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SOMMAIRE
INFOS : Réunis à Poznań en Pologne, les ministres de l’économie polonais, allemand et français formulent des propositions concrètes pour réformer la politique européenne de la concurrence
INFOS : Publication au JORF de l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 portant mise en cohérence des dispositions législatives des codes et lois avec celles du code de commerce dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que l’obligation d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations dans le cadre d’une procédure en matière d’aides d’État, suite à une modification substantielle du cadre juridique, n’existe que si cette modification substantielle est susceptible d’avoir une incidence sur la décision, l’avocat général Tanchev invite la Cour de justice à annuler l’arrêt du Tribunal dans l’affaire du financement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo situé en Poméranie
INFOS UE : La Commission européenne publie ses « Orientations à l'intention des juridictions nationales sur la façon d'estimer la part du surcoût répercutée sur les acheteurs indirects »
INFOS : Estimant que la réglementation exigeant du vendeur de cycles qu'il livre des vélos entièrement montés et réglés, ne permet pas au fournisseur d’imposer à ses distributeurs de livrer les cycles dans leurs points de vente physiques, l’Autorité sanctionne le fabricant des vélos de marque Trek et son importateur pour avoir interdit à leurs distributeurs agréés la vente des cycles en ligne
INFOS : Dans un nouvel avis sur le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer, l’Autorité de la concurrence formule 19 recommandations pour réduire les écarts de prix substantiels avec la métropole, notamment en développant le commerce en ligne, et revient à la charge sur l’injonction structurelle
EN BREF : Le Belge Pierre Régibeau remplace l’Italien Tommaso Valletti comme économiste en chef de la DG concurrence
ANNONCE COLLOQUE : « Synthèse Droit économique », Paris — 24 septembre 2019 [message de Alexandra Dupont]
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INFOS : Réunis à Poznań en Pologne, les ministres de l’économie polonais, allemand et français formulent des propositions concrètes pour réformer la politique européenne de la concurrence
Les Allemands et les Français, qui avait engagé, à la suite de l’interdiction de la fusion Siemens/Alstom, une campagne visant à adapter le cadre européen des aides d’Etat et de la concurrence, sont parvenus à rallier les Polonais à leur cause.
Réunis le 4 juillet 2019 à Poznań en Pologne, les ministres de l’économie polonais, allemand et français formulent des propositions plus concrètes pour réformer la politique européenne de la concurrence.
Ils invitent les États membres favorables à ces positions à rejoindre la présente contribution.
Plaidant en faveur d’une politique industrielle européenne commune, jugée inséparable d’une politique de la concurrence et d’une politique commerciale, les trois pays formulent sept pistes de réflexion conçues comme leur contribution dans la perspective de la définition des priorités politiques de la prochaine Commission européenne. Il s’agit :
— de mieux prendre en compte dans le contrôle des concentrations le soutien étatique dont bénéficient certaines entreprises de pays tiers ;
— de contrebalancer le pouvoir de marché excessif de certains grands acteurs du numérique, en étant plus réactifs face aux infractions aux règles de concurrence, en luttant mieux contre les acquisitions prédatrices, en identifiant les acteurs systémiques et en appliquant des règles spécifiques lorsque cela est approprié ;
— de moderniser le contrôle des concentrations en donnant plus de précisions aux entreprises sur les marchés pris en compte et sur les gains d’efficience attendus d’une concentration en Europe, au bénéfice de la compétitivité de l’industrie européenne ;
— de clarifier les conditions de création de co-entreprises communes (joint-ventures) et encourager en cas de concentrations des conditions alternatives à des cessions d’actifs, qui dissuade les entreprises européennes de fusionner ;
— de renforcer les capacités de conseil et élargir le spectre d’expertise de la Commission européenne, notamment en examinant les moyens de renforcer l’expertise indépendante sur les dossiers complexes. La Commission devrait s’appuyer sur une capacité d’expertise plus large afin de mieux cerner tous les enjeux de la transformation numérique ;
— de renforcer la prise en compte des demandes politiques du Conseil dans la définition des orientations politiques et des prises de décision. Les ministres européens devraient pouvoir apporter une contribution accrue au développement de la politique de la concurrence et une évaluation de sa mise en oeuvre, en utilisant pour cela le Conseil Compétitivité qui devrait davantage discuter des orientations de la politique européenne de contrôle des concentrations et faire part de leur appréciation des enjeux de compétitivité de l’industrie européenne dans la politique de concurrence ;
- d’encourager le recours aux remèdes comportementaux plutôt qu’aux remèdes structurels.
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INFOS : Publication au JORF de l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 portant mise en cohérence des dispositions législatives des codes et lois avec celles du code de commerce dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées
Le 4 juillet 2019 est paru au JORF l’ordonnance n° 2019-698 du 3 juillet 2019 portant mise en cohérence des dispositions législatives des codes et lois avec celles du code de commerce dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées.
Il est accompagné d’un rapport au président de la République.
La présente ordonnance, adoptée en application du II de l'article 17 de la loi EGALIM qui autorise le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi nécessaire pour mettre en cohérence les dispositions de tout code avec celles prises par voie d'ordonnance en application du I, recense donc tous les codes et lois qui citent des articles figurant au titre IV du livre IV du code de commerce, soit précisément 12 codes, et remplacent ceux-ci, à droit constant par les nouvelles références au code, dans leur rédaction résultant de l'ordonnance n° 2019-359.
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JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que l’obligation d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations dans le cadre d’une procédure en matière d’aides d’État, suite à une modification substantielle du cadre juridique, n’existe que si cette modification substantielle est susceptible d’avoir une incidence sur la décision, l’avocat général Tanchev invite la Cour de justice à annuler l’arrêt du Tribunal dans l’affaire du financement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo situé en Poméranie
Le 4 juillet 2019, l’avocat général Evgeni Tanchev a présenté ses conclusions dans l’affaire Affaire C-56/18 (Commission européenne contre Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo).
Il y suggère à la Cour d’annuler l’arrêt du 17 novembre 2017 rendu dans l’affaire T‑263/15 (Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo contre Commission européenne), en ce que le Tribunal a partiellement annulé la décision de la Commission rendue le 26 février 2015 à propos du financement public accordé par deux communes polonaises en faveur de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo situé en Poméranie.
En juillet 2007, souhaitant reconvertir à des fins civiles l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, les deux communes avaient créé une société afin de gérer ce nouvel aéroport civil, destiné à servir au trafic aérien général, aux lignes à bas coûts et aux compagnies charters.
Dans une première décision adoptée le 11 février 2014, la Commission avait constaté que le projet de financement de cet aéroport constituait une aide d’État et en avait ordonné la récupération aux autorités polonaises. Mais, prenant conscience que l’aide d’État déclarée incompatible comprenait certains investissements ne constituant pas des aides d’État dans la mesure où ils relevaient d’une tâche d’intérêt public, la Commission avait en conséquence, le 26 février 2015, retiré la décision de 2014, puis l’avait remplacée par la décision attaquée. Pour autant, la Commission avait considéré qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une nouvelle procédure d’examen dans la mesure où le dossier contenait, selon elle, tous les éléments nécessaires à l’appréciation de la mesure en cause.
Les deux communes et la société chargée de la gestion de l’aéroport et accessoirement le bénéficiaire de l’aide ont alors formé un recours en annulation des articles 2 à 5 de la seconde décision de la Commission du 26 février 2015.
Si ledit recours reposait sur six moyens, le Tribunal n’en avait traité qu’un seul, le sixième moyen, et plus encore, n’avait examiné que le troisième grief de ce moyen tiré de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen et de la violation des droits procéduraux des intéressés.
Pour les requérantes, la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen avant d’adopter la décision attaquée et assurer le respect des droits procéduraux des intéressés.
En substance, Relevant que la Commission avait opéré, dans la décision attaquée, un changement de régime juridique s’agissant de l’analyse de la compatibilité de l’aide au fonctionnement et que le nouveau régime juridique appliqué par la Commission dans la décision attaquée comportait des modifications substantielles par rapport à celui précédemment en vigueur et pris en compte dans la décision d’ouverture et dans la décision de 2014, le Tribunal a estimé que la Commission était tenu de mettre les intéressés en mesure de présenter leurs observations, et ce, avant l’adoption de la seconde décision, ce qu’elle a omis de faire.
S’agissant de la portée de l’illégalité ainsi constatée, le Tribunal relève qu’en raison de la confusion opérée par la Commission entre les deux types de financement, à savoir une aide à l’investissement et une aide au fonctionnement, lesquels financements ont été analysés globalement par la Commission pour retenir, notamment, la qualification d’aide d’État, il n’est pas possible, dans ces conditions, d’interpréter le dispositif de la décision attaquée comme visant, de façon dissociable, l’aide à l’investissement et l’aide au fonctionnement. Ce faisant, il prononce l’annulation intégrale des articles 2 à 5 de la décision attaquée (pt. 90).
La Commission a introduit un recours visant à obtenir l’annulation de l’arrêt rendu par le Tribunal. Elle fait valoir que, dans la décision litigieuse, la constatation que l’aide au fonctionnement était incompatible avec le marché intérieur reposait sur deux fondements indépendants. Le fondement principal consistait à soutenir que l’aide à l’investissement elle‑même était incompatible avec le marché intérieur, alors que le non-respect du premier critère fixé dans les lignes directrices de 2014 (l’aide au fonctionnement doit contribuer à la réalisation d’un objectif d’intérêt commun clairement défini) constituait simplement le deuxième fondement, à caractère subsidiaire. Cependant, le raisonnement du Tribunal se basait sur l’idée que l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur résultait uniquement de l’application des lignes directrices de 2014 (pt. 10).
Dans la présente affaire, la Cour est invitée à répondre à la question de savoir si l’obligation d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations dans le cadre d’une procédure en matière d’aides d’État, suite à une modification substantielle du cadre juridique, est une formalité substantielle (dont la violation entraînerait l’annulation de la décision indépendamment de l’incidence qu’une telle modification pourrait avoir sur la décision), ou si une telle obligation n’existe que si cette modification substantielle est susceptible d’avoir une incidence sur la décision (pt. 2).
Aux termes des présentes conclusions, l’avocat général Tanchev traite deux points distincts, d’une part du grief tiré de la qualification juridique erronée du droit des parties intéressées à présenter des observations et d’autre part du grief tiré de l’interprétation et l’application erronées de la jurisprudence Ferriere Nord et de la décision de la Commission.
S’agissant en premier lieu du grief tiré de la qualification juridique erronée du droit des parties intéressées à présenter des observations, la Commission fait valoir le Tribunal a fait une interprétation du « droit de présenter des observations » reconnu aux parties intéressées conformément à l’article 108, § 2, TFUE, contraire à l’arrêt rendu le 8 mai 2008 par la Cour dans l’affaire C-49/05 (Ferriere Nord/Commission) (pts. 78 à 84). Selon elle, comme la violation du droit des parties intéressées à présenter des observations n’est pas une formalité substantielle, le Tribunal aurait dû constater que le troisième grief du sixième moyen était irrecevable, et ce grief n’aurait pas dû être examiné d’office (pts 11-13).
Estimant que la présente affaire est similaire à l’affaire Ferriere Nord (pt. 20) et rappelant que, malgré cet arrêt, le Tribunal a affirmé que le fait de ne pas avoir consulté les parties intéressées sur les nouvelles lignes directrices de 2014 était constitutif d’une violation d’une formalité substantielle, violation entraînant l’annulation de l’acte vicié, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si le résultat de la procédure aurait été différent en l’absence de cette irrégularité procédurale (points 81et 83), l’avocat général Tanchev parvient à la conclusion que l’exigence de consulter les parties intéressées au cours de la procédure n’existe que si une modification substantielle au régime juridique a pu avoir une incidence sur la décision finale (pt. 22). Ainsi, la jurisprudence de la Cour cherche à préserver le caractère fondamental et, par conséquent, exceptionnel des exigences qui constituent une formalité substantielle (pt. 23).
il y a lieu d’opérer une distinction entre une « formalité substantielle » découlant de l’article 108, § 2, TFUE, d’une part, et d’autres droits procéduraux, d’autre part, à l’instar du droit des parties intéressées à présenter des observations sur les dispositions que la Commission envisage d’appliquer aux fins de l’appréciation de la mesure concernée. C’est ce droit qui était en cause dans l’affaire Ferriere Nord. Or, la Cour ne l’a pas qualifié de « formalité substantielle » (pt. 30).
Rappelant que l’obligation pour la Commission d’autoriser les parties intéressées à présenter des observations suite à l’ouverture d’une procédure formelle d’examen est une formalité substantielle, l’avocat général Tanchev relève qu’au cas d’espèce, la Commission a satisfait à cette obligation en publiant la décision d’ouverture et qu’elle n’était pas tenue de rouvrir la procédure formelle d’examen et de réinviter les parties intéressées à déposer des observations, dès lors qu’elle ne s’était pas basée sur de nouveaux faits. En effet a précisé la Cour dans l’affaire Ferriere Nord, si une modification du régime juridique survient en cours de procédure, dans la mesure où cette modification est substantiellement identique et n’est pas susceptible de modifier l’analyse initiale effectuée par la Commission, une nouvelle consultation des parties intéressées n’était pas nécessaire (pt. 31).
À l’instar de la Commission, l’avocat général Tanchev estime la différence entre les régimes juridiques n’est en définitive pas pertinente en l’espèce, étant donné que la décision qualifiant l’aide au fonctionnement d’incompatible avec le marché intérieur est fondée (à titre principal) sur un principe de logique générale issu de l’article 107 TFUE, qui est applicable en tout état de cause.
En outre, relève-t-il, si, au cours de la procédure devant la Commission, survient une modification du régime juridique et que cette modification est substantielle et susceptible d’affecter le résultat de l’appréciation de la compatibilité de la mesure avec le marché intérieur, la Commission peut inviter l’État membre à présenter des observations. Toutefois, seul État membre peut le faire (et non pas les parties intéressées) et ce qui importe est que cette situation ne constitue pas une forme substantielle (pt. 50).
Et l’avocat général Tanchev d’inviter la Cour à accueillir le grief dans la mesure où ne constitue pas une formalité substantielle l’obligation de consulter les parties lorsque le régime juridique connaît une modification substantielle au cours de la procédure.
Par le grief tiré de l’interprétation et de l’application erronées de la jurisprudence Ferriere Nord et de la décision de la Commission, la Commission cherche à obtenir de la Cour une appréciation du point de savoir si elle était effectivement tenue de respecter l’obligation de consulter les parties intéressées en l’espèce.
Estimant que le raisonnement du Tribunal revient à reconnaître un droit de présenter de nouvelles observations dès que de nouvelles lignes directrices deviennent applicables alors qu’une procédure est en cours, l’avocat général Tanchev estime à l’inverse que, pour parvenir à une telle conclusion, le Tribunal aurait dû constater, en vertu de la jurisprudence Ferriere Nord, que la décision déclarant l’aide au financement incompatible avec le marché intérieur était basée uniquement sur les lignes directrices de 2014 et que celles-ci modifiaient substantiellement les lignes directrices de 2005. Or, observe-t-il, le Tribunal n’a pas procédé de la sorte (pts. 67-68).
En fin de compte, il estime que les éventuelles observations des défenderesses n’auraient pas pu avoir un impact sur le résultat de la procédure, et qu’elles n’auraient pas non plus eu un impact sur la décision litigieuse, ou, notamment, sur l’appréciation de la compatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur. Cela découle du fait que l’incompatibilité résultait de l’aide à l’investissement accordée en vue de la conversion et de l’exploitation initiale de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo (pt. 71). En effet, la raison principale de l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement était le fait que l’aide à l’investissement elle‑même avait été déclarée incompatible (pt. 74). Et comme les lignes directrices de 2014 n’étaient pas applicables à l’aide à l’investissement, dont l’incompatibilité n’est pas contestée, l’application des lignes directrices de 2014 à l’aide au fonctionnement n’aurait tout simplement pas pu modifier le résultat de la décision litigieuse (pt. 75).
Et l’avocat général Tanchev d’inviter la Cour à accueillir également ce grief et, ce faisant, à annuler l’arrêt attaqué, puis statuant sur le recours contre la décision de la Commission, de rejeter le troisième grief du sixième moyen soulevé en première instance au motif qu’il est infondé et, en tout état de cause, inopérant et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal aux fins de l’examen des cinq autres moyens du recours.
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INFOS UE : La Commission européenne publie ses « Orientations à l'intention des juridictions nationales sur la façon d'estimer la part du surcoût répercutée sur les acheteurs indirects »
La Commission vient de rendre publiques ses « Orientations à l'intention des juridictions nationales sur la façon d'estimer la part du surcoût répercutée sur les acheteurs indirects ».
Le projet de communication de la Commission avait fait l’objet d’une consultation publique de trois mois le 5 juillet 2018.
Ce document de 62 pages, dont la publication était prévue par la directive « dommages » vient compléter les quelques développements (pts. 161 à 174) consacrés à la question de la répercussion du surcoût dans le « Guide pratique concernant la quantification du préjudice » publié en 2013 par la même Commission à l’attention des mêmes juridictions nationales.
À noter que les présentes orientations mettent l’accent sur la répercussion du surcoût dans le cadre d’infractions à l’article 101 du TFUE, mais qu’elles peuvent aussi constituer une source de référence pour favoriser les bonnes pratiques en matière d’actions en dommages et intérêts engagées devant les juridictions nationales pour des infractions à l’article 102 du TFUE, par exemple des pratiques de tarification excessive, pour autant que les particularités des abus de position dominante au sens de l’article 102 du TFUE soient suffisamment prises en compte (note 5). Par ailleurs, si la directive « dommages et intérêts » n’établit aucune distinction entre les dommages découlant 1) de prix accrus (effets liés au prix) et de la répercussion du surcoût, y compris l’effet volume et 2) d’autres effets, comme la qualité réduite des produits ou des entraves à l’innovation (effets non liés au prix), qui pourraient survenir, les présentes lignes directrices se concentrent sur la répercussion des hausses de prix et les effets volume correspondants (pt. 48).
À la lecture de ces orientations, il ne fait guère de doute que certains magistrats seront à tout le moins irrités tant la Commission cherche à leur tenir la main en insistant lourdement sur leur obligation d’accorder une attention particulière aux principes d’effectivité (appliquer les règles nationales de manière à ce que leur application ne rende pas pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice du droit à une réparation intégrale du préjudice causé par une infraction au droit européen de la concurrence) et d’équivalence (appliquer les règles et procédures nationales relatives à la réparation du dommage concurrentiel de la même façon que celles qui régissent les actions similaires en dommages et intérêts découlant d’infractions au droit national) (pts. 6, 33, 42). Par ailleurs, et alors que cela semble relever de l’office même de tout juge appelé à réparer un préjudice, la Commission n’hésite pas à leur rappeler, d’une façon qu’on pourra trouver quelque peu condescendante, leur rôle dans l’exercice d’estimation du préjudice et, en l’occurrence, la part de tout surcoût qui a été répercuté. Ainsi, elle leur rappelle qu’elles sont tenues de fonder leur appréciation sur les informations raisonnablement disponibles, de s’efforcer d’établir une approximation du montant ou de la part de la répercussion qui est plausible et de s’appuyer sur des hypothèses (pt. 34), mais aussi qu’elles ne peuvent pas rejeter une demande concernant la répercussion au motif qu’une partie n’est pas en mesure de quantifier avec précision les effets de la répercussion (pt. 33). Parce que ça va mieux en le disant, la Commission rappelle également qu’il y a lieu d’éviter toute réparation insuffisante, de même que toute réparation excessive (pt. 25). Dans la même veine, la Commission n’hésite pas à indiquer au juge que, lorsque le demandeur et le défendeur se fondent sur des méthodes différentes, il ne peut pas couper la poire en deux ou écarter les deux méthodes. Il doit statuer sur le mérite respectif des deux méthodes (pt. 154), quitte à demander conseil à l’autorité nationale de la concurrence sur la méthode à utiliser (pt. 83).
Mais que les magistrats auxquels ses orientations sont destinées se rassurent, elles sont non contraignantes et visent seulement à aider les juridictions nationales à estimer la part du surcoût qui a été répercutée sur les acheteurs indirects (pt. 2).
Les présentes orientations débutent par une brève section juridique dans laquelle sont résumées les règles de procédure et les instruments en vertu desquels les juridictions nationales peuvent tenir compte de la répercussion du surcoût dans des actions en dommages et intérêts. La Commission y insiste sur la nécessité pour le juge d’accorder une réparation intégrale, laquelle couvre la réparation du dommage réel (damnum emergens) et du manque à gagner (lucrum cessans), ainsi que le paiement d’intérêts (pt. 15). À cet égard, si l’effet sur les prix pratiqués par l’acheteur direct ou indirect découlant du surcoût relève de la catégorie des dommages réels, l’effet volume renvoie quant à lui au manque à gagner dû à la diminution des ventes qui résulte de la répercussion des surcoûts. Après avoir rappelé les différents scénarios dans lesquels une juridiction s’intéresse à des problèmes de répercussion — la répercussion du surcoût comme un moyen de défense de l’auteur de l’infraction pour écarter ou atténuer une demande de dommages et intérêts introduite par un acheteur direct ou comme une « épée » utilisée par les acheteurs indirects pour fonder leurs actions en dommages et intérêts (pts. 18-19), la Commission rappelle les règles posées par la directive sur la charge de la preuve et l’utilisation du type de preuves nécessaires pour prouver et quantifier la répercussion en fonction de la méthode économique utilisée (pt. 37) et sur le jeu des présomptions légales réfragables et des présomptions de fait (pts. 20 sq).
La Commission en vient alors à ce qu’elle qualifie de « section principale » des orientations, laquelle traite des aspects économiques de la répercussion, à savoir d’abord de la théorie économique qui se concentre sur les concepts théoriques qui sous-tendent la répercussion et décrits les facteurs qui peuvent l’influencer, puis des méthodes de quantification pertinentes aux fins de l’estimation de la répercussion, dans laquelle elle présente les différentes approches et méthodes de quantification des effets de la répercussion.
S’agissant de la théorie économique de la répercussion du surcoût, la Commission rappelle que l’existence et l’ampleur des effets de la répercussion, à savoir l’effet prix et l’effet volume associés, sont déterminées par une série de facteurs — i) la nature des coûts (fixes ou variables) des intrants faisant l’objet d’un surcoût et si ces surcoûts pèsent uniquement pour un client ou pour l’ensemble des clients sur un marché donné (pt. 52) ; ii) la nature de la demande de produits à laquelle les clients directs ou indirects sont confrontés (sensibilité de la demande au prix) (pt. 53); iii) la nature et l’intensité de l’interaction concurrentielle entre les entreprises sur le marché où les clients directs ou indirects sont actifs (pt. 54) ; et iv) d’autres éléments tels que caractéristiques du client (consommateurs ou entreprises), la part des divers intrants d’une entreprise qui sont touchés par le surcoût, la puissance d’achat, l’intégration verticale des clients directs et indirects, la réglementation des prix ou la réglementation des prix ou le moment auquel les décisions sur les prix sont prises aux différents niveaux de la chaîne de distribution (pt. 56).
Il reste que la lecture de ces développements sur la théorie économique laisse comme souvent l’impression d’un raisonnement excessivement mécanique reposant sur des comportements rationnels des agents économiques et ne laissant rien paraître des comportements irrationnels, de l’absence de transparence du fonctionnement du marché, voire des asymétries d’information…
La Commission passe alors en quelque sorte aux travaux pratiques en abordant la question de la quantification de l’effet prix et de l’effet volume liés à la répercussion et, partant, la construction d’un scénario contrefactuel, laquelle vise à isoler l’effet de l’infraction des autres facteurs affectant les prix qui auraient influencé les prix sur le marché concerné même si l’infraction n’avait pas été commise (pt. 66). S’ensuit un véritable discours sur la méthode, avec force exemples, encadrés, graphiques et autre illustrations tirés essentiellement de la jurisprudence de la Cour de justice. S’il est impossible de désigner une technique comme plus appropriée que les autres dans tous les cas, l’utilisation de techniques économétriques, qui peuvent augmenter le degré d’exactitude d’une estimation, nécessite généralement une quantité importante de données qui ne sont pas toujours disponibles et peut par suite entraîner des coûts considérables qui peuvent être disproportionnés par rapport au montant des dommages et intérêts en question (pt. 156). D’où l’intérêt, pour les juridictions nationales, de commencer à utiliser des éléments de preuve directe pertinents pour l’affaire en cause, à l’instar des documents internes ou d’autres documents de nature qualitative produits par l’acheteur direct ou indirect montrant le lien entre le surcoût et les variations de ses propres prix (pt. 157).
Les juges et les experts économiques peuvent choisir d’estimer de manière séquentielle les trois composantes du dommage, à savoir le surcoût, l’effet prix lié à la répercussion et l’effet volume lié à la répercussion (pt. 69).
Lors de l’estimation de l’effet prix lié à la répercussion, les juridictions nationales peuvent s’appuyer sur différents types d’approches économiques de la quantification, en particulier l’approche directe, en estimant directement l’augmentation des prix ou la variation de la marge qui a résulté de l’incidence du surcoût initial, via des méthodes comparatives reposant sur un contrefactuel (pt. 85). Après avoir rappelé les différents contrefactuels envisageables (dimension temporelle, dimension produit), voire la combinaison des deux via la « méthode des doubles différences » (pts. 95 sq.) ou le recours à la « méthode transversale » (pts. 93-94), la Commission aborde la mise en œuvre des approches directes dans la pratique (pts. 100 sq.). À cet égard, elle précise que, lorsque la disponibilité et la qualité des données le permettent, des ajustements peuvent être apportés aux données de comparaison sur la base de techniques économétriques, notamment en recourant à une analyse de régression, laquelle permet d’estimer le degré de corrélation existant entre les variables pertinentes, ce dernier pouvant, dans certains cas, être révélateur d’une influence causale d’une variable sur l’autre (pt. 102). Cependant, ces analyses économétriques ont un coût qui peut s’avérer considérable, de sorte que la juridiction pourra chercher à estimer la répercussion sans recourir à une analyse de régression et en prenant en considération les preuves qualitatives (pt. 107).À ce stade, la Commission introduit un peu de nuance dans des raisonnements par trop mécaniques en attirant l’attention des juges sur le fait que les entreprises de différents secteurs d’activités, voire au sein d’un même secteur, peuvent adopter des politiques tarifaires différentes. Dans certains cas, une entreprise peut avoir une politique claire ou une pratique établie qui définit les ajustements de prix qui résulteront de variations spécifiques des coûts. Dans d’autres cas, l’entreprise peut chercher à atteindre certains objectifs de performance. En outre, observe-t-elle, les entreprises peuvent avoir de bonnes raisons de ne pas toujours répercuter de petites modifications dans leurs coûts marginaux (pt. 130). Ce faisant, elle introduit un peu de complexité, particulièrement bienvenue.
À ce stade, la Commission aborde les limites des comparaisons contrefactuelles : difficulté de trouver un élément de comparaison non affecté, et donc un marché de comparaison approprié en terme de produits comme du point de vue temporel. Est-on sûr que la période contrefactuelle choisie est exempt de toute collusion (pts. 112 sq.) ?
De manière générale, la méthode comparative est préférable lorsqu’elle peut être appliquée de manière réaliste et proportionnée, dans la mesure où elle permet une estimation de la répercussion en se basant sur les prix réels fixés par un acheteur direct ou indirect au cours de la période d’infraction. Quoiqu’il en soit, l’objectif de l’exercice est toujours d’isoler l’effet de l’infraction des autres facteurs de nature à influencer également les prix. Bien que la méthode du taux de répercussion ne permette pas une telle approche, il reste important de contrôler les facteurs qui ne sont pas liés à l’infraction, sans quoi le taux de répercussion estimé sera probablement biaisé (pt. 130).
La Commission passe alors à la quantification et à l’estimation des effets volume, c’est-à-dire le manque à gagner résultant du recul des ventes, qui est obtenu en multipliant ce volume perdu par la marge bénéficiaire. Sur ce point, la Commission prévient : si la répercussion est prise en compte sans inclure l’effet volume, le véritable préjudice sera alors sous-estimé (pt. 135). Il faut donc évaluer d’une part la variation de la quantité résultant de l’augmentation des prix et d’autre part la marge contrefactuelle. Selon la disponibilité des données, l’approche comparative sera ou non privilégiée (pt. 138). Les présentes orientations comportent deux annexes, la première explique plus en détail les éléments de la théorie économique qui présentent un intérêt dans le contexte de l’estimation de la répercussion (pts. 158 sq.), tandis que la seconde propose un glossaire des termes économiques utilisés dans les présentes orientations (pt. 194).
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INFOS : Estimant que la réglementation exigeant du vendeur de cycles qu'il livre des vélos entièrement montés et réglés, ne permet pas au fournisseur d’imposer à ses distributeurs de livrer les cycles dans leurs points de vente physiques, l’Autorité sanctionne le fabricant des vélos de marque Trek et son importateur pour avoir interdit à leurs distributeurs agréés la vente des cycles en ligne
Après les tronçonneuses, les vélos haut de gamme ! Rien n’échappe à l’acharnement dont fait preuve l’Autorité de la concurrence française pour permettre au consommateur d’acheter ses biens de consommations en ligne, fussent-ils dangereux ou, comme au cas d’espèce, extrêmement techniques.
À la faveur de la décision n° 19-D-14 du 1er juillet 2019, l’Autorité de la concurrence sanctionne le fabricant américain de vélos haut de gamme commercialisés sous la marque Trek et son importateur à une amende de 250 000 euros pour avoir interdit à leurs distributeurs agréés la vente en ligne des cycles de la marque.
Il s’agit là d’une veille affaire, dont les premiers éléments ont été transmis par la DGCCRF en mars 2009, qui a été prise en charge au stade de l’enquête par l’Autorité dès avril 2009… mais qui n’est jugée qu’au bout de 10 ans… Du reste, les pratiques aujourd’hui sanctionnées remontent aux années 2007 à 2014. Sous l’amicale pression de l’Autorité de la concurrence, elles ont cessé dès septembre 2014. Pourtant, l’Autorité, voulant sans doute remplir son tableau de chasse et faire savoir qu’elle ne cédera rien, même lorsque les pratiques ont cessé depuis plusieurs années, entre en voie de sanction.
Affaire complexe dira-t-on pour expliquer la durée de la procédure ? Pas vraiment.
L’originalité du cas tient au fait que la réglementation alors en vigueur — le décret n° 95-937 du 24 août 1995 — interdisait, sous peine d’amende, au vendeur de livrer au consommateur final des cycles qui ne soient pas entièrement montés selon les règles de l’art ni entièrement réglés. Un décret n° 2016-364 du 29 mars 2016 est venu légèrement assouplir les conditions de livraison, en permettant au vendeur de laisser le soin au consommateur de monter les roues, les pédales, etc.
Fort de cette contrainte, Trek s’est cru en droit d’imposer contractuellement à ses distributeurs de livrer les cycles Trek dans leurs points de vente physiques, interdisant de facto la revente en ligne de ses produits contractuels. La tête de réseau justifiait ainsi cette interdiction de la vente de ses vélos à distance (donc sur internet) : « i) nous voulons que votre expertise lors de la vente soit complète pour le client (réglage du vélo, SAG amortisseurs, serrages vérifiés etc...) ; ii) que le vélo soit vendu complètement monté (ce qui est rarement le cas quand ils sont livrés en carton et vous êtes hors la loi) ; iii) éviter la guerre des prix (je pense qu’elle fait déjà suffisamment rage) » (pt. 51). C’est visiblement cette dernière assertion — maladroite, il est vrai — qui a principalement retenu l’attention de l’Autorité.
Mais les termes mêmes du décret de 1995, s’ils n’imposaient pas l’interdiction de la revente des vélos en ligne et leur livraison à distance, ne contenaient-ils pas à tout le moins une justification du chef du fournisseur pour imposer à ses revendeurs une livraison de ses cycles haut de gamme en concession. De fait, le décret exigeait non seulement que le vélo soit entièrement monté, mais surtout qu’il soit « entièrement réglé », ce qui peut se comprendre comme réglé en fonction de la morphologie de l’utilisateur. Or, un tel réglage personnalisé suppose, en pratique, le passage de l’intéressé en concession à un moment ou à un autre, et de préférence au moment où le modèle vendu sera livré à l’acheteur… À tout le moins, l’Autorité aurait pu reconnaître aux termes du décret une certaine ambiguïté. Elle n’en fait rien, relevant à l’inverse que le décret de 1995 n’interdisait aucun type de vente, notamment à distance et n’exigeait nullement, en revanche, d’une part que ces montages et réglages soient effectués en présence de l’acheteur et, d’autre part, que celui-ci doive se déplacer dans un espace physique spécifique, tel que le magasin du distributeur, pour prendre livraison du ou des cycles concernés, une fois ceux-ci montés et réglés (pt. 127). Dès lors, les CGV applicables pour toute la durée de la pratique prévoyant une telle mesure excédaient par conséquent les obligations réglementaires (pt. 128). Afin de renforcer l’idée selon laquelle la réglementation n’imposait pas la livraison en mains propres, l’Autorité relève qu’alors même que le décret de 1995 était toujours en vigueur, les ventes de cycles à distance se sont développées, notamment via le canal Internet qui a vu sa part de marché en valeur passer de 4,5 % en 2012 à 7,5 % en 2015 (73 M€ en 2015) (pt. 129). Pour donner plus de vigueur à son raisonnement, l’Autorité n’hésite pas à mettre au jour ce qu’elle considère comme les contradictions de la tête de réseau. Ainsi la compatibilité de la vente par Internet avec la réglementation en vigueur à l’époque des faits serait démontrée par le fait qu’à partir de 2015, Trek aurait radicalement changer d’approche, autorisant la vente à distance de ses produits, alors même que le décret de 1995 était toujours en vigueur. Et l’Autorité d’insister sur le fait que cette nouvelle pratique était en contradiction totale avec sa précédente approche, qui aurait dû faire obstacle à une telle évolution (pt. 130). Ce qu’omet de préciser l’Autorité à ce stade, c’est que cette évolution de la politique commerciale de Trek est loin d’être spontanée et volontaire. Dès fait comme le relève elle-même l’Autorité au point 199 de la présente décision, le changement de politique de Trek à propos de la livraison de ses vélos, a été engagé sous pression, à la suite des opérations de visite et saisie conduites dans les locaux des parties le 4 juin 2013 et après l’audition de leur représentant par l’Autorité le 24 avril 2014…
Dès lors, et contrairement à ce qu’affirme l’Autorité, il ne peut être considéré que Trek a ipso facto confirmé que la réglementation en vigueur pendant la période litigieuse n’excluait pas, y compris à ses yeux, la possibilité de vendre sur Internet et de livrer le produit à distance tout en respectant les impératifs de sécurité édictés par le décret de 1995 (pt. 131).
On relèvera ainsi que, pour l’Autorité, la conversion de Trek à la vente à distance à partir de 2015 est, soit spontanée et volontaire (pt. 130), soit sous contrainte (pt. 199). Spontanée ou sous contrainte, il faut choisir… sous peine de contradiction.
À cet égard, Trek soutenait qu’il n’interdisait pas à ses distributeurs agréés de revendre en ligne dès lors que les clients venaient récupérer leur produit acheté en ligne dans le magasin physique du distributeur (pt. 102). Mais pour l’Autorité, dès lors que le consommateur est contraint de se rendre au-delà de la zone au sein de laquelle il est normalement prêt à se déplacer pour effectuer un achat, les CGV suppriment de facto les avantages essentiels de la vente sur Internet et reviennent donc, toujours de facto, à interdire cette modalité de vente (pt. 103).
Afin de déterminer si la restriction de concurrence qu’elle a identifiée pouvait relever de la restriction par objet, l’Autorité de la concurrence s’est alors attachée à rechercher son degré de nocivité pour la concurrence.
L’Autorité relève d’abord que l'obligation de livraison en magasin, en recréant artificiellement les zones de chalandise physiques de chaque distributeur, restreint fortement la liberté commerciale des distributeurs et leur capacité à se concurrencer par les prix à l'extérieur de ce périmètre (pt. 144). Par ailleurs, et dans un contexte d’essor de la vente en ligne des cycles, la politique commerciale de Trek rendait peu attractive l’ouverture d’un site Internet pour les distributeurs, l’acheteur potentiel sur le site étant obligé de se rendre dans le point de vente physique (pt. 147). Du point de vue des consommateurs, acheteurs occasionnels de cycles, l’absence de présence sur Internet des revendeurs nuit à l’identification de ces derniers et à leur comparaison et donc à la possibilité de faire jouer la concurrence entre eux, en termes de prix et de produits (pt. 148). Ce faisant, conclut l’Autorité, l’interdiction ainsi posée constitue, de par sa nocivité, une restriction de concurrence par objet au sens des articles 101, § 1 du TFUE et L. 420-1 du code de commerce (pt. 151). CQFD.
Il est clair à cet égard que la facilité procédurale offerte par la qualification d’infraction par objet permet de ne pas avoir à se poser la question des effets réels de la pratique.
Mais de quoi parle-t-on juste ? D’une pratique ultra-minoritaire, pour ne pas dire marginale, d’amoureux de la petite reine capables de monter et de régler eux-mêmes un vélo acheté en ligne. À l’inverse, l’immense majorité des acheteurs a besoin d’être conseillé en magasin et de prendre un vélo entièrement monté selon les règles de l’art et entièrement réglé en fonction de sa physionomie. Dès lors, il n’est pas certain que l’autorisation par Trek de la vente en ligne de ses cycles aurait rendu plus attractive l’ouverture d’un site Internet pour les distributeurs, tant la cible semble limitée, non plus du reste qu’elle aurait contribuer à renforcer la concurrence en termes de prix. À cet égard, toute comparaison avec le « pure player » qui vend uniquement ses cycles haut de gamme en ligne serait abusive. En effet, le « pure player », qui « adresse » cette clientèle d’initiés, ne peut proposer des prix plus bas que parce qu’il a mis en place une structure de vente directe, sans importateur, ni distributeur. Il est toutefois piquant de constater que le « pure player » en question insiste sur son site web sur les différents moyens dont disposent les clients pour essayer ses vélos avant de les acheter en ligne, montrant par là qu’il peut être utile, avant d’investir 2 000 à 5 000 € dans un vélo, de l’essayer…
Du reste, au stade de la détermination du dommage à l’économie, l’Autorité parvient elle-même à la conclusion que la pratique a causé un dommage certain mais limité à l’économie (pt. 194).
Enfin, l’Autorité a considéré que cette interdiction, d’une part, ne pouvait bénéficier du règlement d’exemption par catégorie applicable aux restrictions verticales, dans la mesure où elle s’apparentait à une restriction caractérisée des ventes passives et, d’autre part, ne remplissait pas les conditions requises pour l’octroi d’une exemption individuelle.
Pour déterminer la sanction, l’Autorité écarte l’application du communiqué sanctions, au motif que le droit et la jurisprudence applicables en la matière n'étaient pas clairement fixés avant l’arrêt de la cour de justice du 13 octobre 2011rendu dans l’affaire Pierre Fabre Dermo-cosmétique. Jusqu’à cet arrêt, il subsistait ainsi une incertitude juridique sur la qualification de la pratique visant à interdire les ventes sur Internet, incertitude qui doit être prise en considération dans le calcul de la sanction et justifie, dans les circonstances particulières de l’espèce, de déroger à l’application du communiqué sanctions (pts. 181-182).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.
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INFOS : Dans un nouvel avis sur le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer, l’Autorité de la concurrence formule 19 recommandations pour réduire les écarts de prix substantiels avec la métropole, notamment en développant le commerce en ligne, et revient à la charge sur l’injonction structurelle
Le 4 juillet 2019, Isabelle De Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence a remis à Annick Girardin, ministre des Outre-mer et à Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie l’avis n° 19-A-12 concernant le fonctionnement de la concurrence en Outre-Mer.
Élaboré en réponse à une saisine du ministre de l’économie du 11 juin 2018, cet avis a conduit à l’audition de près de 200 acteurs économiques et institutionnels actifs dans le secteur des produits de grande consommation dans les départements et régions d’outre-mer.
Dix ans après son avis avis n° 09-A-45, l’Autorité y dresse le constat de la persistance d’écarts de prix substantiels, dans des proportions variables selon les produits et les territoires, entre la métropole et les outre-mer.
Selon les chiffres de l’INSEE de 2015, le niveau général des prix à la consommation est ainsi entre 7 % et 12,5 % plus élevé dans les départements d’Outre-Mer qu’en France métropolitaine. Ces écarts de prix sont en grande partie imputables aux produits alimentaires, qui représentent l’un des premiers postes de consommation des ménages, et pour lesquels les écarts de prix vont en moyenne de 28 % à 38 % selon les territoires.
Aux termes de cet avis de 180 pages comportant pas moins de 5 annexes, l’Autorité formule dix-neuf recommandations destinées pour deux d’entre elles à améliorer l’efficacité du thermomètre et pour les dix-sept autres à faire baisser la fièvre, dont pas moins de cinq recommandations destinées à développer le commerce en ligne, en encourageant l’envoi groupé de colis (n° 14), en facilitant les retours (n° 15), en adoptant un octroi de mer à taux réduit et unique pour l’ensemble des produits vendus en commerce en ligne aux particuliers (n° 16) et en d’excluant les frais de transport de l’assiette de l’octroi de mer (n° 17), en assurant une meilleure information des consommateurs ultra-marins sur l’existence de ces taxes et des taux applicables (n° 18) et en adoptant une réglementation nationale reprenant les interdictions du règlement européen sur le blocage géographique (geoblocking) (n° 19).
Par ailleurs, l’Autorité dresse le bilan de son activité dans les DROM depuis 2009, qu’elle juge favorable et dont elle chiffre même l’impact à 420 millions d’euros depuis l’adoption de l’avis n° 09-A-45 du 8 septembre 2009.
Si les écarts de prix constatés sont en partie attribuables au cumul des marges générées par les différents acteurs des produits de grande consommation dans les DROM, notamment dans le cas de groupes intégrés et si certains niveaux de marge ou de rentabilité peuvent apparaître élevés ou supérieurs à ceux constatés en métropole, le poids de chacun des intermédiaires, pris isolément, est trop faible en moyenne pour que les sur-marges éventuellement réalisées à un stade de la chaîne de valeur puissent être rendues responsables de l’essentiel des différentiels de prix.
La fiscalité spécifique ultramarine y joue également un rôle. Il en va ainsi particulièrement de l’octroi de mer, initialement conçu pour protéger la production locale au travers des différentiels de taux. L’Autorité recommande de simplifier et de rendre cohérente entre territoires géographiquement proches la grille des taux d’octroi de mer (n° 3), pour réexaminer les taux applicables aux produits importés pour lesquels il n’existe pas d’équivalent dans la production locale (n° 4) et pour simplifier le système d’exonération des intrants (n° 5).
La structure du marché de la vente au détail à dominante alimentaire serait également à l’origine de la persistance d’écarts de prix substantiels entre la métropole et les outre-mer. Globalement, la concurrence appréhendée à l’échelle de chaque DROM apparaît plus concentrée qu’en métropole. Les barrières à l’entrée apparaissent plus importantes dans les DROM qu’en métropole. D’un point de vue commercial, le marché de la distribution alimentaire dans les DROM se caractérise en outre par un recours intensif aux promotions ainsi qu’une faible implantation des produits de MDD et premiers prix ou de distributeurs dits « hard discount ». Dans ce contexte, l’Autorité recommande de modifier la rédaction actuelle de l’article L. 752-27 du code de commerce afin de clarifier et de faciliter les conditions de mise en oeuvre du pouvoir d’injonction structurelle (n° 6), laquelle permet à l’Autorité, sous réserve de la réunion de certaines conditions et à l’issue d’une procédure contradictoire, d’enjoindre à une entreprise ou un groupe d’entreprises exploitant des commerces de modifier, compléter ou résilier des accords voire, si cela est strictement nécessaire, de céder des actifs. En fait, l’Autorité ne lâche pas l’affaire, même après la censure en des termes particulièrement fermes et définitifs par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-715 DC du 5 août 2015, déclarant contraire à la constitution l'ensemble du dispositif de la loi Macron instaurant l'injonction structurelle en Métropole. Ce faisant, l’Autorité revient à la charge en avançant que les trois conditions posées par l’article L. 752-27 apparaissent extrêmement difficiles à remplir en pratique et entravent la capacité de l’Autorité à faire usage de son pouvoir d’injonction, quand bien même la situation particulière de la concurrence le justifierait et qu’il conviendrait d’en revenir aux deux conditions initiales, à savoir l’identification d’une position dominante et la simple constatation que cette position dominante soulève des préoccupations de concurrence du fait de prix ou de marges élevés, que l’entreprise ou le groupe d’entreprises pratique, en comparaison des moyennes habituellement constatées dans le secteur économique concerné (pts. 177-178). Ainsi, elle entend à nouveau obtenir la possibilité de sanctionner une situation de position dominante sans constatation préalable d'une exploitation exclusive de celle-ci.
Par ailleurs, l’Autorité propose une amélioration du fonctionnement du bouclier qualité prix. Pour ce faire, elle formule des recommandations pour hiérarchiser les objectifs du dispositif eu égard aux spécificités de chaque DROM (n° 7), pour davantage anticiper les négociations sur la composition du BQP (n° 8), pour renforcer la participation des acteurs économiques au-delà de la seule distribution (n° 9) et pour créer un comparateur de prix des produits figurant dans la liste du BQP (n° 10).
Quant au rôle des accords d’importation, l’Autorité observe que’une part non négligeable des groupes de distribution ultramarins sont également présents comme grossistes-importateurs sur le marché de la vente en gros. Or, l’intégration verticale est susceptible, dans certaines hypothèses, notamment lorsque les marchés sont de petite taille et peu concurrentiels, de soulever des risques de concurrence, en particulier en matière d’allocation des budgets de coopération commerciale. C’est pourquoi l’Autorité recommande d’introduire dans le code de commerce une nouvelle disposition qui permettrait de sanctionner, dans les DROM, le fait pour un acteur intégré disposant d’une exclusivité de fait de discriminer ses clients tiers par rapport à ses conditions de ventes intra-groupes (n° 11).
Enfin, l’Autorité propose de renforcer la compétitivité de la production locale par rapport aux produits importés. Pour ce faire, l’Autorité recommande de poursuivre une structuration efficace des filières (n° 12) et d’encourager la différenciation des produits locaux grâce à des signes de qualité (n° 13).
D’ores et déjà, les ministres auxquelles ont été remis l’avis ont fait savoir que le Gouvernement déploiera une action qui s’organisera autour de quatre orientations :
1. Faciliter l’accès des ultramarins à la vente à distance, les ministères concernés ayant pour objectif d’agir sur ce point d’ici novembre 2019.
2. Refondre le bouclier qualité prix avec la création de trois paniers de produits distincts (produits alimentaires, petite enfance, hygiène) et par un effort accru de lisibilité de ces outils, s’appuyant sur un travail qui sera réalisé au plus près des territoires en lien avec les ministères des outre-mer et de l’économie.
3. Poursuivre les actions contre les pratiques d’exclusivité injustifiées ou contre les restrictions anormales au commerce en ligne.
4. Mener un travail conjoint avec les collectivités d’outre-mer sur une évolution des paramètres de l’octroi de mer.
Parallèlement, Francis Amand, délégué interministériel à la concurrence outre-mer, a été chargé de mener des actions spécifiques pour améliorer l’efficacité de la lutte contre les pratiques d’exclusivité, et pour intensifier la diversification des produits proposés aux consommateurs ultramarins dans les magasins.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du ministère de l’économie, ainsi qu’à celle du communiqué de l'Autorité de la concurrence.
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EN BREF : Le Belge Pierre Régibeau remplace l’Italien Tommaso Valletti comme économiste en chef de la DG concurrence
Le 3 juillet 2019, la Commission européenne a nommé le Belge Pierre Régibeau au poste d'économiste en chef à la direction générale de la concurrence (DG COMP). Il remplace l’Italien Tommaso Valletti en poste depuis 18 mois.
Vice-président de Charles River Associates, il est actuellement professeur honoraire à l'Université d'Essex. Diplômé de l'Université de Californie de Berkeley, il a enseigné à la Sloan School of Management (MIT), à la Kellogg School of Management (Université du Nord-Ouest), à l'Université de Barcelone et à l'INSEAD. Entre 2006 et 2011, il a été membre du groupe consultatif économique sur la politique de la concurrence, un groupe d'universitaires qui conseille la DG Concurrence.
Sixième économiste en chef de la DG concurrence, M. Régibeau prendra ses fonctions le 1er septembre 2019.
L'économiste en chef fait partie de la direction générale de la concurrence de la Commission et aide à évaluer l'impact économique de ses actions. L’économiste en chef fournit des conseils indépendants sur des questions méthodologiques d'économie et d'économétrie dans l'application des règles de concurrence de l'UE. Il contribue à des affaires de concurrence individuelles (en particulier des affaires économiques complexes et à une analyse quantitative), à la mise au point d'instruments de politique générale et à des affaires pendantes devant les juridictions communautaires.
L'économiste en chef est au centre du débat économique au sein de la DG COMP, en liaison avec d'autres services de la Commission et en association avec le monde universitaire. Les membres de son équipe organisent des sessions de formation sur des questions économiques et donnent des conseils sur des études de nature économique générale ainsi que sur la surveillance du marché.
L'économiste en chef coordonne également les activités du groupe consultatif économique sur la politique de la concurrence (EAGCP).
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Synthèse Droit économique
Paris — 24 septembre 2019
Bonjour,
La Fédération nationale pour le droit de l’entreprise (FNDE) organise le 24 septembre 2019 à la Maison de la chimie une synthèse Droit économique sous la présidence des professeurs Jacques Raynard et Nicolas Ferrier.
La matinée présentera l’actualité de l’année en droit économique (force de vente, réseaux, pratiques restrictives, pratiques anticoncurrentielles), tandis que l’après-midi sera exclusivement consacrée à l’ordonnance du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du code de commerce.
Le programme complet de la journée est disponible ICI.
Il est possible de s’y inscrire LÀ.
Bien cordialement,
Alexandra Dupont
FNDE
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