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SOMMAIRE
INFOS PROJET DE LOI SUR L’AUDIOVISUEL : Vers un rééquilibrage du dispositif visant à généraliser la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence
JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que l’obligation d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations dans une procédure d’aides d’État, suite à une modification substantielle du cadre juridique, n’existe que si cette modification est susceptible d’avoir une incidence sur la décision de la Commission, la Cour de justice de l’Union annule l’arrêt du Tribunal dans l’affaire du financement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo situé en Poméranie
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la décision de la Commission était entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation quant à la caractérisation d’un avantage, mais aussi dans le calcul du montant de l’aide, le Tribunal de l’Union européenne annule la décision constatant que la garantie publique accordée à deux clubs de football espagnols en difficulté dans le cadre d’une augmentation du capital constituait une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur
JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l’Union confirme le rejet d’une plainte déposée par un mandataire automobile Tchèque qui dénonçait diverses pratiques mises en œuvre par le constructeur Subaru
JURISPRUDENCE UE : L’avocate générale Kokott invite la Cour à confirmer l’arrêt du Tribunal autorisant, dans l’affaire du cartel des câbles électriques, l’exploitation dans les locaux de la Commission de preuves saisies au sein de l’entreprise visitée sans vérifier au préalable si ces données sont pertinentes pour l’objet et le but de l’inspection en cause
JURISPRUDENCE OVS : À la faveur d’un arrêt transposable en matière de concurrence, la Chambre criminelle de la Cour de cassation valide la technique du scellé fermé provisoire des fichiers de messageries, la saisie globale des fichiers « insécables » et la technique de nettoyage du legal privilege à partir d’un tableau numérique à compléter par l’entreprise visitée avant confection du scellé définitif et qui dispense le JLD de se transporter dans l’entreprise pour procéder lui-même au tri des fichiers contenant des documents relevant de la correspondance avocat-client
INFOS : Le Gouvernement suit partiellement l’avis de l’Autorité sur la fixation des tarifs réglementés de certaines professions juridiques
EN BREF : Nouvelle consultation publique sur les créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation
EN BREF : Publication de la version française de l’étude conjointe de l’Autorité de la concurrence et du Bundeskartellamt sur les algorithmes
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INFOS PROJET DE LOI SUR L’AUDIOVISUEL : Vers un rééquilibrage du dispositif visant à généraliser la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence
Le 5 mars 2020, la Commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale a achevé l’examen en commission du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique. Lors de la dernière séance, les membres de cette commission ont examiné (en moins de deux minutes chrono, 4h08mn04s) les quelques amendements déposés sur les deux articles dédiés aux procédures de concurrence — les articles 60 et 61.
Sur les neuf amendements déposés, un seul amendement portait sur le fond du dispositif envisagé à l’article 60 du projet de loi. Celui-ci comporte, on le rappelle, cinq mesures qui, ne relevant pas de la transposition de la directive ECN+, ont vocation à modifier directement les dispositions du code de commerce. Parmi celles-ci, on se souvient que l’alinéa 9 de l’article 60 entend faire de la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence la procédure de droit commun. En pratique, il s’agit d’élargir le recours à la procédure simplifiée et ses deux tours de contradictoire (au lieu de trois dans l’actuelle procédure normale) en supprimant le plafonnement de la sanction pécuniaire à 750 000 euros et par conséquent la « récompense » accordées aux mises en cause en contrepartie du renoncement à un tour de contradictoire écrit, de sorte que la procédure simplifiée serait appelée à s’appliquer à des pratiques justifiant des sanctions plus élevées, voire beaucoup plus élevées.
L’amendement n° AC1005 présenté par M. Bothorel, rapporteur de la Commission des affaires économiques, laquelle était seulement saisie pour avis sur ce texte, vise à supprimer l’alinéa 9 de l’article 60 du projet de loi Communication audiovisuelle et souveraineté culturelle, c’est-à-dire les dispositions qui tendent à faire de la procédure simplifiée devant l’Autorité de la concurrence la procédure de droit commun, au motif qu’en l’état, l’atteinte aux droits de la défense des entreprises paraît trop élevée et un rééquilibrage du dispositif est nécessaire. En fait, l’auteur de l’amendement n’envisage pas de revenir au statu quo ante, mais souhaite en accord avec la rapporteure générale du texte, Aurore Bergé, de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, mettre à profit le temps qui reste jusqu’à la discussion du projet de loi en séance publique, qui doit se tenir du 31 mars au 10 avril 2020, pour parvenir à une rédaction qui conjugue l’intérêt des deux parties, c’est-à-dire si l’on comprend bien, l’Adlc d’une part et les entreprises de l’autre.
Dans le rapport fait au nom de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, les auteurs observent qu’en l’état, le dispositif visant à généraliser la procédure simplifiée suscite des inquiétudes fortes émanant du monde entrepreneurial et des associations d’avocats spécialistes en droit de la concurrence, qui y voient une atteinte excessive aux droits de la défense. Si l’accélération des procédures doit être recherchée, le rapporteur estime qu’un dispositif plus équilibré doit être trouvé d’ici la séance publique, en concertation avec l’ensemble des parties prenantes (p. 298).
L’amendement de M. Bothorel avait au préalable été adopté le 25 février 2020 sous le n° CE68 par la Commission des affaires économiques qui s’est saisie du projet de loi pour avis. Rappelons toutefois que la discussion des projets de loi porte en séance sur le texte adopté par la commission saisie au fond, c’est-à-dire au cas d’espèce sur le texte adoptée par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Devant la commission saisie au fond, ledit amendement est donc devenu l’amendement n° AC1005.
Par ailleurs, et outre trois amendements rédactionnels — les amendements n° 1004, 1009 et 1010 — et deux amendements de coordination juridique — les amendements n° 1006 et 1007, deux amendements, le n° AC150 et le n° AC156 suggéraient de supprimer l’article 60 au motif, selon ses auteurs, que ces dispositions qui visent à renforcer l’efficacité des procédures en matière de lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, à simplifier la procédure applicable devant l’Autorité de la concurrence et à moderniser les outils dont elle dispose, ainsi que les enquêtes conduites par les agents de la DGCCRF et de l’Autorité de la concurrence sont sans liens avec la communication audiovisuelle ou la souveraineté culturelle à l’ère numérique, et donc sans liens avec l’objet de ce projet de loi. Toutefois, ces deux amendements n’ayant pas été soutenus devant la Commission des affaires économiques, ils ont été déclaré irrecevable après diffusion en application de l'article 98 du règlement de l'Assemblée nationale.
Pour ce qui concerne l’article 61 concernant la transposition de la directive ECN+, deux amendements, le n° AC151 et le n° AC157 proposaient également la suppression de l’article 61 du texte pour les mêmes motifs. Ils ont connu le même sort. Seul un amendement rédactionnel a été adopté par la Commission des affaires culturelles et de l’éducation. Il s’agit de l’amendement n° AC1003.
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JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Estimant que l’obligation d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations dans une procédure d’aides d’État, suite à une modification substantielle du cadre juridique, n’existe que si cette modification est susceptible d’avoir une incidence sur la décision de la Commission, la Cour de justice de l’Union annule l’arrêt du Tribunal dans l’affaire du financement de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo situé en Poméranie
Le 11 mars 2020, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire Affaire C-56/18 (Commission européenne contre Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia Kosakowo).
Elle y prononce l’annulation de l’arrêt du 17 novembre 2017 rendu dans l’affaire T‑263/15 (Gmina Miasto Gdynia et Port Lotniczy Gdynia-Kosakowo contre Commission européenne), en ce que le Tribunal a partiellement annulé la décision de la Commission rendue le 26 février 2015 à propos du financement public accordé par deux communes polonaises en faveur de l’aéroport de Gdynia-Kosakowo situé en Poméranie.
En juillet 2007, souhaitant reconvertir à des fins civiles l’aéroport militaire de Gdynia-Oksywie, les deux communes avaient créé une société afin de gérer ce nouvel aéroport civil, destiné à servir au trafic aérien général, aux lignes à bas coûts et aux compagnies charters.
Dans une première décision adoptée le 11 février 2014, la Commission avait constaté que le projet de financement de cet aéroport constituait une aide d’État et en avait ordonné la récupération aux autorités polonaises. Mais, prenant conscience que l’aide d’État déclarée incompatible comprenait certains investissements ne constituant pas des aides d’État dans la mesure où ils relevaient d’une tâche d’intérêt public, la Commission avait en conséquence, le 26 février 2015, retiré la décision de 2014, puis l’avait remplacée par la décision attaquée. Pour autant, la Commission avait considéré qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une nouvelle procédure d’examen dans la mesure où le dossier contenait, selon elle, tous les éléments nécessaires à l’appréciation de la mesure en cause.
Les deux communes et la société chargée de la gestion de l’aéroport et accessoirement le bénéficiaire de l’aide ont alors formé un recours en annulation des articles 2 à 5 de la seconde décision de la Commission du 26 février 2015.
Si ledit recours reposait sur six moyens, le Tribunal n’en avait traité qu’un seul, le sixième moyen, et plus encore, n’avait examiné que le troisième grief de ce moyen tiré de l’absence d’ouverture de la procédure formelle d’examen et de la violation des droits procéduraux des intéressés.
Pour les requérantes, la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen avant d’adopter la décision attaquée et assurer le respect des droits procéduraux des intéressés.
En substance, Relevant que la Commission avait opéré, dans la décision attaquée, un changement de régime juridique s’agissant de l’analyse de la compatibilité de l’aide au fonctionnement et que le nouveau régime juridique appliqué par la Commission dans la décision attaquée comportait des modifications substantielles par rapport à celui précédemment en vigueur et pris en compte dans la décision d’ouverture et dans la décision de 2014, le Tribunal a estimé que la Commission était tenu de mettre les intéressés en mesure de présenter leurs observations, et ce, avant l’adoption de la seconde décision, ce qu’elle avait omis de faire.
S’agissant de la portée de l’illégalité ainsi constatée, le Tribunal relèvait qu’en raison de la confusion opérée par la Commission entre les deux types de financement, à savoir une aide à l’investissement et une aide au fonctionnement, lesquels financements ont été analysés globalement par la Commission pour retenir, notamment, la qualification d’aide d’État, il n’était pas possible, dans ces conditions, d’interpréter le dispositif de la décision attaquée comme visant, de façon dissociable, l’aide à l’investissement et l’aide au fonctionnement. Ce faisant, il a prononcé l’annulation intégrale des articles 2 à 5 de la décision attaquée.
La Commission a introduit un recours visant à obtenir l’annulation de l’arrêt rendu par le Tribunal. Elle faisait valoir que, dans la décision litigieuse, la constatation que l’aide au fonctionnement était incompatible avec le marché intérieur reposait sur deux fondements indépendants. Le fondement principal consistait à soutenir que l’aide à l’investissement elle‑même était incompatible avec le marché intérieur, alors que le non-respect du premier critère fixé dans les lignes directrices de 2014 (l’aide au fonctionnement doit contribuer à la réalisation d’un objectif d’intérêt commun clairement défini) constituait simplement le deuxième fondement, à caractère subsidiaire. Cependant, le raisonnement du Tribunal se basait sur l’idée que l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur résultait uniquement de l’application des lignes directrices de 2014.
Dans la présente affaire, la Cour était donc d’abord invitée à répondre à la question de savoir si l’obligation d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations dans le cadre d’une procédure en matière d’aides d’État, suite à une modification substantielle du cadre juridique, est une formalité substantielle (dont la violation entraînerait l’annulation de la décision indépendamment de l’incidence qu’une telle modification pourrait avoir sur la décision), ou si une telle obligation n’existe que si cette modification substantielle est susceptible d’avoir une incidence sur la décision.
Par ailleurs, la Cour devait dire, pour le cas où elle retiendrait la seconde solution, si, en l’espèce, la modification substantielle du régime juridique sur lequel s’est fondée la Commission était, à elle seule, susceptible d’avoir une incidence sur la décision.
S’agissant en premier lieu du grief tiré de la qualification juridique erronée du droit des parties intéressées à présenter des observations, la Cour commence par rappeler que si les entreprises potentiellement bénéficiaires des aides d’État sont considérées comme étant des parties intéressées et que la Commission a le devoir, lors de la phase d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, d’inviter celles-ci à présenter leurs observations (pt. 71), elles ne peuvent se prévaloir des droits de la défense. Elles disposent, en revanche, du droit d’être associées à la procédure administrative suivie par la Commission dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d’espèce (pt. 72), sans pouvoir prétendre elles-mêmes à un débat contradictoire avec la Commission (pt. 74).
Au cas d’espèce, les parties intéressées n’ont pas été invitées à présenter utilement leurs observations sur l’applicabilité et l’incidence éventuelle des lignes directrices de 2014 avant l’adoption de la décision litigieuse, alors même que ces lignes directrices ont été publiées le 4 avril 2014, à savoir après l’adoption de la décision initiale et donc après la clôture initiale de la procédure d’examen. Dans ces conditions, le Tribunal pouvait-il constater que le droit des parties intéressées en l’occurrence de présenter des observations sur ce nouveau régime juridique et, en particulier, sur les lignes directrices de 2014, avant l’adoption de la décision litigieuse, constitue une formalité substantielle, au sens de l’article 263 TFUE, dont la violation entraîne l’annulation de cette décision, sans qu’il soit nécessaire d’établir que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent ?
À cette question, la Cour répond clairement par la négative. Si la Commission ne saurait, sans méconnaître les droits procéduraux des parties intéressées, fonder sa décision sur des principes nouveaux, introduits par un nouveau régime juridique, sans inviter ces dernières à présenter leurs observations à cet égard (pt. 79), une irrégularité de procédure n’entraîne l’annulation en tout ou en partie d’une décision que s’il est établi qu’en l’absence de cette irrégularité la décision attaquée aurait pu avoir un contenu différent (pt. 80). Par suite, en cas de changement de régime juridique, la seule existence de différences entre le régime juridique sur lequel lesdites parties ont été mises en mesure de soumettre leurs observations et celui sur lequel est fondée ladite décision n’est pas susceptible, en tant que telle, d’entraîner l’annulation de cette même décision (pt. 81). Par suite, le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant que la violation du droit des parties intéressées de présenter des observations dans des circonstances telles que celles en cause dans la présente affaire entraînait l’annulation de la décision attaquée, sans qu’il soit nécessaire d’établir que la violation de ce droit aurait pu affecter le sens de cette décision (pt. 82).
La Cour reproche également au Tribunal de n’avoir pas tenu compte de l’argument de la Commission selon lequel l’aide au fonctionnement était en tout état de cause incompatible avec le marché intérieur en raison de l’incompatibilité de l’aide à l’investissement avec ce marché (pt. 83) et, par suite, que le constat de l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement reposait sur une autre base juridique indépendante de ces dernières lignes directrices, de sorte que ce constat n’aurait pas été susceptible d’être affecté dans le cas où les parties intéressées auraient été mises en mesure de présenter leurs observations sur celles-ci (pt. 84).
Et la Cour de conclure sur ce premier point que le Tribunal ne pouvait, sans méconnaître la jurisprudence relative aux droits procéduraux des parties intéressées, ni constater qu’il n’était pas nécessaire d’examiner l’incidence sur la décision litigieuse de l’absence d’invitation des parties intéressées à se prononcer sur les lignes directrices de 2014 avant l’adoption de cette décision ni constater une telle incidence sans examiner l’argumentation de la Commission visant à démontrer l’existence d’une base juridique autonome et indépendante fondant ladite décision (pt. 86).
Ce faisant, la Cour accueille la première branche du premier moyen (pt. 94).
S’agissant en second lieu du point de savoir si les dispositions des lignes directrices de 2014 sur lesquelles la Commission s’est appuyée dans la décision attaquée étaient ou non susceptibles de changer le sens de ladite décision, la Cour relève d’emblée que le constat d’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur opéré par la Commission était d’abord fondé sur le fait que l’aide à l’investissement était elle‑même incompatible avec le marché intérieur (pt. 135) et plus encore que l’incompatibilité de l’aide à l’investissement avec le marché intérieur fondait, à elle seule, le constat de l’incompatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur (pt. 137). Or, ajoute la Cour, il est inhérent à la logique des dispositions du traité relatives aux aides d’État que les États membres ne sauraient financer des projets qui n’existeraient que grâce à des aides incompatibles avec le marché intérieur (pt. 142). Le Tribunal a donc commis une erreur de droit en ce qu’il a considéré que le constat selon lequel l’aide au fonctionnement serait incompatible avec le marché intérieur dans la mesure où l’aide à l’investissement était elle-même incompatible avec ce marché ne trouverait pas de fondement dans les termes de la décision 2014/883 ou de la décision litigieuse.
Ainsi, même dans le cas où les parties intéressées auraient été mises en mesure de présenter des observations sur les lignes directrices de 2014 avant l’adoption de la décision litigieuse et qu’elles auraient réussi à démontrer que l’aide au fonctionnement remplissait les critères pertinents prévus par ces lignes directrices, la Commission serait, en tout état de cause parvenue, à bon droit, à la conclusion selon laquelle cette aide était incompatible avec le marché intérieur (pt. 153). Dès lors, c’est à tort que le Tribunal a jugé que le fait que la Commission n’a pas mis les parties intéressées en l’espèce en mesure de soumettre des observations sur la pertinence des lignes directrices de 2014 avant l’adoption de la décision litigieuse entraînait l’annulation de celle-ci.
Au final, la Cour annule l’arrêt attaqué et, jugeant que l’affaire était en état d’être jugée sur le grief tiré de la violation des droits procéduraux des parties intéressées du fait que celles-ci n’ont pas été mises en mesure de se prononcer sur la pertinence du nouveau régime juridique avant l’adoption de la décision litigieuse, rejette sans surprise l’argumentation comme étant inopérante, dès lors que le fait que la Commission n’a pas invité lesdites parties à présenter des observations sur la pertinence des lignes directrices de 2014 pour l’appréciation de la compatibilité de l’aide au fonctionnement avec le marché intérieur ne saurait, en tout état de cause, entraîner l’annulation de cette décision (pt. 162).
Pour le reste, la Cour considère que le litige n’est pas en état d’être jugé et renvoie en conséquence l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue sur les éléments du recours restant en litige.
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JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la décision de la Commission était entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation quant à la caractérisation d’un avantage, mais aussi dans le calcul du montant de l’aide, le Tribunal de l’Union européenne annule la décision constatant que la garantie publique accordée à deux clubs de football espagnols en difficulté dans le cadre d’une augmentation du capital constituait une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur
Le 12 mars 2020, le Tribunal de l’union européenne a rendu deux nouveaux arrêts dans l’affaire des aides accordées à trois clubs de football en difficulté financière — Valencia CF, Hércules CF et Elche CF — situés dans la communauté de Valence en Espagne.
On se souvient que le 20 mars 2019, le même Tribunal de l’Union avait déjà, à la faveur d’un arrêt rendu dans l’affaire T-766/16 (Hércules Club de Fútbol, SAD contre Commission) annulé pour défaut de motivation sur la façon dont la Commission a tenu compte d’une sûreté, la décision du 4 juillet 2016 constatant que la garantie publique accordée au club de football en difficulté Hércules dans le cadre d’une augmentation du capital constituait une aide illégale et incompatible avec le marché intérieur.
Le Tribunal parvient à la même conclusion à propos des deux autres affaires, estimant cette fois que la décision de la Commission était entachée de plusieurs erreurs manifestes d’appréciation quant à la caractérisation d’un avantage, mais aussi dans le calcul du montant de l’aide, de sorte qu’il annule la décision attaquée en tant qu’elle concerne les mesures 1 et 4 accordées au Valencia CF et en tant qu’elle concerne la mesure 3 accordée à Elche CF. Traversant des difficultés financières, les deux clubs de football professionnels d’Alicante — Hércules CF et Elche CF —, ainsi que le club de football professionnel de Valence, tous trois situés dans la communauté de Valence en Espagne, ont obtenu entre 2009 et 2011 des prêts bancaires de plusieurs millions d’euros. L’Instituto Valenciano de Finanzas (IVF) — l’établissement financier du gouvernement de la Communauté autonome de Valence — a accordé plusieurs garanties à des associations liées à trois clubs. Ces garanties étaient destinées à couvrir les prêts bancaires souscrits par ces associations aux fins de participer à l’augmentation du capital des clubs auxquels elles étaient liées. Dans le cas du Valencia CF, la garantie octroyée initialement a été augmentée en 2010 de manière à couvrir l'augmentation du prêt bancaire sous-jacent.
Par décision du 4 juillet 2016, la Commission avait retenu que les garanties publiques accordées pour couvrir les prêts bancaires octroyés aux club d’Alicante et de Valence aux fins de la souscription d’actions desdits club, dans le cadre d’opérations d’augmentation du capital, constituait des aides illégales et incompatibles avec le marché intérieur, à hauteur de 20 381 000 euros (plus les intérêts) pour le Valencia CF, de 6 143 000 euros (plus les intérêts) pour l’Hércules CF et de 3 688 000 euros (plus les intérêts) pour l’Elche CF, et a enjoint, en conséquence, au Royaume d’Espagne de récupérer lesdites aide auprès des trois clubs de football professionnels. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré que les quatre mesures de garantie en cause mobilisaient des ressources étatiques et étaient imputable au Royaume d’Espagne, que les bénéficiaires des aides étaient les trois clubs de football professionnels et que leur situation financière au moment de l’octroi des mesures en cause était celle d’une entreprise en difficulté au sens du paragraphe 10, sous a), ainsi que du paragraphe 11 des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté. Au regard des critères définis par la communication de la Commission sur l’application des articles 107 et 108 TFUE aux aides d’État sous forme de garanties, et compte tenu de la situation financière des trois clubs ainsi que des conditions des garanties publiques dont ils avaient bénéficié, la Commission a conclu à l’existence d’un avantage indu, ayant pu fausser, ou menacé de fausser, la concurrence et affecter les échanges entre États membres. Par ailleurs, la Commission a quantifié, dans la décision attaquée, l’élément d’aide prétendument octroyé aux clubs en s’appuyant sur le taux de référence applicable conformément à sa communication relative à la révision de la méthode de calcul des taux de référence et d’actualisation, à défaut de comparaison significative possible sur la base d’opérations similaires réalisées sur le marché. À l’occasion de la quantification des aides litigieuse, la Commission a considéré que la valeur des actions de la requérante données en nantissement au garant, à titre de contre-garantie, était quasi nulle. Enfin, la Commission a considéré que l’aide litigieuse n’était pas compatible avec le marché intérieur, en particulier au regard des principes et des conditions établis dans les lignes directrices sur le sauvetage et la restructuration. Les trois clubs de football professionnels ont alors introduit un recours devant le Tribunal.
Dans l’affaire T-732/16 (Valencia Club de Fútbol contre Commission), le Tribunal commence par examiner le premier moyen tiré de l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation dans la caractérisation d’un avantage, lequel n’est déclaré recevable qu’en ce qu’il porte sur la mesure 1, c’est-à-dire sur la garantie publique accordée initialement en 2009 en faveur du Valencia CF. De sorte que le Tribunal examine d’abord les moyens relatives à la garantie initiale.
À cet égard, le Tribunal estime d’abord que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste lors qu’elle a qualifié la requérante d’entreprise en difficulté. En substance, la Commission n’était pas tenu de prendre en compte la spécificité des clubs de football professionnels (pt. 77). Du reste, elle n’a ignoré ni la valeur du marché, ni celle des joueurs (pt. 86). Sur ce point, le Tribunal approuve la Commission d’avoir considéré qu’il existait un risque de dépréciation de la valeur des joueurs en cas de vente forcée, du fait que le vendeur serait un club en difficulté : il est plausible que de telles circonstances, en particulier si elles sont connues d’un acquéreur potentiel, soient utilisées par ce dernier pour négocier un prix de revente des joueurs inférieur à leur valeur de marché estimée (pt. 90). On avouera ne pas être totalement convaincu par l’argument. Il nous semble que le prix de revente du joueur du club en difficulté dépendra également de l’importance de la demande. Dès lors que plusieurs clubs seraient intéressés, ce qui, nous semble-t-il, ne dépend pas de la santé financière du club vendeur, les clubs en lice devront rivaliser pour obtenir le joueur, de sorte qu’une négociation du prix de vente dudit joueur à un prix inférieur à sa valeur de marché estimée ne semble pas une fatalité…
En revanche, examinant la troisième branche du premier moyen, prise d’une erreur manifeste de la Commission en ce qu’elle a considéré que la mesure 1 n’avait pas été accordée à un prix de marché, le Tribunal parvient à la conclusion que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard en constatant qu’aucune prime de garantie équivalente n’était offerte sur le marché (pt. 138).
Rappelant qu’un emprunteur qui souscrit un prêt garanti par les autorités publiques d’un État membre obtient normalement un avantage, dans la mesure où le coût financier qu’il supporte est inférieur à celui qu’il supporterait s’il devait se procurer ce même financement et cette même garantie aux prix du marché (pt. 121), le Tribunal observe que la Commission, pour établir si la prime versée à l’IVF recelait un avantage, d’une part, s’est abstenue de prendre en considération l’ensemble des caractéristiques pertinentes de la garantie et du prêt sous-jacent, en particulier l’existence de sûretés données par l’emprunteur et, d’autre part, a omis de rechercher un prix de marché au regard duquel comparer la prime en cause en considérant que, pour une entreprise en difficulté, un tel prix n’existait pas (pt. 126). Alors même que la communication relative aux garanties distingue le cas où un garant sur le marché existe de celui où il est probable qu’il n’existe pas, de sorte qu’il est donc admis qu’il peut exister un prix de marché y compris lorsque la garantie est accordée à une entreprise en difficulté (pt. 127).
Ce faisant, la Commission a présumé qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une entreprise se trouvant dans une telle situation et, par conséquent, qu’aucune prime de garantie de référence correspondante n’était offerte sur le marché (pt. 132). Or, la communication relative aux garanties ne prévoit pas de présomption générale selon laquelle, en présence d’une entreprise en difficulté, il ne saurait y avoir de prix de marché (pt. 133). Elle a donc méconnu sa propre communication relative aux garanties. En outre, elle a manqué à son obligation d’effectuer une appréciation globale prenant en compte tout élément pertinent en l’espèce lui permettant de déterminer si le Valencia CF n’aurait manifestement pas obtenu des facilités comparables de la part d’un opérateur privé (pt. 134). Le Tribunal considère également que la Commission n’a pas suffisamment étayé le constat de l’absence d’un prix de marché pour un prêt similaire non garanti « en raison du nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » (pt. 134).
Le Tribunal examine ensuite les moyens relatifs à l’augmentation de la garantie intervenue en 2010. Il en va surtout du troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation dans le calcul du montant de l’aide. La requérante reprochait à la Commission de ne pas avoir correctement évalué la valeur des contre-garanties offertes par la Fundación Valencia à l’IVF. À cet égard, la Commission avait notamment conclu que les actions du Valencia CF acquises par la Fundación Valencia et nanties à l’IVF, à titre de contre-garantie, avaient une valeur « quasiment nulle » à la date d’octroi de cette augmentation de capital, dans la mesure notamment où le Valencia CF se trouvait en difficulté et réalisait des opérations déficitaires.
Sur ce point, le Tribunal observe que, contrairement à ce qu’a retenu la Commission, l’exercice précédent l’augmentation de capital était bénéficiaire (pt. 196), de sorte que les constatations opérées par la Commission était inexacte (pt. 197). Il considère également que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation à cet égard, car elle n’a pas tenu compte de facteurs pertinents comme l’existence de fonds propres importants du club (pt. 198) ainsi que la réalisation d’un bénéfice avant impôts lors de l’exercice précédant l’octroi de l’augmentation (pt. 201). Ces erreurs entachent l’appréciation faite par la Commission de la valeur des contre-garanties offertes par la Fundación Valencia et, par conséquent, son calcul du montant de l’aide découlant de l’augmentation de la garantie (pt. 203).
Dans l’affaire T-901/16 (Elche Club de Fútbol contre Commission), le Tribunal parvient également à la conclusion que le constat opéré par la Commission portant sur l’existence d’un avantage dont aurait bénéficié l’Elche CF est entachée d’erreurs manifestes.
En premier lieu, s’agissant du grief dirigé contre l’absence de prise en compte de la situation de la Fundación Elche dans l’analyse de l’existence d’un avantage, le Tribunal rappelle d’abord que le fait que la Fundación Elche ne soit pas identifiée comme étant le bénéficiaire effectif de la mesure en cause est sans incidence sur la circonstance qu’elle bénéficie de la garantie litigieuse aux termes du contrat conclu le 17 février 2011 avec l’IVF (pt. 84), de sorte que la situation économique et financière de la Fundación Elche constitue, en principe, une caractéristique pertinente aux fins d’évaluer le risque pris par le garant public et, par là même, la prime de garantie que réclamerait, en pareilles circonstances, un opérateur privé (pt. 86). Or, observe le Tribunal, la Commission n’a pas pris en compte la situation économique et financière de l’association emprunteuse liée à l’Elche CF, la Fundación Elche (pt. 94) et a, ce faisant, commis une erreur manifeste d’appréciation (pt. 95).
En deuxième lieu, le Tribunal souligne que la Commission a commis également une erreur manifeste d’appréciation en ne prenant pas non plus en compte, aux fins d’apprécier l’existence d’un avantage, la circonstance pertinente que constituait l’hypothèque sur un terrain que la Fundación Elche avait octroyée à l’IVF à titre de contre-garantie (pt. 120), alors que cette hypothèque donnée par la Fundación Elche, sûreté consentie par l’emprunteur garanti, constituait en tant que telle une caractéristique de la garantie litigieuse que la Commission était tenue d’examiner (pt. 119).
En troisième lieu, le Tribunal considère que c’est à tort que la Commission n’a pas tenu compte de la recapitalisation de l’Elche CF aux fins d’apprécier la valeur des actions de l’Elche CF nanties à l’IVF à titre de contre-garantie, valeur que la Commission a jugé « quasiment nulle ». Or, la recapitalisation de la requérante étant l’objectif et l’effet recherché de la garantie litigieuse, il s’agissait d’un paramètre prévisible à la date d’octroi de la garantie litigieuse et qu’un opérateur privé, placé dans la situation de l’IVF, aurait pris en compte aux fins d’apprécier la valeur des actions nanties (pt. 115).
En quatrième lieu, le Tribunal relève, comme il l’a fait s’agissant du Valencia CF, que la Commission, après avoir constaté que l’Elche CF était une entreprise en difficulté, a présumé à tort qu’aucun établissement financier ne se porterait garant d’une telle entreprise et donc qu’aucune prime de garantie de référence correspondante n’était offerte sur le marché (pt. 132).
En cinquième lieu, le Tribunal censure la Commission pour n’avoir pas suffisamment étayé sa conclusion relative à l’insuffisance d’opérations comparables pour établir le prix de marché d’un prêt similaire non garanti. La Commission s’était contentée d’indiquer qu’aucune information relative à des taux d’intérêt sur des prêts accordés dans des situations similaires n’avait été fournie au cours de l’enquête, sans apporter d’indications quant aux mesures d’investigation prises, le cas échéant. Rappelant que la charge de la preuve de la réunion des conditions d’application du critère de l’opérateur privé – qui trouve à s’appliquer en l’espèce – pèse sur la Commission, à qui il incombe de demander durant la procédure administrative toutes les informations pertinentes, le Tribunal observe à cet égard que, durant la procédure administrative, la Commission n’a pas demandé au Royaume d’Espagne ou à d’autres sources des informations relatives à l’existence de prêts similaires aux prêts sous-jacents à l’opération litigieuse, en sorte qu’elle ne pouvait s’appuyer sur un défaut de production d’éléments demandés par elle pour en tirer la conclusion qu’il n’existait qu’un « nombre limité d’opérations de nature similaire sur le marché » qui ne « permet[tait] pas une comparaison significative » (pt. 138).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse du Tribunal.
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JURISPRUDENCE UE : Le Tribunal de l’Union confirme le rejet d’une plainte déposée par un mandataire automobile Tchèque qui dénonçait diverses pratiques mises en œuvre par le constructeur Subaru
Le 12 mars 2020, le Tribunal de l’union a rendu un arrêt dans l’affaire T-531/18 (LL-Carpenter s. r. o contre Commission européenne) concernant une demande tendant à l’annulation de la décision rendue par la Commission le 26 juin 2018, à la faveur de laquelle elle a rejeté la plainte introduite par la requérante, un mandataire automobile tchèque dénonçant diverses pratiques mises en oeuvre par des entreprises du groupe Subaru dans le domaine de la distribution de véhicules automobiles.
Aux termes de deux plaintes consécutives, la première adressée à l’autorité de concurrence tchèque et la seconde soumise à la Commission, le mandataire reprochait à Subaru d’avoir refuser de l’agréer comme distributeur de la marque, d’avoir refuser de lui vendre des pièces de rechange, d’avoir fait pression sur les revendeurs agréés pour qu’il ne vendent pas de véhicules de la marque par son intermédiaire, mais aussi d’avoir mis en place une coordination des prix de vente des véhicules de la marque. Aux distributeurs agréés, la requérante reprochaient de refuser d’accorder leur garantie aux véhicules acquis par son intermédiaires.
Par lettre du 11 décembre 2014, l’ANC tchèque a informé la requérante qu’elle mettait fin à l’enquête procédant de la première plainte au motif que les informations dont elle disposait ne lui permettaient pas de conclure à l’existence d’une infraction au droit de la concurrence tchèque ni non plus à celui de l’Union.
Par la décision attaquée du 26 juin 2018, la Commission a rejeté la seconde plainte, estimant notamment que l’autorité de concurrence tchèque avait « traité » la seconde plainte, en ce qui concerne les première, quatrième (s’agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques, au sens de l’article 13, § 2, du règlement n° 1/2003, qui permet à la Commission de rejeter une plainte lorsqu’une ANC a été saisie et a traité le cas.
À l’appui de son recours, la requérante soulevait, en substance, deux moyens, tirés, premièrement, de ce que la Commission a rejeté, à tort, la seconde plainte et, deuxièmement, d’une insuffisance de motivation de la décision attaquée.
Sur quoi, le Tribunal, relevant qu’il incombait à la requérante de démontrer que les première, quatrième (s’agissant de la République tchèque) ou cinquième pratiques dénoncées dans la seconde plainte n’ont pas déjà fait l’objet d’un examen par l’autorité de concurrence tchèque, à la suite de la première plainte, ou que celle-ci n’a pas examiné ces pratiques au regard des règles de la concurrence de l’Union, note que la requérante ne conteste pas les appréciations de la Commission selon lesquelles ces trois pratiques dénoncées dans la seconde plainte ont déjà fait l’objet d’un examen par l’autorité de concurrence tchèque, à la suite de la première plainte, ni que ces pratiques ont été examinées par celle-ci au regard des règles de la concurrence de l’Union.
Observant qu’un examen effectif des pratiques dénoncées par la requérante a été conduit par l’autorité de concurrence tchèque (pt. 51), le Tribunal précise qu’en tout état de cause la Commission n’était pas tenue de vérifier préalablement si l’ANC avait ou non commis un certain nombre d’erreurs matérielles dans l’analyse des pratiques alléguées, si elle avait ou non procédé à l’ouverture d’une procédure administrative, si elle avait clos l’enquête en adoptant une décision formelle ou si la lettre du 11 décembre 2014 était attaquable devant les juridictions tchèques (pt. 52).
Dès lors, en estimant que les première, quatrième (s’agissant de la République tchèque) et cinquième pratiques dénoncées dans la seconde plainte avaient déjà fait l’objet d’un examen par l’autorité de concurrence tchèque au regard des règles de la concurrence de l’Union, la Commission n’a ni commis d’erreur de droit en se fondant sur l’article 13, § 2, du règlement n° 1/2003, ni commis d’erreur manifeste d’appréciation dans l’application dudit article.
S’agissant de la pratique consistant pour le constructeur automobile à faire pression sur les revendeurs agréés pour qu’il ne vendent pas de véhicules de la marque par l’intermédiaire du mandataire, le Tribunal relève que ni l’article 101 TFUE, ni le règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission, du 20 avril 2010, ni le règlement n° 461/2010 n’empêchent Subaru d’interdire à ses distributeurs agréés la vente de véhicules Subaru à des entités non agréées. À l’inverse, l’ensemble de ces textes postulent qu’un fournisseur de véhicules automobiles peut restreindre les ventes par les membres d’un système de distribution sélective à des entités non agréées (pts. 73-74). De sorte que la Commission aurait commis une erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle le Tribunal approuve la Commission d’avoir constaté que la probabilité d’établir l’existence d’une infraction à l’article 101 TFUE serait limitée, s’agissant de cette pratique.
Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation, le Tribunal aboutit à la constatation que nulle violation de l’obligation de motivation ne peut être reprochée à la Commission (pt. 95).
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JURISPRUDENCE UE : L’avocate générale Kokott invite la Cour à confirmer l’arrêt du Tribunal autorisant, dans l’affaire du cartel des câbles électriques, l’exploitation dans les locaux de la Commission de preuves saisies au sein de l’entreprise visitée sans vérifier au préalable si ces données sont pertinentes pour l’objet et le but de l’inspection en cause
Le 12 mars 2020, l’avocate générale Juliane Kokott a rendu ses conclusions dans l’affaire C-606/18 (Nexans France et Nexans contre Commission européenne), à propos de l’un des volets de la procédure relative au cartel des câbles électriques, qui a conduit la Commission, à la faveur d’une décision du 2 avril 2014, a sanctionné à hauteur de 302 millions d’euros d’amendes les principaux producteurs européens, japonais et sud-coréens de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension et à très haute tension, dont Nexans France SAS et Nexans SA, les requérantes au présent pourvoi, pour avoir participé à une entente de portée quasi mondiale.
La plupart des producteurs concernés ont introduit un recours devant le Tribunal de l’Union européenne pour faire annuler la décision de la Commission et obtenir l’annulation des amendes infligées ou une réduction du montant de ces amendes.
Le 12 juillet 2018, le Tribunal de l’Union a rendu une série de 15 arrêts dans ce dossier et notamment l’arrêt aujourd’hui sous pourvoi dans l’affaire T-449/14 (Nexans France SAS et Nexans SA/Commission).
On se souvient que le recours introduit dans cette affaire posait la question de conformité du déroulement de l’inspection inopinée dans les locaux de la société visitée, en l’occurrence la société Nexans, puis dans les locaux de la Commission à Bruxelles. En substance, les requérantes se plaignaient que la Commission ait procédé à des saisies massive de documents, c’est-à-dire de plusieurs messageries électroniques ainsi que de l’intégralité du disque dur d’un ordinateur, d’avoir fait des copies de ces données sans les avoir préalablement examinés, puis de les avoir examinés ultérieurement dans ses propres locaux à Bruxelles, sans aviser l’Autorité belge de la concurrence de la poursuite de l’inspection en Belgique. Pour les requérantes, ces mesures excédaient les pouvoirs conférés à la Commission par l’article 20, § 2, du règlement n° 1/2003, notamment la portée géographique de l’inspection qui était clairement limitée aux seuls locaux de Nexans. Par ailleurs, elles soutenaient que la prolongation de l’inspection d’un mois et demi avait entravé leur possibilité de procéder à une évaluation sérieuse de l’opportunité de présenter une demande d’immunité.
Sur quoi le Tribunal, opérant, semble-t-il, une distinction entre la phase de saisie des documents d’une part et la phase d’exploitation des données saisies et de versement au dossier d’instruction des documents jugés pertinents, d’autre part, a validé la réalisation par la Commission, lors de son inspection dans les locaux des entreprises concernées, de copies-images des disques durs contenus dans les ordinateurs du personnel de ces entreprises afin d’y rechercher ultérieurement des informations pertinentes dans ses locaux à Bruxelles. Premièrement, a relevé le Tribunal, il ne ressort pas de l’article 20, § 2, sous b) et c), du règlement n° 1/2003 que le pouvoir de la Commission de prendre ou d’obtenir copie ou extrait des livres et des documents professionnels d’une entreprise inspectée se limite aux livres et aux documents professionnels qu’elle a déjà contrôlés (pt. 54). En outre, le Tribunal a relevé que les copies-images des disques durs et autre messageries électroniques n’avaient pas été directement versées au dossier d’instruction, mais que c’est uniquement après avoir constaté, lors du contrôle des documents contenus dans les copies opérées dans les locaux de la Commission à Bruxelles et en présence des représentants des requérantes, que certains de ces documents étaient pertinents prima facie au regard de l’objet de l’inspection, que les agents de la Commission ont finalement versé au dossier d’instruction une version papier des documents en question (pts. 58-59). En outre, le Tribunal a estimé que la Commission n’est pas tenue d’examiner les documents uniquement dans les locaux de l’entreprise ; ainsi, c’est à bon droit qu’elle a pu poursuivre l’inspection dans ses locaux à Bruxelles, en présence des avocats des entreprises concernées (pt. 60). Quoique la décision ordonnant l’inspection indiquait expressément qu’elle « pouvait » se dérouler dans « tout lieu contrôlé » par les requérantes, le Tribunal a considéré que la décision d’inspection n’avait pas exclu la possibilité pour la Commission de poursuivre l’inspection à Bruxelles (pt. 67). En fait, cette position du Tribunal ne peut se comprendre que si l’on distingue bien la phase de saisie des documents, d’une part, et la phase d’exploitation des données saisies et de versement au dossier d’instruction des documents jugés pertinents, d’autre part, pour laquelle rien ne s’opposait à ce qu’elle ait lieu dans les locaux de la Commission à Bruxelles du moment que cette deuxième phase était réalisée en présence des représentants de l’entreprise visitée. Quant à la durée d’un mois et demi de l’inspection, le Tribunal a estimé qu’elle n’était pas déraisonnable (pt. 70). Quant au grief selon lequel cette durée des inspections aurait privées les requérantes de la possibilité de procéder à une évaluation sérieuse de l’opportunité de présenter une demande d’immunité, le Tribunal a rappelé d’abord que le bénéfice de l’immunité totale n’était plus envisageable à ce stade de l’inspection (pt. 75), qu’en revanche, une immunité partielle demeurait en tout état de cause possible dans la mesure où les requérantes, restées en possession des données dont une copie avait été réalisée par les agents de la Commission, étaient donc parfaitement à même de déterminer les informations qui ne figuraient pas dans ces copies numériques et qui, au regard de l’objet de l’inspection, étaient susceptibles d’apporter une valeur ajoutée significative par rapport aux éléments de preuve déjà en possession de la Commission (pts. 77-78). Enfin, la Commission n’était pas tenue d’aviser l’Autorité belge de la concurrence pour poursuivre l’inspection dans ses locaux à Bruxelles, étant donné que l’examen des documents n’avait pas commencé dans les locaux d’une entreprise située en Belgique, mais sur le territoire d’autres États membres (pts. 87-90).
À l’appui de son pourvoi, Nexans invoque cinq moyens au total, parmi lesquels les trois premiers concernent les pouvoirs d’inspection de la Commission en matière d’ententes, tandis que les deux derniers moyens portent sur la fixation de l’amende.
S’agissant d’abord des griefs relatifs aux pouvoirs d’inspection de la Commission en matière d’ententes, l’avocate générale Kokott observe que le présent pourvoi soulève pour la première fois la question de savoir si le règlement n° 1/2003 confère à la Commission, dans le cadre d’une inspection en matière d’ententes, le pouvoir non seulement de consulter et d’analyser les originaux de données sur place, dans les locaux de l’entreprise concernée, mais aussi d’en faire des copies et de rechercher ultérieurement dans celles‑ci, dans ses locaux à Bruxelles, des documents pertinents pour l’objet et le but de l’inspection en cause, lesquels seront ensuite versés au dossier.
En substance, les trois premiers moyens de Nexans tournent tous autour de la question de savoir si la Commission peut, dans le cadre d’une inspection, faire des copies de disques durs sans les avoir préalablement examinés et sans avoir extrait uniquement les données pertinentes pour l’enquête, et si elle peut ensuite emporter ces copies dans ses propres locaux à Bruxelles et les examiner là‑bas.
Par son premier moyen, Nexans conteste d’abord spécifiquement le pouvoir de la Commission de réaliser des copies de données dont la pertinence pour l’enquête en cause n’a pas été vérifiée au préalable.
Estimant que l’interprétation en vertu de laquelle l’article 20, § 2, sous c), du règlement n° 1/2003 permet uniquement de copier des documents préalablement examinés ne ressort pas clairement du libellé de cet article dans les différentes versions linguistique du règlement n° 1/2003 (pt. 51), l’avocate générale Kokott suggère de s’attacher à l’économie et au contexte de la réglementation dont elle fait partie, ainsi qu’aux objectifs que ladite réglementation poursuit (pt. 52). À cet égard, elle relève que la Commission ne peut en aucun cas verser des documents au dossier et, partant, les utiliser à titre de preuves par la suite si elle n’a pas vérifié au préalable leur pertinence au regard de l’objet de l’inspection en cause (pt. 57). Selon elle, il ressort indubitablement de l’économie de l’article 20, § 2, du règlement n° 1/2003 qu’il existe un ordre logique des étapes procédurales à suivre dans le cadre d’une inspection, en ce sens que ce n’est, dans tous les cas, que lorsque la pertinence des données et des documents pour l’objet de l’enquête concernée a été vérifiée qu’ils peuvent être versés au dossier de la Commission. En revanche, estime-t-elle, il n’existe pas d’ordre chronologique obligatoire voulant que les données devraient toujours être examinées avant de pouvoir être copiées. Il en est en particulier ainsi lorsque les copies ne sont réalisées, dans un premier temps, qu’à de simples fins d’examen (pt. 58).
Écartant une interprétation restrictive de l’article 20, § 2, sous c), du règlement n° 1/2003 (pt. 61), l’avocate générale Kokott soutient qu’il serait disproportionné de restreindre les pouvoirs de la Commission en la privant de la possibilité de copier des données sans les avoir examinées au préalable, dès lors qu’il est garanti qu’il ne s’agit là que d’une étape technique intermédiaire dans le cadre de l’examen de ces données et que, en fin de compte, aucun document n’est versé au dossier sans examen préalable (pt. 59). En pareil cas, ni les droits de la défense ni la protection de droits tels que la confidentialité des communications entre les avocats et leurs clients ne seraient affectés (pt. 62). Dans ces conditions, une interdiction générale de copier des données sans les examiner au préalable constituerait un obstacle disproportionné et, partant, injustifié à l’exercice des pouvoirs d’inspection de la Commission, qui irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver les droits des entreprises concernées. Une telle interdiction restreindrait dès lors indûment l’effet utile des inspections comme instrument nécessaire pour permettre à la Commission d’exercer ses fonctions de gardienne du traité en matière de concurrence (pt. 66). En conclusion, elle estime que la Commission est donc autorisée, en vertu de l’article 20, § 2, sous c), du règlement n° 1/2003, à réaliser des copies de données à titre d’étape intermédiaire en vue de l’analyse des données concernées, dès lors que cela apparaît approprié aux fins de l’inspection en cause, qu’aucune donnée n’est finalement versée au dossier sans que sa pertinence pour l’objet de l’inspection en question ait été vérifiée au préalable et que toutes les autres données sont effacées après ce tri. Si le respect de ces conditions est garanti, il ne semble pas nécessaire d’exiger de la Commission qu’elle démontre que la copie des données était non seulement appropriée mais aussi indispensable, car il aurait été impossible d’effectuer l’inspection sans la copie préalable des données (pt. 67).
Par son deuxième moyen, Nexans s’oppose à une inspection dans les locaux de la Commission, en s’appuyant notamment sur le libellé de l’article 20, §§ 1 et 2, du règlement n° 1/2003.
Sur ce point, l’avocate générale Kokott approuve le Tribunal d’avoir jugé qu’il ne ressortait pas de l’article 20, § 2, sous b), du règlement n° 1/2003 que le contrôle des livres et documents professionnels d’une entreprise devait s’effectuer exclusivement dans les locaux de celle‑ci et que cette disposition oblige uniquement la Commission à respecter, lors du contrôle des documents dans ses locaux à Bruxelles, les mêmes garanties à l’égard des entreprises inspectées que celles qui s’imposent à elle lors d’un contrôle sur place, ce qui, estime-t-elle, a été le cas en l’espèce (pts. 71-72). Selon elle, ni le libellé de l’article 20, § 1, du règlement n° 1/2003, ni celui de l’article 20, § 2, du même règlement n’exclut que des données copiées dans les locaux d’une entreprise soient ensuite examinées dans les locaux de la Commission afin de déterminer si elles sont pertinentes par rapport à l’objet de l’inspection en cause (pts. 74-75). Selon elle, il n’apparaît pas qu’une inspection ainsi poursuivie dans les locaux de la Commission constituerait, par rapport à une inspection effectuée dans les locaux mêmes des entreprises, une ingérence supplémentaire dans les droits des entreprises concernées, qui serait d’une gravité telle que le pouvoir y afférent devrait être explicitement prévu et ne pourrait pas être implicitement déduit des pouvoirs prévus à l’article 20, §§ 1 et 2, du règlement n° 1/2003, lorsque ceux‑ci sont interprétés à la lumière de la nécessité de préserver les droits des entreprises concernées (pt. 76), dès lors que sont respectées, lors du contrôle des données dans les locaux de la Commission, les mêmes garanties procédurales, en faveur des entreprises concernées, que si l’examen avait été effectué dans leurs propres locaux (pt. 82). Il suffit à ses yeux que soit garanti le fait que la Commission transporte les données sous scellés et ne les consulte ensuite qu’en présence des avocats de l’entreprise, ce qui a été le cas en l’occurrence (pt. 83) et que l’inspection dans les locaux de la Commission ne fasse pas peser une charge disproportionnée sur cette entreprise (pt. 88). Si le respect de ces conditions est garanti, l’avocate générale Kokott estime qu’il n’est pas nécessaire d’exiger en outre de la Commission qu’elle démontre qu’il aurait été totalement impossible de mener à bien l’inspection dans les locaux de l’entreprise (pt. 92).
Par son troisième moyen, Nexans soutient qu’une limitation du pouvoir d’inspection de la Commission à ses locaux découle également du libellé de la décision d’inspection elle-même.
À cet égard, l’avocate générale Kokott approuve le Tribunal d’avoir considéré que la décision d’inspection n’excluait pas la possibilité pour la Commission de poursuivre l’inspection à Bruxelles. Une telle indication a, selon elle, pour seul but d’habiliter la Commission à accéder aux locaux de l’entité juridique mentionnée et, précisément, uniquement aux locaux de cette entité. Par conséquent, estime-t-elle, la décision d’inspection ne s’oppose pas à ce que la Commission examine ultérieurement, dans ses propres locaux, des données qui ont été copiées dans les locaux de l’entreprise mentionnée dans cette décision, dès lors qu’il y est également garanti que les données ne soient à aucun moment soustraites au contrôle de cette entreprise, ce qui était le cas en l’espèce (pt. 98).
Passons au griefs relatifs au calcul de l’amende.
Par son quatrième moyen, Nexans reproche au Tribunal d’avoir méconnu l’étendue de sa compétence de pleine juridiction pour contrôler la fixation de l’amende par la Commission en vertu des dispositions combinées de l’article 261 TFUE et de l’article 31 du règlement n° 1/2003. En l’espèce, les requérantes estiment que le montant de base de l’amende, fixé à 15 % de la valeur des ventes pertinentes, aurait dû être réduit, car l’infraction n’a eu, selon elles, aucun impact ou seulement un impact limité sur le marché pertinent.
Pour l’avocate générale Kokott, le Tribunal n’a pas rejeté l’argument de la prétendue absence d’impact sur le marché en se bornant à renvoyer, d’une manière générale, aux lignes directrices de 2006, comme le prétend Nexans. Au contraire, l’incise « comme en l’occurrence » montre que, de l’avis du Tribunal et selon son analyse dans le cas d’espèce, le niveau de la proportion de la valeur des ventes pris en considération par la Commission pour fixer le montant de base de l’amende était justifié, indépendamment de l’absence éventuelle d’impact sur le marché, par d’autres circonstances mentionnées dans les lignes directrices de 2006, telles que la nature de l’infraction. Le français étant la langue de travail du Tribunal, il y a lieu de considérer que le Tribunal a sciemment inséré l’incise « comme en l’occurrence » qui figure dans la version française et que celle-ci traduit l’appréciation de la présente affaire par le Tribunal (pt. 111).
Au final, elle estime que — sous réserve d’une rectification en temps utile, par le Tribunal, de la version anglaise de l’arrêt attaqué, qui ne comporte pas l’incise « comme en l’occurrence » — le quatrième moyen doit également être rejeté (pt. 117).
Par son cinquième moyen, Nexans conteste, à propos de la majoration de 2 % du montant de base de l’amende à l’égard des entreprises européennes du fait qu’il y avait eu, outre un partage du marché entre les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes (« configuration A/R de l’entente »), un partage supplémentaire entre les entreprises européennes, la constatation opérée par le Tribunal selon laquelle le partage des projets de câbles électriques souterrains et sous-marins à haute tension au sein de la « configuration européenne de l’entente » a renforcé l’atteinte à la concurrence causée dans l’EEE par la « configuration A/R » de ladite entente. Et l’avocate générale Kokott approuver la constatation opérée par le Tribunal : le lien étroit entre les deux configurations ne change rien au fait que la « configuration européenne de l’entente » était un engagement distinct qui n’était pas inhérent à la « configuration A/R de l’entente ». Ce partage intra-européen aurait dû être qualifié de restriction de la concurrence indépendamment même du partage des marchés entre les entreprises européennes, japonaises et sud-coréennes. La constatation du Tribunal selon laquelle cette infraction « accrue » pouvait légitimement être sanctionnée par une amende majorée ne recèle pas, selon elle, d’erreur d’appréciation (pt. 126).
En fin de compte, l’avocate générale Kokott suggère à la Cour de rejeter le pourvoi dans son intégralité.
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JURISPRUDENCE OVS : À la faveur d’un arrêt transposable en matière de concurrence, la Chambre criminelle de la Cour de cassation valide la technique du scellé fermé provisoire des fichiers de messageries, la saisie globale des fichiers « insécables » et la technique de nettoyage du legal privilege à partir d’un tableau numérique à compléter par l’entreprise visitée avant confection du scellé définitif et qui dispense le JLD de se transporter dans l’entreprise pour procéder lui-même au tri des fichiers contenant des documents relevant de la correspondance avocat-client
À la faveur d'un arrêt rendu le 4 mars 2020 en matière d’opération de visite et saisie (OVS), la Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi formé contre l’ordonnance de premier président de la Cour d’appel de Versailles en date du 25 janvier 2018, qui a confirmé l'ordonnance du JLD autorisant la DGCCRF à effectuer des opérations de visite et de saisie en vue de rechercher la preuve de pratiques prohibées par les articles L. 213-1 et suivants du code de la consommation.
À notre sens, le présent arrêt est en tout point transposable aux OVS pratiquées par les enquêteurs de la DGCCRF et par les rapporteurs de l’Autorité de la concurrence agissant dans le cadre de l’article 450-4 du code de commerce
En décembre 2015, le chef du service national des enquêtes de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nanterre, en application de l'article L. 215-18 du code de la consommation, d'une demande d'autorisation de pratiquer des opérations de visite et de saisie dans les locaux de la société Renault, au siège social de Boulogne Billancourt (92100), ainsi qu'au centre technique Renault à Lardy (91510), et au Technocentre Renault à Guyancourt (78280). Cette requête s'inscrivait dans le cadre d'une enquête demandée par le ministre de l'économie, concernant des tromperies susceptibles d'être mises en œuvre dans le secteur de la fabrication automobile, plus précisément sur les contrôles d'émissions de polluants lors des tests d'homologation anti-pollution.
Les opérations de visite et de saisies se sont déroulées les 7 et 8 janvier 2016.
Par déclarations du 15 janvier 2016, la société Renault a fait appel des ordonnances des juges des libertés et de la détention, et a formé un recours contre le déroulement des opérations de visite et de saisies.
Déboutée, la société Renault a introduit un pourvoi contre l’ordonnance de premier président de la Cour d’appel de Versailles en date du 25 janvier 2018, qui a confirmé l'ordonnance du JLD.
Seuls les cinquième et sixième moyens du pourvoi sont admis.
Par son cinquième moyen, la société Renault contestait la pratique de la saisie massive de document sous couvert de scellés provisoire qui a pour effet, si ce n’est pour objet, d’augmenter considérablement la masse de données appréhendées par le service d’enquête et de rendre en conséquence très difficile, voire impossible la vérification, tant par la personne visitée que par le juge, des pièces relevant de la protection de la correspondance avocat-client.
Sur quoi la Chambre criminelle de la Cour de cassation se contente d’approuver le premier président d’avoir considéré que la procédure des scellés provisoires mise en place protège précisément la confidentialité des correspondances avocat-client, puisqu'elle permet à l'entreprise de faire connaître aux enquêteurs les pièces qui, d'après elle, pourraient bénéficier de la protection liée à la confidentialité des correspondances avocat-client et qu'ainsi, ces documents peuvent être rapidement supprimés des fichiers de messagerie dans lesquels ils figurent (pt. 10) et qu’elle permet aux enquêteurs, en présence d'un OPJ et d'un représentant de la société Renault assisté de ses conseils, de procéder à l'ouverture des scellés, les fichiers ayant fait l'objet de deux copies, l’une remise à l'entreprise, l'autre conservée par les enquêteurs, avant d'être placés sous scellé définitif (pt. 12). Dès lors, aller au-delà consisterait à interdire à toute administration ou à toute autorité administrative indépendante de pratiquer toute forme de saisie (pt. 13), d’autant que cette procédure de scellés provisoires ne porte aucune atteinte aux droits fondamentaux, et notamment aux droits de la défense (pt. 14).
Dès lors, estime la Cour, en statuant ainsi, le premier président, qui a retenu à bon droit qu’en l’espèce, la confection de scellés provisoires, qui avait été suivie d’un délai accordé à l’occupant des lieux pour lui permettre de signaler aux enquêteurs les documents protégés par la confidentialité des correspondances avocat-client devant échapper à la saisie, puis d’un examen contradictoire, en présence de représentants de la société Renault et de ses conseils, avant que ne soient confectionnés les scellés définitifs, avait réservé les droits de la société Renault et ne lui avait causé aucun grief, a justifié sa décision et n’a méconnu aucun des textes visés au moyen (pt. 15).
La société Renault dénonçait encore le fait que la méthode d’expurgation des correspondances avocat-client n’avait pas été la même sur les différents sites visités. Au siège social de Boulogne Billancourt, la DGCCRF a fourni à la société Renault un modèle de tableau numérique à compléter, avec les champs nécessaires à l'identification des documents concernés. Toutefois, la société Renault a préféré utilisé la fonction de recherche de Microsoft Outlook avec les noms des cabinets d'avocats conseils de l'entreprise, ce qui, à partir de mots clef ou d'acronyme a généré un très grand nombre de résultats, de l'ordre de vingt-cinq mille documents, de sorte que celle-ci a fourni aux enquêteurs trois listes qui ne comprenaient pas les champs prévus dans le tableau numérique.
Sur ce point, la Chambre criminelle de la Cour de cassation approuve le premier président de la Cour d’appel d’avoir considéré que la société Renault n'avait pas satisfait à la preuve qui lui incombait, puisqu'il ne suffit pas qu'un courriel émane d'un avocat ou lui soit adressé pour être couvert par la confidentialité, et que parmi ses revendications faites à partir de cette recherche, il appartenait à l'appelante de préciser quels courriers étaient protégés et d'en justifier (pt. 20). En l’état de ces énonciations, retient la Cour, le premier président, qui a constaté que la société Renault ne contestait pas avoir pu identifier les éléments qu'elle estimait protégés par la confidentialité avocat-client, mais n’a pas mis les enquêteurs en mesure d’en expurger les scellés provisoires, faute d’avoir fourni certaines informations qui lui étaient demandées, a justifié sa décision sans insuffisance ni contradiction, peu important les réserves formulées par la société Renault sur les modalités de cette identification (pt. 22).
Par son sixième moyen, la société Renault contestait encore l’ordonnance attaquée en ce qu’elle a rejeté le recours formé par la société Renault SAS contre le déroulement des opérations de visite et de saisie et a approuvé les juges des libertés et de la détention d’avoir refusé de se rendre sur les lieux et de suspendre les visites en cours.
Aux termes du présent arrêt, la Chambre criminelle de la Cour de cassation approuve le premier président de la Cour d’appel d’avoir énoncé qu’un fichier de messagerie doit être regardé comme étant un fichier informatique indivisible qui peut être saisi dans son entier s'il est susceptible de contenir des éléments intéressant l'enquête, qu’il est difficilement envisageable, même si cela est techniquement possible, d'individualiser sur place au cours des opérations les seuls messages pertinents, en les analysant un à un, au risque de paralyser le fonctionnement de l'entreprise et de réduire l'efficacité de l'enquête, et qu’il est nécessaire de préserver l'intégrité et l'authenticité des éléments de preuve, ce que garantit davantage la saisie globale des messageries dans lesquelles a été constatée la présence de documents entrant dans le champ de l'autorisation, évitant ainsi de créer sur l'ordinateur des éléments qui n'existaient pas ou d'altérer des métadonnées des fichiers (pt. 26). En se déterminant ainsi, conclut la Cour sur ce point, le premier président, qui a souverainement apprécié que les données saisies n'étaient ni divisibles, ni étrangères au but de l'autorisation accordée, a justifié sa décision (pt. 29).
Enfin, la Cour approuve le premier président de la Cour d’appel d’avoir estimé que le refus du JLD de se déplacer sur les lieux à l’occasion de l’ouverture des scellés provisoires, avait été justifié par ce magistrat, et n’avait pas été de nature à porter atteinte aux droits de la demanderesse (pt. 33).
Elle l’a également approuvé d’avoir retenu que le nombre des fichiers saisis n’était pas disproportionné au regard notamment de la taille de l’entreprise et du nombre de salariés, et que ces documents émanaient de personnes susceptibles d’être concernées par les faits recherchés (pt. 34), dès lors que sur les 46 194 collaborateurs de l'entreprise en France, n'ont en réalité été saisis que cinquante-quatre fichiers de messagerie provenant de vingt-deux collaborateurs, responsables, ingénieurs et assistants du président, et donc en rapport avec l'objet de l'enquête, de sorte que les mesures de saisie n'apparaissent ni massives, ni indifférenciées, ni disproportionnées au but recherché (pt. 31).
Ce faisant, la Chambre criminelle de la Cour de cassation valide la technique du scellé fermé provisoire des fichiers de messageries, la saisie globale des fichiers « insécables » et la technique de nettoyage du legal privilege à partir d’un tableau numérique à compléter par l’entreprise visitée avant confection du scellé définitif, lesquel dispense le JLD d’avoir à se transporter dans l’entreprise pour procéder lui-même au tri des fichiers contenant des documents relevant de la correspondance avocat-client.
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INFOS : Le Gouvernement suit partiellement l’avis de l’Autorité sur la fixation des tarifs réglementés de certaines professions juridiques
Le 11 mars 2020, l’Autorité de la concurrence a publié un avis n° 20-A-03 du 14 février 2020 qu’elle a rendu au ministre de l’économie et des finances à propos du projet de décret en Conseil d’État concernant la fixation des tarifs réglementés de certaines professions juridiques
Depuis l’adoption de la loi Macron, les principes de détermination de ces tarifs doivent tenir compte des « coûts pertinents du service rendu et une rémunération raisonnable, définie sur la base de critères objectifs » (article L. 444-2 du code de commerce). Abandonnant une première approche « acte par acte » du fait de l’absence d’une comptabilité analytique permettant d’évaluer les coûts pertinents à un tel niveau de précision, la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 lui a finalement substitué une méthode fondée sur la rentabilité globale des professions concernées, devant permettre aux professionnels de couvrir l’ensemble des coûts supportés et de dégager une rémunération raisonnable au titre de leur « activité régulée », dont les modalités de détermination sont définies par décret en Conseil d’État.
Le projet de décret soumis à l’examen de l’Autorité fixait donc les tarifs sur la base d’un objectif de taux de résultat estimé globalement et pour chaque profession, tenant compte d’une rémunération raisonnable définie par référence à un objectif de taux de résultat, lui-même déterminé « à partir d’un taux de référence, déterminé par arrêté ».
Par ailleurs, le projet de décret modifiait le système des remises à taux fixe et identiques pour tous de droit commun, dont le taux maximal serait porté à 20 % sur les tranches d’assiette supérieures à 150 000 euros. Pour ce qui concerne spécifiquement les notaires, le projet de décret précisait les modalités d’application du rétablissement de la libre négociabilité des remises « pour certaines prestations et au-delà d’un montant d’émolument ».
Le projet de décret proposait, enfin, de rationaliser la fixation des majorations tarifaires outre-mer, en prévoyant un « rapprochement » entre le taux de résultat moyen constaté pour les professionnels installés en outre-mer et l’objectif de taux de résultat fixé nationalement.
L’Autorité émet un avis réservé sur les dispositions de son article 3, qui confèrent aux ministres signataires des arrêtés une marge d’appréciation trop importante dans la fixation des tarifs pour être compatible avec l’exigence légale d’une définition de la rémunération raisonnable « sur la base de critères objectifs ». Elle propose ainsi de préciser les modalités de détermination et de révision de l’objectif de taux de résultat moyen d’une part, et la méthode d’évaluation des coûts pertinents et de la rémunération raisonnable d’autre part.
Le décret finalement adopté — le décret n° 2020-179 du 28 février 2020 relatif aux tarifs réglementés applicables à certains professionnels du droit — suit les recommandations formulées par l’Autorité sur ce point en étant plus précis sur la méthode de fixation des tarifs.
Par ailleurs, à propos des majorations tarifaires applicables en outre-mer, l’Autorité invite le gouvernement à préciser la finalité et les conditions d’application des majorations tarifaires en outre-mer dans le décret, en vue de compenser les surcoûts réels supportés en outre-mer.
L’Autorité se félicite que les principes de fixation retenus dans le décret finalement adopté soient à l’origine de baisses, prévues par les arrêtés tarifaires du 28 février 2020, enclenchant ainsi un premier mouvement de rééquilibrage entre les taux applicables et les surcoûts réellement supportés par les professionnels concernés.
Concernant les modifications apportées à l’encadrement règlementaire des remises, l’Autorité se félicite du rehaussement du taux plafond, de 10 % à 20 %, pour les remises de droit commun et suggère à nouveau d’abaisser le seuil de déclenchement de cette faculté de remise, actuellement fixé pour les notaires à 150 000 euros d’assiette, à 75 000 euros.
Sur ce point, l’Autorité obtient partiellement gain de cause : le décret finalement adopté fixe le seuil d’assiette à partir duquel ce taux sera applicable à 100 000 euros (contre 150 000 euros auparavant).
Enfin, si l’Autorité se félicite de la réintroduction, prévue par la loi, de la libre négociabilité des remises entre le notaire et son client au-delà d’un seuil d’émoluments, elle regrette qu’il soit envisagé de restreindre le champ d’application de cette mesure par voie règlementaire, en fixant ce seuil de déclenchement à 200 000 euros d’émoluments, alors que ce seuil était fixé à 80 000 euros dans l’ancien décret de 1978. De ce même point de vue, le maintien du dispositif des remises à 40 %, qui prive de facto les usagers des prestations concernées du bénéfice de la remise de droit commun sur les tranches d’assiette comprises entre 150 000 euros et 10 millions d’euros, pour les réserver aux rares cas d’assiettes extrêmement élevées, apparaît peu compatible avec l’impératif d’équité sociale poursuivi par le législateur de 2015.
Sur cette question, le gouvernement n’a pas suivi les recommandations formulées par l’Autorité.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture des cinq arrêtés tarifaires du 28 février 2020 :
— arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des notaires ;
— arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice ;
— arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des greffiers des tribunaux de commerce ;
— arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés des commissaires-priseurs judiciaires ;
— arrêté du 28 février 2020 fixant les tarifs réglementés applicables aux administrateurs judiciaires, commissaires à l'exécution du plan, mandataires judiciaires et aux liquidateurs.
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EN BREF : Nouvelle consultation publique sur les créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation
Pour la troisième fois, l’Autorité de la concurrence, tenue par la loi Macron de faire au moins tous les deux ans des recommandations de créations d’offices d’avocat au Conseil d’État et à la Cour de cassation, lance une consultation publique en vue de préparer un nouvel avis relatif à la liberté d’installation de ces professionnels.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Macron, les recommandations formulées par l’Autorité en 2016 et 2018 ont permis à dix nouveaux professionnels libéraux d’embrasser cette carrière dans un office créé.
Les personnes concernées sont invitées à répondre au questionnaire accessible en ligne avant le 9 avril 2020.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.
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EN BREF : Publication de la version française de l’étude conjointe de l’Autorité de la concurrence et du Bundeskartellamt sur les algorithmes
L’Autorité de la concurrence a annoncé le 9 mars 2020 que l'étude conjointe qu’elle a menée avec le Bundeskartellamt sur les algorithmes et la concurrence est désormais disponible en français.
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