lien de causalité entre la violation du délai raisonnable de jugement et le préjudice subi en raison du paiement de frais de garantie bancaire au cours de la période correspondant au dépassement dudit délai, et, ce faisant, considère implicitement qu’elles ont pris part à la réalisation de leur propre préjudice. En creux, la Cour semble dire aux entreprises : la seule chose à faire pour se prémunir contre les risques d’une procédure exagérément longue, c’est de payer immédiatement l’amende, puis de demander, en cas de violation avérée du délai raisonnable de jugement, une réparation au titre des intérêts légaux.

Juridiquement, le raisonnement semble imparable. Mais qu’en est-il dans la vraie vie ? Lors qu’une entreprise qui s’estime, pour une raison ou une autre, injustement sanctionnée par la Commission décide de constituer une caution destinée à garantir le paiement de l’amende, en attendant l’issue d’un recours formé contre cette décision, plutôt que de payer immédiatement l’amende, que se passe-t-il lorsqu’elle commence à percevoir que l’examen de l’affaire par le Tribunal s’éternise ? Peut-elle se permettre d’appeler le juge, de lui écrire pour lui demander où en est son dossier ? Bref, peut-elle, de façon réaliste, envisager d’interpeler le juge sur l’avancement de son dossier ? À l’évidence, une telle démarche semble pour le moins délicate si l’on ne veut pas prendre le risque d’indisposer le juge… Alors, dit la Cour, vous n’aviez qu’à payer l’amende dès que vous vous êtes aperçu que la procédure s’éternisait, et ce, afin de limiter votre préjudice. Plus facile à dire qu’à faire, serait-on tenté de répondre. Parce qu’aussi bien, quel message envoie-t-on au juge si l’on paye l’amende en cours de route ? N’y a-t-il pas un risque que le juge perçoive ce changement de pieds comme une reconnaissance de culpabilité ? ou, à tout le moins comme un affaiblissement des arguments du recours contre la décision de la Commission ?

Plus généralement, même si ce genre de contentieux devrait, depuis que le Tribunal de l’Union a obtenu le doublement de ses effectifs, appartenir à l’histoire, on peut regretter que, par ces arrêts, la Cour de justice de l’Union supprime ce (modeste) aiguillon qui pouvait inciter le Tribunal de l’Union à améliorer la célérité du prononcé de ses décisions… Il va s’en dire que les arrêts du 13 décembre 2018 auront pour résultat — et c’est sans doute le but recherché — de décourager les recours sur ce fondement. La perspective de voir son préjudice immatériel réparé — à hauteur de 5 ou 6 000 € ! — risque de ne pas suffire...

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Refusant de qualifier de « mesure générale » l’exonération de l’impôt allemand sur les acquisitions immobilières au profit de certaines opérations de transformation au sein d’un groupe de sociétés, la Cour de justice retient cependant que ce dispositif ne remplit pas la condition relative à la sélectivité de l’avantage concerné et, par suite, ne constitue pas une aide d’État, dès lors que la différenciation qu’il introduit est justifiée au regard de l’objectif lié au fonctionnement propre du régime fiscal général en cause, visant à éviter une double imposition et, partant, une taxation excessive

 

Le 19 décembre 2018, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-374/17 (Finanzamt B contre A‑Brauerei), soumise à la Cour à la suite d’une demande de décision préjudicielle formée par la Cour fédérale des finances allemande.
 
Cette demande s’inscrit dans le cadre d’un litige opposant A‑Brauerei et le l’administration fiscale au sujet de la décision de cette dernière d’exclure l’opération d’absorption par A‑Brauerei de sa filiale, T‑GmbH, du bénéfice de l’exonération prévue à l’article 6a de la loi relative à l’impôt sur les acquisitions immobilières, laquelle exempte de l’impôt sur les acquisitions immobilières certaines opérations de transformation réalisées au sein d’un groupe de sociétés.

La juridiction de renvoi considère que l’absorption de T‑GmbH par A‑Brauerei relève de l’article 6a du GrEStG et, partant, doit être exonérée de l’impôt sur les acquisitions immobilières. Cette juridiction se demande cependant si cette exonération doit être qualifiée d’« aide d’État » au sens de l’article 107, § 1, TFUE. Elle souligne à cet égard que la qualification d’« aide d’État » dans le contexte du litige au principal dépendra principalement de l’interprétation de la condition de sélectivité. Ladite juridiction est néanmoins d’avis que l’exonération prévue à l’article 6a du GrEStG n’est pas sélective et, partant, ne constitue pas une aide d’État.

Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 107, paragraphe 1, TFUE doit être interprété en ce sens que remplit la condition relative à la sélectivité de l’avantage concerné, posée à cette disposition, un avantage fiscal, tel que celui en cause au principal, qui consiste à exonérer de l’impôt sur les acquisitions immobilières le transfert de la propriété d’un immeuble intervenu en raison d’une opération de transformation impliquant exclusivement des sociétés d’un même groupe liées par un rapport de participation d’au moins 95 % pendant une période minimale et ininterrompue de cinq années précédant ladite opération et de cinq années suivant celle-ci (pt. 19).

Dans un premier temps, la Cour de justice de l’Union recherche si, ainsi que le soutient le gouvernement allemand, l’avantage fiscal litigieux doit d’emblée être qualifié de « mesure générale » et doit, par conséquent, échapper au champ d’application de l’article 107, § 1, TFUE, faute de remplir la condition relative à la sélectivité que pose cette disposition.

Sur ce point, la Cour rappelle que, même une mesure non formellement dérogatoire et reposant sur des critères, en eux-mêmes, de nature générale peut être sélective, si elle opère, en fait, une discrimination entre des entreprises  se trouvant dans des situations comparables au regard de l’objectif poursuivi par le régime fiscal concerné (pt. 32). Or, relève-t-elle, la circonstance qu’elle présente, comme c’est le cas de la mesure en cause au principal, un caractère dérogatoire par rapport à un régime fiscal commun est pertinente, lorsqu’il en découle que deux catégories d’opérateurs sont distinguées et font a priori l’objet d’un traitement différencié, à savoir ceux relevant de la mesure dérogatoire et ceux qui continuent de relever du régime fiscal commun, alors même que ces deux catégories se trouvent dans une situation comparable au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime fiscal commun (pt. 33). Ce n’est donc pas au niveau du régime fiscal commun ou normal qu’il convient de raisonner, mais au niveau de la mesure d’exonération litigieuse.

La Cour passe alors à l’application de la méthode dite « du cadre de référence ». Selon cette approche en trois étapes, un avantage est sélectif lorsqu’il constitue une dérogation au cadre de référence pertinent, lorsqu’il n’est pas ouvert à toutes les entreprises se trouvant dans des situations comparables et lorsqu’il n’est pas justifié par la nature ou l’économie générale du régime en cause.

Au cas d’espèce, la Cour commence par identifier le régime fiscal commun ou normal : le cadre de référence au regard duquel l’examen de la comparabilité doit être effectué est constitué des règles du droit allemand en matière d’impôt sur les acquisitions immobilières, qui, prises dans leur ensemble, déterminent l’objet ou le fait générateur de cet impôt (pt. 37). Elle recherche ensuite l’objectif du cadre de référence : en l’occurrence, imposer tout changement du titulaire des droits afférents à un immeuble ou, en d’autres termes, taxer tout transfert du droit de propriété afférent à un immeuble d’une personne physique ou morale à une autre personne physique ou morale, au sens du droit civil (pt. 39). Dès lors, l’examen de la comparabilité des situations respectives des assujettis doit être effectué au regard de l’objectif du cadre de référence, consistant à taxer tout changement de titulaire des droits de propriété afférents aux immeubles (pt. 41). Or, relève la Cour, les entreprises assujetties au régime fiscal commun ou normal et les entreprises qui bénéficient de l’exonération en cause se trouvent dans des situations factuelles et juridiques comparables au regard de l’objectif visé par ledit impôt, qui consiste à taxer le changement de titulaire des droits de propriété du point de vue du droit civil, impliquant le transfert de ces droits d’une personne physique ou morale à une autre personne physique ou morale (pt. 43).

Restait à voir si une telle différenciation était justifiée au regard de la nature ou de l’économie du système dans lequel elles s’inscrivent. À cet égard, la Cour observe que l’exonération en cause vise à apporter une correction aux fins d’éviter une taxation considérée comme excessive. Ainsi, la taxation des transferts immobiliers résultant d’opérations de transformation opérées au sein d’un groupe de sociétés caractérisé par une prise de participation d’un niveau particulièrement élevé, de 95 % au moins, est considérée comme excessive, dans la mesure où le transfert de l’immeuble concerné est, en principe, déjà taxé « à l’entrée », c’est-à-dire au moment où la société propriétaire de cet immeuble est intégrée dans un tel groupe de sociétés. Si, par la suite, le transfert dudit immeuble était de nouveau taxé, en raison d’une opération de transformation effectuée au sein de ce groupe, notamment, comme en l’occurrence, en conséquence d’une fusion par absorption de la filiale détenue à 100 %, propriétaire du même immeuble, il en résulterait une double taxation de la même opération de transfert de l’immeuble concerné, à savoir, une première fois, lors du transfert de propriété censé correspondre à l’acquisition, par la société dominante, d’au moins 95 % du capital ou du patrimoine social de la société dépendante, et, une seconde fois, lors de l’opération de transformation consistant, en l’occurrence, en la fusion par absorption de cette dernière société par la société dominante (pts. 45-46). Or, une telle double taxation est exclue dans le cas d’une opération de transformation impliquant deux sociétés liées par un rapport de participation inférieur à 95 % (pt. 47).

Au final, même si ladite exonération introduit une différenciation entre des entreprises qui se trouvent, au regard de l’objectif poursuivi par le régime juridique en cause, dans des situations factuelles et juridiques comparables, cette différenciation est justifiée, dès lors qu’elle vise à éviter une double imposition et qu’elle résulte, dans cette mesure, de la nature ou de l’économie du système dans lequel elle s’inscrit (pt. 52).

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : L’avocat général Saugmandsgaard Øe invite la Cour à dire pour droit que les articles 107 et 108 TFUE s’opposent à ce qu’une juridiction nationale procède à une appréciation de la compatibilité d’une condition de résidence d’un régime d’aides existant avec le droit à la libre circulation des capitaux de l’article 63 TFUE, si cette condition est indissolublement liée au régime d’aides

 

Le 19 décembre 2018, l’avocat général Saugmandsgaard Øe a présenté ses conclusions dans l’affaire C-598/17 (A‑Fonds contre Inspecteur van de Belastingdienst), soumise à la Cour à la suite d’une demande de décision préjudicielle formée par la Cour d’appel de Bois‑le‑Duc au Pays‑Bas.

À l’origine de la présente affaire se trouve le refus de l’administration fiscale néerlandaise de restituer l’impôt sur les dividendes payé par un organisme de placement de droit allemand invoquant le droit à la libre circulation des capitaux prévu à l’article 63 TFUE. Sur quoi, la juridiction de renvoi considérant que le requérant au principal est dans une situation objectivement comparable à celle des organismes publics établis au Pays‑Bas et non assujettis à l’impôt néerlandais sur les sociétés, est d’avis que le refus de lui accorder une restitution de l’impôt sur les dividendes, au motif qu’il n’est pas établi aux Pays‑Bas, constitue une violation de l’article 63 TFUE et qu’il convient de faire droit à la demande de restitution pour y remédier. Toutefois, cette juridiction s’interroge sur la conformité d’une telle restitution avec le droit des aides d’État. Elle cherche en premier lieu à savoir, en substance, si une décision d’une juridiction nationale qui a pour effet d’élargir le cercle des bénéficiaires d’un régime d’aides d’État existant peut constituer en soi une aide d’État, et plus précisément une aide nouvelle au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999, en ce qu’elle modifierait une aide existante. Le cas échéant, existe-t-il une obligation pour la juridiction nationale de notifier une telle décision à la Commission en vertu de l’article 108, § 3, TFUE ?

Par ailleurs, la juridiction de renvoi s’interroge sur le point de savoir si elle est compétente pour apprécier la compatibilité de la condition de résidence avec l’article 63 TFUE et faire droit à la demande d’A‑Fonds, compte tenu de la répartition des compétences entre les juridictions nationales et la Commission qui découle des articles 107 et 108 TFUE.

Aux termes des présentes conclusions, l’avocat général Saugmandsgaard Øe estime que la juridiction de renvoi n’est pas compétente pour contrôler la compatibilité de la condition de résidence de la mesure fiscale néerlandaise en cause au principal avec l’article 63 TFUE, eu égard à la compétence exclusive de la Commission européenne pour apprécier la compatibilité de mesures d’aides avec le marché de l’Union résultant des articles 107 et 108 TFUE tels qu’interprétés par la Cour.
 
Rappelant que la mise en œuvre du système de contrôle des aides étatiques, tel qu’il résulte des articles 107 et 108 TFUE, incombe, d’une part, à la Commission et, d’autre part, aux juridictions nationales, mais que leurs rôles respectifs est à la fois complémentaires et distincts (pts. 61-62), l’avocat général Saugmandsgaard Øe précise, à propos des juridictions nationales, que si celles‑ci doivent garantir aux justiciables que toutes les conséquences d’une violation de l’article 108, § 3, TFUE seront tirées, conformément à leur droit national, en ce qui concerne tant la validité des actes comportant la mise à exécution des mesures d’aide que le recouvrement des soutiens financiers accordés au mépris de cette disposition et si elles sont amenées, à cette fin, à déterminer si une mesure nationale doit ou non être qualifiée d’aide d’État au sens de l’article 107 TFUE, elles ne peuvent, en revanche, se prononcer sur la compatibilité des mesures d’aide avec le marché de l’Union, cette appréciation relevant de la compétence exclusive de la Commission, sous le contrôle de la Cour (pt. 65).

Mais ici se pose plus précisément la question de savoir si la compétence exclusive de la Commission pour apprécier la compatibilité des mesures d’aides avec le marché de l’Union conformément aux articles 107 et 108 TFUE s’oppose à ce que, dans le cas de violation d’autres dispositions du traité FUE ayant effet direct, tel le droit à la libre circulation des capitaux prévu à l’article 63 TFUE, ces dernières dispositions peuvent être invoquées devant les juridictions nationales. Si l’existence de la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne fait nullement obstacle à ce que la compatibilité d’un régime d’aides au regard de règles du droit de l’Union autres que celles contenues dans l’article 107 TFUE du traité soit appréciée, s’agissant de dispositions du traité ayant un effet direct, par les juridictions nationales, la Cour a cependant précisé que cette possibilité présuppose que les modalités du régime d’aides en question soient susceptibles d’être appréciées isolément, c’est‑à‑dire qu’il s’agisse de conditions ou d’éléments qui, bien que faisant partie du régime d’aide en cause, ne sont pas nécessaires à la réalisation de son objet ou à son fonctionnement. Dès qu’il s’agit de conditions ou d’éléments qui sont nécessaires à la réalisation de l’objet ou au fonctionnement du régime d’aides, la répartition des compétences s’oppose à ce que les juridictions nationales apprécient la compatibilité de ces conditions au regard de règles autres que celles contenues dans l’article 107 TFUE (pts. 74-76).

Qu’en est-il de la condition de résidence aux Pays-Bas de l’exonération en cause ? La résidence aux Pays-Bas est une condition d’octroi de l’aide et, par là‑même, détermine les bénéficiaires de l’aide. Cette condition est donc, relève  l’avocat général Saugmandsgaard Øe, un élément constitutif et essentiel de l’aide. L’inapplicabilité de cette condition de résidence en raison de son incompatibilité avec l’article 63 TFUE telle qu’appréciée par la juridiction de renvoi conduit à faire bénéficier de l’aide des personnes morales de droit public établies dans un autre État membre et qui ne sont pas exonérées de l’impôt sur les sociétés aux Pays‑Bas, mais se trouvent dans une situation comparable, ce qui a pour effet de changer la portée de l’aide telle que celle-ci est prévu par le législateur néerlandais. Dès lors, estime-t-il, cela signifie que la condition de résidence est indissolublement liée à l’objet du régime de la mesure fiscale litigeuse, de sorte que son effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble relève de la compétence exclusive de la Commission en vertu de la procédure des articles 107 et 108 TFUE. Il s’ensuit que la juridiction de renvoi est empêchée d’appliquer l’article 63 TFUE (pts. 83-85).

Envisageant l’hypothèse où la Cour ne suivrait pas ses conclusions principales, l’avocat général Saugmandsgaard Øe soutient, à titre subsidiaire, que la juridiction de renvoi, en constatant l’incompatibilité de la condition de résidence avec l’article 63 TFUE, devrait laisser cette condition inappliquée et faire droit à la demande de restitution de l’impôt sur les dividendes présentée par le requérant au principal. Au terme de son analyse, il considère qu’une telle décision ne constitue pas en soi une mesure d’aide d’État et n’entraîne aucune obligation pour les juridictions nationales de la notifier à la Commission.

JURISPRUDENCE : Confirmant l’approche de l’Autorité et de la Cour de cassation visant à limiter l’application de la réduction d’amende pour cause d’activité « mono-produit », la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris réforme à la marge la décision sanctionnant des échanges d'informations dans le secteur du papier peint en France, et rejette les recours contre la décision sanctionnant une PAC locale à la suite du refus d’une transaction ministérielle et contre la décision relative aux pratiques mises en œuvre par l’ordre national des infirmiers

 

Le 20 décembre 2018, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris a rendu quatre arrêts. Trois d’entre eux ont été mis en ligne sur le site web de l’Autorité de la concurrence. Le quatrième arrêt, concernant l'affaire du transport ferroviaire de marchandises sur renvoi après cassation, n’est pour l’heure pas encore en ligne.

Sur les trois arrêts d’ores et déjà publiés, commençons par l’
arrêt rendu par la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire des échanges d'informations dans le secteur du papier peint en France.

Le présent arrêt fait suite à un renvoi après cassation.

On se souvient que le
14 avril 2016, la Cour d'appel de Paris était venue réformer la décision n° 14-D-20 du 22 décembre 2014 à l'égard de deux groupes d'entreprises dont les sociétés sanctionnées avaient formé contre la décision un recours. Les requérantes ayant toutes sollicité et obtenu la non-contestation des griefs, les recours portaient essentiellement sur le calcul de l’amende.

Dans cette affaire, l'Autorité de la concurrence n'avait tenu compte du caractère mono-produit qu'à l'égard de certaines entreprises. En revanche, l'Autorité avait refusé le bénéfice du point 48 du communiqué sanction à deux entreprises, arguant du fait que, si l'on prenait en compte le chiffre d'affaires du groupe et qu'on le comparait à la valeur des ventes en relation avec l'infraction, la proportion à laquelle on parvenait ne permettait pas de conclure à l'existence d'une activité « mono-produit ». Sur quoi, les entreprises avaient fait valoir que, puisqu'il s'agissait de regarder si les entreprises mises en cause avaient ou non une activité « mono-produit », il convenait de prendre en compte, au-delà de la seule valeur des ventes en relation avec l'infraction, c'est-à-dire la valeur des ventes de papiers peints réalisées par les auteurs directs de l'infraction, le chiffre des ventes réalisées par les sociétés mères sur les marché du papier peint, lesquelles, au passage, se sont vues imputer les pratiques de leurs filiales, par application de la notion d'entreprise au sens du droit de la concurrence.

Sur ce point, la Chambre commerciale de la Cour de cassation avait retenu, dans son
arrêt du 8 novembre 2017 de façon lapidaire mais, nous semble-t-il à la réflexion, imparable qu’en statuant comme elle l’avait fait, la Cour d'appel, qui avait intégré dans les termes de son analyse des valeurs de ventes sans lien avec l'infraction, avait violé l’article L. 464-2 du code de commerce et le communiqué du 16 mai 2011 relatif à la méthode de détermination des sanctions pécuniaires. Ce faisant, la Cour avait cassé et annulé l’arrêt attaqué, mais seulement en ce qu’il a réduit le montant des sanctions pécuniaires infligées aux sociétés MCF investissements, Société de conception et d’éditions, Décoralis, AS Création France, AS Création Tapeten AG, Graham & Brown France et Graham & Brown Limited, et remettant sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les avait renvoyé devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée.

Dans le présent arrêt, la Cour d’appel de Paris était appelée à se prononcer à nouveau sur la contestation du refus de reconnaître à deux sociétés le caractère d'entreprise mono-produit. Au terme de son analyse la Chambre 5-7 de la Cour applique scrupuleusement le raisonnement suggéré par la Cour de cassation en comparant la seule valeur des ventes en relation avec l’infraction avec le chiffre d’affaires de l’entreprise — au sens du droit de la concurrence — à laquelle avait été imputée la pratique, c’est-à-dire le groupe. Or, au cas d’espèce, la valeur des ventes en lien avec l’infraction était loin d’être prépondérante dans le chiffre d’affaires de l’entreprise — toujours au sens du droit de la concurrence — et en pratique par rapport au chiffre d’affaires consolidé dudit groupe. De sorte que le constat s’imposait que les deux sociétés ne pouvaient se voir reconnaître la qualité d'entreprise mono-produit.

Même s’il peut sembler cohérent de comparer le chiffre d'affaires du groupe, dès lors qu'il y a eu imputation des agissements des filiales aux sociétés mères, avec l'ensemble des ventes réalisées au sein du groupe dans la même activité que celle des ventes réalisées en relation avec l'infraction, et pas seulement avec ces dernières, il n’en reste pas moins qu’une telle comparaison revient à prendre en compte des ventes réalisées par des entités du groupe qui n’ont joué aucun rôle dans la commission de l’infraction, sauf à déconnecter complètement la qualification d’activité « mono-produit » de la réalisation de l’infraction.

En conséquence, le bénéfice de la réduction d’amende au titre d’une activité « mono-produit » est réservé aux seules entreprises — au sens du droit de la concurrence — ayant une activité réellement mono-produit, c’est-à-dire celles dont la valeur des ventes en lien avec l’infraction est prépondérante dans le chiffre d’affaires desdites entreprises — toujours au sens du droit de la concurrence — et donc le cas échéant par rapport au chiffre d’affaires consolidé dudit groupe.

Que l’on ne s’y trompe pas cependant. Dès lors qu'il y a eu imputation des agissements des filiales aux sociétés mères, le champ sur lequel est appréciée la circonstance tenant au caractère mono-produit de l'activité en lien avec l’infraction doit être celui du groupe. Or plus important est le groupe auquel on appartient, plus il est de chance que les activités des auteurs directs de l’infraction se trouvent diluées, voire noyées dans le chiffre d’affaires du groupe et, par conséquent, moins il est probable de parvenir à la conclusion que l'entreprise mise en cause menait « l'essentiel de son activité sur le secteur ou le marché en relation avec l'infraction ».

Ce faisant, et dès l’instant où la jurisprudence de la Cour de cassation issue de l'arrêt du 18 février 2014 incite l’Autorité à imputer systématiquement le comportement des filiales, auteures des pratiques, à la société mère, en présence d’un groupe, il est acquis que la qualification d’activité « mono-produit » devrait désormais être la plupart du temps réservée aux petites et moyennes entreprises indépendantes de tout groupe d'importance… ce qui devrait avoir pour effet de limiter la mise en œuvre de ce dispositif.

Pour le reste, le présent arrêt réforme à la marge la décision de l’Autorité. La Cour d’appel de Paris accueille la demande des requérantes de voir écarter de la valeur des ventes les remises de fin d'année pour la distribution en grandes surfaces de bricolage. En effet, estime-t-elle ces remises — dont l'Autorité n'allègue pas qu'il s'agirait de montants versés aux distributeurs au titre de la coopération commerciale (« marges arrières») — viennent en déduction du chiffre d'affaires réalisé sur le marché du papier peint par la société G&B France. En conséquence, la Cour de Paris déduit de la valeur des ventes initialement retenue — 11 636 000 euros, le montant de ces remises qui s'est élevé, pour l'exercice 2010, à 1 119 000 euros, de sorte que la valeur des ventes servant d'assiette au calcul de la sanction est réduit à la somme de 10 517 000 euros. Au final, la sanction infligée à la société Graham & Brown France S.A.R.L, solidairement avec sa société mère Graham & Brown Limited, est réduite de 247 000 à 223 000 euros.
 



Poursuivons avec le recours contre la décision n° 18-D-05 du 13 mars 2018, à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence avait  rendu sa troisième décision concernant une PAC locale, et ce, à la suite du refus d’une des entreprises mises en cause d’accepter la proposition de transaction que lui avait faite la DGCCRF conformément à l’article L. 464-9 du code de commerce, ce refus ayant alors entraîné la saisine de l’Autorité par le ministre de l’économie.

Dans cette affaire, on se souvient qu’à la suite d'une enquête réalisée en 2013, qui a permis de mettre en évidence une concertation entre entreprises pour élaborer des offres de couverture pour des travaux de sécurisation de débits de tabac en vue de permettre à deux d’entre elles d’apparaître comme moins-disantes dans plusieurs dossiers de demandes de subventions présentés de 2010 à 2013 par des débitants de tabac aux services de la Direction interrégionale des douanes et des droits indirects de Rhône-Alpes, la DGCCRF a délivré aux sociétés concernées l’injonction de cesser de solliciter ou de mettre en œuvre des pratiques de devis de complaisance en réponse à des appels d’offre publics ou privés. Elle a également proposé à quatre entreprises un règlement transactionnel. Le montant des transactions conclues varie de 400 € à 6 700 € et correspond à 0,5 à 1,5 % du chiffre d’affaires des entreprises en cause. Une société n’a fait l’objet que de la mesure d’injonction, sa participation très limitée aux pratiques ayant cessé dés 2011.

Quatre sociétés ont accepté ces mesures entre mai et septembre 2015. La cinquième entreprise n’a pas souhaité s’engager dans la procédure de transaction, l’Autorité de la concurrence a donc été saisie.

À la faveur de la décision n° 18-D-05, l’Autorité de la concurrence a infligé une sanction de 46 000 euros à ladite entreprise pour avoir mis en œuvre, dans le secteur de la sécurisation des débits de tabac en Isère, des pratiques d’offres de couverture prohibées par l’article L. 420-1 du code de commerce.

Cette sanction pécuniaire correspond à 0,9 % de la moyenne du chiffre d’affaires total réalisé en France par la société Sécurité Vol Feu sur les exercices 2013 et 2014. Pour parvenir à ce coefficient, l’Autorité avait estimé que, si l’infraction en cause constituait une des infractions les plus graves aux règles de concurrence, en revanche et au vu du faible nombre de devis de couverture réalisés et du faible montant des opérations concernées, le dommage à l’économie causé par lesdites pratiques était demeuré limité.

Par ailleurs, l’Autorité a décidé de déroger à la méthode consistant à retenir la valeur des ventes de l’ensemble des catégories de produits en relation avec l’infraction, effectuées par chacune des entreprises en cause, durant son dernier exercice comptable complet de participation à cette infraction, comme assiette de leur sanction respective. Estimant que le dispositif d’aide mis en place impliquait que les débitants de tabac mettent en concurrence les différents prestataires afin que l’aide soit calculée sur la base du devis économiquement le plus avantageux, suivant la logique d’une procédure d’appel d’offres, elle a fait application la méthode prévue aux points 66 et 67 du communiqué sanctions. Aux termes de cette méthode, le montant de base de la sanction pécuniaire résulte de l’application d’un coefficient, déterminé en fonction de la gravité des faits et de l’importance du dommage causé à l’économie, appliqué au chiffre d’affaires total réalisé en France par l’entreprise en cause pendant le dernier exercice comptable complet au cours duquel a eu lieu l’infraction.

À noter encore que l’Autorité avait refusé de faire droit à la demande de le mise en cause visant au classement sans suite au titre de l’article L. 464-6-1 du code de commerce, lequel permet de prononcer un non-lieu à poursuivre la procédure lorsque les pratiques mentionnées à l'article L. 420-1 ne visent pas des contrats passés en application du code des marchés publics et que la part de marché cumulée détenue par les entreprises ou organismes parties à l'accord ou à la pratique en cause est limitée. À cet égard, l’Autorité avait rappelé que l’application de ces dispositions est exclue en présence de certaines restrictions caractérisées de concurrence et que les pratiques examinées de devis de complaisance mises en œuvre par la mise en cause, contiennent des restrictions caractérisées de concurrence qui ont pour objet la fixation de prix de vente et la répartition de marchés ou des clients, et sont ainsi exclues du bénéfice des dispositions de l’article L. 464-6-1 du code de commerce.

Sur tous ces points, l’
arrêt de la Cour d’appel de Paris confirme les conclusions de l’Autorité et conclut en conséquence au rejet du recours. Qu’il s’agisse du refus du classement sans suite (pt. 19), de l’existence d’une atteinte à la concurrence (pt. 40), du calcul de la sanction (pt. 67) ou encore de la gravité de la pratique (pt. 79). Interrogée par la requérante sur la disproportion de la sanction à elle infligée, par comparaison avec la transaction acceptée par les autres société dans la même affaire, la Cour d’appel de Paris répond que le respect du principe d'égalité de traitement ne requiert pas de traiter de manière identique des situations différentes. En effet, la requérante a choisi de refuser le règlement transactionnel qui lui était proposé, soumis aux conditions de l'article L. 464-9 du code de commerce, l'amenant ainsi à défendre sa cause dans le cadre de la procédure simplifiée prévue à l' article L. 463-3 du code précité et à être soumise aux dispositions des articles L. 464-2 et L. 464-5 de ce même code.  Or, ces dispositions commandent seulement de vérifier que la sanction prononcée répond au principe de proportionnalité selon les critères qu'il énumère, de sorte qu'il n'est pertinent de comparer ni l'application qui peut en être faite à d'autres entreprises sanctionnées par l'Autorité dans d'autres causes ni le montant de la transaction intervenue entre le ministre chargé de l'économie et d'autres entreprises dans la même affaire (pts. 69-71).
 


Enfin on verra l’arrêt du 20 décembre 2018 rendu par la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris sur le recours contre la décision n° 18-D-01 du 18 janvier 2018 relative à des pratiques mises en œuvre par l’ordre national des infirmiers dans le secteur des prestations de services fournies aux infirmiers.

On se souvient que dans cette affaire, saisie par la société SOS-Infirmières et par d’autres opérateurs exerçant une activité de prestations de services destinée à faciliter l’exercice de la profession d’infirmier libéral (fourniture à des infirmières libérales de moyens matériels, notamment un local, un service de réception des appels téléphoniques et divers consommables médicaux), qui reprochaient à l’ordre national des infirmiers d’avoir, par le biais de ses conseils départementaux, discriminé les infirmiers clients de leur structure et d’avoir voulu les évincer du marché, l’Autorité de la concurrence, sur le fondement respectif des alinéas 1 et 2 de l’article L. 462-8 du code de commerce, s’était déclarée incompétente pour connaître des pratiques relatives à l’exercice des prérogatives ordinales de l’Ordre et avait rejeté le surplus de la saisine — pratique de dénigrement et pratique de boycott — pour défaut d’éléments suffisamment probants. Parmi les pratiques dénoncées figuraient des décisions de refus d’inscription au tableau de l’Ordre, des convocations devant les conseils départementaux de l’Ordre, des convocation d’infirmières exerçant dans ce cadre à des commissions de conciliation, l’éviction d’une élue d’un conseil départemental de l’Ordre, des propos dénigrants et divers courriers, l’ensemble de ces pratiques constituant, selon les saisissantes, autant d’entraves délibérées à l’exercice de leurs activités respectives. Sur quoi, l’Autorité avait considéré que ces pratiques des instances ordinales locales, à les supposer illégales, n’en étaient pas pour autant détachables de l’exercice, par l’ONI, des prérogatives de puissance publique qui lui sont confiées dans le but d’assurer ses missions de service public, et, partant ne relevaient pas de la compétence de l’Autorité, invitant les intéressées à saisir, le cas échéant, la juridiction administrative compétente pour connaître de la légalité de ces pratiques ou décisions.

Aux  termes du présent arrêt, la Cour d’appel de Paris rejette le recours.

Elle écarte d’abord toute atteinte au principe d'égalité des armes découlant du fait que les saisissantes n’ont pas été informées, avant la séance, de l'orientation des services d'instruction concernant l’irrecevabilité d'une partie de la saisine, et dès lors ont été privées de la possibilité de présenter une contestation raisonnée de cette analyse, en violation de l'article 6, § 1, de la CESDH. La Cour répond sur ce point que la séance au cours de laquelle est examinée la proposition du rapporteur de déclarer une saisine irrecevable, n'oppose pas deux parties, puisque ni le rapporteur ni le collège n'ont ce statut et que le rapporteur se borne à proposer à l'Autorité de se déclarer incompétente au regard des éléments de fait et de droit communiqués par la plainte et ceux qu'il a pu réunir dans le cadre de son enquête. Il s'ensuit que les requérantes ne sont pas fondées à invoquer le principe d'égalité des armes pour obtenir la communication, avant séance, d'une version écrite détaillant les motifs pour lesquels le rapporteur entend proposer en séance de retenir l'incompétence de l'Autorité. Aucune disposition n'imposant que le rapport oral du rapporteur ait, préalablement à la séance, revêtu une forme écrite et ait été communiqué aux parties, les requérantes ne peuvent pas davantage faire grief à l'Autorité d'avoir adopté, à l'issue de la séance, une décision retenant cette incompétence, alors qu'elles ont été mises en mesure de répliquer aux observations orales du rapporteur qui, de surcroît, concernaient une question de compétence déjà abordée au cours de la phase d'enquête et sur laquelle les requérantes avaient transmis un mémoire intitulé « mémorandum » de sept pages (pt. 29).

Sur l'insuffisance de motivation de la décision d'irrecevabilité partielle de la saisine, invoquée par les requérantes, la Cour de Paris retient qu’il résulte de la description des pratiques dénoncées, que les deux premières s'inscrivent dans le cadre de l'examen des demandes d'inscription au tableau de l'Ordre national des infirmiers par des CDOI, que la troisième concerne la procédure de conciliation mise en œuvre au stade préliminaire de l'instruction de plaintes déposées devant la chambre disciplinaire des CDOI et que la quatrième conteste la gestion d'un CDOI. Il ressort des constatations et appréciations figurant dans la décision attaquée que les pratiques querellées, qui s'inscrivent dans l'exercice des missions dont l'Ordre national des infirmiers est investi, n'entrent pas dans le champ de compétence de l'Autorité, puisque les actes et décisions les constituant ayant été pris dans le cadre de l'exercice de prérogatives de puissance publique, elles ne sont pas détachables de la mission de service public qui est confiée à cet Ordre (pt. 51).
 
Quant à l'insuffisance de la motivation de la décision de rejet, invoquée par les requérantes, la Cour d’appel passe en revue une à une les trente-sept pièces de la procédure afin de vérifier si l'Autorité a adopté une motivation répondant aux exigences des articles L. 462-8 alinéa 2 du code de commerce et 6, paragraphe 1, de la CESDH.

Au terme de ses investigations, la Cour conclut que c'est par une décision motivée que l'Autorité a retenu que la saisine n'était pas appuyée d'éléments suffisamment probants concernant l'existence d'une pratique de dénigrement imputable à l'Ordre national des infirmiers et qu'elle devait ainsi être rejetée, sur ce point, en application de l'article L. 462-8, alinéa 2, du code de commerce (pt. 88).

JURISPRUDENCE : La Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris confirme l’absence d’abus de position dominante de la société Coyote sur le marché des boîtiers avertisseurs de radars et retient une entente verticale localisée de prix imposés dans le secteur de la distribution de matériels de plongée

 

Le 19 décembre 2018, la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris a rendu un fort intéressant arrêt, dans une affaire concernant la commercialisation, à l’origine de boîtiers avertisseurs radars, puis sous la pression des pouvoirs publics, à partir de 2011, de simple « outil d’assistance à la conduite », ces derniers ne pouvant dorénavant plus indiquer de manière précise la localisation de radars, mais plutôt des « zones de danger » comportant, ou non des radars.

Au cas d’espèce, les sociétés du groupe Inforad (et les organes de la procédure de liquidation judiciaire), qui commercialisaient de telles solution d’informations géolocalisées permettant de communiquer aux automobilistes, en temps réel, des données relatives au trajet qu’ils empruntent, telles que les limitations de vitesse, la présence de zones dangereuses, ou encore les perturbations routières, a saisi dans un premier temps, le Tribunal de commerce de Nanterre (qui s’est déclaré incompétent), puis le Tribunal de commerce de Paris d’un abus de position dominante dont se serait rendu coupable la société Coyote, leader du marché.

Par jugement du 21 novembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a non seulement débouté les sociétés du groupe Inforad de ses demandes, mais les a en outre condamner à payer à la société Coyote System les sommes de 60 000 euros pour procédure abusive, et 30 000 euros au titre de l'article 700.

Les sociétés du groupe Inforad ont alors interjeté appel du jugement du tribunal de commerce, soulevant in limine litis, la nullité du jugement à raison du défaut d’impartialité de l’un des membres de la formation de délibéré ayant entraîné la violation de l’article 6 §1 de la Convention européenne des Droits de l’Homme. De fait, l’un des juges n’était pas complètement étranger à la société mise en cause. En effet, son supérieur hiérarchique, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions professionnelles, était le président directeur général de la société Coyote au moment de la commission des pratiques. Plus précisément, au moment du délibéré, ce dernier, qui avait depuis lors quitté la société Coyote, était devenu le directeur général exécutif de la Ligue de Football Professionnel, tandis que le juge dont l’impartialité était mise en cause était responsable des affaires juridiques de la LFP.

Si l’on peut regretter, d’un point de vue éthique, que le juge en question, sans doute un peu trop proche du dossier, n’ait pas jugé bon de se déporter, la Cour estime, quant à elle, que ni une impartialité subjective, ni une impartialité objective ne peuvent être reprochées en l’espèce audit juge. Aucun élément n'est versé aux débats de nature à remettre en cause l'impartialité subjective du juge en cause. La circonstance que le jugement ait fait sien certains des développements des sociétés intimées ne peut suffire à rapporter cette preuve, le jugement étant dûment motivé et analysant de façon exhaustive les moyens des sociétés appelantes. S'agissant de la contestation de son impartialité objective, aucune raison légitime ni aucun fait vérifiable n'autorisent à suspecter le défaut d'impartialité de la juridiction. Le juge ne se trouvait pas, au moment où il a participé au délibéré, dans un état de subordination de fonctions et de services par rapport à la société Coyote. Son supérieur avec lequel il travaillait au sien de la LFP, avait quitté ses fonctions de PDG de la société Coyote près de deux ans plus tôt et ne représentait plus les intérêts de cette société. En outre, la nature des liens de subordination au sein de la LFP n'était pas suffisamment documentée, pour faire présumer une influence de l'un sur l’autre. Ce faisant, la demande d'annulation du jugement entrepris est rejetée.

Sur le fond — l’abus de position dominante —, le travail de la Cour d’appel doit assurément être salué, quoi que l’on pense par ailleurs de la solution adoptée.

En effet, plus de huit ans après le début des faits, alors même qu’elle était en présence d’un secteur technologique sujet à l’innovation permanente, la Cour d’appel n’a pas hésité à mettre les mains dans le cambouis en s’attachant à délimiter le marché pertinent, là où d’autres dont c’est pourtant le métier rechignent à le faire, prétextant l’évolution des possibilités de substitution a sein du marché…

En substance, la Cour de Paris parvient à la conclusion qu’à l'époque des faits litigieux, le marché pertinent était « le marché des boîtiers avertisseurs de radars (puis, à partir de 2012, de « zones de danger ») communautaires et payants » et que ce marché était de dimension nationale. Du point de vue des consommateurs, ces « boîtiers » communicants n’étaient pas substituable aux autres outils de navigation existants, tels par exemple les boîtiers de guidage GPS et les applications mobiles. Les technologies étaient différentes. Les services rendus par les boîtiers « communicants », tels les boîtiers Coyote, n'étaient pas identiques : ils étaient les seuls à proposer une alerte en temps réel par d’autres conducteurs faisant partie de la même communauté.

Quant à la position dominante de la société Coyote, cette dernière cochait toutes les cases : elle est le créateur de l'avertisseur Radar en France ; Ses parts de marchés dépassent 50 % ; elle dispose de la communauté d'utilisateurs la plus importante, nourrie par un effet de réseau ; la marque Coyote est notoire et elle détient un brevet. Dès lors, la Cour de Paris conclut que sur le marché ainsi défini, la société Coyote était en position dominante.

Mais comme on le sait, il ne suffit pas d’être en position dominante. Encore faut-il que l’entreprise ait abusé de sa position dominante. Or, au cas d’espèce, la Cour de Paris, qui relève elle-même le caractère « troublants » des faits, estime qu’il n’existe pas de preuves de l’abus dans le dossier, le seul exercice des droits de propriété intellectuelle tiré d'une brevet annulé un an plus tard ne pouvant pas caractériser celui-ci.

Les plaignants faisait valoir en substance que le dominant avait développer une stratégie de harcèlement des concurrents par des actions en contrefaçon de son brevet, lequel était destiné, au-delà des entreprises directement visées par les actions, à dissuader toutes nouvelles entrée sur le marché. Quoique l’expression ne soit pas utilisée, cet dernier aspect fait penser à une pratique de prédation par construction d’une réputation, par laquelle le dominant envoie le signal qu'il ne resterait pas sans réaction en cas d'entrée sur le marché dominé, théorie économique appliquée avec le succès que l’on sait à GSK en 2007. Quoi qu’il en soit, la Cour d’appel estime qu’il n'est pas démontré que le dépôt du brevet ait eu pour unique objet d'empêcher les concurrents de pénétrer le marché, puisqu'ainsi que l'a souligné le jugement entrepris, Coyote exploitait effectivement les technologies protégées et que, par ailleurs, la société Inforad a pu développer son propre boîtier dès juin 2010 et jusqu'en juillet 2012, sans verser la moindre redevance. Par ailleurs, elle retient qu’aucun « harcèlement » ne saurait découler des trois actions judiciaires engagé par la société Coyote. De même, la Cour écarte l’hypothèse d’un dénigrement, jugeant qu’un simple concours de circonstances, même troublant, ne saurait en soi fonder un grief d'abus de position dominante.

Au final, si la Cour d’appel de Paris rejette la demande d'annulation du jugement querellé, elle infirme ce dernier en ce qu’il a condamné les plaignantes à payer à la société Coyote System les sommes de 60 000 euros pour procédure abusive.
 



Par ailleurs, le même jour, 19 décembre 2018, la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt aux termes duquel elle retient une petite entente verticale sur des prix imposés (l’existence d’une entente nationale, en filigrane, n’ayant pu être démontrée).

Au cas d’espèce, un distributeur de matériels de plongée, de natation, de pêche et de chasse sous-marine, revendeur agréé de la société Spirotechnique a dénoncé à la DGCCRF sa dépendante à l’égard de Spirotechnique, précisant qu'elle était obligée de céder à ses injonctions concernant des pratiques de prix imposés pour pouvoir se maintenir dans le réseau sélectif. Quoique non compétent pour connaitre une affaire sur le fondement du droit des ententes, le Tribunal de commerce de Grasse a par jugement du 6 juillet 2015 débouté le distributeur et son mandataire judiciaire de toutes leurs demandes en réparation.

Annulant d’emblée le jugement entrepris pour défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Grasse pour statuer sur des demandes fondées sur l'article L. 420-1 du code de commerce, et évoquant l’affaire, la Cour d’appel de Paris, faisant application du faisceau d’indices « graves, précis et concordants » établissant en premier lieu que des prix de vente au détail ont été « évoqués » entre fournisseur et distributeurs ; en deuxième lieu, qu’une surveillance des prix a été mise en place pour éviter que le distributeurs ne s'écartent des prix voulus par le fabricant et ne compromettent le fonctionnement durable de l’entente ; et en troisième lieu, que ces prix, évoqués entre fournisseur et distributeur, sont significativement appliqués par ce dernier, constate qu’en l’espèce, le distributeur appliquait les consignes de prix de la société Spirotechnique, et que l'ensemble de ces messages adressés au distributeur démontrent l'existence d'une surveillance continue des prix des articles en cause, au moins du 30 avril 2013 au 20 mai 2014, exercée par le fournisseur, avec l'aide de ses distributeurs. De sorte que le distributeur démontre l'existence d'une entente anticoncurrentielle locale sur les prix avec la société Spirotechnique, contraire à l'article L. 420-1 du code de commerce.

S’agissant de la réparation du préjudice, la Cour d’appel écarte les prétentions de la plaignante, qui ne peut inférer des différences entre les chiffres d'affaires prévus dans son business plan et les chiffres effectivement réalisés par elle que la pratique de prix imposés litigieuse en est la cause. Non plus qu’elle ne démontre que la pratique de prix imposés serait la cause de la procédure de liquidation. De même, elle n'établit aucune lien de causalité entre la pratique et la perte alléguée de valeur de son fonds de commerce, appuyée sur une simple attestation de son expert-comptable. En revanche, la Cour de Paris concède que la pratique de prix imposés a conduit à une baisse des volumes vendus, un message électronique attestant de l'attitude réactive des consommateurs aux différences de prix, et tenant compte de cet élément, de la durée des pratiques et de leur caractère systématique, elle alloue 20 000 euros au distributeur en réparation de son préjudice économique.

INFOS : L'Autorité sanctionne, à hauteur de 365 000 euros, plusieurs producteurs et revendeurs-grossistes de fertilisants liquides pour une entente sur les prix

 

Le 20 décembre 2018, l’Autorité de la concurrence a adopté une décision n° 18-D-26 aux termes de laquelle elle sanctionne, à la suite d’un signalement opéré par la DGCCRF et une saisine d’office, plusieurs entreprises actives dans le secteur de la commercialisation des fertilisants liquides pour la production hors-sol dédiés à la culture domestique (ou « culture hydroponique ») pour des pratiques d’ententes verticales sur les prix entre producteurs et grossistes, contraires aux articles 101, paragraphe 1, TFUE et L. 420-1 du code de commerce.

On relèvera qu’au cas d’espèce, les constations opérées par l’Autorité résultent de preuves documentaires directes démontrant explicitement un accord de volontés entre les producteurs Canna France, General Hydroponics Europe, Bertels et Biobizz, d’une part, et leurs revendeurs-grossistes Hydro Factory/Hydro Logistique et C.I.S, d’autre part, de sorte qu’il n’a pas été besoin de rechercher l’existence d’un faisceau d’indices graves, précis et concordants.

Les pratiques courent de 2010 à 2013, la période précise variant selon les entreprises concernées.

Quant au calcul des sanctions, l’Autorité a considéré que les pratiques verticales sur les prix étaient graves (pt. 352) et que le dommage à l’économie causé par les pratiques apparaît certain mais modéré, du fait du maintien d’une relative concurrence entre fabricants d’une part, et entre revendeurs, d’autre part (pt. 365).

Au final, l’Autorité prononcé des sanctions  pour un montant total de 365 000 euros, étant précisé que l’entreprise initialement le plus sanctionnée, a vu sa sanction diminuée de 210 056 euros à 1 000 euros, soit une réduction de plus de 99 %, et ce, pour tenir compte de difficultés financières avérées.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : Publication de la décision autorisant, moyennant la cession d’actifs de Bayer pour plus de 6 milliards d’euros, le rachat de Monsanto par Bayer

 

Le 14 décembre 2018, la Commission européenne a rendu publique la décision du 21 mars 2018 par laquelle elle a autorisé, après passage en phase II et moyennant la cession d'un vaste ensemble d’activités représentant plus de 6 milliards d’euros à titre de mesures correctives, le rachat de Monsanto, le plus gros fournisseur de semences dans le monde et celui qui produit le célèbre glyphosate, le pesticide le plus utilisé dans le monde, par Bayer, deuxième fournisseur de pesticides dans le monde et accessoirement fournisseur important de semences.

La présente décision d’autorisation sous conditions est tout entière marquée par la constatation que les caractéristiques du marché des industries de la protection des cultures et des caractères suggèrent que la concurrence sur ces marchés est probablement un facteur important de l'innovation, et qu'une concentration entre plusieurs innovateurs concurrents importants est susceptible d’entraîner une réduction de la concurrence pour l’innovation (pt. 75).

À cet égard, la Commission estime qu’à la suite de l’opération initialement notifiée concernant deux proches concurrents ayant des capacités significatives en matière de R&D, les incitations et les capacités d'innovation réduites risquent de se manifester sous la forme i) d’une réduction immédiate des incitations à poursuivre certains efforts d'innovation engagés (en interrompant, en réorientant ou en différant des produits ou des axes de recherche précoces) en cas de chevauchement de lignes de recherche et de produits en attente entre les parties, et ii) d’une réduction des incitations à développer à long terme le même nombre de nouveaux produits que les objectifs combinés des parties avant l'opération (pt. 83).

Les chevauchements d'activité de Bayer et de Monsanto concernent essentiellement i) les semences de légumes, ii) les semences pour le colza, iii) les semences de coton, iv) les caractères pour les grandes cultures, et v) les herbicides non sélectifs. En outre, il existe certaines relations verticales entre les activités respectives des parties à l’opération. Toutefois, compte tenu du degré élevé de concentration du secteur, des obstacles importants à l'entrée sur le marché, des liens multiples entre les principaux acteurs, de l'importance de l'innovation dans ces secteurs et de la transformation importante du secteur en cours, la Commission a examiné, au-delà des chevauchements constatés, d’autres points concernant spécifiquement l’agriculture numérique et les nouvelles techniques d’élevage. Il s’agit notamment des effets possibles de l’opération sur la concurrence potentielle, sur la concurrence en matière d’innovation, sur la structure de l'industrie, en particulier dans les semences et les caractères où Monsanto occupe déjà aujourd'hui une position de leader, voire dominante. Elle s’est également penchée sur les effets horizontaux et congloméraux possibles de l’opération en raison de la combinaison d’un détenteur de semences de premier plan et d'un acteur leader dans le domaine de la protection des cultures (pts. 230-232).

Au terme de la présente décision de 946 pages, la Commission, qui a examiné plus de 2 000 marchés de produits différents, est parvenue à la conclusion que l'opération initialement notifiée aurait réduit sensiblement la concurrence sur les prix et l'innovation sur divers marchés en Europe et dans le monde entier. La Commission craignait aussi un renforcement de la position dominante de Monsanto sur certains marchés où Bayer est un concurrent important de l’entreprise.

S’agissant en premier lieu des semences, qui constituent l'intrant le plus important pour les agriculteurs, la Commission a fait le constat que, s’il est un plus petit acteur que le leader mondial Monsanto, Bayer mène de vastes activités de recherche et développement (R&D) et est un concurrent actif et important pour Monsanto. Les parties à la concentration se font également concurrence dans le secteur des caractères, qui sont des modifications apportées au génome d'une semence rendant celle-ci tolérante à certains herbicides ou résistante à des parasites. La tendance dans le secteur est à la vente de semences contenant plusieurs combinaisons de caractères empilés.

Sur les marchés des semences potagères, sur lequel Monsanto est leader et Bayer quatrième, la Commission a conclu que l'opération aurait mis fin à leur importante concurrence frontale sur plusieurs marchés où peu d'autres solutions sont offertes aux agriculteurs. Sur les marchés de semences de grande culture (maïs, soja, blé, colza et coton), la Commission craignait que que l'opération n’élimine la concurrence, d’une part, sur le marché des semences de colza en Europe, entre le plus important fournisseur d'Europe, Monsanto, et le plus important fournisseur mondial, Bayer, et, d’autre part, sur le marché de l'octroi de licences sur les semences de coton en Europe.

Sur les marchés des caractères propres aux grandes cultures et bien que de nombreux caractères génétiquement modifiés ne soient pas admis à la culture en Europe, la Commission a examiné les effets de l’opération sur le marché mondial de l'octroi de licences sur les caractères et les empilages de caractères, où Bayer et d'autres acteurs européens comme BASF, Limagrain, KWS ou Syngenta opèrent en tant que donneurs ou preneurs de licences et sont directement affectés par la concentration. Cette dernière aurait éliminé la concurrence entre les familles d'empilages « Liberty Link » (Bayer) et « Roundup Ready » (Monsanto), mais aussi en matière d'innovation et renforcé la position dominante de Monsanto en ce qui concerne les caractères conférant une tolérance aux herbicides ou une résistance aux insectes.
 
S’agissant en deuxième lieu des Pesticides, la Commission estime que l'opération initialement notifiée aurait éliminé la concurrence dans le domaine des herbicides (contre les mauvaises herbes) non sélectifs à usage agricole et non agricole entre le glufosinate de Bayer et le glyphosate de Monsanto (le Roundup), toute concurrence en matière d'innovation en ce qui concerne les herbicides et les systèmes d'herbicide (c'est-à-dire un herbicide combiné à un caractère conférant à une culture une tolérance aux herbicides), mais aussi toute concurrence potentielle en matière de traitement des semences afin de les protéger contre les nématodes, et ce, entre les futurs produits de Bayer et de Monsanto (Nemastrike).
 
S’agissant en troisième et dernier lieu de l’agriculture numérique, c’est-à-dire l’application des connaissances agronomiques et des algorithmes à certaines données publiques (images satellites, données météorologiques, etc.) dans le but de recommander aux agriculteurs la meilleure manière de gérer leurs champs au bénéfice d’une préservation de l’environnement, l'opération notifiée se serait traduite par la perte d'une concurrence potentielle en Europe entre l'offre Xarvio récemment lancée par Bayer et la plateforme FieldView de Monsanto, la première plateforme au niveau mondial, qui est sur le point d'être lancée en Europe.

En revanche, la Commission a écarté, lors de son examen de la présente opération d’autres préoccupations que celles de concurrence, comme celles ayant trait aux règles européennes et nationales visant à protéger la sécurité alimentaire, les consommateurs, l'environnement et le climat, en rappelant que, même si ces préoccupations revêtent une grande importance, elles ne sauraient constituer la base de l'appréciation d'une concentration (pts. 3022, 3028-3029).

Les Remèdes

Les problèmes de concurrence identifiés par la Commission étant nombreux et les chevauchements d’activités des parties affectant les trois principales activités concernées par la présente opération — semences, pesticides et agriculture numérique, Bayer s’est purement et simplement engagé à supprimer tous les chevauchements existants entre les activités des parties sur les marchés des semences et des pesticides, là où des problèmes avaient été identifiés, et ce, par la cession, sur chaque marché affecté, des activités et actifs concernés de Bayer.

Les activités de Bayer à céder comprennent :

— l’ensemble de l'activité de Bayer dans le secteur des semences potagères ;

— l’ensemble de l'activité de Bayer concernant les semences de grande culture et les caractères propres aux grandes cultures, y compris son organisation en matière de R&D, avec un nombre limité d’exceptions ;

— un certain nombre d'actifs de Bayer dans le domaine des herbicides non sélectifs, notamment les actifs mondiaux de Bayer concernant le glufosinate (concurrent du glyphosate (Roundup)) et trois lignes de recherche ;

— un certain nombre d'actifs et de produits de Bayer concernant le traitement des semences contre les nématodes ; et

— les actifs et les produits détenus par Bayer au niveau mondial dans le domaine de l'agriculture numérique. L'acheteur accordera à Bayer une licence temporaire pour ces actifs et produits.

D’emblée, Bayer a proposé BASF comme acquéreur de l'ensemble des actifs à céder identifiés comme mesures correctives, via une clause dite de l’« acquéreur initial » ou « up-front-buyer » en bon français. En pratique, cela signifie que l’opération ne pourra être mise en œuvre avant que la Commission ait approuvé BASF en tant qu’acheteur du paquet de désinvestissement de BASF. À cet égard, Bayer avait déjà conclu un accord contraignant pendant la procédure d’examen de la transaction par la Commission, mettant ainsi en  œuvre une mesure corrective de type « règlement préalable » ou « fix-it-first » en bon français. De sorte que les engagements souscrits par Bayer pour le rachat de Monsanto combinaient à la fois un remède up-front-buyer et un remède fix-it-first (pt. 3077) (v. Également la
communication de la Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement (CE) n° 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, pt. 50).

Au terme d’une
décision (non encore publiée) du 30 avril 2018, la Commission a autorisé, sous conditions, l'acquisition des activités de Bayer Crop Science ci-dessus mentionnés par BASF. Elle a considéré que BASF était un acquéreur approprié du fait qu’elle ne vendait, avant la présente opération, ni semences ni herbicides non sélectifs, de sorte que les chevauchements horizontaux dans ces domaines seront limités. En outre, BASF possède une activité complémentaire mondiale dans le domaine des pesticides et dispose de la solidité financière nécessaire pour être compétitive.
 
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse de la Commission.

EN BREF : Appel à candidature pour participer aux travaux de l’ICN en tant que  représentant non gouvernemental

 

Le 17 décembre 2018, l’Autorité de la concurrence a lancé un appel à candidature pour devenir représentant non gouvernemental auprès de l’ICN (International Competition Network) et participer ainsi pendant deux ans à ses activités à travers cinq groupes de travail portant sur la lutte contre les cartels, le traitement des abus de position dominante, le contrôle des concentrations, la pédagogie de la concurrence et les méthodes de travail des agences.

Les personnes intéressées — professeurs de droit ou d’économie, juristes d’entreprises, économistes ou avocats spécialisés ayant une expérience significative de la matière — ont jusqu’au lundi 31 décembre 2018 pour déposer leur candidature.

EN BREF : Le Sénat examinera le projet de loi PACTE en séance publique fin janvier, début février 2019

 

Le Sénat examinera le projet de loi PACTE en séance publique les 29, 30, 31 janvier, 5, 6, 7 et 12 février 2019.

Par ailleurs, le
rapport d'information n° 207 de M. Jean-François RAPIN, fait au nom de la commission des affaires européennes, a été mis en ligne ce jour, 20 décembre 2018. Il n’aborde que de façon sommaire la transposition en droit national de la directive ECN+.

EN BREF : Francis Amand nommé délégué à la concurrence en outre-mer

 

Le 19 décembre 2018, Annick Girardin, ministre des outre-mer, en lien avec Bruno Le Maire, ministre de l’économie, a réuni de nombreux acteurs institutionnels — Isabelle de Silva, Stanislas Martin et Juliette Théry-Schultz, respectivement présidente, rapporteur général et rapporteure générale adjointe de l'Autorité de la concurrence, pour une réunion de travail portant sur la concurrence et la consommation en outre-mer.

À l’issue de cette réunion, Annick Girardin a annoncé la nomination de Francis Amand, inspecteur général de l'INSEE et médiateur des relations commerciales agricoles, au titre de délégué à la concurrence en outre-mer.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du
communiqué de presse.

Conformité au droit de la concurrence dans le secteur pharmaceutique

Paris — 15 janvier 2019

Chers tous,
 
Le 15 janvier prochain, j’organise, en partenariat avec Dalloz Formations, une formation d’une journée sur le thème suivant : « Conformité au droit de la concurrence dans le secteur pharmaceutique ».
 
Cette formation d’une journée sera l’occasion de faire un point sur la pratique décisionnelle en la matière et de formuler un certain nombre de recommandations pratiques. Elle s’inscrit dans le cadre de l’enquête sectorielle actuellement en cours à l’Autorité de la concurrence.

Le programme complet de la formation, ainsi que les modalités d’inscription sont accessibles
ICI ou par E-MAIL.
 
Dans l’attente de vous y voir nombreux·ses,
 
Bien à vous
 
Romain Maulin

S'ABONNER                     ARCHIVES       
RECHERCHER            MENTIONS LÉGALES
 
Cet e-mail a été envoyé à <<Adresse e-mail>>

Notre adresse postale est :
L'actu-droit
83 rue Colmet Lepinay
Montreuil 93100
France

Add us to your address book