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SOMMAIRE
JURISPRUDENCE QPC : Audience du Conseil constitutionnel sur la QPC portant sur la conformité à la constitution de la loi du pays n° 2018-10 du 7 septembre 2018 en ce qu’elle instaure un mécanisme général de contrôle des prix et des marges en Nouvelle-Calédonie, afin de juguler les effets inflationnistes de l’introduction de la taxe générale sur la consommation (TGC)
JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice de l’Union dit pour droit que le principe ne bis in idem ne s’oppose pas à ce qu’une autorité de concurrence inflige à une entreprise, dans le cadre d’une même décision, une amende pour violation du droit national de la concurrence et une amende pour violation de l’article 82 CE, pourvu que, prises ensemble, les amendes soient proportionnées à la nature de l’infraction
JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la Commission peut limiter le montant d’une aide notifiée à la différence entre les coûts d’un investissement dans la région concernée et ceux d’un investissement dans une autre région sans avoir à démontrer que la partie de l’aide supérieure à la différence des coûts fausserait la concurrence, l’avocat général Evgeni Tanchev invite la Cour à rejeter le pourvoi de BMW dans l’affaire de l’aide à la construction d’une usine à Leipzig
JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de Paris confirme pour l’essentiel la décision de mesures conservatoires mettant en demeure Google de clarifier la procédure de suspension des comptes Google Ads pour « contenus trompeurs ou interdits »
INFOS : L’Autorité de la concurrence délivre son ordonnance sur la distribution des médicaments et les laboratoires d’analyse biologique
INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission rend publique la décision autorisant, sous réserve de vastes désinvestissements, la fusion entre l’Allemand Linde et l’Américain Praxair dans le secteur de la fourniture de gaz industriels, médicaux et à usages spéciaux et d’hélium, ainsi que celle autorisant, sans condition, la filiale américaine de Total à prendre le contrôle exclusif de Chevron Denmark
INFOS UE : Publication du rapport final sur la politique de concurrence à l’ère du digital
ANNONCE COLLOQUE : « The Global Antitrust Economics Conference », New York — 31 mai 2019 [message d’Ariel Salvaro]
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JURISPRUDENCE QPC : Audience du Conseil constitutionnel sur la QPC portant sur la conformité à la constitution de la loi du pays n° 2018-10 du 7 septembre 2018 en ce qu’elle instaure un mécanisme général de contrôle des prix et des marges en Nouvelle-Calédonie, afin de juguler les effets inflationnistes de l’introduction de la taxe générale sur la consommation (TGC)
Le 2 avril 2019, le Conseil constitutionnel a tenu une audience publique dans l’affaire 2018-774 QPC, laquelle fait suite au renvoi par le Conseil d’État, aux termes d’une décision n° 425813 du 25 janvier 2019 d’une question prioritaire de constitutionnalité, transmise à l’origine par le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, portant sur la conformité à la constitution des dispositions de la loi du pays n° 2018-10 du 7 septembre 2018 qui instaure un mécanisme de contrôle des prix et des marges de tous les produits et services mis en place en Nouvelle-Calédonie, lequel est destiné à limiter les effets inflationnistes de l’introduction de la taxe générale sur la consommation (TGC), qui repose sur le même mécanisme que la TVA et se substituant à différentes taxes à l’importation préexistantes.
Ces dispositions, qui instituent un mécanisme permanent de contrôle des prix sur les produits et services, prévoient un plafonnement des marges pendant douze mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la taxe générale sur la consommation ainsi que la possibilité pour le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de recourir à un mécanisme temporaire de contrôle des prix et des marges des entreprises en cas de dérives des prix. Elles mettent par ailleurs à la charge des commerçants détaillants et des commerçants en gros de Nouvelle-Calédonie des obligations de déclaration de leurs prix, de leurs marges et de leurs coûts de revient afin de donner au service compétent du gouvernement les éléments nécessaires à la mise en oeuvre de ces mécanismes de contrôle des prix.
Les sociétés requérantes ont introduit plusieurs recours pour excès de pouvoir à l’encontre de ces dispositions, à l’appui desquels elles ont soulevé plusieurs QPC. Elles y contestent principalement la disproportion de l’atteinte suscitée par le dispositif mis en place avec le principe de liberté d’entreprendre au regard de l’objectif poursuivi. Elles soutiennent que les dispositions de l’article 2 de la « loi du pays » du 7 septembre 2018 méconnaissent l’article 34 de la Constitution, en tant qu’elles sont entachées d’incompétence négative et portent atteinte à la liberté d’entreprendre garantie par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Elles font également valoir que les dispositions des articles 3 et 4 de la « loi du pays » du 7 septembre 2018 méconnaissent le principe de sécurité juridique et la liberté d’entreprendre.
Lors de cette audience, Raphaëlle Charlier, avocate de l’une des entreprises calédoniennes à l’origine de l’instance s’est essentiellement attachée, après avoir exposé les trois volets du mécanisme déféré — transparence, fixation des prix et de marges en taux et gel des marges en valeur — au premier volet du dispositif contesté, à savoir les obligations de transparence pesant sur les entreprises. L’article 3 de « loi du pays » exige des détaillants, importateurs et grossistes la transmission aux autorités publiques de données financières sur les coûts, les prix et les marges pratiquées, qui sont autant d’éléments individualisés sensible et qui, partant, relève du secret des affaires. À cela s’ajoute, selon elle, qu’aucune protection n’est prévue et qu’il existe des risques réels que ces informations puissent être portées à la connaissance des concurrents des entreprises assujetties.
Pour le reste, Raphaëlle Charlier a déploré la solution adoptée par le législateur calédonien. Selon elle, l’introduction concomitante d’un impôt indirect moderne de type TVA devait aller de paire avec le renforcement de la concurrence sur le territoire. Or, indique-t-elle, le secteur de la distribution s’est diversifié, les surface de vente ont augmenté et la petite distribution est un secteur de l’économie calédonienne très développé. Bref, l’instauration d’un contrôle des prix et des marges ne pouvait se concevoir qu’en cas d’absence de concurrence, ce qui n’est absolument pas le cas.
Sylvain Justier, qui, lui, représentait une autre entreprises calédonienne à l’origine de l’affaire, s’est attaché à l’article 3 de la « loi du pays » qui instaure l’encadrement des prix et des marges. Il a d’abord dénoncé l’incompétence négative du texte, qui renvoie au pouvoir réglementaire le soin de déterminer la liste des produits soumis au contrôle, notamment à travers la formule vague de l’impact sur le budget des ménages. Il a ensuite dénoncé l’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre, tenant à l’inadéquation de l’objectif poursuivi — la lutte contre la dérive inflationniste des prix —, qui n’est pas contesté, et du mécanisme retenu et des contraintes pour les entreprises. Ainsi le champ application de la mesure est extrêmement large : elle concerne toutes les entreprises du secteur de la distribution quel que soit le stade auquel elles interviennent et donc pas seulement les détaillants. En outre, loin de garantir l’absence de hausse des prix, le dispositif déféré induit un effet inflationniste : le nouvelle taxe est parfois supérieure à la somme des taxes qu’elle remplace. En outre, comme le contrôle des prix se fait par un encadrement des marges, si les coûts de l’entreprise augmente, mécaniquement les prix risquent de croître. Résultat des courses : l’inflation persiste, montrant, selon Sylvain Justier, l’inefficacité du mécanisme.
S’agissant des contraintes pesant sur les entreprises, Sylvain Justier relève que le dispositif instaure un contrôle sur les marges brutes des entreprises de sorte que si l’entreprise réalise des gains de productivité, elle se trouve privée de ces gains par l’effet du mécanisme. Si, à l’inverse, elle augmente ses coûts d’exploitation, parce qu’elle investit ou parce qu’elle embauche, sa marge nette s’en ressent, ce qui peut être de nature à remettre en cause sa viabilité et aboutit assurément à annihiler la concurrence.
Par ailleurs, Sylvain Justier a insisté sur le fait que le dispositif déféré n’était aucun cas justifié par la situation locale, du moins au regard des autres territoires ultra-marins. En Nouvelle Calédonie, la concurrence existe, il y a une régulation concurrentielle, une autorité de concurrence a été mise en place. Elle dispose de pouvoirs importants, par certains côtés plus importants que l’Autorité métropolitaine, puisqu’aussi bien elle dispose d’un pouvoir d’injonction structurelle en l’absence même de constatation d’un abus de domination, lequel a été refusée a l’Autorité de la concurrence métropolitaine… pourquoi, dans ces conditions, ne pas laisser jouer la concurrence sous le contrôle de l’Autorité de la concurrence de la Nouvelle Calédonie ?
Enfin, M. Molinié, représentant du syndicat des importateurs et distributeurs de Nouvelle Calédonie s’est attaché à démontrer l’inconstitutionnalité de l’article 4 de la « loi du pays » qui instaure un plafonnement des prix et des marges pour une durée de 18 mois dans les secteurs où une dérive des prix serait manifestement excessive. Dans ces secteurs, on appliquerait donc les mêmes recettes que pour les prix et les marges des produits de première nécessité. Partant, on appliquerait à des secteurs ouverts à la concurrence les recettes du secteur réglementé. Dénonçant l’incompétence négative promue par le dispositif — qu’est-ce qu’une dérive de prix manifestement excessive ? — et l’absence de garde-fous, il insiste sur le fait que d’autres mécanismes que le gel des prix et des marges existent.
Après les représentants des entreprises et syndicat calédoniens à l’origine de l’instance, la parole a été donnée à Guillaume Lécuyer qui représente le Gouvernement et le congrès de la Nouvelle Calédonie. Pour sa part, il a insisté à l’inverse sur la spécificité de la situation du territoire, selon lui, où les marchés de l’approvisionnement et de la distribution sont structurellement anticoncurrentiels. Le marché est restreint à un bassin de 100 000 habitants, marqué par l’éloignement de la métropole, des revenus moindre, des écarts de revenus plus marqués, une concentration de la distribution, des problèmes de pouvoir d’achat, des prix très élevés et des marges excessives.
Pour le reste, il s’est attaché à démontrer qu’il n’y avait pas de risque d’incompétence négative, que le dispositif était justifié par l’intérêt général et que le mécanisme n’emportait pas d’atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. Ainsi, a-t-il estimé, les effets anticoncurrentiels imputé au dispositif déféré n’existe pas, car les entreprises ont toujours le moyen de baisser leurs prix et leurs marges. C’est si vrai que entre avril 2018 et février 2019, la Nouvelle Calédonie aurait connu la déflation… ce que les contempteurs du dispositif ont immédiatement contesté.
Le Conseil constitutionnel rendra sa décision le 12 avril 2019.
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JURISPRUDENCE UE : La Cour de justice de l’Union dit pour droit que le principe ne bis in idem ne s’oppose pas à ce qu’une autorité de concurrence inflige à une entreprise, dans le cadre d’une même décision, une amende pour violation du droit national de la concurrence et une amende pour violation de l’article 82 CE, pourvu que, prises ensemble, les amendes soient proportionnées à la nature de l’infraction
Le 3 avril 2019, la Cour de justice de l’Union a rendu un arrêt dans l’affaire C-617/17 (Powszechny Zakład Ubezpieczeń na Życie S.A. w Warszawie contre Prezes Urzędu Ochrony Konkurencji i Konsumentów), laquelle fait suite à une demande préjudicielle formée par la Cour suprême polonaise.
À l’origine de cette affaire se trouve la condamnation par l’autorité de concurrence polonaise d’une compagnie d’assurances polonaise à une amende administrative pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des assurances-vie de groupe pour travailleurs en Pologne en entravant la formation des conditions nécessaires à la concurrence sur ce secteur. Dans sa décision du 25 octobre 2007, l’ANC a fait une application parallèle du droit national de la concurrence et du droit de l’Union. L’amende prononcée comprend deux montants calculés séparément. L’un a été établi au titre de la violation du droit national de la concurrence, et ce, du début de l’infraction le 1er avril 2001 jusqu’à la date du prononcé de la décision, et l’autre, principalement, au titre de la violation du droit de la concurrence de l’Union, et ce, de la date de l’adhésion de la Pologne à l’Union, soit le 1er mai 2004 jusqu’à la date du prononcé de la décision. Après deux recours infructueux, l’entreprise sanctionnée a saisi la juridiction de renvoi d’un pourvoi dénonçant le fait que les deux montants visent le même comportement et qu’elle se serait donc vu infliger deux amendes pour le même comportement, ce qui enfreindrait le principe ne bis in idem.
Le principe ne bis in idem doit-il être appliqué lorsqu’une autorité nationale de concurrence a infligé, dans une seule et même décision, une amende à une entreprise pour comportement anticoncurrentiel sur le fondement de l’application concurrente de règles de concurrence nationales et de l’Union européenne ? Telle est en substance la question préjudicielle posée par la cour de renvoi.
Suivant les conclusions présentées le 29 novembre 2018 par l’avocat général Nils Wahl, la Cour commence par rappeler que les règles de concurrence aux niveaux européen et national considèrent les pratiques restrictives sous des aspects différents et leurs champs d’application ne coïncident pas et que, dans le cas où la Commission n’a pas ouvert de procédure en vue de l’adoption d’une décision en application du règlement n° 1/2003, lorsque l’autorité nationale de concurrence applique les dispositions du droit national interdisant le comportement unilatéral d’une entreprise susceptible d’affecter le commerce entre les États membres au sens de l’article 82 CE, l’article 3, § 1, seconde phrase, de ce règlement impose de lui appliquer également, en parallèle, cet article 82 CE (pts. 25-26).
La Cour rappelle ensuite que la raison d’être du principe ne bis in idem est de garantir la sécurité juridique et l’équité en assurant que, lorsqu’elle a été poursuivie et, le cas échéant, condamnée, la personne concernée a la certitude qu’elle ne sera pas de nouveau poursuivie pour la même infraction. Bref, ce contre quoi protège le principe ne bis in idem, c’est précisément la répétition d’une procédure ayant abouti à une décision définitive concernant le même élément matériel. Or, dans la situation où l’autorité nationale de concurrence fait une application parallèle du droit national de la concurrence et de l’article 82 CE, une telle répétition fait précisément défaut (pt. 32). Ainsi, la protection que le principe ne bis in idem vise à offrir contre la répétition des poursuites conduisant à l’infliction d’une condamnation est sans objet dans la situation où, dans une même décision, il est fait une application parallèle du droit national de la concurrence et du droit de l’Union de la concurrence (pt. 34). Dès lors, ledit principe n’a pas vocation à s’appliquer dans une situation, telle que celle en cause au principal (pt. 35).
La seule réserve de la Cour tient au fait que l’autorité nationale de concurrence est tenue d’exercer sa compétence dans le respect du droit de l’Union (pt. 36). En pratique, cela signifie qu’elle doit veiller à ce que les violations du droit de l’Union soient sanctionnées dans des conditions de fond et de procédure qui soient analogues à celles applicables aux violations du droit national d’une nature et d’une importance similaires et qui, en tout état de cause, confèrent à la sanction un caractère proportionné (pt. 37). Par suite, la Cour de justice de l’Union invite instamment la juridiction de renvoi à vérifier que les amendes prises ensemble, telles qu’infligées par l’ANC, étaient proportionnées à la nature de l’infraction (pt. 38).
In fine, la Cour estime qu’il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que le principe ne bis in idem énoncé à l’article 50 de la Charte doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à ce qu’une autorité nationale de concurrence inflige à une entreprise, dans le cadre d’une même décision, une amende pour violation du droit national de la concurrence et une amende pour violation de l’article 82 CE. Dans une telle situation, l’autorité nationale de concurrence doit néanmoins s’assurer que les amendes prises ensemble sont proportionnées à la nature de l’infraction (pt. 39).
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JURISPRUDENCE AIDES D'ÉTAT : Estimant que la Commission peut limiter le montant d’une aide notifiée à la différence entre les coûts d’un investissement dans la région concernée et ceux d’un investissement dans une autre région sans avoir à démontrer que la partie de l’aide supérieure à la différence des coûts fausserait la concurrence, l’avocat général Evgeni Tanchev invite la Cour à rejeter le pourvoi de BMW dans l’affaire de l’aide à la construction d’une usine à Leipzig
Le 3 avril 2019, l’avocat général Evgeni Tanchev a présenté ses conclusions dans l’affaire C-654/17 (Bayerische Motoren Werke AG et Freistaat Sachsen contre Commission européenne).
On se souvient qu’à la faveur d’un arrêt rendu le 12 septembre 2017 dans une affaire T-671/14 (Bayerische Motoren Werke AG contre Commission), le Tribunal de l’Union était venu rejeté dans son intégralité le recours introduit par le constructeur automobile allemand BMW contre la décision adoptée par la Commission européenne le 9 juillet 2014, au terme de laquelle elle avait considéré, après un examen approfondi de la mesure notifiée par la République fédérale d’Allemagne, que l’aide d’État d’un montant de 45 257 273 euros que l’Allemagne entendait accorder à BMW pour la réalisation d’un investissement à Leipzig n’était compatible avec le marché intérieur que si elle se limitait à la somme de 17 millions d’euros, le surplus (28 257 273 euros) étant incompatible avec le marché intérieur.
Grâce à l’aide notifiée, le constructeur bavarois envisageait d’investir dans la construction à Leipzig (dans l’ex-RDA) d’un site de production, dans un premier temps, pour la fabrication du véhicule électrique i3, puis dans un second temps du véhicule hybride rechargeable i8 de BMW, et ce, conformément aux lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007-2013.
Pour justifier sa décision de limiter le montant de l’aide compatible avec le marché intérieur à la somme de 17 millions d’euros, la Commission avait estimé que l’effet incitatif de l’aide notifiée avait été démontré par la République fédérale d’Allemagne, et ce, sur le fondement du second scénario prévu par la communication relative aux critères d’appréciation approfondie des aides régionales en faveur de grands projets d’investissement, à savoir celui visant des circonstances dans lesquelles, en l’absence d’aide, l’investissement en cause aurait été réalisé dans une autre région de l’Union européenne. Au cas d’espèce, le choix d’investir à Leipzig de préférence à l’usine historique de Munich impliquait, selon la Commission, une dépense supplémentaire de 17 millions d’euros. Cette somme devait être considérée comme le montant de l’aide constitutif du minimum nécessaire pour influencer la décision de son bénéficiaire sur le lieu d’implantation. Partant, la Commission a jugé ce montant proportionné au regard de l’objectif de promotion du développement régional poursuivi par l’aide.
En revanche, la Commission a rejeté l’argument de la République fédérale d’Allemagne selon lequel la proportionnalité d’une mesure ne devait pas être appréciée uniquement sur le fondement de documents qui reflétaient la situation au moment de la décision sur l’investissement et l’implantation, mais également à la lumière de coûts supplémentaires effectifs, à savoir, en l’espèce, en tenant compte d’un montant total de 50 millions d’euros, qui incluait des coûts supplémentaires de 29 millions d’euros, « apparus avant la fin de l’année 2012 ». Pour la Commission, l’État membre ne pouvait recourir à des documents contenant des coûts qui avaient seulement été encourus plusieurs années après que les décisions sur l’investissement et l’implantation en cause avaient été arrêtées, et ce, alors que les travaux relatifs au projet d’investissement avaient déjà commencé.
À la suite du rejet par le Tribunal de l’Union de son recours en annulation de la décision de la Commission, BMW a introduit un pourvoi. Il y soulève deux moyens à l’appui de son pourvoi.
Par son premier moyen, BMW affirme que le Tribunal a violé l’article 107, paragraphe 3, TFUE en considérant, aux points 145 à 149 de l’arrêt attaqué, que la Commission pouvait limiter le montant de l’aide à 17 millions d’euros, c’est‑à‑dire à la différence entre les coûts de l’investissement à Leipzig et ceux de l’investissement à Munich, sans vérifier si la partie de l’aide supérieure à 17 millions d’euros entraînerait une distorsion de la concurrence.
La Commission pouvait-elle présumer que la partie de l’aide notifiée supérieure à la différence entre les coûts de l’investissement à Leipzig et ceux de l’investissement à Munich restreignait la concurrence ? Était-elle tenue de démontrer que cette partie de l’aide restreignait la concurrence et, pour ce faire, devait-elle procéder à une analyse économique ?
À ces deux questions, l’avocat général Evgeni Tanchev répond par la négative.
En premier lieu, il estime que la communication de 2009 n’impose pas à la Commission de démontrer qu’une mesure d’aide entraîne une distorsion de concurrence pour la déclarer incompatible avec le marché intérieur (pt. 44). Certes, la Commission doit examiner les effets positifs d’une mesure d’aide régionale (pt. 46). Par ailleurs, elle doit mettre en balance les effets positifs de l’aide, ainsi identifiés, avec ses effets négatifs sur la concurrence, c’est‑à‑dire la création d’un pouvoir de marché et la création ou le maintien de structures de marché inefficaces, ainsi que ses effets négatifs sur le commerce (pt. 47). Toutefois, en vertu de la communication de 2009, la Commission ne peut procéder à une mise en balance des effets positifs et négatifs de l’aide que si elle a établi que ladite aide était nécessaire à titre d’incitation à réaliser l’investissement dans la région considérée (pt. 48). En revanche, lorsque la Commission constate qu’une mesure d’aide n’est pas nécessaire, elle peut la déclarer incompatible avec le marché intérieur sans avoir à examiner si elle fausse la concurrence (pt. 49). Il s’ensuit que si une mesure d’aide n’est pas nécessaire à la réalisation de l’investissement dans la région assistée concernée, elle pourra être déclarée incompatible avec le marché intérieur, même en présence d’éléments de preuve (fournis par l’État membre concerné) tendant à établir qu’elle ne faussera pas la concurrence ou qu’elle la renforcera. La communication de 2009 ne tient simplement pas compte des effets sur la concurrence, qu’ils soient positifs ou négatifs, d’une mesure d’aide dont il a été constaté qu’elle n’était pas nécessaire (pt. 50). Par suite, estime l’avocat général Tanchev, la Commission peut limiter le montant d’une aide notifiée à la différence entre les coûts d’un investissement dans la région concernée et ceux d’un investissement dans une autre région sans avoir à démontrer que la partie de l’aide supérieure à la différence des coûts fausserait la concurrence (pt. 52).
Au surplus, l’avocat général Tanchev ne décèle aucune jurisprudence venant contredire la constatation du Tribunal selon laquelle la Commission peut déclarer incompatible avec le marché intérieur la partie de l’aide qui est supérieure à la différence des coûts sans établir que cette partie fausserait la concurrence (pts. 57-60).
Par son second moyen, BMW soutient que le Tribunal aurait dû prononcée l’annulation de la décision de la Commission en ce qu’elle a déclaré incompatible avec le marché intérieur la partie de l’aide supérieure à 17 millions d’euros, mais inférieure au seuil de notification fixé à l’article 6, § 2, du RGEC, lequel s’élève, en l’espèce, à 22,5 millions d’euros. Ce faisant, le Tribunal aurait violé l’article 288 TFUE, les articles 3 et 13, § 1, du RGEC ainsi que le principe de non‑discrimination.
Sur ce point, l’avocat général Tanchev est d’avis que la Commission a compétence pour examiner la compatibilité des aides, même lorsque leur montant est inférieur au seuil de notification fixé à l’article 6, § 2, du RGEC. Par conséquent, lorsque, comme c’est le cas dans la présente affaire, le montant d’une mesure d’aide est supérieur à ce seuil, la Commission a compétence pour apprécier la compatibilité de la totalité du montant de cette aide. Elle n’est pas tenue de déclarer l’aide compatible à hauteur du montant exempté de l’obligation de notification (pt. 94). Lorsqu’une juridiction nationale constate qu’un projet d’aide remplit les conditions du RGEC, cette constatation n’est qu’une simple présomption de compatibilité, une « présomption de conformité avec le marché intérieur » (pt. 103). Dès lors, une aide qui remplit les conditions du RGEC n’est pas une aide existante (pt. 104). De même, toute aide dont l’État membre a constaté à tort qu’elle remplissait les conditions du RGEC constitue une « aide nouvelle » au sens de l’article 1er, sous c), du règlement n° 659/1999. En tant qu’aide nouvelle, elle doit être notifiée à la Commission, qui en appréciera la compatibilité avec le marché intérieur. Dès lors, c’est très justement, estime l’avocat général, que le Tribunal a constaté que l’aide litigieuse ne constituait pas une aide existante autorisée (pt. 106). Il en conclut que la Commission a le pouvoir d’examiner la compatibilité d’une aide, même si le montant de celle‑ci ne dépasse pas le seuil de notification fixé à l’article 6, § 2, du RGEC (pt. 113). Il s’ensuit que, lorsque, comme en l’espèce, le montant d’une aide notifiée dépasse ce seuil, la Commission peut examiner la compatibilité de la totalité du montant de l’aide et que, contrairement à ce que BMW soutient, elle n’est pas tenue de déclarer l’aide compatible à hauteur du montant exempté de l’obligation de notification (pt. 114). Il s’ensuit également, ajoute-t-il, que la Commission peut procéder à l’appréciation de la compatibilité de l’aide au regard, non seulement des critères prévus par le RGEC, mais également d’autres critères, tels que ceux prévus par la communication de 2009, ainsi que la Cour de justice l’a elle-même affirmé dans son arrêt du 21 juillet 2011, Freistaat Sachsen et Land Sachsen‑Anhalt/Commission (pt. 117). Au cas d’espèce, pour déclarer que l’aide litigieuse est compatible avec le marché intérieur, la Commission pouvait exiger qu’elle remplisse les critères fixés au paragraphe 33 de la communication de 2009, à savoir que le montant de l’aide soit limité à la différence entre les coûts de l’investissement à Leipzig et ceux de l’investissement à Munich (17 millions d’euros). Par suite, estime-t-il, le Tribunal n’a pas commis d’erreur en constatant que l’aide litigieuse devait être évaluée conformément à la communication de 2009, du RGEC et de l’article 107, § 1, TFUE (pts. 118-119).
En fin de compte, l’avocat général Tanchev invite la Cour de justice de l’Union a rejeter le pourvoi introduit par BMW.
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JURISPRUDENCE : La Cour d’appel de Paris confirme pour l’essentiel la décision de mesures conservatoires mettant en demeure Google de clarifier la procédure de suspension des comptes Google Ads pour « contenus trompeurs ou interdits »
Le 4 avril 2019, la Chambre 5-7 de la Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt dans l’affaire des mesures conservatoires prononcées à l’encontre de Google l’enjoignant de clarifier la procédure de suspension des comptes Google Ads pour « contenus trompeurs ou interdits ».
À l’exception de la 3e mesure conservatoire prononcée visant à mettre en place des formations à destination des personnels commerciaux de Google portant sur le contenu des règles Google Ads clarifiées, qu’elle juge inutile, la cour de Paris y confirme pour l’essentiel la décision attaquée.
On se souvient que le 31 janvier 2019, l’autorité de la concurrence avait rendu une décision n° 19-MC-01 dans une affaire opposant la société Amadeus, qui exploite un service de renseignements téléphoniques sous le numéro à tarification majorée 118 001, à Google sur le marché de la publicité en ligne, à propos de l’accès au service Google AdWords (devenu « Google Ads » à l’été 2018) ou plutôt à propos de la procédure de suspension des comptes Google Ads pour cause de « contenus trompeurs ou interdits ». Ainsi, la saisissante — Amadeus — reprochait à Google d’avoir suspendu certains de ses comptes et refusé la plupart de ses annonces publicitaires depuis janvier 2018, et, soutenait, ce faisant, que Google avait mis en oeuvre un abus de position dominante et un abus de dépendance économique.
Il faut dire que la saisissante est très « Google dépendante » : les annonces Google Ads diffusées par Amadeus étaient à l’origine de la quasi-totalité du trafic des sites qu’elle édite et généraient ainsi l’essentiel des appels reçus par le 118 001, ce qui se traduisait dans sa comptabilité : les dépenses exposées auprès de Google Ads représentaient, avant la suspension, plus de 70 % de son chiffre d’affaires…
Au cas d’espèce, après avoir accompagné Amadeus de façon personnalisée pendant plus d’un an, y compris dans la rédaction des annonces diffusées par Amadeus et du contenu des pages de destination desdites annonces, Google avait soudainement décidé, le 10 janvier 2018, que ses annonces violaient la règle relative à la « Vente d’articles gratuits » ainsi que l’ensemble des règles relatives aux « Déclarations trompeuses » et avait, en conséquence, décidé de suspendre, sans autre forme de procès, son compte le plus actif. Ce n’est qu’en avril 2018, soit au bout de trois mois, qu’Amadeus a été précisément informée des raisons pour lesquelles ses comptes Google Ads actifs avaient été suspendus. En clair, Amadeus aurait publié des annonces « à destination de sites et d’urls dont l’intitulé ne correspond en rien au contenu proposé sur les pages de destination. L’utilisateur qui clique sur l’annonce était redirigé vers un site qui ne fournissait pas l’information à laquelle il pouvait s’attendre à la lecture du texte de l’annonce, mais qui le conduisait à appeler le 118 001, lequel fournissait un service de renseignements téléphoniques payants. Plusieurs méthodes étaient utilisées pour entretenir cette confusion : le choix des mots clés (exemples : « Assistance », « résiliation », « service client La Poste », « suivi Colissimo, « contacter Darty »), le texte des annonces (exemple : « Un conseiller disponible 24/7 »), ou encore le contenu du site de destination (exemples : fausse fonction de recherche, mention trompeuses ». Lorsqu’ils appelaient le 118 001, les utilisateurs devaient payer un prix pour obtenir le numéro de téléphonie qu’ils recherchaient, alors qu’ils pouvaient obtenir ce numéro gratuitement ailleurs, par exemple sur les sites des organismes publics et des commerçants concernés ou sur un annuaire en ligne. En outre, les sites de destination vers lesquels renvoyaient les annonces de Amadeus ne mettaient pas toujours en avant de manière claire et proéminente la tarification des appels vers le 118 001, voire n’en faisait aucune mention ».
À ce stade de l’instruction, l’Autorité avait confirmé que Google détenait une position dominante sur le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches.
Avant d’analyser le caractère potentiellement anticoncurrentiel des pratiques dénoncées, l’Autorité avait renvoyé à l’instruction du dossier au fond la question de savoir dans quelle mesure la part importante du chiffre d’affaires attribuable à Google résultait ou non d’un choix délibéré d’Amadeus de concentrer ses dépenses publicitaires en ligne sur Google Ads, de nature à écarter l’hypothèse d’une éventuelle dépendance économique d’Amadeus vis-à-vis de Google.
À ce stade, l’Autorité avait retenu, à propos du déroulement de la procédure de suspension des comptes Google Ads, qu’en l’état des éléments produits au débat, les pratiques de Google était susceptibles de caractériser une rupture brutale des relations commerciales avec Amadeus dans des conditions qui ne sont ni objectives, ni transparentes, dès lors que la suspension des comptes d’Amadeus était intervenue sans avertissement, ni mention claire des manquements reprochés et alors même que les services commerciaux de Google étaient étroitement impliqués dans l’élaboration des campagnes publicitaires considérées comme non conformes à sa politique de contenus.
En outre, l’Autorité avait constaté qu’en l’état des éléments produits au débat, les pratiques dénoncées par Amadeus étaient susceptibles d’être regardées comme discriminatoires, du fait que des fournisseurs de services de renseignements par voie électronique ont été en mesure de diffuser des annonces via Google Ads alors même que des annonces rédigées par Amadeus en des termes identiques étaient refusées.
Quant à la demande de mesures conservatoires, l’Autorité avait fait le constat que les pratiques de Google avaient directement affecté la profitabilité d’Amadeus et rendu très improbable la continuation de son activité à court terme. Le chiffre d’affaires d’Amadeus avait baissé de 90 % entre 2017 et 2018 et elle enregistrait plus de 390 000 euros de pertes en août 2018 là où, en 2017, elle réalisait une marge bénéficiaire d’environ 1,3 millions d’euros. Par suite, avait-elle estimé, les pratiques de Google devaient être regardées comme lui causant une atteinte grave et immédiate, ce qui rendait inutile la recherche d’une atteinte grave et immédiate aux intérêts des consommateurs ou au secteur des services payants de renseignements par voie électronique.
Constatant donc l’atteinte grave et immédiate à l’entreprise plaignante, l’Autorité de la concurrence avait prononcé des mesures conservatoires, à la portée extrêmement large comme dans l’affaire Navx de 2010, enjoignant à Google :
— de clarifier les Règles Google Ads applicables aux services payants de renseignements par voie électronique existantes en définissant en termes clairs les notions générales de « déclarations trompeuses », de « comportements non fiables ou promotions indignes de confiance » de « pratiques commerciales inacceptables ».
— de mettre en place une procédure de suspension de comptes des annonceurs prévoyant un avertissement formel, qui précisera la nature du ou des manquements reprochés, justifiant la suspension du compte Google Ads envisagée, et un préavis suffisant avant toute suspension du compte, permettant à l’annonceur, le cas échéant, de justifier ce manquement, d’y remédier ou de demander des explications sur la nature de ce qui lui est reproché.
— de mettre en place des formations à destination des personnels commerciaux portant sur le contenu des règles Google Ads clarifiées.
— d’engager une revue manuelle de la conformité des campagnes proposées par les comptes non suspendus d’Amadeus aux règles ainsi clarifiées et, si cette revue révèle que ces annonces sont effectivement conformes, d’autoriser Amadeus à diffuser ses annonces publicitaires dans des conditions non discriminatoires.
Dans leur recours contre la décision de mesures conservatoires du 31 janvier 2019, les sociétés Google faisaient valoir que le prononcé de mesures conservatoires est soumis à des conditions strictement définies par l'article L. 464-1 du code de commerce, dont aucune n'est remplie en l'espèce, l'Autorité ayant, en fait, entendu réguler d'une façon générale les modalités d'utilisation de la plate-forme Google Ads par les opérateurs de renseignements téléphoniques. Elles soutiennent que la décision attaquée n'établit pas que le comportement qui leur est reproché était susceptible d'avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel et d'enfreindre les règles de la concurrence, qu'elle ne caractérise aucune situation d'urgence de nature à justifier l'octroi de mesures conservatoires et que les mesures conservatoires prononcées ne sont ni nécessaires ni proportionnées. Elles concluent que la décision doit être annulée ou, à défaut, réformée.
Les requérante contestaient en premier lieu que le comportement dénoncé de la société Google soit susceptible d'avoir entraîné des effets anticoncurrentiels. Selon elle, rien ne démontre que leur comportement était susceptible d'avoir un objet ou un effet anticoncurrentiel (pt. 25). En deuxième lieu, les requérantes soutiennent que le caractère brutal de la rupture des relations commerciales avec la société Amadeus n'est pas établi (pt. 27), non plus que l'existence de pratiques discriminatoires n'est pas établie (pt. 28).
Sur quoi, la Cour d’appel de Paris répond, à propos de la rupture de la relation commerciale, qu’il y a bien eu suspension du compte Google Ads d’Amadeus, que le motif de cette suspension n’a été donnée qu’après que cette mesure a été mise en œuvre et qu’elle n'a pas été précédée d'un avertissement qui en aurait fait connaître les motifs à la société et lui aurait permis, le cas échéant, de remédier aux irrégularités détectées, ce qui, estime-t-elle, est suffisant pour considérer que la politique de contenu Adwords n'a pas été mise en œuvre dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires, de sorte que la rupture brutale des relations commerciales établies avec la société Amadeus est susceptible de caractériser une pratique anticoncurrentielle (pt. 41).
En ce qui concerne les pratiques discriminatoires, la Cour de Paris retient que les éléments produits par la société Amadeus, sur lesquels l'Autorité s'est appuyée, établissent que d'autres comptes Google Ads ont présenté les mêmes irrégularités que les comptes de la société Amadeus, sans avoir fait l'objet de mesure de suspension (pt. 47).
La Cour en conclut que les pratiques en cause sont, ainsi que l'Autorité l'a relevé, « susceptibles d'être discriminatoires et d'avoir eu, comme telles, des effets anticoncurrentiels » (pt. 48).
Les requérantes contestaient en second lieu l'existence d'une situation d’urgence. Non seulement il n'était nullement démontré que la société Amadeus pourrait être exclue du marché à court terme, mais en outre, la situation de cette société était la conséquence, non des mesures prises pour appliquer les règles Google Ads, mais de sa propre stratégie commerciale (pt. 49).
En substance, la Cour d’appel de Paris, écartant un à un les arguments développés par les requérantes, parvient à la conclusion que du fait du comportement de Google, la société Amadeus se trouvait dans une « situation critique » et qu'elle risquait d'être conduite à sortir prochainement du marché sur lequel elle opérait (pt. 62).
Quant aux quatre mesures conservatoires prononcées à leur encontre, les requérantes soutenaient qu’elles visaient davantage à réguler, d'une façon générale, les conditions d'utilisation du service Google Ads par les opérateurs de renseignements téléphoniques, qu’à remédier, à titre conservatoire, à une atteinte grave et immédiate à la concurrence (pt. 63). Sur quoi, la Cour d’appel répond que l’Autorité est compétente pour prononcer la suspension de la pratique concernée ainsi qu'une injonction aux parties de revenir à l'état antérieur et retient que l’application des injonctions est limitée dans le temps au terme de l'examen de la saisine au fond de la société Amadeus, sans présenter aucun caractère irréversible (pt. 67).
S’agissant à présent de la nécessité et de la proportionnalité des mesures conservatoires prononcées par l’Autorité, la Cour d’appel de Paris juge que les mesures n° 1 — clarifier la procédure de suspension des comptes Google Ads pour « contenus trompeurs ou interdits » —, n° 2 — mettre en place une procédure de suspension de comptes des annonceurs prévoyant un avertissement formel — et n° 4 — engager une revue manuelle de la conformité des campagnes proposées par les comptes non suspendus d’Amadeus aux règles ainsi clarifiées — sont proportionnées, étant limitées à ce qui est nécessaire pour faire face à l'urgence. En revanche, la Cour parvient à la conclusion que la mesure conservatoire n° 3 — mettre en place des formations à destination des personnels commerciaux portant sur le contenu des règles Google Ads clarifiées — n'apparaît pas nécessaire pour répondre à la situation de la société Amadeus résultant de l'atteinte grave et immédiate portée à ses intérêts. Elle estime à cet égard que les mesures conservatoires n° 1 et n° 2, de clarification des règles et de mise en place d'un avertissement préalable suffisent en elles-mêmes à assurer l’information des personnels (pt. 87).
Enfin, la Cour d’appel de Paris se déclare incompétente pour statuer sur la demande des sociétés Google Ireland Ltd, Google LLC et Google France tendant à enjoindre à l'Autorité de la concurrence de republier la décision n° 19-MC-01 de façon à occulter les paragraphes de cette décision contenant des secrets d'affaires et les renvoie à mieux se pourvoir. Elle estime que la demande des requérantes, qui tend à voir constater la défaillance de l'Autorité dans la mise en œuvre d'une mesure de protection accordée par son rapporteur et à voir adresser une injonction à cette autorité administrative indépendante afin qu'elle procède à une nouvelle publication de la décision attaquée sur son site, après en avoir occulté certains passages, excède les limites de la saisine de la cour.
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INFOS : L’Autorité de la concurrence délivre son ordonnance sur la distribution des médicaments et les laboratoires d’analyse biologique
Le 4 avril 2019, l’Autorité de la concurrence a rendu un avis n° 19-A-08 sur la distribution des médicaments et les laboratoires d’analyse biologique. Elle y rend publiques les conclusions finales de son enquête sur le secteur de la santé lancée en novembre 2017.
L’avis de 423 pages, y compris les annexes, est accompagné d’une synthèse plus digeste de 11 pages.
Après plusieurs avis rendus ces dernières années sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament, avec le succès mitigé que l’on sait, l’Autorité, on s’en souvient, avait décidé de lancer en novembre 2017, une enquête sectorielle sur le fonctionnement de la concurrence dans les secteurs du médicament et de la biologie médicale. Cette enquête en cours porte sur deux axes : le fonctionnement de la chaîne de distribution du médicament et les conditions de fixation du prix des médicaments.
Après un premier bilan d’étape dévoilé en octobre 2018 s’agissant du fonctionnement de la chaîne de distribution du médicament, l’Autorité de la concurrence publie donc son avis sur la distribution du médicament en ville et la biologie médicale. Il sera suivi, à l’été 2019, d’un second avis sur la formation des prix des médicaments.
À la différence du bilan d’étape d’octobre 2018, essentiel descriptif, le présent avis, adopté après une large consultation des professionnels intéressés, se veut résolument programmatique.
Ainsi l’Autorité formule-t-elle des recommandations à destination du législateur sur les 7 thèmes identifiés :
- La vente en ligne de médicaments
Pour faire face à l’effritement de la rentabilité financière des officines, dû à la volonté des pouvoirs publics de contrôler les dépenses de santé et à la concurrence accrue, exercée notamment par les parapharmacies et la grande distribution, l’Autorité recommande un assouplissement de la vente en ligne de médicaments pour permettre un réel développement du marché.
Il s’agirait notamment d’autoriser le recours au référencement et aux comparateurs payants, pour permettre aux sites de vente en ligne de se faire connaître du public ; de permettre aux officines de regrouper leur offre de vente en ligne sur un site commun ; d’autoriser les pharmaciens à recourir à des locaux de stockage distincts de leur officine, le cas échéant, situés à une distance suffisante pour leur permettre de disposer de locaux adaptés ; de modifier le critère du chiffre d’affaires global de l’officine, pour fixer le nombre de pharmaciens à recruter, en se fondant sur le chiffre d’affaires lié aux ventes de médicaments, et non sur les ventes de produits hors monopole.
- La publicité des officines
L’Autorité propose également d’assouplir les règles de publicité des produits autres que les médicaments. À cette fin, elle recommande de distinguer les règles concernant la publicité pour les médicaments de celles encadrant la publicité pour les produits de parapharmacie, afin d’assouplir ces dernières et d’autoriser les pharmaciens à proposer des promotions et moyens de fidélisation sur les produits de parapharmacie, hygiène, cosmétique (à l’exclusion des médicaments).
Elle suggère également de distinguer clairement les règles de publicité s’appliquant aux médicaments de celles applicables aux officines, et ce, afin d’assouplir le régime applicable à la publicité en faveur des officines, des groupements et de leurs sites de vente en ligne, pour leur permettre d’élargir la nature et les supports de communication (télévision, réseaux sociaux, etc.). Ceci permettra aux pharmaciens de développer leur activité avec plus de liberté vis-à-vis des autres acteurs ou des sites installés dans des pays aux législations plus libérales comme les Pays-Bas ou la Belgique.
Enfin, l’Autorité recommande d’autoriser les pharmaciens à procéder à un affichage plus visible sur les prix des médicaments non remboursables qu’ils proposent en officine et en ligne et de renforcer l’information des patients et des pharmaciens sur la liberté tarifaire qui s’applique aux médicaments remboursables vendus sans prescription.
- L’élargissement du rôle des pharmaciens
S’appuyant sur l’expérimentation de la vaccination antigrippale en officine, l’Autorité suggère d’élargir le rôle du pharmacien afin de lui permettre d’évoluer vers un concept de « pharmacie clinique ».
En pratique, il s’agirait d’encourager les pharmaciens à développer, de leur propre initiative, des services liés à leurs nouvelles missions, en leur permettant de définir leurs propres tarifs. La création de chaînes de pharmacies, si les règles de détention du capital étaient assouplies, pourrait à cet égard favoriser le développement de services offerts par ses pharmaciens.
- Les règles de détention du capital des officines
Afin d’encourager la modernisation des officines (télémédecine, télédiagnostic), voire le développement de modèles innovants d’officines (chaînes de pharmacies), l’Autorité suggère d’assouplir les règles régissant la participation d’investisseurs extérieurs au capital des officines.
Dès lors, l’ouverture du capital pourrait prendre des formes diverses, notamment pour ce qui concerne les personnes autorisées à participer au capital, les proportions de parts détenues par ces personnes et les droits de vote qui leur reviendraient. Plusieurs modalités de prises de participation sont envisagées.
Rappelant que le code de la santé publique impose non seulement un monopole pharmaceutique, qui réserve la vente de médicaments et de quelques catégories de produits (certaines plantes médicinales, certaines huiles essentielles…) aux seuls pharmaciens, mais également un monopole officinal, qui implique que leur vente ne peut intervenir en dehors d’une officine, l’Autorité suggère d’assouplir le second sans (presque) toucher au premier. Il s’agirait d’autoriser la délivrance de certains produits de santé — les médicaments à prescription médicale facultative, les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro destinés à un usage par le public (autotests, lecteurs de glycémie…), mais aussi certaines huiles essentielles et plantes médicinales (inscrites à la pharmacopée) — en dehors des officines de pharmacie, c’est-à-dire en parapharmacie et en grande distribution, mais toujours sous le contrôle d’un pharmacien diplômé.
Par ailleurs, les enseignes de grande distribution serait tenues de disposer d’un espace de vente dédié, avec caisse séparée et présence obligatoire d’un pharmacien responsable de la dispensation des médicaments, avec les mêmes obligations déontologiques que dans le cadre officinal, sur toute l’amplitude horaire.
- Les intermédiaires de la distribution du médicament
Face à la crise que connaît le modèle actuel de la distribution des médicaments, qui voit les grossistes-répartiteurs contournés par la multiplication des ventes directes entre laboratoires et officines, l’Autorité suggère de procéder à un réexamen d’ensemble de l’équilibre économique entre les missions lourdes qui pèsent sur les grossistes-répartiteurs et le modèle de rémunération dont ils bénéficient et d’envisager une évolution de leur rémunération : parmi les pistes proposées, les critères de fixation de la marge réglementée de distribution en gros pourraient être revus, afin de dissocier partiellement cette marge du prix des médicaments, comme cela a été fait pour les pharmaciens. Par exemple : faire reposer la marge de distribution en gros sur les volumes distribués par les grossistes ou lui substituer un montant forfaitaire.
- Les laboratoires de biologie médicale
S’agissant des laboratoires de biologie médicale, l’Autorité de la concurrence avance plusieurs recommandations concernant tant l’assouplissement des règles de participation aux capital des laboratoires, que l’assouplissement des règles de sous-traitance et de coopération entre laboratoires, ou encore le rapprochement entre laboratoires ou leur implantation. Enfin, l’Autorité recommande d’autoriser les remises tarifaires pour rétablir l’égalité entre laboratoires privés et publics dans les appels d’offres.
Selon l’Autorité, toutes ses recommandations préservent l’impératif de santé publique et tiennent compte des observations émises par les professionnels du secteur et les pouvoirs publics.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de l'Autorité de la concurrence.
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INFOS CONTRÔLE DES CONCENTRATIONS UE : La Commission rend publique la décision autorisant, sous réserve de vastes désinvestissements, la fusion entre l’Allemand Linde et l’Américain Praxair dans le secteur de la fourniture de gaz industriels, médicaux et à usages spéciaux et d’hélium, ainsi que celle autorisant, sans condition, la filiale américaine de Total à prendre le contrôle exclusif de Chevron Denmark
Ces derniers jours, la commission a mis en ligne deux décisions en matière de contrôle des concentrations.
Commençons par la décision du 20 août 2018 à la faveur de laquelle la Commission a autorisé la fusion avec création d’une nouvelle entité regroupant l’ensemble des activités de la société allemande Linde, active au niveau mondial dans la fourniture de gaz industriels, de gaz médicaux, de gaz à usages spéciaux et d’hélium, mais aussi des services d'ingénierie et de construction d'usines à gaz et, et des activités de sa concurrente américaine Praxair.
Telle qu’initialement notifiée l’opération avait pour effet de réduire de quatre à trois le nombre d'acteurs importants dans le secteur gazier dans l'EEE, créant en outre un nouveau leader sur le marché européen du gaz, les deux autres fournisseurs de gaz important restant dans l’EEE étant Air Liquide et Air Products. Seuls ces quatre grands fournisseurs disposent des capacités d'ingénierie nécessaires pour présenter des offres pour les projets de construction d'unités de production gazière complexes sur des sites de fabrication de clients dans l'EEE et pour accéder aux quelques sources d'hélium qui existent au niveau mondial pour être compétitifs. Les autres acteurs, locaux ou régionaux n’ont pas les moyens de soumissionner pour ces grands projets. Par ailleurs, la Commission a constaté que les barrières à l’entrée sur ces marché du gaz sont très élevées.
Dès lors, la Commission a conclu que l'opération envisagée aurait sensiblement réduit la concurrence dans l’EEE sur les marchés de la fourniture de gaz industriels, de gaz médicaux et services connexes, de gaz à usages spéciaux, et d'hélium, à la fois sur le marché mondial de l'approvisionnement en hélium et sur les marchés nationaux de fourniture au détail de ce gaz. Selon elle, l’opération notifiée aurait conduit à une diminution importante du nombre de fournisseurs et, potentiellement, à des hausses de prix.
Pour dissiper les craintes de la Commission, Praxair et Linde ont d’abord consenti à céder la totalité de l'activité gazière de Praxair dans l'EEE, y compris toutes les entités légales, les actifs et le personnel. Cette cession couvre les gaz industriels, médicaux et à usages spéciaux et l'hélium. Elle couvre aussi les contrats d'approvisionnement en hélium requis pour répondre à la demande dans l’EEE. Le 22 octobre 2018, la Commission a agréé la société japonaise Taiyo Nippon Sanso Corporation comme repreneur approprié.
Par ailleurs, elle ont proposé le transfert des parts de Praxair dans SIAD, une entreprise commune italienne active en Europe centrale et orientale et en Italie, vers le partenaire actuel de Praxair dans l'entreprise commune, Flow Fin, qui deviendra le propriétaire exclusif de SIAD.
Enfin, elle ont consenti à la cession des contrats d'approvisionnement supplémentaires en hélium, en plus de ceux nécessaires pour répondre à la demande dans l'EEE, vers un ou plusieurs acquéreurs appropriés. Le volume total d'approvisionnement en hélium cédé permettra ainsi de répondre aux inquiétudes en matière de concurrence au niveau mondial.
Dès lors que ces engagements suppriment totalement le chevauchement entre les activités de Praxair et de Linde dans l'EEE, la Commission a considéré que l'opération, telle que modifiée par les engagements, ne posait plus de problèmes de concurrence.
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.
Par ailleurs, la Commission a mis en ligne la décision du 7 mars 2019 aux termes de laquelle elle a approuvé, sans condition, l'acquisition du contrôle exclusif de Chevron Denmark, active dans l'exploration et la production de pétrole brut et de gaz naturel provenant de la mer du Nord danoise, par la filiale américaine de Total.
L'enquête de la Commission s'est concentrée sur les marchés de la fourniture en gros de gaz en amont et en aval au Danemark et dans les États membres voisins. En effet, du fait de la présence négligeable des parties sur le marché de l'exploration du pétrole brut et du gaz naturel, tout risque d’atteinte à la concurrence a pu être d’emblée écarté quant au chevauchement horizontal des parties sur le marché de l'exploration du pétrole brut et du gaz naturel (pt. 50).
Sur le marché de la fourniture de gaz en gros en amont, la Commission a constaté que l'entité issue de la concentration ne disposerait pas d'un pouvoir de marché accru. En outre, la capacité d'interconnexion entre le Danemark et les États membres voisins ne fait l'objet d'aucune contrainte. Déjà, les fournisseurs localisés en dehors du Danemark exerce une pression concurrentielle sur les fournisseurs danois (pt. 64).
Sur le marché de la fourniture de gaz en gros en aval, la Commission a constaté qu'il existait un certain nombre de fournisseurs alternatifs disponibles pour les clients et que l'opération aurait un impact limité sur la structure du marché au Danemark et dans l’EEE (pt. 75). La Commission a notamment constaté que les clients danois s'approvisionnaient déjà en gaz directement auprès d'autres hubs européens situés en Allemagne et aux Pays-Bas.
Quant aux effets verticaux de l’opération, la Commission est parvenue à la conclusion que l'opération ne soulevait pas de doutes sérieux quant à sa compatibilité avec le marché intérieur en raison de la relation verticale existant entre l'offre de gros en amont et l'offre de gros en aval de gaz naturel au Danemark ou dans d'autres parties de l'EEE (pt. 114).
Pour le surplus, je vous renvoie à la lecture du communiqué de presse de la Commission.
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INFOS UE : Publication du rapport final sur la politique de concurrence à l’ère du digital
Afin de nourrir la réflexion sur la façon de « Façonner la politique de la concurrence à l'ère du digital », la Commission a été à l’origine de plusieurs initiatives ces derniers mois. Outre l’organisation d’une conférence le 17 janvier 2019 à Bruxelles avec un keynote speech de Jean Tirole, elle-même nourrie par les contributions de personnes et institutions impliquées dans la numérisation de l’économie, la Commission européenne a constitué un groupe de travail de trois personnalités extérieures, les professeurs Heike Schweitzer, Jacques Crémer et Yves-Alexandre de Montjoye, chargés de rendre un rapport sur les défis futurs de la numérisation pour la politique de la concurrence, avant le 31 mars 2019.
Ce rapport de 133 pages vient d’être mis en ligne.
Le groupe de travail avait pour mission d’explorer la façon dont la politique de la concurrence devrait évoluer pour continuer promouvoir l'innovation en faveur des consommateurs à l'ère numérique.
Le rapport est structuré comme suit. Les auteurs commence par y décrire le monde numérique et ce qu’ils considèrent comme le principal modes de fonctionnement des marchés à l'ère numérique (chapitre 2). À cet égard, ils notent trois caractéristiques clés de l’économie numérique : i) des rendements d’échelle extrêmes qui peuvent constituer un avantage concurrentiel considérable pour les opérateurs historiques ; ii) les externalités de réseau ; iii) le rôle des données et les économies de gamme qui y sont attachées. Difficiles à déloger de leur position, les grands acteurs du numérique pourraient être, selon ces auteurs, fortement incitées à adopter un comportement anticoncurrentiel. D’où la nécessité d’une application rigoureuse de la politique de la concurrence et d’ajustements dans l'application du droit de la concurrence.
Ils exposent ensuite leur vision des objectifs du droit de la concurrence de l’Union européenne à l’ère numérique et des méthodologies à utiliser (chapitre 3). Ici pas de révolution envisagée : le cadre fondamental du droit de la concurrence, tel qu'énoncé aux articles 101 et 102 du TFUE, continue de fournir une base solide et suffisamment souple pour protéger la concurrence à l'ère numérique. Cependant, les caractéristiques spécifiques des plates-formes, des écosystèmes numériques et de l’économie des données nécessitent l’adaptation et l’affinement de concepts, doctrines et méthodologies bien établis. Il en va ainsi du concept de bien-être du consommateur, mais aussi de l’approche traditionnelle pour la délimitation des marchés pertinents ou encore de l’évaluation du pouvoir de marché, voire les rôles respectifs du droit de la concurrence et de la régulation.
Ensuite, avec ce cadre en toile de fond, ils discutent de l'application des règles de concurrence aux plateformes (Chapitre 4). Faisant le constat que sur les marchés où les externalités de réseau et les rendements d'échelle sont importants, il pourrait ne rester de la place sur le marché que pour un nombre limité de plates-formes, les auteurs du rapport s’attachent à montrer à la fois comment promouvoir la concurrence pour le marché et sur le marché. Pour ce faire, ils analysent le type de stratégies que les plates-formes dominantes pourraient utiliser pour limiter les tentatives d’entrée sur le marché ou pour étendre leur pouvoir sur les marchés voisins, ainsi que la manière dont les autorités de la concurrence devraient réagir. À cet égard, sont analysés les risques tenant à l’insertion de clauses de la nation la plus favorisée ou aux stratégies visant à restreindre le Multihoming.
S’agissant de la concurrence sur le marché, les auteurs analysent la propension des plateformes à se muer en régulateurs avec les risques de dérives que cela implique. Ils insiste sur la responsabilité particulière qui doit peser spécifiquement sur les plateformes en position dominante, celle de veiller à ce que leurs règles n'entravent pas une concurrence libre, non faussée et vigoureuse sans justification objective. Ainsi en va-t-il de la pratique visant à accorder un traitement préférentiel à ses propres produits ou services quand ils sont en concurrence avec des produits et services fournis par d’autres entités utilisant la plateforme. En pareil cas, les auteurs du rapport suggèrent que, dans la mesure où la plateforme remplit une fonction de régulation, elle supporte la charge de prouver que « l’auto-préférence » n'emporte pas d’effets d'exclusion à long terme sur les marchés de produits.
Dans un chapitre 5, les auteurs discutent des conséquences de l’économie des données sur la politique de la concurrence. Ils rappellent à cet égard que l'importance des données et de l'accès aux données pour la concurrence dépendra toujours d'une analyse des spécificités d'un marché donné, du type de données et de l'utilisation des données dans un cas particulier. Dans ce chapitre, ils analysent différents scénarios, tels que l’accès aux données personnelles, le partage de données, l’accès aux données en vertu de l’article 102 du TFUE et la donnée dans la doctrine du marché secondaire.
Enfin, ils se demandent si le contrôle des concentrations en Europe nécessite une mise à jour (Chapitre 6). Sur l’évolution des seuils, les auteurs du rapport ne se mouillent guère. Pour eux, il est trop tôt pour modifier les seuils du règlement « concentration ». Il est préférable, selon eux, de voir comment fonctionnent les seuils fondés sur la valeur des transaction récemment introduits par certains États membres. En revanche, ils invitent la Commission à revoir sinon le test de l’entrave significative à une concurrence effective, du moins les théorie du préjudice, afin d’évaluer correctement certains cas spécifiques comme celui où une plateforme dominante et / ou un écosystème bénéficiant d'effets réseau positifs et d'un accès à des données constituant une barrière importante à l'entrée, acquiert une cible réalisant un chiffre d'affaires faible mais constituant un opérateur important et / ou en croissance rapide et disposant d’un potentiel de marché futur élevé. Dans de tels cas, le droit de la concurrence devrait être particulièrement soucieux de protéger la capacité des concurrents d’entrer sur les marchés, car la concurrence y est généralement réduite et les menaces concurrentielles émanent le plus souvent de la périphérie. En pareil cas, le risque concurrentiel n’est pas limité au verrouillage de l’accès des concurrents à des intrants. Il tient au renforcement de la domination de la plateforme (ou de l’écosystème), en ce qu’il renforce la fidélité des utilisateurs qui considèrent les nouveaux services comme des compléments aux services déjà offerts par la plateforme / l’écosystème. Ils estiment ainsi que que le meilleur moyen de gérer ces acquisitions est d’injecter des éléments « horizontaux » dans les théories du préjudice « conglomérales ».
Les auteurs du rapport présentent leurs conclusions dans le chapitre 7.
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Bonjour,
La revue Concurrences organise, en partenariat avec NYU Stern, la quatrième conférence annuelle Global Antitrust Economics Conference le vendredi 31 mai 2019 de 8h30 à 17h00 à la NYU Stern School of Business.
Il y aura quatre panels :
Panel 1 : Antitrust dans le sport
Panel 2 : Concentrations dans les télécoms
Panel 3 : Problèmes de tarification dans le secteur pharmaceutique : Pay-For-Delay, Product Hopping…
Panel 4: Séance juristes d’entreprise : Plateformes
Le programme complet de la manifestation et les modalités d’inscription sont disponibles sur le site Web dédié.
Bien cordialement,
Ariel Salvaro
Associate Law & Economics Editor
conferences-us@concurrences.com
Concurrences
Antitrust Publications & Events
106 West 32nd Street, Suite 144 - 10001 New York
www.concurrences.com
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