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L'actualité la plus récente du droit de la concurrence
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                   Hebdo n° 46/2022
                          2 janvier 2023
Chères lectrices, chers lecteurs,

Permettez-moi, avant de présenter l'actualité de la semaine du
12 au 16 décembre 2022, de souhaiter à chacune et à chacun d'entre vous une très belle année 2023

 
SOMMAIRE
 
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union apporte des précisions sur le critère de l’effet incitatif prévu par les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie de 2014

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit qu’une activité de transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture, constitue non pas une activité de transformation de produits agricoles, mais relève du secteur de la pêche et de l’aquaculture

JURISPRUDENCE UE : Pour l’AG Rantos, les règles de la FIFA et de l’UEFA soumettant toute nouvelle compétition à une autorisation préalable sont compatibles avec le droit de la concurrence de l’Union, de sorte que, si les initiateurs de la  SuperLeague sont libres de créer leur propre compétition de football en dehors de l’écosystème de l’UEFA et de la FIFA, ils ne peuvent exiger de continuer à participer aux compétitions de football organisées par la FIFA et l’UEFA sans l’autorisation préalable de ces dernières


JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal de l’Union confirme le caractère d’aides existantes incompatibles avec le marché intérieur de l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du Pays basque

JURISPRUDENCE : La Cour de cassation confirme l’analyse conduite par la Cour d’appel de Paris excluant l'existence d'un marché portant sur les films d'expression originale française (EOF) préfinancés, distinct de celui portant sur les films EOF non préfinancés, laquelle avait conclu, sur la base de cette délimitation du marché pertinent, à l’absence de verrouillage de l’accès des chaînes de la TNT gratuite de Groupe Canal Plus aux films de catalogue d’expression française dans l’affaire des pratiques contractuelles des chaînes gratuites historiques de la TNT pour l’acquisition des droits de ces films

JURISPRUDENCE PRATIQUES RESTRICTIVES : La Chambre commerciale de la Cour de cassation juge que, lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier (+ deux arrêts du même jour portant sur le dispositif sanctionnant la rupture brutale d'une relation commerciale établie)


JURISPRUDENCE ACTIONS PRIVÉE EN RÉPARATION DU DOMMAGE CONCURRENTIELLE — ENTENTE — DOMMAGES-INTÉRÊTS — PRESCRIPTION : la Cour d’appel de Paris juge prescrite l’action en dommages et intérêts exercée par une société et son dirigeant ayant initialement part à l’entente anticoncurrentielle condamnée par l’Autorité de la concurrence [Commentaire de Muriel Chagny]

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission adopte un train de mesures afin d’adapter à la transition écologique les règles relatives aux aides d’État en faveur des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche et de l’aquaculture


INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission adopte des lignes directrices révisées relatives au haut débit

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission lance une consultation publique sur la révision du règlement de minimis pour les services d'intérêt économique général (SIEG)

INFOS DMA : La Commission lance une consultation publique sur son projet de règlement d'application de la loi sur les marchés numériques


INFOS : L’Autorité sanctionne à hauteur de 800 000 euros le leader de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle pour avoir entretenu la confusion entre ses activités historiques protégées et une activité concurrentielle

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, moyennant des engagements comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société Aleda par la société Française des jeux est en ligne

ANNONCE : L’interview que Benoît Cœuré a donnée à Concurrences est en libre accès [Message de Charlotte Colin-Dubuisson et Gildas de Muizon]

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union apporte des précisions sur le critère de l’effet incitatif prévu par les lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie de 2014

 

Le 15 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire d’aides d’État C-470/20 (Veejaam et Espo), laquelle fait suite à une demande de décision préjudicielle formée par la Cour suprême estonienne concernant l’interprétation de l’article 108, § 3, TFUE, de l’article 1er, sous c), du règlement (UE) 2015/1589 ainsi que du point 50 des lignes directrices concernant les aides d’État à la protection de l’environnement et à l’énergie de 2014, et ce, dans le cadre des litiges opposant deux producteurs d’énergies renouvelables, à savoir les sociétés Veejaam et Espo, à Elering — l’autorité estonienne chargée de l’octroi de l’aide aux énergies renouvelables —, et portant sur les demandes de paiement de l’aide aux énergies renouvelables prévue par la réglementation estonienne et introduites par lesdites sociétés.

À la suite du remplacement des équipements de production d’énergie à partir de ressources renouvelables pour lesquels elles avaient initialement reçu des aides d’État, ces sociétés ont introduit de nouvelles demandes d’aides d’État, lesquelles ont été rejetées par Elering au motif qu’elles ne remplissaient plus les conditions prescrites par le régime d’aides d’État aux énergies renouvelables réservé à l’électricité produite, d’une part, par un équipement de production entièrement nouveau et, d’autre part, par de nouveaux opérateurs afin de favoriser leur entrée sur le marché. Les recours introduits par les deux producteurs d’énergie ayant été successivement rejetés, elles ont formé un pourvoi en cassation devant la juridiction de renvoi.

La Cour suprême estonienne pose cinq questions préjudicielles. Les deux premières portent sur l’interprétation du critère de l’« effet incitatif » qui constitue une condition préalable pour l’octroi d’une aide d’État à l’énergie et l’environnement en vertu des points 49 et 50 des lignes directrices de 2014. Les trois autres questions portent sur des aspects procéduraux liés à la juxtaposition des différents régimes d’aides d’État mis en place par la République d’Estonie et les conséquences procédurales du défaut de notification, le cas échéant, de ces régimes à la Commission.

Par sa première question, la juridiction de renvoi interroge la Cour, en substance, sur le point de savoir si les points 49 et 50 des lignes directrices de 2014 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale établissant un régime d’aides aux énergies renouvelables permettant au demandeur de l’aide d’obtenir le versement de celle-ci même si la demande a été présentée après le lancement des travaux de réalisation du projet concerné. De manière plus générale, elle demande ainsi à la Cour de se prononcer sur la portée des lignes directrices adoptées par la Commission dans l’hypothèse d’un éventuel conflit avec une décision adoptée par la Commission en matière d’aide d’État.

Rappelant que, lorsqu’un État membre notifie un projet d’aides conforme aux lignes directrices, la Commission doit, en principe, l’autoriser, la Cour précise que les États membres conservent la possibilité de notifier à la Commission des projets d’aide d’État qui ne satisfont pas aux critères prévus par cette communication et que la Commission peut autoriser de tels projets dans des circonstances exceptionnelles (pt. 31), notamment lorsque l’effet incitatif est assuré autrement que par l’introduction de la demande avant le lancement des travaux (pt. 32).

Eu égard à ce qui précède, la Cour répond à la première question que les points 49 et 50 des lignes directrices de 2014 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale établissant un régime d’aides aux énergies renouvelables permettant au demandeur de l’aide d’obtenir le versement de celle-ci même si la demande a été présentée après le lancement des travaux de réalisation du projet concerné (pt. 33).

Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les lignes directrices de 2014 doivent être interprétées en ce sens qu’une aide d’État est susceptible d’avoir un effet incitatif lorsque l’investissement qu’un opérateur économique a réalisé en vue de se mettre en conformité avec une modification des conditions d’obtention d’une autorisation environnementale, cette dernière étant nécessaire pour l’activité de cet opérateur, n’aurait probablement pas eu lieu en l’absence du versement de l’aide concernée.

Sur ce point, la Cour de justice répond que les lignes directrices de 2014 doivent être interprétées en ce sens qu’une aide d’État est susceptible d’avoir un effet incitatif lorsque l’investissement qu’un opérateur économique a réalisé en vue de se mettre en conformité avec une modification des conditions d’obtention d’une autorisation environnementale, cette dernière étant nécessaire pour l’activité de cet opérateur, n’aurait probablement pas eu lieu en l’absence du versement de l’aide concernée (pt. 39). Pour ce faire, la juridiction de renvoi devra déterminer la crédibilité du scénario contrefactuel présenté par Veejaam et, notamment, vérifier la probabilité que cette société aurait cessé son activité en cas de non-obtention de l’aide en cause. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction de renvoi est tenue au respect des conditions fixées dans la décision de 2014 et la décision de 2017. Il appartient à cette juridiction, dans le cadre de l’examen de la crédibilité dudit scénario, d’analyser un faisceau d’éléments pertinents ainsi que des données tels que les recettes et les dépenses que Veejaam aurait réalisées, en l’absence de l’aide, pour produire de l’électricité en conformité avec les nouvelles conditions auxquelles est subordonnée l’obtention de l’autorisation environnementale en cause (pt. 38).

Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er, sous b) et c), du règlement 2015/1589 doit être interprété en ce sens qu’un régime d’aides existant, dont la compatibilité avec le marché intérieur a été constatée par une décision de la Commission, doit être qualifié d’« aide nouvelle », au sens de l’article 1er, sous c), de ce règlement, lorsque ce régime est appliqué au-delà de la date que l’État membre concerné avait indiquée à la Commission, dans le cadre de la procédure d’évaluation de l’aide clôturée par ladite décision, comme date de fin d’application dudit régime.

Rappelant que la prolongation de la durée de validité d’une aide existante doit être considérée comme une modification d’une aide existante et constitue, dès lors, en application de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, une aide nouvelle (pt. 44), la Cour constate que, si l’ancien régime pouvait être qualifié, après l’adoption de la décision de la Commission de 2014 et jusqu’au 31 décembre 2014, d’aide existante, dans la mesure où sa compatibilité avec le marché intérieur avait été constatée par ladite décision, en revanche, pendant la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la date d’adoption de la décision de la Commission de 2017, laquelle a constaté la compatibilité de ce régime avec le marché intérieur y compris après la prolongation de la durée de sa validité, celui-ci devait être qualifié d’aide nouvelle, au sens de l’article 1er, sous c), du règlement 2015/1589, et aurait donc dû être notifié à la Commission conformément à l’article 108, § 3, TFUE (pts. 46-47).

Par ses quatrième et cinquième questions, que la Cour a décidé de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 108, § 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’il soit fait droit à la demande d’un opérateur économique visant au versement d’une aide d’État, en dépit de la violation de l’obligation de notification prévue à cette disposition, d’une part, pour la période antérieure à la décision de la Commission constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché intérieur et, d’autre part, lorsque ledit opérateur a demandé l’aide à un moment où celle-ci était illégale, n’ayant pas été notifiée à cette institution, alors que l’investissement auquel l’aide était liée a été réalisé à un moment où ledit régime était légal, sa compatibilité avec le marché intérieur ayant été constatée par une décision de la Commission.

Jugeant ces deux questions recevables, la Cour rappelle qu’en cas de versement d’une aide illégale entre les années 2015 et 2017, le juge national n’est pas tenu d’ordonner la récupération de ladite aide, dans la mesure où l’objectif de garantir qu’une aide incompatible ne sera jamais mise à exécution, sur lequel l’article 108, § 3, TFUE est fondé, n’est pas contredit par le versement prématuré de l’aide qui n’a pas été notifiée, lorsque la Commission adopte une décision finale concluant à la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur (pt. 59). En revanche, le juge national est tenu, en application du droit de l’Union, d’ordonner au bénéficiaire de l’aide le paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité de cette aide, du fait que la mise à exécution d’une aide en violation de l’article 108, § 3, TFUE procure au bénéficiaire de celle-ci un avantage indu consistant, premièrement, dans le non-versement des intérêts qu’il aurait acquittés sur le montant en cause de l’aide compatible, s’il avait dû emprunter ce montant sur le marché dans l’attente de l’adoption de la décision finale de la Commission, et, deuxièmement, dans l’amélioration de sa position concurrentielle face aux autres opérateurs du marché pendant la période d’illégalité de l’aide concernée (pt. 60). Du reste, l’article 108, § 3, TFUE ne s’oppose pas non plus à ce que ledit opérateur obtienne cette aide pour la période antérieure à une telle décision de la Commission, à compter du moment où cet opérateur a demandé le versement de l’aide (pt. 61).

En revanche, lorsque, d’une part, la Commission a constaté a posteriori la compatibilité de l’aide avec le marché intérieur et, d’autre part, aucune aide n’a été versée à un opérateur économique au cours de la période pendant laquelle ladite aide devrait être considérée comme étant illégale en raison de la violation de l’obligation prévue à l’article 108, § 3, TFUE, cet opérateur ne saurait être tenu au paiement d’intérêts au titre de la période d’illégalité de cette même aide. En effet, dans une telle situation, il n’y aurait pas lieu de remédier aux effets de l’illégalité (pt. 62).

Partant, s’agissant de Veejaam à laquelle aucune aide n’a été versée pendant la période comprise entre le 1er janvier 2015 et la date d’adoption de la décision de 2017, il incombe à la juridiction de renvoi d’envisager la possibilité pour cette société d’obtenir l’aide concernée dans le cadre de l’ancien régime, pour la période comprise entre le 1er décembre 2015 et la date d’adoption de la décision de 2017, à compter de la présentation de la demande d’aide (pt. 63).

Quant à l’autre requérante, Espo, il appartiendra, relève la Cour, à la juridiction de renvoi de vérifier, notamment, si cette société a perçu des aides en vue de l’installation, en 2009, de l’équipement de production concerné, au cours d’une période durant laquelle l’ancien régime n’avait pas été déclaré compatible avec le marché intérieur par la décision de 2014, aux fins de l’éventuelle récupération des intérêts sur les sommes perçues par cette société au titre dudit régime d’aides (pt. 65).

Sur quoi la Cour répond que l’article 108, § 3, TFUE doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’il soit fait droit à la demande d’un opérateur économique visant au versement d’une aide d’État, mise en œuvre en violation de l’obligation de notification prévue à cette disposition, d’une part, pour la période antérieure à la décision de la Commission constatant la compatibilité de ladite aide avec le marché intérieur, et, d’autre part, lorsque ledit opérateur a demandé l’aide à un moment où celle-ci était illégale, n’ayant pas été notifiée à cette institution, alors que l’investissement auquel l’aide était liée a été réalisé à un moment où ledit régime était légal, sa compatibilité avec le marché intérieur ayant été constaté par une décision de la Commission, pour autant que, dans ces deux situations, le bénéficiaire de l’aide paie les intérêts sur les sommes éventuellement reçues, au titre de la période au cours de laquelle l’aide est considérée comme illégale (pt. 66).

JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : La Cour de justice de l’Union dit pour droit qu’une activité de transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture, constitue non pas une activité de transformation de produits agricoles, mais relève du secteur de la pêche et de l’aquaculture

 

Le 15 décembre 2022, la Cour de justice de l’Union a également rendu un arrêt dans une autre affaire d’aides d’État, l’affaire C‑23/22 (Caxamar), laquelle fait suite à une demande de décision préjudicielle formée par le tribunal arbitral en matière fiscale portugais, dans le cadre d’un litige opposant Caxamar à l’autorité fiscale et douanière portugaise) au sujet de la rectification de l’impôt sur le revenu des sociétés dû par cette société en raison de l’inéligibilité de certaines dépenses d’investissement à l’octroi d’un avantage fiscal.

Caxamar, société anonyme portugaise, a réalisé au cours des années 2016 et 2018, des investissements afin d’augmenter les capacités d’un établissement existant de sorte d’améliorer et d’étendre les processus de salage, de dessalage et de congélation de la morue. Estimant que les coûts liés à ces investissements étaient éligibles aux avantages fiscaux prévus par l’article 22 du code fiscal de l’investissement portugais, Caxamar a déduit, à ce titre, de ses revenus imposables relatifs aux années 2016 et 2018 des dépenses d’un montant, respectivement, de 72 775,36 euros et de 41 607,67 euros. Estimant que l’activité de salage, de dessalage et de congélation de la morue, qui constitue une activité de l’« industrie de transformation », n’était pas éligible au régime fiscal d’aide à l’investissement (RFAI) réservé à la transformation de « produits agricoles », l’administration fiscale a rectifié l’impôt sur le revenu des sociétés dû par Caxamar au titre de ces deux exercices fiscaux et, par suite, a mis à la charge de cette société un montant additionnel de 126 302,62 euros.

Par sa question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 1er et l’article 2, points 10 et 11, du règlement n° 651/2014 ainsi que les lignes directrices 2014‑2020, lus en combinaison avec les dispositions de l’annexe I du traité FUE et du règlement n° 1379/2013, doivent être interprétés en ce sens qu’une activité de transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture, telle que la production de morue salée, de morue congelée et de morue dessalée, constitue une activité de transformation de produits agricoles, qui est exclue du champ d’application du règlement n° 651/2014 en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de ce règlement.

Relevant que l’activité en cause n’aboutit pas à un produit agricole, la Cour considère que les produits issus d’une activité de transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture, tels que la morue salée, la morue congelée et la morue dessalée, ne constituent pas des « produits agricoles », au sens de l’article 2, point 11, du règlement n° 651/2014 (pts. 32-33).

Par suite, la Cour répond à la question préjudicielle que l’article 1er et l’article 2, points 10 et 11, du règlement n° 651/2014, ainsi que les lignes directrices 2014‑2020, lus en combinaison avec l’article 2 et l’article 5, sous a) et d), ainsi qu’avec l’annexe I du règlement n° 1379/2013, doivent être interprétés en ce sens qu’une activité de transformation de produits de la pêche et de l’aquaculture, telle que la production de morue salée, de morue congelée et de morue dessalée, constitue non pas une activité de transformation de produits agricoles, qui est exclue du champ d’application du règlement n° 651/2014 en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous c), de ce règlement, mais une activité relevant du secteur de la pêche et de l’aquaculture, qui est exclue du champ d’application dudit règlement en vertu de l’article 1er, paragraphe 3, sous a), de celui-ci.

JURISPRUDENCE UE : Pour l’AG Rantos, les règles de la FIFA et de l’UEFA soumettant toute nouvelle compétition à une autorisation préalable sont compatibles avec le droit de la concurrence de l’Union, de sorte que, si les initiateurs de la  SuperLeague sont libres de créer leur propre compétition de football en dehors de l’écosystème de l’UEFA et de la FIFA, ils ne peuvent exiger de continuer à participer aux compétitions de football organisées par ces dernières sans leur autorisation

 


Le 15 décembre 2022, l’avocat général Athanasios Rantos a présenté ses conclusions dans l’affaire C-333/21 (European Superleague contre UEFA et FIFA), laquelle fait suite à une demande de décision préjudicielle formée par Tribunal de commerce de Madrid dans le cadre d’un litige très médiatisé opposant la Fédération internationale de football association (FIFA) et l’Union des associations européennes de football (UEFA) à l’European SuperLeague Company SL (ESLC), une société dont les actionnaires sont de prestigieux clubs de football européens, qui projette d’organiser et commercialiser une nouvelle compétition européenne de football, alternative ou concurrente à celles organisées et commercialisées jusqu’à présent par ces deux fédérations, au sujet de déclarations publiques de la FIFA et de l’UEFA manifestant le refus d’autoriser cette nouvelle compétition et à propos de la mise en garde formulée par la FIFA et de l’UEFA selon laquelle tout joueur ou tout club participant à cette nouvelle compétition serait expulsé des compétitions organisées par la FIFA et l’UEFA.

Parmi les conditions suspensives auxquelles est soumis ce projet, figure la reconnaissance de l’ESL par la FIFA et/ou l’UEFA en tant que nouvelle compétition compatible avec leurs statuts ou, alternativement, la protection légale octroyée par les juridictions et/ou les organes administratifs afin de permettre aux clubs fondateurs de participer à l’ESL tout en conservant leur participation dans leurs ligues, leurs compétitions et leurs tournois nationaux respectifs.

À la suite de l’annonce de la création de l’ESL, la FIFA et l’UEFA ont publié une déclaration commune, le 21 janvier 2021, pour manifester leur refus de reconnaître cette nouvelle entité et lancer une mise en garde sur le fait que tout joueur ou tout club participant à cette nouvelle compétition serait expulsé de celles organisées par la FIFA et ses confédérations. Par un autre communiqué du 18 avril 2021, cette déclaration a été entérinée par l’UEFA et d’autres fédérations nationales, rappelant la possibilité d’adopter des mesures disciplinaires à l’encontre des participants à l’ESL. Ces mesures disciplinaires impliqueraient, notamment, l’exclusion des clubs et des joueurs participant à l’ESL de certaines grandes compétitions européennes et mondiales.

Saisi par l’ESLC, laquelle estime que le comportement de la FIFA et de l’UEFA doit être qualifié d’« anticoncurrentiel » et d’incompatible avec les articles 101 et 102 TFUE, le Tribunal de commerce de Madrid a adopté des mesures conservatoires tendant, en substance, à prévenir tout comportement de la part de la FIFA ou de l’UEFA visant à empêcher ou entraver la préparation et la mise en place de l’ESL ainsi que la participation de clubs et de joueurs, notamment, au moyen de mesures disciplinaires ou de sanctions d’exclusion des compétitions organisées par l’UEFA et la FIFA.

À l’appui de sa demande de décision préjudicielle, la juridiction de renvoi, après avoir défini les activités économiques ainsi que les marchés matériels et géographiques concernés — à savoir, d’un côté, l’organisation et la commercialisation des compétitions internationales de football en Europe et, de l’autre, l’exploitation des différents droits sportifs qui y sont associés —, a considéré que la FIFA et l’UEFA détiennent, sur chacun de ces marchés, une position de monopole ou, à tout le moins, de dominance. Dans ce contexte, cette juridiction nourrit des doutes quant à la conformité avec le droit de l’Union de certaines dispositions statutaires de la FIFA et de l’UEFA ainsi que des menaces de sanctions ou des avertissements émis par ces fédérations au regard, premièrement, de l’interdiction des abus de position dominante édictée à l’article 102 TFUE, deuxièmement, de la prohibition des ententes anticoncurrentielles prévue à l’article 101 TFUE et, troisièmement, des différentes libertés fondamentales garanties par le traité FUE, dans la mesure où celles-ci pourraient être utilisées pour affaiblir toute initiative privée susceptible d’être concurrentielle dans le domaine des compétitions de football.

Par ses questions préjudicielles, la juridiction de renvoi invite la Cour à se prononcer, en substance, sur la compatibilité avec les règles de concurrence ainsi que, accessoirement, avec les libertés économiques fondamentales garanties par le traité FUE, d’un ensemble de règles adoptées par la FIFA et l’UEFA, en leur qualité de fédérations administrant, dans tous ses aspects, le football aux niveaux mondial et européen, et qui portent sur l’organisation et la commercialisation des compétitions de football en Europe.

Mais avant de proposer à la Cour de justice des réponses aux questions préjudicielles posées, l’avocat général Rantos rappelle à titre liminaire les relations qu’entretiennent le sport et le droit de l’Union. Ainsi observe-t-il d’abord que l’article 165 TFUE manifeste la reconnaissance « constitutionnelle » du « modèle sportif européen ». Selon lui, ce modèle est fondé, premièrement, sur une structure pyramidale avec, à sa base, le sport amateur et, au sommet, le sport professionnel. Deuxièmement, parmi ses objectifs principaux figure celui de promouvoir des compétitions ouvertes, accessibles à tous grâce à un système transparent où la promotion et la relégation maintiennent un équilibre compétitif et privilégient le mérite sportif, qui constitue lui aussi un élément essentiel dudit modèle. Celui-ci repose, enfin, sur un régime de solidarité financière, qui permet de redistribuer et de réinvestir les revenus générés par les événements et les activités de l’élite aux niveaux inférieurs du sport (pt. 30).

L’article 165 TFUE vise donc à mettre en exergue le caractère social particulier de cette activité économique qui est susceptible de justifier une différence de traitement à certains égards (pt. 34). Si l’article 165 TFUE ne peut pas être interprété de manière isolée, en méconnaissance des exigences prévues aux articles 101 et 102 TFUE, qui trouvent également à s’appliquer dans le domaine du sport (notamment lorsque les activités en cause ont une dimension économique), il peut servir en tant que norme dans l’interprétation et l’application des dispositions du droit de la concurrence au domaine sportif. Il constitue ainsi dans son domaine une disposition spécifique par rapport aux dispositions générales des articles 101 et 102 TFUE, qui trouvent à s’appliquer à toute activité économique (pt. 35).

Si les caractéristiques particulières du sport ne sauraient être invoquées pour exclure du champ d’application des traités UE et FUE, y compris notamment les dispositions relatives au droit de la concurrence, les activités sportives, les références aux caractéristiques spécifiques et à la fonction sociale et éducative du sport, qui figurent à l’article 165 TFUE, peuvent être pertinentes aux fins, notamment, de l’analyse, dans le domaine sportif, de l’éventuelle justification objective des restrictions à la concurrence ou aux libertés fondamentales (pt. 42).

S’agissant à présent des obligations qui s’imposent à une fédération sportive lorsqu’elle dispose d’un pouvoir d’autorisation et de prévention des conflits d’intérêts, l’avocat général Rantos rappelle que la seule circonstance qu’une même entité exerce à la fois les fonctions de régulateur et d’organisateur de compétitions sportives n’implique pas, en soi, une violation du droit de la concurrence de l’Union. Par ailleurs, l’obligation principale qui pèse sur une fédération sportive se trouvant dans la situation de l’UEFA est de veiller à ce que ces tiers ne soient pas indûment privés d’un accès au marché au point que la concurrence sur ce marché s’en trouve faussée (pt. 48).

Passant à l’analyse des questions préjudicielles, l’avocat général Rantos, commençant par la deuxième question préjudicielle, retient d’abord que les règles en cause au principal, à savoir le fait que l’organisation de toute compétition de football en Europe doit être soumise à l’autorisation préalable de l’UEFA qui détient, par ailleurs, la compétence exclusive pour organiser de telles compétitions, ne font pas partie des types d’accords ou des comportements qui peuvent être considérés, par leur nature même et au vu de l’expérience acquise, comme nuisibles au bon fonctionnement du jeu normal de la concurrence sans en examiner les effets (pt. 65). La question de savoir si le mécanisme en place est, en effet, suffisant pour assurer une concurrence effective sur le marché concerné ou s’il restreint la concurrence ne peut être établie que sur la base d’une analyse des effets anticoncurrentiels (pt. 66). Et seule une analyse concrète de la mise en œuvre du pouvoir discrétionnaire que détient l’UEFA permettrait d’établir si celle-ci en a fait un usage discriminatoire et inapproprié afin de démontrer des effets anticoncurrentiels (pt. 72). En effet, il semblerait que, d’un point de vue purement juridique, une telle autorisation ne soit pas indispensable, de sorte que toute compétition indépendante, en dehors de l’écosystème de l’UEFA et de la FIFA, puisse être créée librement et sans intervention de l’UEFA (pt. 74). Ainsi, rien n’empêcherait, en principe, les clubs formant l’ESL de suivre l’exemple d’autres disciplines sportives et de créer leur propre compétition en dehors du cadre défini par l’UEFA. Or, en l’occurrence, le système d’autorisation préalable de cette dernière semble constituer un obstacle pour la création de l’ESL, principalement au vu du fait que les clubs à l’initiative de ce projet souhaitent également rester affiliés à l’UEFA en bénéficiant des avantages qui découlent d’une telle affiliation (pt. 76). En tout état de cause, conclut sur ce point l’avocat général Rantos, quand bien même les règles en cause au principal sont susceptibles d’avoir pour effet de restreindre l’accès des concurrents de l’UEFA au marché de l’organisation des compétitions de football en Europe, une telle circonstance, à la supposer établie, n’implique pas de manière manifeste que ces règles ont pour objet de restreindre la concurrence au sens de l’article 101, § 1, TFUE (pt. 78).

Quant aux mesures disciplinaires qui semblent avoir été prévues par l’UEFA, y compris les menaces de sanctions proférées à l’encontre des participants à l’ESL, l’avocat général reconnaît qu’elles sont susceptibles de fermer le marché de l’organisation des compétitions de football en Europe à un concurrent potentiel, dans la mesure où celui-ci risquerait de se voir privé tant de la participation des clubs nécessaires pour l’organisation d’une compétition sportive que de l’accès à la « ressource » que constituent les joueurs (pt. 83).

À ce stade, l’avocat général Rantos suggère de faire l’application de la théorie des restrictions accessoires aux règles en cause. Pour échapper au champ d’application de l’article 101, § 1, TFUE, les restrictions causées par les règles en cause doivent être inhérentes à la poursuite d’objectifs légitimes et proportionnés à celles-ci, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire à leur réalisation (pt. 85).

Estimant que la plupart des objectifs invoqués par l’UEFA et la FIFA découlent du « modèle sportif européen » et se retrouvent donc expressément visés par le droit primaire de l’Union et, notamment, l’article 165 TFUE, de sorte que leur légitimité ne peut pas être contestée (pt. 93), l’avocat général admet toutefois que la poursuite d’objectifs légitimes ne saurait, à elle seule, suffire pour exclure les règles de l’UEFA et de la FIFA du champ d’application de l’article 101, § 1, TFUE, mais qu’il est nécessaire d’établir, dans le cadre d’une analyse concrète, que les mesures prises afin d’atteindre les objectifs poursuivis sont nécessaires et proportionnées (pt. 94).

À cet égard, l’avocat général est d’avis que la non-reconnaissance par la FIFA et l’UEFA d’une compétition essentiellement fermée telle que l’ESL pourrait être considérée comme étant inhérente à la poursuite de certains objectifs légitimes, en ce qu’elle vise à maintenir les principes de la participation fondée sur les résultats sportifs, l’égalité des chances et la solidarité sur lesquels repose la structure pyramidale du football européen (pt. 110) et à lutter contre des phénomènes de double appartenance, voire de parasitisme (free riding) qui risquerait d’affaiblir la position de l’UEFA (et, partant, de la FIFA) sur le marché (pt. 106).

Évoquant la proportionnalité du régime des sanctions, l’avocat général Rantos relève que si les sanctions visant des clubs de football affiliés à l’UEFA, en cas de participation à une compétition internationale telle que l’ESL, peuvent paraître proportionnées compte tenu, notamment, du rôle joué par ces clubs dans l’organisation et la création d’une compétition qui ne semble pas respecter les principes essentiels qui structurent l’organisation et le fonctionnement du football européen, en revanche, l’imposition de sanctions à l’égard des joueurs qui n’ont pas été parties à la décision de la création de l’ESL lui paraît disproportionnée, notamment en ce qui concerne leur participation aux sélections nationales (pts. 121-122).

Passant ensuite à l’examen de la première question préjudicielle à la faveur de laquelle la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 102 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose aux dispositions statutaires de la FIFA et de l’UEFA portant sur le système d’autorisation préalable ainsi que sur le régime des sanctions, l’avocat général Rantos, après avoir conclu à l’existence d’une position dominante de l’UEFA et de la FIFA, envisage l’exploitation abusive de cette position. Dans ce contexte, observe-t-il, la « responsabilité particulière » qui incombe à la FIFA et à l’UEFA, au sens de l’article 102 TFUE, réside précisément dans le fait qu’elles sont tenues de veiller, lors de l’examen des demandes d’autorisation d’une nouvelle compétition, à ce que les tiers ne soient pas indûment privés d’un accès au marché (pt. 130).

Pour le reste, l’avocat général Rantos estime que la théorie des « facilités essentielles », telle qu’énoncée dans l’arrêt Bronner, n’a pas lieu de s’appliquer au cas d’espèce, dans la mesure où l’« écosystème » de l’UEFA et de la FIFA ne peut pas être considéré comme une « facilité essentielle » (pt. 139). À cet égard, il considère que l’exigence d’une autorisation préalable n’est pas indispensable pour qu’un tiers, par exemple l’ESLC, organise une nouvelle compétition de football. De fait, il n’existe aucun obstacle juridique qui puisse empêcher les clubs participant à l’initiative de l’ESLC de créer et d’organiser librement leur propre compétition, en dehors de l’écosystème de l’UEFA et de la FIFA. L’autorisation de ces fédérations n’est ainsi requise que dans la mesure où les clubs participant à l’ESL souhaitent rester affiliés à l’UEFA et continuer de participer aux compétitions de football organisées par celle-ci (pt. 140). En outre, la création d’une ligue telle que l’ESL ne nécessite pas de reproduire l’infrastructure existante de l’UEFA avec les obligations qui y sont rattachées (pt. 141). Au surplus, l’application de la jurisprudence sur les facilités essentielles ne se justifie pas au cas d’espèce, dans la mesure où le refus d’accès n’est pas de nature à éliminer ou à rendre excessivement difficile toute concurrence sur le marché connexe ou encore à empêcher le lancement d’un nouveau produit pour lequel il existe une demande (pt. 142). Enfin, il estime que le refus de l’UEFA peut être objectivement justifié tant sur le plan sportif au regard des objectifs légitimes poursuivis par cette fédération que sur le plan économique afin de lutter contre le parasitisme ou un phénomène de « double appartenance » susceptible d’affaiblir la position de l’UEFA et de la FIFA sur le marché (pt. 143).

Traitant la cinquième question préjudicielle, par laquelle la juridiction de renvoi s’interroge sur l’applicabilité des exemptions et des justifications concurrentielles « classiques », telles que celles respectivement prévues par le traité FUE s’agissant de l’article 101, § 3, TFUE et dégagées par la jurisprudence concernant l’article 102 TFUE, l’avocat général Rantos relève qu’il incombe à la partie à laquelle il est reproché d’avoir violé les règles de la concurrence de rapporter la preuve que son comportement remplit les conditions permettant de considérer qu’il relève de l’article 101, § 3, TFUE ou qu’il est objectivement justifié au regard de l’article 102 TFUE. Il constate cependant qu’en l’occurrence, la décision de renvoi a été adoptée sans que la FIFA et l’UEFA aient été préalablement entendues et aient donc pu présenter des arguments et des éléments de preuve relatifs au respect de ces conditions dans les circonstances spécifiques de l’espèce (pt. 149).

Revenant ensuite à la quatrième question préjudicielle qui invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité des règles mises en place par la FIFA relatives à l’exploitation des droits sportifs au regard des articles 101 et 102 TFUE, l’avocat général Rantos estime que, si une restriction de la concurrence peut être démontrée, il conviendrait d’examiner si cette restriction est inhérente à la poursuite d’un objectif légitime et proportionné à celle-ci, ou si les comportements restrictifs remplissent les conditions pour bénéficier d’une exemption individuelle conformément à l’article 101, § 3, TFUE ou si elle est objectivement justifiée au sens de l’article 102 TFUE (pt. 162). Il rappelle, à cet égard, que le football se caractérise par une interdépendance économique entre les clubs, de sorte que le succès financier d’une compétition dépend avant tout d’une certaine égalité entre les clubs. Or, la redistribution des revenus issus de l’exploitation commerciale des droits découlant des compétitions sportives répond à cet objectif d’« équilibre ». Ainsi, si chaque club était libre de négocier unilatéralement la totalité de ses droits commerciaux, y compris ceux découlant de sa participation à des compétitions interclubs (par exemple, les droits télévisés), l’équilibre entre les clubs serait mis en péril (pt. 166).

Enfin, examinant la sixième question préjudicielle, par laquelle la juridiction de renvoi s’interroge, en substance, sur la compatibilité des règles de la FIFA et de l’UEFA relatives à l’autorisation préalable des compétitions internationales de football et à la participation des clubs de football professionnels ainsi que des joueurs à celles-ci avec les articles du traité FUE relatifs aux quatre libertés économiques fondamentales, l’avocat général Rantos considère que, nonobstant le fait que les règles en cause au principal qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable sont susceptibles de restreindre les dispositions du traité FUE relatives aux libertés économiques fondamentales, de telles restrictions peuvent être justifiées par des objectifs légitimes liés à la spécificité du sport. Dans un tel contexte, l’exigence d’un système d’autorisation préalable peut s’avérer appropriée et nécessaire à cet effet, compte tenu des particularités de la compétition prévue (pt. 187).

 



Aux termes de ses conclusions, l’avocat général Rantos propose à la Cour de répondre que :

1)    Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la Fédération internationale de football association (FIFA) et aux articles 49 et 51 des statuts de l’Union des associations européennes de football (UEFA) qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable dans la mesure où, compte tenu des caractéristiques de la compétition envisagée, les effets restrictifs découlant dudit système apparaissent être inhérents et proportionnés pour atteindre les objectifs légitimes poursuivis par l’UEFA et la FIFA qui sont liés à la spécificité du sport.

2)      Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils n’interdisent pas à la FIFA, à l’UEFA, à leurs fédérations membres ou à leurs ligues nationales de proférer des menaces de sanctions à l’encontre des clubs affiliés à ces fédérations lorsque ces derniers participent à un projet de création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs qui risquerait de porter atteinte aux objectifs légitimement poursuivis par lesdites fédérations dont ils sont membres. Néanmoins, les sanctions d’exclusion visant les joueurs qui n’ont aucune implication dans le projet en question sont disproportionnées, notamment en ce qui concerne leur exclusion des sélections nationales.

3)      Les articles 101 et 102 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 67 et 68 des statuts de la FIFA dans la mesure où les restrictions portant sur la commercialisation exclusive des droits relatifs aux compétitions organisées par la FIFA et l’UEFA apparaissent comme étant inhérentes à la poursuite des objectifs légitimes liés à la spécificité du sport et proportionnées à ceux-ci. Il revient, par ailleurs, à la juridiction de renvoi d’examiner dans quelle mesure les articles en question peuvent bénéficier de l’exemption prévue à l’article 101, paragraphe 3, TFUE ou s’il existe une justification objective de ce comportement au sens de l’article 102 TFUE.

4)      Les articles 45, 49, 56 et 63 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas aux articles 22 et 71 à 73 des statuts de la FIFA et aux articles 49 et 51 des statuts de l’UEFA qui prévoient que la création d’une nouvelle compétition paneuropéenne de football entre clubs soit subordonnée à un système d’autorisation préalable, dans la mesure où cette exigence est appropriée et nécessaire à cet effet, compte tenu des particularités de la compétition prévue.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Cour.

JURISPRUDENCE AIDES D’ÉTAT : Le Tribunal de l’Union confirme le caractère d’aides existantes incompatibles avec le marché intérieur de l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du Pays basque

 

Le 14 décembre 2022, le Tribunal de l’Union a rendu son arrêt dans l’affaire T-126/20 (Autoridad Portuaria de Bilbao contre Commission européenne).

Le présent litige concerne la reconnaissance par la Commission du caractère d’aides existantes incompatibles avec le marché intérieur de l’exonération totale de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du Pays basque et de l’exonération partielle de l’impôt sur les sociétés accordée aux bénéfices générés par les autorités portuaires du reste de l’Espagne.

La requérante — l’Autorité portuaire de Bilbao — sollicitait du Tribunal de l’union l’annulation de la décision de la Commission du 8 janvier 2019, à la faveur de laquelle la Commission a conclu que les aides d’État sous la forme d’exemptions de l’impôt sur les sociétés accordées par le Royaume d’Espagne à ses autorités portuaires étaient des aides existantes incompatibles avec le marché intérieur et a proposé des « mesures utiles », conformément à l’article 108, § 1, TFUE, mais également celle de la décision de la même Commission du 7 mars 2019, par laquelle elle a corrigé sa proposition de mesures utiles et encore celle du 15 novembre 2019 aux termes de laquelle la Commission a pris acte de l’acceptation des mesures utiles proposées.

À l’appui du recours, la partie requérante invoque cinq moyens.

À l’appui du premier moyen, tiré de la violation de l’article 107, § 1, TFUE, les requérantes soutenaient que les mesures d’exonération fiscales faisant l’objet des décisions attaquées ne constituaient pas un avantage économique, tandis que la suppression de cette exonération impose une charge économique à l’autorité portuaire, étant donné qu’elle continue à être tenue de financer des investissements d’intérêt général sur ses ressources propres, considérant ainsi que le principe d’autosuffisance consiste en un ensemble cohérent de mesures dont l’exonération partielle ou totale de l’impôt sur les sociétés fait partie, de sorte que le régime fiscal devrait être appréhendé globalement, en tenant compte des obligations imposées par la législation portuaire.

Sur quoi le Tribunal commence par examiner si ladite exonération constitue un régime d’aides ou une aide individuelle. À cet égard, il parvient à la conclusion que l’on se trouve en présence d’un régime d’aides visé à la première partie de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 (pt. 57), dans la mesure où sont réunies les trois conditions cumulatives tenant à ce que les aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises sur le fondement d’une disposition (pt. 52), qu’aucune mesure d’application supplémentaire n’est requise pour l’octroi de ces aides (pt. 54) et que les entreprises auxquelles les aides individuelles peuvent être octroyées sont définies « de manière générale et abstraite » (pt. 56). Et quand bien même le bénéficiaire de l’aide en question pourrait être identifié, l’exonération fiscale de Biscaye pourrait néanmoins constituer un régime d’aides, dès lors qu’elle a été octroyée sur le fondement d’une disposition (pt. 60), qu’elle n’est pas liée à un projet spécifique, puisqu’il s’agit d’une aide au fonctionnement (pt. 61) et qu’elle a été accordée pour une période indéterminée ou pour un montant indéterminé (pts. 62-63).

Il s’ensuit qu’étant en présence d’un régime d’aides, la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse concrète de l’aide octroyée dans chaque cas individuel dans le cadre d’une analyse prospective (pt. 65). Par suite, il y a lieu de constater que l’exonération fiscale de Biscaye allège la requérante des charges fiscales qui grèveraient normalement son budget.

Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle l’exonération fiscale de Biscaye doit être appréciée conjointement avec le principe d’autosuffisance du système portuaire prévu par l’article 156 du décret 2/2011, le Tribunal, relevant que l’exonération fiscale de Biscaye et le principe d’autosuffisance ont été instaurés par des règles de nature différente (pt. 70), écarte l’objection en rappelant que d’autres entreprises réinvestissent également leur profit, poursuivent des objectifs dépassant leur intérêt individuel ou génèrent des effets sur l’économie dépassant leur intérêt individuel sans être exonérées (pt. 72), ajoutant que le fait que les ports peuvent procéder à des investissements dans des infrastructures non économiques est donc dénué de pertinence (pt. 75).

S’agissant de la question de savoir si l’exonération fiscale de Biscaye remplit les quatre conditions établies par la Cour dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, le Tribunal confirme qu’au cas d’espèce, aucune de ces conditions n’étaient remplies. Ainsi, l’exonération fiscale de Biscaye ne contient ni une définition des obligations de service public pesant sur les autorités portuaires espagnoles ni un calcul objectif et transparent de la compensation pour l’exécution de tels services d’intérêt général (pt. 77). En outre, il n’existe, dans le régime d’impôts en question, aucun rapport entre l’exonération fiscale et l’étendue des services d’intérêt général. Enfin, relève le Tribunal, la requérante se borne à affirmer, sans produire de preuves convaincantes à cet égard, que la compensation résultant de l’exonération fiscale ne dépassait pas celle qu’exige une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences des services d’intérêt public requises.

Constatant que l’exonération fiscale de Biscaye est susceptible de procurer un avantage à la requérante, le Tribunal conclut que le premier moyen doit être rejeté.

À l’appui du deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 107, § 1, TFUE, lu en combinaison avec l’article 296 TFUE et avec l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, les requérantes soutenaient que, lors de l’appréciation du point de savoir si les mesures d’exonération faisant l’objet des décisions attaquées constituaient un avantage, la Commission n’a pas procédé à une analyse complète des données fournies pendant la procédure par l’autorité portuaire.

Sur quoi le Tribunal répond, pour rejeter le moyen, que la Commission n’est pas tenue, dans le cas d’une décision portant sur un régime d’aides, d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime (pt. 84), de sorte que les données que la requérante reproche à la Commission d’avoir omis d’analyser ne sont pas pertinentes pour la détermination de l’existence d’un avantage dans le cas d’espèce (pt. 86).

À l’appui du quatrième moyen tiré de la violation de l’article 107, § 1, TFUE, dans la mesure où l’exonération fiscale n’est pas sélective, les requérantes soutenaient que les mesures d’exonération faisant l’objet des décisions attaquées n’étaient pas sélectives, dans la mesure où elles ne constituaient pas une dérogation au système de référence, dès lors que l’exonération fiscale de Biscaye faisait partie de la règle générale d’autosuffisance des autorités portuaires espagnoles en cause et ne constituait pas une exemption dans le cadre du système fiscal, de sorte que l’on n’était pas en présence d’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.

Sur quoi, relevant que les autorités espagnoles n’ont pas fourni de preuves ou d’explications du fait que l’impôt sur les sociétés ne s’appliquerait aux revenus que dans la mesure où ils correspondaient à une capacité économique et que les revenus des ports ne correspondaient pas à une telle capacité, puisqu’ils devaient être réinvestis dans les ports (pt. 99), le Tribunal observe, à propos du système de référence, que l’objectif des règles générales de l’impôt sur les sociétés applicables dans la province de Biscaye est d’imposer les revenus des personnes morales, et non d’imposer uniquement les revenus exprimant une capacité économique contributive (pt. 100), ajoutant qu’une exonération fiscale accordée en considération de la forme juridique de l’entreprise et des secteurs dans lesquels cette entreprise exerce son activité, qui résulte de l’objectif du législateur de favoriser des organismes considérés comme étant socialement méritants, est, en général, considérée comme étant sélective, dans la mesure où elle n’est ni justifiée par la nature ou par l’économie du système fiscal dans lequel il s’intègre ni fondée sur la logique de la mesure ou sur la technique d’imposition (pt. 103). Relevant encore que l’article 107 TFUE ne distingue pas les interventions étatiques sur la base de leurs causes ou de leurs objectifs, mais les définit en fonction de leurs effets, le Tribunal considère que soutenir que l’objectif de l’exonération fiscale de Biscaye serait un objectif « interne » au système fiscal espagnol, justifiant cette mesure a priori sélective, reviendrait à définir cette mesure comme échappant à la classification d’aide d’État sur la base de son objectif, et non en fonction de ses effets (pt. 106), rejetant du même coup le quatrième moyen comme non fondé (pt. 107).

À l’appui du troisième moyen, tiré de la violation de l’article 107, § 1, TFUE, dans la mesure où l’exonération fiscale ne fausse pas la concurrence ni ne la menace ni n’affecte les échanges entre États membres, les requérantes soutiennent que les mesures d’exonération faisant l’objet des décisions attaquées n’améliorent pas la position concurrentielle des autorités portuaires et qu’il n’est dès lors pas possible que l’exonération fiscale affecte les échanges entre États membres, de sorte qu’il ne s’agirait donc pas d’une aide d’État au sens de l’article 107 TFUE.

Sur quoi, le Tribunal répond, pour rejeter le troisième moyen, que dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a, à juste titre, considéré que les autorités portuaires espagnoles opéraient sur des marchés où la concurrence existait, l’exonération fiscale conférant un avantage aux autorités portuaires en cause au regard de leurs concurrents, en ce qu’elles sont susceptibles de renforcer leur position concurrentielle sur ces différents marchés. Étant donné que les ports espagnols participent aux échanges intracommunautaires, l’exonération fiscale est susceptible d’affecter les échanges entre États membres (pt. 112). En effet, l’octroi d’une aide par un État membre, sous la forme d’un allègement fiscal, à certains de ses assujettis, doit être considéré comme étant susceptible d’affecter ces échanges dès lors que lesdits assujettis exercent une activité économique faisant l’objet de tels échanges ou qu’il ne saurait être exclu qu’ils soient en concurrence avec des opérateurs établis dans d’autres États membres (pt. 113). Quant à la condition concernant la distorsion de concurrence, les aides qui visent à libérer une entreprise des coûts qu’elle aurait normalement dû supporter dans le cadre de sa gestion courante ou de ses activités normales faussent en principe les conditions de concurrence (pt. 114).

À l’appui du cinquième moyen et à titre subsidiaire, les requérantes soutenaient que, même si les mesures d’exonération faisant l’objet des décisions attaquées étaient considérées comme constituant une aide d’État, il s’agirait d’aides compatibles avec le marché intérieur. D’une part, les conditions des échanges ne seraient pas altérées d’une manière contraire à l’intérêt commun. D’autre part, les exonérations fiscales permettraient le développement de l’activité portuaire en Espagne.

Rappelant que, pour pouvoir être considérée comme étant compatible avec le marché intérieur conformément à cette disposition, une aide d’État doit satisfaire deux conditions, la première étant qu’elle doit être destinée à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, la seconde, formulée de manière négative, étant qu’elle ne doit pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, le Tribunal considère que, dans la décision du 8 janvier 2019, la Commission a considéré, à juste titre, que les exonérations fiscales en cause ne concernaient pas des investissements spécifiques pouvant bénéficier d’aides en vertu des règles et des lignes directrices de l’Union. Elles constituent une réduction des charges incombant normalement aux autorités portuaires dans le cadre de leurs activités commerciales et pourraient ainsi être considérées comme des aides au fonctionnement plutôt que comme des aides à l’investissement. De telles aides ne peuvent pas, en principe, être considérées comme étant compatibles avec le marché intérieur, car elles ne sont pas limitées dans le temps, ni nécessaires ou proportionnées au financement de coûts liés à la prestation d’un service répondant à un objectif d’intérêt européen clairement défini (pt. 124).

Or, comme il n’est pas établi que la requérante ne pourrait pas réaliser ses investissements en absence d’exonération fiscale et qu’au contraire, il est constant que l’absence de l’exonération fiscale de Biscaye supposerait simplement qu’il aurait fallu augmenter les prix demandés par la requérante aux utilisateurs (pt. 130), c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la Commission a, dans la décision du 8 janvier 2019, considéré que l’exonération fiscale de Biscaye, en tant qu’aide au fonctionnement, ne tombait pas dans le champ d’application de l’article 107, § 3, sous c), TFUE (pt. 133).

Au final, le recours est rejeté dans son intégralité.

JURISPRUDENCE : La Cour de cassation confirme l’analyse conduite par la Cour d’appel de Paris excluant l'existence d'un marché portant sur les films d'expression originale française (EOF) préfinancés, distinct de celui portant sur les films EOF non préfinancés, laquelle avait conclu, sur la base de cette délimitation du marché pertinent, à l’absence de verrouillage de l’accès des chaînes de la TNT gratuite de Groupe Canal Plus aux films de catalogue d’expression française dans l’affaire des pratiques contractuelles des chaînes gratuites historiques de la TNT pour l’acquisition des droits de ces films

 

 

À la faveur d'un arrêt rendu le 7 décembre 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation est venue confirmer en tous points la délimitation du marché pertinent opérée, aux termes d’un arrêt du 8 octobre 2020, par la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire de l’acquisition de droits relatifs aux œuvres cinématographiques d’expression originale française dites « de catalogue », arrêt par lequel la Cour de Paris avait rejeté le recours formé contre la décision n° 19-D-10 du 27 mai 2019, aux termes de laquelle l’Autorité avait considéré, sur la base des informations dont elle disposait, que les conditions d’une interdiction au titre des ententes n’étaient pas réunies et, partant, qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure, en application des dispositions de l’article L. 464-6 du code de commerce.

On se souvient que dans cette affaire, Groupe Canal Plus (GCP) et ses chaînes gratuites de la TNT affiliées, C8 et CStar, avait dénoncé la pratique relativement récente des chaînes gratuites historiques de la TNT — TF1, France Télévisions et Métropole Télévision — consistant à se faire consentir par les producteurs de films d’expression original française (EOF), lors de la négociation des contrats de préfinancement de leurs films, des clauses de priorité (droit de première présentation) et de préemption (qui leur offrent la possibilité, au cas elles n’auraient pas levé le droit de priorité, de s’aligner dans un second temps sur une offre d’acquisition des droits de diffusion d’un film EOF de catalogue présentée par une chaîne tierce). GCP soutenait que ces pratiques contractuelles étaient susceptibles de produire, par leur effet cumulatif, un verrouillage significatif de l’accès des autres chaînes de la TNT gratuite — et en premier lieu ses chaines C8 et CStar — aux films EOF de catalogue, sachant qu’un film devient un film de catalogue pour une chaîne en clair après un premier cycle d’exploitation en télévision payante et gratuite, soit, en pratique, environ quatre ans après sa sortie en salle. Et ce, alors même que GCP est, quant à lui, contraint par les engagements qu’il a souscrits, même s’ils ont été sensiblement allégés en 2017, quant à la possibilité de faire bénéficier ses filiales en clair des droits préférentiels sur les films EOF de catalogue qu’il produit. Selon GCP, ces clauses leur permettraient, en pratique, de réserver la diffusion des films concernés à leur propre antenne ou à celle des chaînes qui leur sont affiliées, sans limitation de durée, au détriment des chaînes concurrentes, et alors même que les diffusions préachetées étaient déjà intervenues.

Les sociétés de Groupe Canal Plus (GCP) ont donc formé un pourvoi contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris.

Devant la Cour de cassation, ne subsistait du moyen unique de pourvoi que les branches concernant la délimitation du marché pertinent.

En substance, les requérantes soutenaient l'existence d'un marché portant sur les films d'expression originale française (EOF) préfinancés, distinct de celui portant sur les films EOF non préfinancés, reprochant à la Cour d’appel de s’en être tenue, en dépit des évidences contraires, à la segmentation opérée par l’Autorité de la concurrence et d’avoir refuser de rechercher, si, comme les études chiffrées produites par les sociétés du Groupe Canal+ le démontraient, les films EOF de catalogue préfinancés ne demeuraient pas, dans leur grande majorité et d'une manière habituelle, ceux qui, en raison des moyens de production et de réalisation qui y sont consacrés, généraient les plus fortes audiences même en rediffusion, et bénéficiaient donc du plus fort potentiel attractif auprès des annonceurs, ce qui suffisait à les différencier, en raison de cette valeur économique, des films EOF non préfinancés, et à caractériser ainsi l'existence d'un marché qui leur était propre.

Sur quoi la Chambre commerciale de la Cour de cassation répond que la Cour d’appel, en considérant qu’il n'est pas pertinent de poser pour principe que l'attractivité d'un film de catalogue, c'est-à-dire sa capacité à générer de l'audience, est liée à la circonstance qu'il a fait l'objet d'un préfinancement par une chaîne historique en clair ou que ce préfinancement garantirait une « surperformance » des audiences, dès lors que le potentiel d'audience d'un film lors d'une diffusion télévisée dépend de plusieurs facteurs exogènes propres aux circonstances de sa diffusion, tels que les programmes diffusés par les chaînes concurrentes dans la même fenêtre de diffusion et en concluant que, dans la mesure où il n'est pas contesté que les films de catalogue, non préfinancés par une chaîne historique en clair, permettent de satisfaire les quotas réglementaires pesant sur les chaînes, ni sérieusement contestable qu'ils permettent de générer des recettes publicitaires, ils sont à même de satisfaire les mêmes besoins que les films de catalogues préfinancés, la Cour de Paris a légalement justifié sa décision.

JURISPRUDENCE PRATIQUES RESTRICTIVES : La Chambre commerciale de la Cour de cassation juge que, lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier (+ deux arrêts du même jour portant sur le dispositif sanctionnant la rupture brutale d'une relation commerciale établie)

 

Le 7 décembre 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu  un arrêt (Pourvoi n° 19-22.538) destiné à être publié au Bulletin dans une affaire opposant la société Concurrence à la société Samsung Electronics France à propos de l'existence d'une rupture brutale d'une relation commerciale établie.

Pa arrêt en date du 5 juin 2019, la Cour d'appel de Paris avait rejeté la demande de la société Concurrence en réparation du préjudice qu'elle estimait avoir subi du fait de la rupture abusive et infondée de la relation contractuelle qu'elle entretenait avec son fournisseur, qu'elle accusait en outre de n'avoir pas respecté le préavis accordée.

La société Concurrence soutenait à l'appui de son pourvoi que Samsung ne pouvait modifier unilatéralement les conditions commerciales d'approvisionnement des produits contractuels pendant le préavis d'un an et qu'en le faisant, le fournisseur de produits électroniques s'est rendu coupable d'une rupture brutale partielle des relations en violation de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce.

Sur quoi la Cour de cassation juge que, lorsque les conditions de la relation commerciale établie entre les parties font l'objet d'une négociation annuelle, ne constituent pas une rupture brutale de cette relation les modifications apportées durant l'exécution du préavis qui ne sont pas substantielles au point de porter atteinte à l'effectivité de ce dernier. Elle en déduit qu'en l'état des énonciations et appréciations de la Cour d'appel, faisant ressortir que le changement de mode d'approvisionnement aux mêmes conditions tarifaires ne caractérisait pas une modification substantielle de la relation commerciale interdite durant le préavis, c'est à bon droit, et sans dénaturer les écritures de la cause, qu'au terme d'une appréciation souveraine des éléments de preuve versés au débat, dont elle a déduit que la preuve d'un changement, en cours de préavis, des autres conditions commerciales existant, le cas échéant, entre les parties avant la rupture, n'avait pas été rapportée, la Cour d'appel a rejeté la demande formée par la société Concurrence au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie sans respect du préavis.

 



Le même jour, 7 décembre 2022, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rendu deux autres arrêts, quant à aux non sélectionnés pour être publié au Bulletin, qui porte sur la question de la rupture brutale d'une relation commerciale établie. Dans les deux affaires, la Cour de cassation prononce la censure des arrêts de la Cour d’appel de Paris.

Dans la première affaire, le litige portait sur le caractère établi de la relation commerciale entre la société Carrefour hypermarchés et la société Star's service, qui exerce l'activité de livraison à domicile de produits alimentaires et qui l'avait assignée en réparation de son préjudice.

Pour juger que la relation entre la société Carrefour hypermarchés et la société Star's service présentait un caractère établi, la Cour d’appel de Paris avait retenu que la succession de contrats à durée déterminée, pour partie renouvelables tacitement, depuis 1999 pour les livraisons concernant les commandes sur le site internet Ooshop et depuis 2007 pour les livraisons depuis les magasins, témoignait d'une relation stable entre ces sociétés pendant de nombreuses années et que le recours à une procédure de consultation, en 2006 pour les livraisons de commandes depuis le site Ooshop puis en 2011 pour l'ensemble des livraisons, n'avait pu rendre précaire cette relation établie dès lors qu'à la suite de ces deux consultations, la société Star's service a été sélectionnée et que la société Carrefour hypermarchés n'a jamais avisé sa partenaire de son souhait de recourir de manière systématique à une mise en concurrence.

Sur quoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation estime qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à démontrer le caractère établi, à la date de sa rupture, de la relation commerciale unissant les sociétés Star's service et Carrefour hypermarchés, dès lors que ni le fait que la société Carrefour hypermarchés n'ait pas avisé la société Star's service de son intention de recourir systématiquement à des consultations, ni la sélection de la société Star's service à l'issue des deux premières, n'étaient de nature à écarter le caractère précaire de leur relation, qui résultait de ces mises en concurrence, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Ce faisant, la Cour accueille le moyen du pourvoi énonçant que l'existence d'une relation commerciale établie, au sens de l'article L. 442-6, I, 5°, du code de commerce dans sa rédaction applicable à l'espèce, suppose que la relation entre les parties ait revêtu un caractère suivi, stable et habituel, et que la partie qui se prétend victime de son interruption brutale ait pu légitimement s'attendre pour l'avenir à une certaine continuité de flux d'affaires avec son partenaire commercial et que tel n'est pas le cas lorsque la relation entre les parties procède de contrats à durée déterminée excluant expressément toute reconduction tacite ainsi qu'une quelconque exclusivité et dont la conclusion intervient en conséquence d'une procédure d'appels d'offres ; que la circonstance d'avoir vu sa candidature retenue au terme d'une procédure d'appel d'offres passée ne peut fonder la croyance légitime d'un contractant en la sélection de sa candidature au terme des appels d'offres susceptibles d'être émis dans le futur, peu important que son partenaire ne l'ait pas expressément informé de sa volonté de recourir systématiquement à ce mode de sélection.

 



Dans la seconde affaire, se trouvait au cœur du litige la question de l’application du dispositif qui prévoit que la durée minimale du préavis devant être accordé préalablement à la rupture de la relation est double de celle qui serait applicable si le produit n'était pas fourni sous marque de distributeur.

Était-on, au cas d’espèce, en présence de la commercialisation de produits sous marque de distributeur justifiant le doublement de la durée minimale du préavis et donc de l’indemnisation du préjudice subi ?

La Cour d’appel avait répondu par l’affirmative, ce qui résultait, selon elle, de ce que le fournisseur, la société Cuisines et bains industries, concevait, fabriquait et commercialisait des meubles de cuisine et de ce que la lettre de rupture du 15 janvier 2003 mentionnait que le distributeur, la société Sofiseb SA, n'était plus autorisée à faire usage des marques « Arthur Bonnet Cuisines et bains, Comera et Nautine ».

Sur quoi, la Chambre commerciale de la Cour de cassation retient qu’en se déterminant ainsi, par des motifs impropres à établir que la relation commerciale en cause portait sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale.

JURISPRUDENCE ACTIONS PRIVÉE EN RÉPARATION DU DOMMAGE CONCURRENTIELLE — ENTENTE — DOMMAGES-INTÉRÊTS — PRESCRIPTION : la Cour d’appel de Paris juge prescrite l’action en dommages et intérêts exercée par une société et son dirigeant ayant initialement part à l’entente anticoncurrentielle condamnée par l’Autorité de la concurrence [Commentaire de Muriel Chagny]

 


Si les actions consécutives en réparation des préjudices présentent pour les victimes des pratiques anticoncurrentielles des avantages indéniables sur le plan probatoire, ces victimes peuvent, dans certains cas, être confrontées à un obstacle radical tenant au jeu de la prescription, ainsi que la Chambre 5-4 de la Cour d’appel de Paris le rappelle dans son arrêt du 14 septembre 2022 (RG n° 20/17560) constitutif d’un nouvel épisode de l’affaire de la Signalisation routière verticale (v. aussi CJUE, 28 mars 2019, aff. C-637/17, Pts. 51 et 52, dans lequel la Cour de justice souligne notamment que, s’agissant d’une action consécutive, en l’absence de possibilité de suspension ou d’interruption pendant la durée de la procédure devant l’autorité de concurrence, lorsque le délai de prescription est « trop court par rapport à la durée de ces procédures », il existe un risque que le délai « s’écoule avant même que lesdites procédures soient achevées »).

Dans une décision du 22 décembre 2010, devenue définitive (Aut. conc., n° 10-D-39, 22 décembre 2010, Pratiques mises en œuvre dans le secteur de la signalisation routière verticale ; Paris ch. 6-7, 29 mars 2012 ; Cass. com. 28 mai 2013, n° 12-18195 (rejet)), l'Autorité de la concurrence avait condamné les principaux fabricants de panneaux de signalisation routière verticale pour avoir mis en place, pendant plusieurs années, un cartel.

Quelques mois après, le 21 mars 2011, une assignation aux fins d’indemnisation avait été délivrée à l’encontre des cartellistes par une société, ultérieurement placée en liquidation judiciaire, ainsi que par son dirigeant et associé majoritaire.

Le litige avait ceci de particulier que la demande en réparation concernait une société et son dirigeant qui avaient, dans un premier temps, pris part à l’entente. Si la qualité d’auteur d’une pratique anticoncurrentielle n’emporte pas interdiction de solliciter l’indemnisation des préjudices causés par celle-ci (CJCE, 20 septembre 2001, C-453/99, Courage), elle n’est pas sans conséquence en ce qui concerne le point de départ du délai de prescription, ce que met fort bien en lumière l’arrêt du 14 septembre 2022.

Cet arrêt mérite assurément l’attention des victimes d’agissements anticoncurrentiels et de leurs conseils qui auraient pu être enclins à considérer, au fil des décisions de justice retenant que la prescription commence à courir seulement à compter de la décision au fond de l’autorité de concurrence (par ex., Paris, Ch. 5-4, 28 fév. 2018,  RG n°15/11824 ; Cass. com., 27 janv. 2021, n° 18-16.279 ; CA Paris, 17 juin 2020, n° 17/23041 ; CA Paris, 14 avr. 2021, n° 19/19448), que cette solution vaut systématiquement.

En l’occurrence, la Chambre spécialisée de la Cour d’appel juge prescrite l’action en justice introduite quelques mois après la condamnation prononcée par l’Autorité de la concurrence. Il ne faudrait pas en déduire pour autant que l’arrêt s’inscrit à contre-courant de la jurisprudence antérieure. S’employant, selon ses propres termes, à « prendre en considération la spécificité de la faute civile invoquée et le dommage en découlant », il se situe au contraire dans la lignée de cette jurisprudence, tout en soulignant que la détermination du point de départ de la prescription s’effectue in concreto. La solution, qui fait écho à un récent arrêt préjudiciel de la Cour de justice (CJUE, 22 juin 2022, aff. C-267/20, Volvo Daf Trucks), mérite d’autant plus d’être approuvée au regard de la lettre de l’article 2224 du code civil évoquant le « jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». « En fixant le point de départ du délai de prescription au jour de la connaissance, effective ou présumée au regard des circonstances de fait et de droit, des faits permettant l'exercice du droit, l'article 2224 du code civil (à l’instar de la jurisprudence établie en application de l’ancien article 2270-1) le rattache au jour de la connaissance déterminée concrètement des faits donnant naissance à son intérêt à agir par son titulaire », énonce ainsi la Cour d’appel.

Puis, l’arrêt relève, à propos de la manifestation du dommage à la victime, que l'autorité de concurrence, dans sa décision, a constaté que cette société avait participé à l'entente pendant trois années, entre 1997 et 2000. Il est également fait état des déclarations du gérant de cette société explicitant « très précisément », lors de son audition par les services d’instruction de l’autorité de concurrence, « le fonctionnement du cartel ». La Cour d’appel retient dès lors que « toutes ces informations obtenues en leur qualité de membre du cartel permettaient aux appelants d'avoir une connaissance suffisamment certaine du caractère illicite de la pratique et du dommage en découlant ».

La juridiction spécialisée écarte ensuite plusieurs arguments avancés par les demandeurs en réparation en vue d’écarter le jeu de la prescription.

Ces derniers tentaient, pour commencer, de tirer profit de décisions dans lesquelles les juridictions administratives, statuant sur les actions exercées par des collectivités territoriales, avaient fixé le point de départ de la prescription à la date de la décision de l’Autorité de la concurrence. Il leur est opposé que leur situation, en tant que participant initialement à l’entente, n’est pas comparable à celle des personnes publiques ayant contracté avec les membres du cartel et qui « n'étaient donc pas en position d'en connaître le fonctionnement avant de prendre connaissance de la décision caractérisant précisément lesdites pratiques et identifiant leurs auteurs ».

L’arrêt met également en évidence la différence de régime existant, du point de vue de la prescription, entre la solution issue de la transposition de la « directive dommages » et celle découlant du droit commun de la prescription. S’il est vrai que l’article L. 482-1 du code de commerce prévoit, conformément à l’article 10, § 2, de la directive, que « la prescription ne court pas tant que la pratique anticoncurrentielle n’a pas cessé », cette disposition n’est pas applicable ratione temporis au litige en cause. Dès lors, et comme l’indique la Cour d’appel, « il convient de prendre en compte la date de manifestation du dommage révélé à la demanderesse à la réparation et non la date de fin des pratiques anticoncurrentielles ayant causé ce dommage ».

N’a pas davantage de succès l’argumentation selon laquelle les pratiques illicites se seraient renforcées à son égard après son départ de l'entente en 2000 dès lors qu’il s’agit « des mêmes pratiques » que celles auxquelles la société avait originairement pris part et « dont le mécanisme et les auteurs étaient parfaitement connus par les appelants et qui n'ont fait que se répéter dans le temps ».

Au final, la Cour d’appel considère que le demandeur en réparation ayant initialement participé à l’entente avait, lors de son départ de l'entente courant 2000, « la connaissance de l’ensemble des faits nécessaires, c’est-à-dire la connaissance de l'identité de la totalité des acteurs et la parfaite appréhension des modalités de fonctionnement du cartel et d’un dommage en découlant, pour exercer un droit à réparation et agir utilement devant la juridiction commerciale ». Dès lors, c’est à cette date que la prescription a commencé à courir, peu important que la décision de l’Autorité de la concurrence soit postérieure.

Ce raisonnement, tenu sur le fondement du droit commun de la prescription, semble également pouvoir être adopté dans le cas où le nouvel article L. 482-1 du code de commerce, issu de la transposition de la directive dommages serait applicable. La jurisprudence, appelée à se prononcer au regard du droit commun, paraît s’être inspirée par anticipation de cette disposition aux termes de laquelle la prescription « commence à courir du jour où le demandeur a connu ou aurait dû connaître de façon cumulative :

1° Les actes ou faits imputés à l'une des personnes physiques ou morales mentionnées à l'article L. 481-1 et le fait qu'ils constituent une pratique anticoncurrentielle ;

2° Le fait que cette pratique lui cause un dommage ;

3° L'identité de l'un des auteurs de cette pratique »

Pour autant, il ne faudrait pas déduire de cet arrêt que n’importe quel élément de connaissance de la part du titulaire suffit à faire courir le délai de prescription. Antérieurement, et dans un litige se rapportant également à l’affaire de la signalisation routière verticale, la Cour d’appel de Paris a jugé que la circonstance que la société demanderesse ait « dès 1999, adapté sa politique commerciale pour contrevenir à l'entente, ne peut établir qu'elle avait, à cette époque, une connaissance précise du cartel, sur son fonctionnement et sur ses membres, de nature à lui permettre d'intenter une action en dommages-intérêts »  et que « le fait que son ancien dirigeant ait antérieurement occupé des fonctions au sein de sociétés cartellistes, ne lui conférait pas davantage « une parfaite connaissance de l'existence et du périmètre du cartel » (Paris, Ch. 5-4 ; 28 févr. 2018, n° 15/11824 et Cass. com., 27 janv. 2021, n° 18-16.279). De même, dans un arrêt du 9 février 2022, il a été considéré que le demandeur en réparation disposait certes d’informations en raison de son rôle pivot et de sa participation active à l’instruction devant l’autorité de concurrence, mais que cela ne lui conférait pas une connaissance suffisamment certaine du caractère illicite des pratiques telle qu’elle permette de faire courir la prescription.

Tout est affaire d’espèce et d’appréciation concrète au moment de déterminer le point de départ de la prescription. De ce point de vue, la situation d’une victime ayant participé à la pratique anticoncurrentielle au titre de laquelle elle demande réparation ne semble pas pouvoir être confondue avec celle d’une autre victime.

Muriel Chagny
Président de l’AFEC
Professeur à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris-Saclay)
Directeur du master de droit de la concurrence et de droit des contrats

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission adopte un train de mesures afin d’adapter à la transition écologique les règles relatives aux aides d’État en faveur des secteurs de l’agriculture, de la sylviculture, de la pêche et de l’aquaculture

 

Le 14 décembre 2022, la Commission a adopté un train de mesures concernant les règles révisées relatives aux aides d’État en faveur d’une part des secteurs de l’agriculture et de la sylviculture et, d’autre part, en faveur des secteurs de la pêche et de l’aquaculture.

Elles visent à adapter à la transition écologique les règles relatives aux aides d’État en faveur de ces secteurs et harmonisent les aides d'État avec les priorités stratégiques de l'UE, en particulier la politique agricole commune (PAC), la politique commune de la pêche (PCP).

Par ailleurs, est prolongée d'un an, jusqu'au 31 décembre 2023, la validité du règlement « de minimis » dans le secteur de la pêche. Cette prolongation permettra à la Commission d'achever son processus de réexamen, y compris la réflexion en cours sur la question de savoir si la transformation et la commercialisation des produits de la pêche et de l'aquaculture ne devraient plus être incluses dans le règlement de minimis dans le secteur de la pêche et devraient plutôt relever du règlement de minimis général, lequel prévoit des plafonds plus élevés.

En pratique, ont fait l’objet de révisions, le règlement d'exemption par catégorie dans le secteur agricole (RECA) et le règlement d'exemption par catégorie dans le secteur de la pêche (RECP), ainsi que les lignes directrices agricoles. L’ensemble de ces règles révisées s'appliquera à compter du 1er janvier 2023. Les lignes directrices pour la pêche, quant à elles, s'appliqueront dès que toutes les versions linguistiques seront disponibles. Dans l'intervalle, les lignes directrices pour la pêche de 2015, telles que modifiées en 2018, continuent de s’appliquer.

Les principales modifications apportées au RECA et au RECP entrainent une extension significative du champ d'application des mesures couvertes par une exemption par catégorie — aides destinées à prévenir les dommages causés par des animaux protégés ou à y remédier, aides en faveur des engagements en matière de gestion environnementale, aides à la coopération dans les secteurs de l'agriculture et de la sylviculture ou aides destinées à remédier aux dommages causés par des phénomènes climatiques défavorables dans le secteur de la pêche et de l’aquaculture.

Selon la Commission, les nouvelles règles exemptent jusqu'à 50 % des cas qui étaient auparavant soumis à notification.

Les lignes directrices agricoles révisées introduisent principalement les modifications suivantes :

— une nouvelle procédure simplifiée d'autorisation des aides d'État pour les mesures cofinancées dans le cadre de la PAC ;

— l’élargissement du champ d'application des mesures ciblant les maladies animales et les organismes nuisibles aux végétaux, permettant l'octroi d'aides pour la lutte contre les maladies animales émergentes et certaines espèces exotiques envahissantes ;

— de nouvelles mesures incitant les agriculteurs à s'engager dans des régimes dans le cadre desquels ils respectent des normes environnementales plus strictes que ce qui est exigé par la loi.

Les lignes directrices pour la pêche révisées introduisent principalement les modifications suivantes :

— l’élargissement du champ d'application des mesures ciblant les maladies animales dans l'aquaculture, permettant l'octroi d'aides pour la lutte contre les maladies animales émergentes et certaines espèces exotiques envahissantes ;

— l’introduction de nouvelles catégories d'aides, telles que les aides en faveur des mesures pour la flotte et de l'arrêt des activités de pêche (conformément au Feampa) et les aides aux investissements dans des équipements qui contribuent à la sécurité des navires de pêche dans les régions ultrapériphériques de l'Union. Il faut noter par ailleurs qu'il est peu probable que des mesures d'augmentation des capacités soient approuvées.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission adopte des lignes directrices révisées relatives au haut débit

 

Le 12 décembre 2022, la Commission européenne a adopté une communication révisée sur les aides d'État en faveur des réseaux à haut débit, autrement dit les « lignes directrices révisées relatives au haut débit » accompagnées de leurs annexes. Cette révision tient compte de l'évolution des technologies, de la réglementation et du marché et de refléter les priorités stratégiques actuelles de l’UE.

Les lignes directrices relatives au haut débit définissent les conditions dans lesquelles les aides d'État accordées par les États membres en faveur du déploiement des réseaux à haut débit et de l'adoption des services à haut débit disponibles peuvent être considérées comme compatibles avec le marché unique.

Les lignes directrices révisées permettront aux États membres de soutenir plus facilement le déploiement de réseaux à haut débit performants dans des zones insuffisamment couvertes et, partant, de réduire la fracture numérique, en corrigeant certaines inégalités sociales et régionales dans l’UE.

En pratique, les lignes directrices révisées :

— adaptent le seuil applicable aux aides publiques en faveur des réseaux fixes sur l'évolution récente des technologies et du marché. Les États membres pourront ainsi investir lorsque les acteurs du marché n'offrent pas ou ne sont pas susceptibles d’offrir un débit un débit minimum d'un Gbps en liaison descendante et 150 Mbps en liaison montante ;
      
— introduisent un nouveau cadre d'évaluation pour le déploiement des réseaux mobiles (y compris les réseaux 5G) en cas de défaillance du marché ;

— expliquent comment les aides publiques peuvent être mises à profit pour encourager l'adoption de services à haut débit, notamment par des mesure à caractère social ;

— simplifient certaines règles en vue de faciliter l'application des lignes directrices dans la pratique et de réduire les formalités administratives pour les entreprises et les pouvoirs publics ;

— apportent des éclaircissements et des orientations complémentaires sur certaines notions clés, telles que la cartographie, les consultations publiques, la procédure de sélection, la tarification de l'accès de gros et le mécanisme de récupération ;

— actualisent les critères permettant de mettre en balance l'incidence positive des aides et leurs effets négatifs sur la concurrence et les échanges, tout en tenant compte des objectifs de l'Union en matière de transitions écologique et numérique.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.


INFOS AIDES D’ÉTAT : La Commission lance une consultation publique sur la révision du règlement de minimis pour les services d'intérêt économique général (SIEG)

 




Dans la perspective de l’expiration des règles actuelles le 31 décembre 2023, la Commission a lancé le 12 décembre 2022 une consultation publique portant sur la révision du règlement de minimis pour les services d'intérêt économique général (SIEG). Les personnes intéressées peuvent adresser leur contribution à la Commission jusqu'au 9 janvier 2023.

En vertu de l'actuel règlement de minimis sur les SIEG, les États membres peuvent accorder une aide allant jusqu'à 500 000 € par prestataire de SIEG sur une période de 3 ans sans notification préalable à la Commission pour approbation. Les mesures d’un montant inférieur à ce seuil sont réputées ne pas avoir d'incidence sur la concurrence et les échanges dans le marché unique de l'UE et ne sont donc pas considérées comme des aides d’État.

Dans le cadre de l'évaluation par la Commission des règles sur les SIEG applicables aux services de santé et sociaux, la Commission a conclu qu'il pourrait être nécessaire (i) d'augmenter le plafond en dessous duquel les aides de faible montant accordées aux entreprises chargées de SIEG sont réputées ne pas constituer des aides d'État et ii) aligner le règlement de minimis SIEG sur le règlement général de minimis. Conformément à ces conclusions, la Commission propose d'actualiser le seuil de minimis actuel pour les SIEG, en tenant compte de l'inflation passée et estimée pour la période 2012-2030 et en tenant compte des évolutions économiques récentes. En outre, la Commission a l'intention d'aligner certains concepts sur le règlement général de minimis et d'améliorer la transparence en envisageant d'introduire un registre obligatoire des bénéficiaires.

À ce stade, aucun seuil chiffré n’est avancé pour remplacer le seuil actuel de 500 000 € par prestataire de SIEG sur une période de 3 ans.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.

INFOS DMA : La Commission lance une consultation publique sur son projet de règlement d'application de la loi sur les marchés numériques

 

Le 9 décembre 2022, la Commission a lancé une consultation publique d’une durée d’un mois, jusqu’au 9 janvier 2023 sur son projet de règlement d'application de la loi sur les marchés numériques.

Dans la perspective de la mise en application du DMA le 2 mai 2023, le projet de règlement d'application détaille les aspects procéduraux liés à l'application du Digital Market Act, tels que le droit pour les parties d'être entendues et d'accéder au dossier, ainsi que les informations à fournir dans le formulaire de notification GD pour la désignation du gatekeeper (Annexe I). L’annexe II va jusqu’à prévoir le nombre maximal de pages que doit comporter notamment le formulaire de notification GD pour l’application de l’article 3 du règlement (UE) 2022/1925 du 14 septembre 2022 (DMA).

Le projet de règlement d'application vise à garantir l'efficacité des procédures, ainsi qu'à fournir une sécurité juridique sur les droits et obligations procéduraux des entreprises concernées, y compris celles qui seront désignées comme contrôleurs d’accès (gatekeepers).

INFOS : L’Autorité sanctionne à hauteur de 800 000 euros le leader de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle pour avoir entretenu la confusion entre ses activités historiques protégées et une activité concurrentielle

 

Le 14 décembre 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu publique une décision rendue un mois plus tôt, le 15 novembre 2022, la décision n° 22-D-20 à la faveur de laquelle elle a sanctionné, après mise en œuvre de la procédure de transaction, à hauteur de 800 000 euros, Audiens Santé Prévoyance (Audiens SP), institution de prévoyance active dans le secteur de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle, pour avoir utilisé son image de marque et les moyens et données dont elle dispose au titre de ses activités de protection sociale complémentaire pour développer l’activité de sa filiale Movinmotion, active sur le marché des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle.

Dans cette affaire, l’Autorité de la concurrence s’est saisie d’office à la suite de la transmission d’un rapport d’enquête établi par la Brigade interrégionale d’enquête de concurrence d’Auvergne-Rhône-Alpes relatif à des pratiques d’abus de position dominante mises en œuvre par Audiens SP.

L’Autorité retient d’une part l’existence d’un marché français de la prévoyance collective des intermittents du spectacle, ainsi qu’un marché français de l’assurance santé complémentaire collective des intermittents du spectacle et d’autre part l’existence d’un marché national des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle, compte tenu des spécificités réglementaires nationales en matière de droit du travail, de gestion des rémunérations et d’assurance-chômage pour les intermittents du spectacle.

L’autorité considère ensuite qu’Audiens SP est en position dominante sur le marché national de la prévoyance collective des intermittents du spectacle et sur le marché national de l’assurance santé complémentaire collective des intermittents du spectacle sur la période de la mise en oeuvre des pratiques reprochées (pt. 83) et que sa filiale Movinmotion opère sur le marché des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle, où elle occupe à la date de la présente décision une position significative (pt. 84).  

En l’espèce, les pratiques constatées concernent la stratégie de commercialisation du service proposé par Movinmotion sur le marché des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle, lesquelles ont été rendues possibles par l’utilisation des moyens détenus par Audiens SP, en position dominante sur les marchés de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle, et appartenant au groupe Audiens qui bénéficie d’une forte notoriété et image de marque dans le secteur du spectacle et de l’audiovisuel (pt. 92). L’Autorité relève à cet égard que ces deux marchés présentent des caractéristiques communes et des liens étroits (pts. 93-94), au point qu’un lien de connexité étroit existe entre les marchés français de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle et le marché français des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle (pt. 95).
 
En pratique, Audiens SP a utilisé l’image de marque qu’elle détient historiquement du fait de son quasi-monopole sur les marchés de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle, via la dénomination « Movinmotion by Audiens » (pt. 102), pour octroyer, de manière déloyale, des avantages concurrentiels sur le marché des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle à sa filiale Movinmotion, avantages que les concurrents de cette dernière ne pouvaient pas répliquer. En outre, la communication mise en oeuvre par Audiens SP et par le groupe Audiens autour des services proposés par Movinmotion, au moyen de lettres d’information, de formations et d’évènements professionnels, a touché l’ensemble des employeurs d’intermittents du spectacle qui sont également les clients cibles de Movinmotion. Elle a ainsi conféré à cette dernière une visibilité considérable, d’autant plus forte que ces supports n’étaient pas accessibles aux entreprises concurrentes sur le marché des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle (pt. 103). Or, la mise à disposition de moyens permettant l’utilisation de l’image de marque et de la notoriété d’un opérateur en position dominante peut être qualifiée d’abus de position dominante lorsque l’utilisation de cette image de marque (et notamment des signes distinctifs qui la soutiennent) et cette notoriété sont de nature à fausser la concurrence par les mérites qui doit prévaloir sur le marché où est active la filiale de l’opérateur en position dominante (pt. 97).

Par ailleurs, Audiens SP a utilisé les bases de données de clientèles, détenues au titre de son quasi-monopole sur les marchés de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle, et qui n’étaient pas accessibles aux concurrents de Movinmotion, dans une démarche commerciale proactive, dans le cadre d’envoi de lettres d’information par courriel ainsi que d’opérations de publipostage et de démarchage téléphonique, afin de présenter et de promouvoir commercialement la prestation de gestion de la paie de sa filiale Movinmotion (pt. 113). Là encore, l’utilisation de ces informations privilégiées constituait un avantage concurrentiel pour Movinmotion en lui permettant d’assurer la promotion de son offre de gestion de la paie auprès d’un nombre élevé d’employeurs d’intermittents et de prospects, dans des conditions qui ne pouvaient être répliquées par les concurrents (pt. 117).
 
Les avantages accordés par Audiens SP à Movinmotion ont permis à cette dernière de proposer ses offres et de développer son activité dans des conditions non comparables aux sociétés concurrentes du secteur, faussant ainsi la concurrence sur le marché. En mettant ces avantages à la disposition de sa filiale active sur le marché des prestations de gestion de la paie des intermittents du spectacle, Audiens SP a entretenu la confusion dans l’esprit des employeurs d’intermittents entre ses activités de gestionnaire des garanties de la protection sociale complémentaire collective des intermittents du spectacle et celles de sa filiale, lui procurant ainsi un avantage non réplicable (pt. 135).

Les pratiques mises en oeuvre, par leur combinaison et leur ampleur, ont permis à Movinmotion d’acquérir très rapidement une position significative sur le marché de la gestion de la paie des intermittents du spectacle, par rapport à ses concurrents. Ainsi, son chiffre d’affaires a plus que triplé en 2017, par rapport à 2016, puis augmenté progressivement jusqu’en 2019 (pt. 123).

Sur la gravité des pratiques reprochées, l’Autorité rappelle que la pratique consistant, pour une entreprise en position dominante du fait d’un ancien monopole légal, à mettre à disposition des moyens matériels et immatériels à sa filiale entraînant une confusion entre ses différentes activités, présente un caractère de gravité certain et, plus encore, que l’utilisation d’avantages non réplicables issus d’une situation de monopole légal est d’une particulière gravité, notamment en ce qu’elle introduit une rupture majeure d’égalité dans la concurrence entre les différents opérateurs (pt. 144).

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS : La décision autorisant, moyennant des engagements comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société Aleda par la société Française des jeux est en ligne

 

Le 9 décembre 2022, l’Autorité de la concurrence a rendu publique la décision n° 22-DCC-219 du 14 novembre 2022 à la faveur de laquelle elle a autorisé, moyennant des engagements comportementaux, la prise de contrôle exclusif de la société Aleda par la société Française des jeux

FDJ, qui bénéficie en France des droits exclusifs relatifs à l’organisation et à la gestion des jeux de loterie et à l’offre de jeux de paris sportifs en point de vente physique et d’un agrément pour son activité de paris sportifs en ligne, est principalement actif dans le secteur des jeux d’argent et des paris sportifs. Dans ce cadre, FDJ a développé un réseau de détaillants qui est composé majoritairement de commerces de type tabacs/presse. Parmi ses autres activités, FDJ opère notamment, via sa filiale L’Addition, dans le secteur des solutions de caisse et des services associés (gestion de point de vente et des équipes, services de paiement) à destination des cafés-hôtels-restaurants. Dans le domaine des paiements, via sa filiale FDJ Services, il propose également des services d’encaissement pour le compte de tiers depuis ses terminaux de prise de jeux situés en point de vente.

La cible, Aleda est également active dans le secteur des solutions globales de caisse destinées aux commerces de proximité et plus particulièrement aux tabacs/presse.

Ainsi, les parties à l’opération opèrent simultanément dans le secteur des solutions de caisse. Mais si les solutions de caisse proposées par la filiale de FDJ a principalement des cafés-hôtels-restaurants comme clients, en revanche, celles de la cible visent essentiellement les tabacs/presse, de sorte qu’en l’absence de chevauchement d’activités, l’opération n’est pas susceptible de porter atteinte à la concurrence par le biais d’effets horizontaux.

Toutefois, compte tenu du fait que le réseau historique de détaillants FDJ pour la distribution de jeux d’argent et de paris sportifs en points de vente se compose principalement de tabacs/presse, le rapprochement congloméral entre ces activités de monopole de FDJ et les activités de commercialisation de solutions globales de caisse à destination des tabacs/presse d’Aleda risquait de poser problème. C’est du moins la conclusion à laquelle est parvenue l’Autorité. Elle a en effet considéré qu’en raison du monopole de FDJ lié à la distribution des jeux et paris, la nouvelle entité pourrait utiliser son droit exclusif comme un levier et chercher à accroître les ventes des solutions globales de caisse Aleda auprès de cette clientèle commune des tabacs/presse.

À cet égard, la nouvelle entité pourrait chercher à proposer aux tabacs/presse des offres couplées pour accroître les ventes de solutions de caisse Aleda (stratégie d’offres couplées) ou à conditionner l’obtention, le maintien ou le renouvellement de l’agrément FDJ nécessaire aux tabacs/presse pour commercialiser ses jeux et paris à une utilisation, par le commerçant, d’une solution de caisse Aleda (stratégie de subordination de l’agrément). La nouvelle entité pourrait encore chercher à réserver certaines fonctionnalités aux commerçants disposant de solutions globales de caisse Aleda (stratégie de groupage technologique), voire dégrader les conditions d’accès aux produits et services de FDJ des commerçants équipés de solutions de caisses concurrentes de celles d’Aleda (stratégie de dégradation de l’interopérabilité) (pt. 38).

Pour l’Autorité, la nouvelle entité disposerait non seulement de la capacité de mettre en œuvre ces stratégies, dans la mesure où la nouvelle entité ne sera pas face à des clients disposant d’un contrepouvoir significatif (pt. 43), et où la capacité de réaction de la majorité des concurrents de la nouvelle entité sur ce marché est limitée (pt. 46), mais également de l’incitation à le faire, dès lors que le risque de perte de chiffre d’affaires est faible, d’autant que les produits et services de FDJ représentent un poste important dans le chiffre d’affaires des commerçants (pt. 50). Quant au risque de couplage technologique, la mise en œuvre d’une interopérabilité, exclusive, entre le terminal FDJ et la solution globale de caisse Aleda constituerait un argument commercial important, que les concurrents d’Aleda ne seraient pas en mesure de répliquer unilatéralement, la participation de FDJ étant nécessaire pour aboutir à une quelconque interopérabilité avec le terminal (pt. 51). Au surplus, selon l’Autorité, de telles stratégies, si elles étaient mises en oeuvre seraient efficaces au détriment des concurrents d’Aleda.

Afin de remédier aux effets anticoncurrentiels identifiés, FDJ a proposé des engagements comportementaux.

FDJ s’est d’abord engagée à ne pas subordonner l’octroi, la modification ou le retrait de l’agrément FDJ au recours à une solution globale de caisse Aleda. Elle s’interdit également de proposer des offres couplées. Pour ce faire, FDJ assurera l’information des tabacs/presse détaillants FDJ ou aspirants détaillants FDJ de l’existence de ces engagements à la fois dans les documents précontractuels et sur son portail interne Reso.com à destination de sa force de vente (pts. 61-63).
 
Ensuite et afin de prévenir les risques de groupage technologique et de dégradation de l’accès des concurrents d’Aleda aux services de FDJ, cette dernière s’est engagée à maintenir et à assurer à l’avenir l’interopérabilité mise en place pour permettre l’utilisation des services et applications directement liés aux jeux et paris développés dans le cadre de son activité de monopole par les détaillants utilisant des solutions globales de caisse concurrentes à celles d’Aleda. Cela permet donc d’assurer que l’opération ne se traduira pas par une dégradation de l’accès des concurrents d’Aleda aux informations relatives aux produits FDJ ou, encore, par un groupage technologique entre les produits et services issus du monopole de FDJ sur les jeux et paris et ceux de la cible.

Le suivi de la mise en œuvre de ces engagements sera assuré par un mandataire. En plus de ses missions classiques de suivi et de rapport sur la mise en œuvre des engagements, celui-ci pourra également proposer à FDJ des mesures qu’il jugerait de son propre chef utiles afin d’assurer le respect des engagements, en ce compris les modalités de résolution de toute éventuelle difficulté d’exécution qui lui aurait été remontée par un concurrent (pt. 68).

Quant à la durée des engagements, elle est indexée sur celle du monopole de FDJ sur les jeux et paris (pt. 69).

Compte tenu des engagements de cession souscrits par FDJ, l’Autorité a autorisé l’opération à l’issue d’un examen de phase 1.

Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.

L’interview que Benoît Cœuré a donnée à Concurrences est en libre accès

 

Bonjour,

L'interview de Benoît Cœuré est en ligne en accès libre dans le dernier numéro de Concurrences. Dans cet entretien, publié en anglais, le président évoque le rôle de l'Autorité de la concurrence dans la lutte contre la crise économique par le biais du contrôle des concentrations et des enquêtes de marché. Il réaffirme la volonté de l'Autorité d'intervenir dans le domaine du numérique ainsi que son engagement à enquêter sur les pratiques anticoncurrentielles qui entravent la transition écologique.

Vous pouvez prendre connaissance de ses propos ICI.

Bien cordialement,

Charlotte Colin-Dubuisson / Gildas de Muizon

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