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                   Hebdo n° 45/2022
                  26 décembre 2022
Actualités de la semaine du 5 au 9 décembre 2022
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE UE : Précisant les conditions requises pour l’application du point 35 des lignes directrices de 2006 relative à la prise en compte des capacités contributives des entreprises sanctionnées, le Tribunal de l'Union rejette le recours contre la décision sanctionnant les sociétés du groupe CCPL pour leur participation à trois ententes distinctes dans le secteur de l'emballage alimentaire de détail et confirme l’amende de 9,44 millions d’euros

JURISPRUDENCE QPC : La Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article L. 464-2, I, alinéa 1, seconde phrase, du code de commerce, qui prévoit que l’Autorité de la concurrence peut accepter des engagements, mais ne dit rien sur sa faculté de les refuser

INFOS UE : La Commission adresse à Illumina une communication des griefs avec le mode d’emploi pour détricoter son rapprochement — interdit — avec Grail

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sans condition, la société Séché Environnement à faire l’acquisition d’actifs détenus par le groupe Veolia, principalement dans le secteur de l’eau industrielle, est en ligne (+ 16 décisions dont 13 décisions simplifiées)

INFOS OUVRAGE : Le mémento pratique concurrence-consommation 2023 vient de paraître

 

JURISPRUDENCE UE : Précisant les conditions requises pour l’application du point 35 des lignes directrices de 2006 relative à la prise en compte des capacités contributives des entreprises sanctionnées, le Tribunal de l'Union rejette le recours contre la décision sanctionnant les sociétés du groupe CCPL pour leur participation à trois ententes distinctes dans le secteur de l'emballage alimentaire de détail et confirme l’amende de 9,44 millions d’euros

 


Le 7 décembre 2022, le Tribunal de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire T-130/21 (CCPL e.a. contre Commission européenne).

Il y rejette le recours introduit par trois sociétés du groupe CCPL (Consorzio Cooperative di Produzione e Lavoro) contre la décision rendue le 17 décembre 2020, à la faveur de laquelle la Commission a réadopté, suite à son annulation par le Tribunal de l’Union, une décision du 24 juin 2015 sanctionnant les requérantes à hauteur de 33 694 000 € pour leur participation à trois ententes distinctes dans le secteur de l'emballage alimentaire de détail, les entreprises ayant fixé les prix et réparti les clients des barquettes rigides en mousse de polystyrène ou en polypropylène, en violation des règles antitrust de l’UE.

Par arrêt du 11 juillet 2019, le Tribunal a donc annulé les sanctions infligées aux entités appartenant au groupe CCPL en raison de l'absence de motivation suffisante concernant la réduction d'amende qui leur a été accordée au titre de la capacité contributive en application du point 35 des lignes directrices sur les amendes. En revanche, l’arrêt n'a pas remis en cause la responsabilité du groupe CCPL pour les trois ententes.

Aux termes de la décision attaquée, la Commission a infligé des amendes totales de 9 441 000 € à trois entités du groupe CCPL pour leur participation aux trois ententes distinctes dans le secteur de l'emballage alimentaire de détail. Tout en corrigeant l'erreur de procédure relevée par le Tribunal, la Commission a, en substance, rejeté la demande de réduction du montant des amendes en cause fondée sur une absence de capacité contributive soumise par les requérantes. Par ailleurs, la décision querellée tient compte du fait que les amendes pour chaque cartel ne doivent pas dépasser 10 % du chiffre d'affaires total du groupe CCPL au cours de l'exercice précédant l'adoption de la présente décision (c'est-à-dire 2019), conformément à l'article 23, § 2, du règlement 1/2003 du Conseil.

À l’appui du recours, les requérantes soulèvent trois moyens.

Par leur premier moyen, tiré, en substance, d’une violation de l’obligation de motivation et d’une violation de l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003, les requérantes contestaient la responsabilité de la société mère du groupe CCPL en raison du comportement de ses filiales, ainsi que la présomption selon laquelle CCPL exerçait une influence déterminante sur ces dernières.

S’agissant de la première branche du moyen tirée d’une insuffisance de motivation de la responsabilité de la société mère, le Tribunal répond que la motivation de la décision attaquée doit être lue à la lumière de la décision de 2015 en ce qui concerne la responsabilité de CCPL en raison des infractions commises par les sociétés du groupe CCPL, laquelle n’a pas été remise en cause sur ce point par l’arrêt du Tribunal de 2019 (pt. 29) et était correctement motivée à cet égard (pt. 32).

Quant à la seconde branche, tirée de la violation de l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003 en ce que la Commission s’est fondée de façon erronée sur la présomption selon laquelle CCPL a exercé une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL, le Tribunal rappelle que la Commission peut imputer la responsabilité du comportement de filiales détenues indirectement par une société mère à cette société, même sans constater d’infraction à l’égard des sociétés intermédiaires. En effet, le fait que de telles filiales soient détenues par l’intermédiaire d’une société à laquelle aucune infraction n’est imputée ne remet pas en cause la présomption de l’exercice effectif, par la société mère, du fait de sa participation indirecte dans ces filiales, d’une influence déterminante sur le comportement desdites filiales (pts. 53-54). Par ailleurs, le Tribunal relève que la décision attaquée n’est pas entachée d’une erreur de droit en ce que la Commission a fait usage de la présomption de responsabilité de CCPL pour le comportement des sociétés du groupe CCPL au cours de la période pendant laquelle CCPL ne détenait qu’une participation de 93,864 % dans CCPL SpA.

Les requérantes faisaient encore valoir qu’il appartenait à la Commission de démontrer l’exercice effectif d’une influence déterminante de CCPL sur les sociétés du groupe CCPL dès lors qu’elle s’était fondée à la fois sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante et sur un faisceau d’éléments. Sur quoi, le Tribunal répond que le fait que la Commission a relevé différents éléments destinés à renforcer le constat de l’existence d’une influence déterminante de CCPL sur les sociétés du groupe CCPL ne lui imposait pas une charge de la preuve plus élevée que si elle s’était limitée à faire usage de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante (pt. 63).

Enfin, le Tribunal parvient à la conclusion que les requérantes ont échoué à à renverser la présomption appliquée par la Commission selon laquelle CCPL exerçait une influence déterminante sur les sociétés du groupe CCPL (pt. 81). Il rappelle à cet égard que la représentation de la société mère dans les organes de direction de sa filiale constitue un élément de preuve pertinent de l’exercice d’un contrôle effectif sur la politique commerciale de celle-ci et que l’absence de rôle opérationnel des membres du conseil d’administration de CCPL importe peu (pts. 77-78). Par ailleurs, le fait qu’il existe un grand nombre de sociétés opérationnelles dans un groupe et que celui-ci opère dans six secteurs d’activité différents n’empêche pas de lui imputer les infractions de ses filiales (pt. 80).

Par leur deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de proportionnalité et d’égalité de traitement, les requérantes contestaient l’application, pour chaque infraction, du plafond de 10 % du chiffre d’affaires fixé à l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003, en ce que cette méthode a conduit la Commission à leur infliger des amendes bien supérieures aux amendes infligées aux autres entreprises concernées.

Sur quoi, le Tribunal rappelant que la Commission peut constater, dans une seule décision, deux infractions distinctes et infliger deux amendes dont le montant total dépasse le plafond de 10 % fixé à l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003, pour autant que le montant de chaque amende ne dépasse pas ledit plafond, répond qu’il est indifférent, pour l’application dudit plafond de 10 %, que des infractions différentes aux règles de concurrence de l’Union soient sanctionnées au cours d’une procédure unique ou au cours de procédures séparées, décalées dans le temps, la limite supérieure de 10 % s’appliquant à chaque infraction à l’article 101 TFUE. Dès lors que l’application du plafond de 10 % de façon séparée pour chaque infraction est conforme à l’article 23, § 2, du règlement n° 1/2003 tel qu’il est interprété par la jurisprudence, cet argument des requérantes n’est pas de nature à démontrer que la décision attaquée est contraire aux principes de proportionnalité, d’équité, d’individualisation et de gradation de l’amende, de rationalité et d’égalité de traitement (pts. 87-88).

Par leur troisième moyen, les requérantes invoquaient une insuffisance de motivation de l’appréciation de la Commission relative à leur capacité contributive et reprochaient à cette dernière des erreurs manifestes d’appréciation de cette capacité contributive.

Rappelant le caractère exceptionnel de la réduction d’amende qui peut être accordée au titre du point 35 des lignes directrices de 2006, qui suppose que soit démontré que l’amende infligée « mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur » (pt. 101), le Tribunal, confirmant que la seule constatation d’une situation financière défavorable ou déficitaire de l’entreprise concernée ne saurait suffire à fonder une demande visant à obtenir de la Commission qu’elle tienne compte de l’absence de sa capacité contributive pour accorder une réduction d’amende (pt. 103), rappelle que seule l’hypothèse d’une perte de la valeur des éléments personnels, matériels et immatériels représentés par une entreprise, en d’autres termes, de ses actifs, pourrait justifier la prise en considération, lors de la fixation du montant de l’amende, de l’éventualité de sa faillite ou de sa liquidation, à la suite de l’imposition de cette amende (pt. 105).

En pratique, le Tribunal estime que les données prévisionnelles relatives aux sociétés du groupe autres que Coopbox Group et Coopbox Eastern, notamment les données relatives à la cession d’actifs, étaient pertinentes pour apprécier la capacité contributive du groupe CCPL (pt. 131), de même que les ressources de CCPL SpA quoique cette société n’ait pas été destinataire de la décision attaquée doit être rejeté (pt. 132). Dès lors que les requérantes n’ont pas produit les données prévisionnelles consolidées réclamées pour la période 2020-2023 et n’ont pas indiqué pourquoi elles ne pourraient pas utiliser les liquidités disponibles au niveau du groupe pour payer les amendes infligées par la décision attaquée, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir pris en compte les soldes de liquidités du groupe CCPL au titre des exercices 2018 et 2019 sans tenir compte de ses dettes et de l’indisponibilité de ces liquidités pour d’autres fins que le remboursement des dettes imposé par le plan de restructuration (pts. 143-144).

Rappelant que, pour qu’une réduction d’amende soit accordée au titre du point 35 des lignes directrices de 2006, il doit être démontré que l’amende infligée mettrait irrémédiablement en danger la viabilité économique de l’entreprise concernée et conduirait à priver ses actifs de toute valeur, le Tribunal conclut que l’intention de réaliser des investissements destinés à développer les sociétés d’exploitation du groupe CCPL ou des paiements destinés à ne pas nuire à leur rentabilité ne saurait en principe justifier une telle réduction, dans la mesure où les requérantes n’ont pas allégué que de tels investissements seraient indispensables pour leur fonctionnement et qu’ils ne pouvaient pas être différés (pts. 157-159). En outre, estime le Tribunal, les soldes de trésorerie pour 2018 et 2019, qui s’élèvent respectivement à 18,6 millions d’euros et à 22,8 millions d’euros, ainsi que le solde moyen des liquidités sur la période 2014-2018, à savoir environ 11,6 % du chiffre d’affaires annuel moyen du groupe, constituent, ainsi que l’a considéré la Commission, un bon indice permettant de déduire que le niveau de liquidités était suffisant pour honorer les engagements et les dépenses à court terme, assurer la continuité de l’activité et éviter les pénuries temporaires de liquidités (pt. 162).

Au final, le Tribunal retient, à l’instar de la Commission, que les arguments des requérantes ne sont pas de nature à démontrer que le paiement des amendes était susceptible de mettre irrémédiablement en danger la viabilité économique du groupe CCPL (pt. 164). Ainsi, conclut-il, les requérantes restent en défaut de démontrer que, contrairement à ce que la Commission a considéré, le paiement des amendes d’un montant total de 9 441 000 euros mettrait irrémédiablement en danger leur viabilité économique et conduirait à priver leurs actifs de toute valeur (pt. 166).

JURISPRUDENCE QPC : La Cour de cassation renvoie au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article L. 464-2, I, alinéa 1, seconde phrase, du code de commerce, qui prévoit que l’Autorité de la concurrence peut accepter des engagements, mais ne dit rien sur sa faculté de les refuser

 

À la faveur d’une décision rendue le 7 décembre 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a renvoyé au Conseil constitutionnel la question de la conformité à la Constitution de l'article L. 464-2, I, alinéa 1, seconde phrase, du code de commerce, dans la version en vigueur du 11 mars 2017 au 5 décembre 2020, laquelle dispose que l’Autorité de la concurrence « peut aussi accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-1 à L. 420-2-2 et L. 420-5 ou contraires aux mesures prises en application de l'article L. 410-3 ».

À l’origine de ce renvoi, se trouve une demande de question prioritaire de constitutionnalité formée par les sociétés Sony Interactive Entertainment France (SIEF) et Sony Interactive Entertainment Europe Limited (SIEE), à l'occasion du pourvoi qu'elles ont introduit contre l'arrêt rendu le 21 avril 2022 par la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris et à la faveur duquel, on s’en souvient, elle a déclaré irrecevable le recours des sociétés Sony contre la décision n° 20-S-01 en date du 23 octobre 2020 prise par le Collège de l’Autorité de refuser les engagements proposés par celles-ci après test de marché et de renvoyer le dossier à l’instruction.

C’est donc par un communiqué quelque peu laconique daté du 26 octobre 2020, que l’Autorité de la concurrence avait annoncé que le Collège avait décidé de ne pas accepter et donc de ne pas rendre obligatoires les engagements proposés un an plus tôt par Sony, ceux-là mêmes qui visaient à rendre l’octroi de licences officielles pour la fabrication et la commercialisation de manettes compatibles avec la console de jeux Playstation 4 plus transparent et non discriminatoire. Pour le Collège, dans leur version ultime, les engagements de Sony ne permettaient pas de répondre de façon pertinente aux préoccupations de concurrence identifiées par les services d’instruction. En conséquence, le collège avait renvoyé le dossier à l’instruction pour que celle-ci puisse reprendre son cours.

Devant la Cour d’appel, SIEF et SIEE avaient soutenu en substance que la décision de renvoi à l'instruction constituait, en réalité, une décision au fond, en ce qu'elle tranchait la question de savoir si les derniers engagements proposés par elles étaient de nature à mettre un terme aux préoccupations de concurrence identifiées dans l'évaluation préliminaire, que cette décision leur faisait au surplus grief en ce qu'elle les privait de la chance de pouvoir conclure favorablement la procédure d'engagements en mettant un terme final à cette affaire sans la moindre qualification d'infraction ni la moindre sanction, sans compter que cette décision de renvoi à l’instruction constituait un acte de « name and shame » susceptible de leur créer un préjudice d’image. Par suite, selon les requérantes, la décision attaquée était susceptible de recours, au même titre et, par une espèce de parallélisme des formes, que les décisions d’acceptation d’engagements.

La Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris n’avait donc pas fait droit à cette demande, considérant à l’inverse qu’il résulte clairement du libellé de l'article L. 464-8 du code de commerce que le recours en annulation ou en réformation des décisions de l'Autorité de la concurrence n'est ouvert qu'à l'encontre des décisions qui y sont limitativement énumérées et qu’il résulte tout aussi clairement du libellé de l'article L. 464-2 du même code, auquel le premier renvoie, que seules les décisions d'acceptation des engagements proposés par les entreprises sont visées comme étant susceptibles de recours, à l'exclusion de celles portant refus desdits engagements. Or, ajoutait la Cour, à la différence des décisions d’acceptation d’engagements qui mettent fin à la procédure, les décisions de refus des engagements proposés, loin de constituer des décisions au fond, ne mettent pas fin à la procédure mais impliquent, au contraire, une reprise du cours de l'instruction. Par ailleurs, rappelait-elle, les entreprises ne disposent pas d'un droit aux engagements, l'Autorité jouissant d'un pouvoir discrétionnaire en la matière, et le Collège n'était dès lors pas tenu de formaliser sa décision de refus des engagements proposés ni, a fortiori, de la motiver.

Au final, la Chambre de la régulation économique de la Cour d’appel de Paris avait considéré que la décision de rejet des engagements proposés ne saurait faire l'objet d'un recours immédiat, au même titre qu'une décision d'acceptation des engagements, d’autant que les entreprises concernées bénéficient d’une protection juridictionnelle effective dès lors qu’elles disposent d’un droit de recours contre la décision au fond.

La question prioritaire de constitutionnalité des sociétés Sony est ainsi rédigée : « En édictant les dispositions de l'article L. 464-2 du code de commerce — lesquelles prévoient la faculté pour l'Autorité de la concurrence d’accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à ses préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles illégales —, le législateur a-t-il, d'une part, méconnu les exigences constitutionnelles découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789, à savoir les principes d'indépendance et d'impartialité ainsi que le principe des droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif, et d'autre part, méconnu sa propre compétence dans des conditions affectant ces mêmes droits et libertés ? »

De son côté, la Cour de cassation, visiblement sensible aux arguments avancés par les sociétés Sony, relève que la disposition déférée est applicable au litige, qu’elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel et que la question posée présente un caractère sérieux, au regard des principes d'indépendance et d'impartialité, ainsi que des droits de la défense, en ce que les rapporteurs et les membres du collège, qui participent à la procédure d'engagements, peuvent se forger une opinion sur les pratiques en cause, susceptibles de justifier l'ouverture d'une procédure de sanction en cas d'échec des négociations, et que, dans cette hypothèse, les garanties permettant de prévenir cette situation de connaissance, par ces mêmes personnes, de la procédure de sanction et de faire en sorte que soient retirées du dossier les propositions d'engagements et les observations des tiers intéressés faites à leur sujet, résultent, pour l'essentiel, du communiqué de procédure édicté par l'Autorité et de ses règles internes de fonctionnement.

Ce faisant, la Cour de cassation semble mettre en avant les risques de préjugement en cas d’échec de la procédure d’acceptation d’engagements et de renvoi à l’instruction tant du côté des services d’instruction que celui du Collège. Elle pointe également le fait que les quelques garanties procédurales applicables en pareil cas résultent non de la loi, mais du communiqué de procédure édicté par l'Autorité et de ses règles internes de fonctionnement, faisant écho à l’argument des sociétés Sony selon lequel le législateur aurait ici méconnu sa propre compétence dans des conditions affectant les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif...

INFOS UE : La Commission adresse à Illumina une communication des griefs avec le mode d’emploi pour détricoter son rapprochement — interdit — avec Grail

 

Le 5 décembre 2022, la Commission européenne a annoncé qu’elle avait adressé à Illumina et à Grail une communication des griefs exposant les mesures nécessaires pour dénouer l'acquisition de Grail par Illumina, à la suite de l’interdiction de l’opération le 6 septembre 2022.

En vertu de l'article 8, § 4, du règlement de l'UE sur les concentrations, la Commission est autorisée à prendre les mesures appropriées pour rétablir la situation antérieure à la réalisation de la concentration si elle constate qu'une concentration a déjà été réalisée et qu'elle a été déclarée incompatible avec le marché intérieur. Tel est le cas en l’espèce, puisqu’Illumina a réalisé l'acquisition de Grail dès le mois d’août 2021, et ce, sans attendre le feu vert de la Commission, ce qui lui vaut de faire l’objet d’une procédure pour gun jumping.

On se souvient que la société américaine Illumina avait confirmé publiquement le 18 août 2021 qu’elle envisageait de procéder à l'acquisition de Grail, alors même que la Commission s’était déclarée compétente pour examiner l’opération de concentration en acceptant, à la faveur d’une décision du 19 avril 2021, la demande de renvoi du 9 mars 2021 au titre de l’article 22, § 1, du règlement CE sur les concentrations formulée par l’Autorité de la concurrence française. Pour mémoire, il s’agit là de la première opération de concentration en dessous des seuils de notification à être examinée par la Commission sur le fondement du règlement concentration de 2004 et donc de la « clause hollandaise » introduite à l’article 22 dudit règlement depuis le revirement dans la mise en œuvre de cette disposition annoncée le 11 septembre 2020 par la vice-présidente exécutif de la Commission, chargée de la politique de la concurrence, Margrethe Vestager.

En pratique, la Commission demande à Illumina de céder rapidement Grail de sorte que celle-ci recouvre l'indépendance dont elle jouissait avant la réalisation de l’acquisition. En outre, Illumina doit veiller à ce qu’après la cession, Grail demeure viable et compétitive comme elle l’était avant son acquisition.

Par ailleurs, la communication des griefs précise les mesures provisoires auxquelles Illumina et Grail doivent se conformer jusqu'à ce qu'Illumina ait dissous la concentration : garantir qu'Illumina et Grail restent séparées jusqu'à ce que l'opération soit dénouée et préserver sa viabilité.

Avant que la Commission ne rende contraignantes les mesures de cession et les mesures provisoire explicitées dans la communication des griefs, Grail et Illumina ont la possibilité d’y répondre aussi bien oralement que par écrit.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, sans condition, la société Séché Environnement à faire l’acquisition d’actifs détenus par le groupe Veolia, principalement dans le secteur de l’eau industrielle, est en ligne (+ 16 décisions dont 13 décisions simplifiées)

 

Ces derniers jours, l'Autorité de la concurrence a mis en ligne 17 nouvelles décisions d'autorisation d'opérations de concentration, dont 13 décisions simplifiées.

Parmi ces décisions figure la décision n° 22-DCC-216 du 14 novembre 2022 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, sans condition, la société Séché Environnement à faire l’acquisition d’actifs détenus par le groupe Veolia, principalement dans le secteur de l’eau industrielle.

Les actifs cibles de l’opération sont constitués d’environ [160-170] contrats principalement dans le secteur de la gestion de l’eau industrielle, initialement détenus par le groupe Veolia, ainsi que divers actifs corporels et incorporels attachés à l’exploitation de ces contrats. Par ailleurs, cette acquisition conclue en septembre 2022 fait suite à une première cession en janvier 2022 au groupe Séché de huit centres de maintenance de réseaux et ouvrages d’assainissement par le groupe Veolia. Cette première cession, ne franchissant pas le petit seuil de notification, celui de 50 millions d’euros, n’avait pas fait l’objet, au moment de sa réalisation, d’un examen de l’Autorité au titre du contrôle des concentrations. Toutefois, conformément à l’article 5, § 2, deuxième alinéa, du règlement n° 139/2004 auquel renvoie l’article L. 430-2 du code de commerce, qui dispose que « [...] deux ou plusieurs opérations au sens du premier alinéa qui ont eu lieu au cours d’une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises sont à considérer comme une seule concentration intervenant à la date de la dernière opération », l’Autorité a décidé, dès lors que les conditions de cette disposition étaient remplies, d’inclure la première cession — celle de janvier 2022 — dans le périmètre de l’opération examinée par l’Autorité.

Les parties sont simultanément actives dans les secteurs de la gestion de l’eau industrielle, de la collecte des déchets, du nettoyage, de l’hygiène du bâtiment et de l’inspection des réseaux d’assainissement. Le groupe Séché est également actif à diverses étapes de la chaîne de valeur du traitement de l’eau industrielle et de la gestion des déchets.
 
À l’issue de son analyse, l’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence de nature horizontale, compte tenu des parts de marchés limitées de la nouvelle entité et de la faible addition de parts de marché consécutive à l’opération. En effet, la part de marché de la nouvelle entité dépassera 25 % uniquement sur les marchés de la gestion de l’eau industrielle. Sur ces marchés, la part de marché de la nouvelle entité restera inférieure à 40 % et l’opération n’induira aucun effet sur la structure de la concurrence, l’addition de parts de marché liée à l’opération étant inférieure ou égale à 5 points. En outre, la nouvelle entité restera confrontée à de nombreux concurrents, et notamment au groupe Veolia et au groupe Saur.

L’Autorité a également écarté tout risque d’atteinte à la concurrence de nature verticale entre d’une part les marchés de la gestion de l’eau industrielle et d’autre part ceux du traitement par enfouissement des déchets banals et de la valorisation des boues d’épuration, sur lesquels seul le groupe Séché est actif. L’Autorité a notamment considéré qu’il n’existe pas de risque de verrouillage de l’accès à la clientèle pour les opérateurs de la gestion industrielle de l’eau malgré le poids du groupe Séché au niveau départemental, sur les dix marchés locaux aval de l’enfouissement des déchets banals, dès lors que le groupe Séché traite déjà en interne l’ensemble des effluents — les lixiviats — issus de son activité d’enfouissement des déchets banals.

Enfin, l’Autorité a écarté tout risque d’atteinte à la concurrence de nature conglomérale entre d’une part les marchés de la gestion de l’eau industrielle et d’autre part ceux de la fourniture de services de conception, d’ingénierie et de construction/modernisation de systèmes de traitement des eaux et de la fourniture de solutions mobiles de l’eau, sur lesquels le groupe Séché est seul actif, compte tenu des parts de marchés limitées de la nouvelle entité sur ces marchés et de la faible addition de parts de marché consécutive à l’opération sur les marchés de l’eau industrielle. Un tel niveau de part de marché, légèrement supérieur au seuil de 30 %, rend peu crédible le scénario de mise en oeuvre par la nouvelle entité d’effets de levier à partir de ces marchés.

 


 

On verra également la décision n° 22-DCC-174 du 13 septembre 2022 à la faveur de laquelle l’Autorité de la concurrence a autorisé, sans condition, la société Trigano à prendre le contrôle exclusif des sociétés Car Loisirs, Car Loisirs 13 et Car Loisirs 84, lesquelles exploitent chacune une concession de vente de camping-cars dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et du Vaucluse.

Ainsi, les parties sont simultanément actives sur les marchés de la distribution de véhicules de loisirs. Par ailleurs, Trigano est présente sur le marché de la construction et de la commercialisation de véhicules de loisirs.

Si l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux sur les marchés de la distribution de pièces de rechange et d’accessoires, des services d’entretien et de réparation, et de location de véhicules de loisirs, dans la mesure où les parts de marché de la nouvelle entité sont systématiquement inférieures à 25 %, se posait en revanche la question de savoir si, dès lors que la nouvelle entité disposera d’une part de marché supérieure à 30 % sur le marché de la construction de camping-cars, il n’existait pas un risque qu’elle utilise cette position sur le marché amont de la construction de camping-cars pour renforcer sa position sur les marchés aval de la distribution.

À cet égard, l’Autorité observe que les marques appartenant au groupe Trigano ne sont pas suffisamment incontournables pour constituer un avantage concurrentiel significatif, à l’aval, pour les concessionnaires. En outre, une stratégie de verrouillage des intrants pourrait conduire Trigano à perdre des volumes de vente en amont. Or, les marges réalisées au stade du détail sont moins élevées que celles réalisées lors de la vente des produits aux distributeurs. Pour qu’une stratégie de verrouillage des intrants soit profitable, il serait donc nécessaire que l’accroissement des ventes au détail au sein des concessions cibles soit suffisamment élevé pour compenser la diminution des ventes de produits Trigano chez les concessionnaires concurrents, ce qui est peu probable.

 



Les autres décisions n'appellent pas, nous semble-t-il, de commentaires spécifiques :

Décision n° 22-DCC-196 du 11 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société AB Financement par la société Marcel & Fils ;

Décision n° 22-DCC-206 du 3 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe La Marnière par le groupe InVivo.

 



Les 13 décisions simplifiées :

Décision n° 22-DCC-188 du 20 octobre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de la société Early Makers Group par le groupe Galileo Global Education ;

Décision n° 22-DCC-203 du 7 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif d’actifs détenus par la société Derichebourg Environnement par la société Riva Acier ;

Décision n° 22-DCC-205 du 3 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif du groupe Boulangerie Louise par le groupe InVivo ;

Décision n° 22-DCC-207 du 31 octobre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Saint-Max (54) par le groupe Bouygues et la société Omnes Capital ;

Décision n° 22-DCC-208 du 31 octobre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint d’un actif immobilier situé à Anglet (64) par le groupe Bouygues et la société Omnes Capital ;

Décision n° 22-DCC-209 du 10 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif d’un fonds de commerce de distribution automobile à Nanterre par le groupe Stellantis ;

Décision n° 22-DCC-210 du 27 octobre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Dica par les sociétés Vimalou et ITM Entreprises ;

Décision n° 22-DCC-211 du 3 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés Cherbourg Auto Passion, CL Fournis Auto 27, Claude Fournis Automobiles et Manche Distribution Automobile par le groupe Legrand ;

Décision n° 22-DCC-213 du 15 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif d’Omnes Capital par IDI ;

Décision n° 22-DCC-214 du 9 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif de Financière Groupe Proxiserve par Vauban Infrastructure Partners ;

Décision n° 22-DCC-215 du 9 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés DG8 Motors Bellegarde et DG8 Motors Pays de Gex par le groupe Deffeuille ;

Décision n° 22-DCC-217 du 15 novembre 2022 relative à la prise de contrôle conjoint de la société Jobri par le groupe Breyne et ITM Entreprises ;

Décision n° 22-DCC-220 du 15 novembre 2022 relative à la prise de contrôle exclusif des sociétés ABM Agen et ABM Périgueux par la société Eden Auto.



Le mémento pratique concurrence-consommation 2023
vient de paraître

 





Je vous signale la parution du mémento pratique Concurrence-consommation 2023, dont la partie «  Ententes et abus de domination » a été rédigée, sous la houlette de Dominique Loyer-Bouez, en collaboration avec CMS Francis Lefebvre Avocats.

Il est à jour du dernier du communiqué sanctions de l’Autorité de la concurrence, comme du nouveau règlement européen d’exemption des accords verticaux, mais aussi de la loi Egalim 2 du 18 octobre 2021, destinée à protéger le revenu des agriculteurs, qui a modifié profondément les dispositions applicables aux contrats de vente agricoles et le droit de la négociation commerciale entre fournisseurs et distributeurs (conditions générales de vente, convention unique, pratiques commerciales abusives…).

Vous trouverez une brève présentation de l'ouvrage sur le site web des éditions Francis Lefebvre.

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